Sacré
16 pages
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Description

Tout discours sur la catégorie de sacré pose un problème de méthode, car celle-ci se présente d'emblée sous une double face. Pour l'homme de science, elle constitue un concept analytique qu'il applique, avec plus ou moins de bonheur, à l'étude des faits religieux. L'homme de foi, pour sa part, y voit un mystère qu'il approche en tremblant et en fonction duquel il oriente sa vie

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Date de parution 27 juin 2016
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EAN13 9782341004640
Langue Français

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ISBN : 9782341004640
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Sacré
Introduction
Tout discours sur la catégorie de sacré pose un problème de méthode, car celle-ci se présente d’emblée sous une double face. Pour l’homme de science, elle constitue un concept analytique qu’il applique, avec plus ou moins de bonheur, à l’étude des faits religieux. L’homme de foi, pour sa part, y voit un mystère qu’il approche en tremblant et en fonction duquel il oriente sa vie. À vrai dire, les choses ne sont pas aussi tranchées, car le premier peut aussi être homme de foi et avoir bien du mal alors à faire taire sa conscience religieuse quand il applique le concept de sacré à d’autres religions. À l’inverse, la foi de certains de nos contemporains doit beaucoup aux études que les hommes de science du début du XX e  siècle ont développées sur le sacré. Mais, même si le partage des rôles n’est pas sans nuances, on peut lui accorder une certaine valeur, au moins de méthode, et s’autoriser, par conséquent, à envisager le sacré par le biais de deux approches distinctes, qui correspondent à ces deux « rôles » anthropologique et théologique. Quant aux nuances, on les percevra aisément à la lecture des deux textes ci-dessous, dans la mesure où chacun d’eux, s’il traite en priorité d’un point de vue sur le sacré, est naturellement amené à faire une place à l’autre point de vue.

E.U.
1. La notion de sacré et la réflexion anthropologique
Parler du sacré, c’est parler d’un mot autant que d’une réalité ; c’est même, plus précisément, se demander s’il y a bien derrière ce mot une réalité ou une notion bien circonscrite que l’ anthropologie puisse utiliser aujourd’hui. Autant que les manifestations dans diverses sociétés d’un sacré dont l’existence comme réalité autonome est précisément à démontrer, on examinera ici les principaux textes qui ont donné au mot « sacré » ses lettres de noblesse scientifiques. Ces textes sont pour l’essentiel des textes anthropologiques, car si le mot, après bien des réticences, a aujourd’hui acquis droit de cité dans les travaux des théologiens, le substantif « sacré », ou plus précisément le passage d’un adjectif à un substantif, provient plutôt des anthropologues, et même, pour une grande part, d’Émile Durkheim et de son école. On verra que ce long travail d’élaboration théorique a dans une large mesure consisté à confondre des réalités que certaines sociétés conjoignent effectivement, mais que d’autres maintiennent séparées ou ignorent. Il n’est donc pas sûr qu’on puisse faire état, du moins dans des travaux à prétention scientifique, d’une réalité qu’on pourrait appeler « le sens du sacré » et dont les diverses religions offriraient différentes réalisations. La plupart des anthropologues, et certains théologiens, ont pris depuis longtemps conscience de la fragilité épistémologique de la notion, de sorte qu’un discrédit général a été jeté sur elle. Nous ne nous limiterons néanmoins pas à ce constat négatif et nous demanderons si certaines des intuitions qui ont présidé à ce travail d’élaboration justement contesté aujourd’hui ne sont pas encore utilisables et si des réalités que les sociétés conjoignent ou séparent, selon les cas, ne sont pas encore dignes d’étude.
• La double définition de Durkheim
L’usage du terme « sacré » a pris une importance particulière dans l’ambiance évolutionniste du XIX e  siècle et du début du XX e , à un moment où les chercheurs se préoccupaient de trouver une notion mère d’où faire dériver tous les faits religieux ou magico-religieux. La notion de divinité ne pouvait convenir, pensait-on, car des religions importantes, tel le bouddhisme, se passent de dieux et, de plus, les religions de certaines populations qu’on jugeait particulièrement primitives, comme les aborigènes australiens, semblaient faire peu de cas des divinités personnelles. Le culte des âmes ou le culte des ancêtres, retenus par certains comme faits premiers, ont été récusés par d’autres, dans des discussions qui furent en leur temps très vives. C’est le sacré, comme principe impersonnel et diffus, qui a fini par fournir cette notion mère, aux côtés d’autres notions comparables. Le mot sacré est, dans certaines études de l’époque, plus ou moins synonyme de « religieux », comme il apparaît par exemple dans une formule d’Henri Hubert, qui fait du religieux « l’administration du sacré ». S’il s’était limité à cela, le recours à ce mot n’aurait fait que déplacer le problème, car le sacré n’aurait pu alors être considéré comme la racine du religieux, sinon au prix d’un cercle vicieux. Mais d’autres auteurs ont mis derrière ce mot des réalités qu’ils définissaient sans avoir recours à ce qu’on appelle habituellement le religieux, ce qui supprimait le cercle vicieux. Évoquons quelques-unes de ces définitions.
Un examen des Formes élémentaires de la vie religieuse de Durkheim, dont la première publication date de 1912, s’impose ici, car, si cet ouvrage n’est pas le premier où le sacré est considéré comme une notion opérante, on y voit converger plusieurs recherches, jusque-là éparses, traitant de notions auxquelles on appliquait le mot de sacré ou d’autres mots issus de langues indigènes. Il se présente à la fois comme une étude des religions australiennes et comme une recherche du fondement sociologique du religieux. En réalité, les données australiennes n’y apparaissent que pour illustrer une thèse qui s’est peu à peu élaborée, de façon autonome, dans les travaux précédents de l’auteur, de sorte qu’on peut dire que ce livre est aussi bien un vaste traité sur le sacré. Or on constate justement que le terme y recouvre des notions très distinctes, dans une variation de sens qui résume assez bien l’évolution de l’école durkheimienne au tournant du siècle.
Le livre s’ouvre sur une formule devenue célèbre, où les choses sacrées sont définies comme « celles que les interdits protègent et isolent » ; les choses profanes étant « celles auxquelles ces interdits s’appliquent et qui doivent rester à l’écart des premières ». Le sacré est défini ici sans faire appel à ce qu’on considère usuellement comme relevant du religieux, de sorte que l’auteur peut dire, sans tomber dans un cercle vicieux, que le religieux est la gestion du sacré ainsi défini. Cette formule provient, au prix d’un gauchissement significatif, des travaux que l’anthropologue écossais William Robertson Smith a, à la fin du XIX e  siècle, consacrés à la religion des sémites. Cet auteur avait remarqué que, chez les anciens Hébreux et les Arabes de l’anté-islam, les objets ou les êtres consacrés à la divinité, tels que les sanctuaires ou les offrandes sacrificielles, sont en général l’objet de certains interdits, comme le sont par ailleurs les objets ou les êtres impurs ( unclean ). Ce sont les premiers qu’il qualifie de sacrés ( holy ) et, pour lui, le terme est synonyme de « consacré à, appartenant à la divinité ». LR

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