Une multitude d’amis

Frère John De Taizé

Description

Dans un monde marqué toujours davantage par le profit, le rendement et la consommation, l’amitié reste pour beaucoup un lieu où s’affirme notre humanité. Or, Jésus ne nous dit-il pas : « Je vous appelle amis » ?

Ce livre emprunte le concept d’amitié universelle pour éclairer le message évangélique. Il commence avec la question, « Quelle est la spécificité de la foi chrétienne ? », ce qui fait découvrir la notion de communion et donc l’importance du rassemblement des croyants en Église. Il explore ensuite l’amitié et les transformations que celle-ci a subies sous l’influence du christianisme. Le chapitre suivant est consacré à l’aventure de Taizé et de son fondateur, prise comme parabole de ce que pourrait être un vaste tissu d’amis, réunis à cause du Christ et de l’Évangile. Finalement, à partir de cet acquis, l’auteur essaie de tirer quelques conclusions pratiques pour la vie des chrétiens dans la période actuelle.

Au sein d’une civilisation planétaire qui cherche son identité et son unité, l’Église chrétienne peut jouer un rôle irremplaçable si elle redécouvre sa vocation essentielle. Présence du « Christ de communion » au cœur du monde, elle est appelée à être en tout lieu un ferment d’amitié avec Dieu et entre les humains. En vue de cela il n’y a qu’une voie, un retour aux sources.

Sujets

• Philosophie et théologie
• Ecclésiologie
• Église

Informations

• Publié par: Les Presses de Taizé
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782850403569
• Langue: Français

Extrait

Frère John, de Taizé
Une multitude d’amis
Réimaginer l’Église chrétienne
à l’heure de la mondialisation
Les Presses de Taizé
ISBN 978 285040 356 9
© Ateliers et Presses de Taizé, 2011
71250 Taizé, France, tél : [phone]
[e-mail] www.taize.fr
Du même auteur
Le chemin de Dieu.
Étude biblique sur la foi comme pèlerinage
(Les Presses de Taizé, 1983, 1990)
Le chemin du Christ.
Le pèlerinage de la foi dans le Nouveau Testament
(Les Presses de Taizé, 1987)
Notre Père…
Un itinéraire biblique
(Brepols & Taizé, 1991, Les Presses de Taizé, 2004)
La Nouveauté et l’Esprit.
Introductions bibliques
(Brepols & Taizé, 1994)
L’aventure de la sainteté.
Fondements bibliques et perspectives actuelles
(Les Presses de Taizé, 1997)
Tout près de la source.
Jésus et la Samaritaine
(Les Presses de Taizé, 1999)
Vers une terre de liberté.
Une relecture des dix commandements
(Les Presses de Taizé, 2002)
Je suis le Commencement et la Fin.
Récits bibliques de création et visions de l’accomplissement
(Les Presses de Taizé, 2007)
Pour l’amour de mes frères, de mes amis,
je veux dire : paix sur toi !
Pour l’amour de la maison du Seigneur notre Dieu
je prie pour ton bonheur !
(Psaume 122, 8-9)
Des croyants de plus en plus nombreux
s’adjoignaient au Seigneur,
une multitude d’hommes et de femmes.
(Actes 5, 14)
L’inspiration pour ce livre vient d’une expérience personnelle. Voici quelques années, je voyageais, seul, en Italie. J’allais rendre visite, comme d’habitude, à des groupes de jeunes que nous connaissons, pour continuer une recherche commune à travers des moments de prière et de partage. Étant donné que je me trouvais dans une ville différente presque chaque jour, il n’était pas rare d’entendre des remarques telles que « Ce doit être difficile pour vous d’entreprendre un tel voyage. Ne vous sentez-vous pas seul, loin de votre communauté ? »
Une telle pensée ne m’étant jamais venue à l’esprit, j’avais l’habitude de répondre : « Me sentir seul ? Mais dans chaque endroit je suis accueilli par tant d’amis ! »
Des amis partout… À la réflexion, je me suis dit que les jeunes et moins jeunes que je rencontrais n’étaient pas mes amis à titre personnel, mais bien à cause des expériences partagées à Taizé et dans d’autres rencontres, où l’on cherche à approfondir la foi chrétienne et à découvrir le sens d’être ensemble à cause du Christ. Jésus, d’ailleurs, ne dit-il pas à ceux qui l’accompagnaient : « Je vous appelle amis » (Jean 15, 15) ? Si nous sommes tous des amis de Jésus, me suis-je dit, nous sommes aussi, forcément, des amis les uns des autres. Cette intuition m’a donc amené à m’intéresser au thème de l’amitié comme approche pour mieux comprendre le message de Jésus Christ.
Certes, l’amitié en tant que telle ne joue pas un rôle majeur dans la Bible. Dans le Nouveau Testament, pour décrire les liens entre les croyants, elle est largement éclipsée par d’autres images, empruntées notamment à la vie familiale, mais aussi au corps humain, à la construction d’un édifice, et ainsi de suite. Le thème de l’amitié est pourtant là, caché un peu sous la surface. Il rejaillit toujours durant toute l’histoire du christianisme. De nos jours, au sein d’une civilisation où presque toutes les institutions sont en crise, l’amitié parle peut-être davantage que certaines autres formes de relations humaines. La jeunesse, en tout cas, semble encore à l’affût de l’amitié. Même si celle-ci risque d’être dénaturée ou travestie par une société qui exalte exclusivement le profit, le rendement et la consommation, pour le moment elle reste – avec la famille et peut-être plus encore que cette dernière – l’un des refuges où s’affirme encore notre humanité dans un monde en maints égards en voie de déshumanisation.
L’amitié que beaucoup découvrent à Taizé et dans des autres expériences semblables a toutefois un caractère spécial : elle n’est pas limitée à un petit groupe qui a en commun les mêmes origines et les mêmes convictions. En cela aussi elle correspond à un trait de notre monde contemporain. Que nous le voulions ou non, nous sommes tous impliqués dans un vaste processus appelé couramment mondialisation. Si l’humanité est en train de découvrir de plus en plus son unité, ne manifeste-t-elle pas par là une dimension déjà implicite dans la foi chrétienne ? Il se peut, alors, que les évolutions de la société humaine actuelle nous aident à saisir plus clairement certains aspects appartenant de droit à notre propre héritage spirituel, à hausser notre imagination au niveau de notre foi. Une telle possibilité a été indiquée par les paroles attribuées à Jean XXIII sur son lit de mort : « Ce n’est pas l’Évangile qui a changé, c’est nous qui commençons à le mieux comprendre. » Dans ce cas-là, par un effet de rétroaction ou de boomerang, il est à espérer que la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, redécouverte dans toute son ampleur et toute sa beauté, puisse donner une orientation positive aux aspirations contemporaines vers une seule famille humaine.
Ce livre veut donc éclairer le message chrétien à partir du concept, paradoxal en termes humains, d’amitié universelle. Il commence avec la question, « Quelle est la spécificité de la foi chrétienne ? », ce qui fait découvrir la notion de communion et donc l’importance du rassemblement des croyants en Église. Ensuite, il explore l’idée de l’amitié et les transformations que celle-ci a subies grâce au christianisme. Le chapitre suivant est consacré à l’aventure de Taizé et de son fondateur, prise comme exemple concret, ou plutôt comme parabole, de ce que pourrait être un vaste tissu d’amis à cause du Christ et de l’Évangile. Finalement, à partir de cet acquis, le livre essaie de tirer quelques conclusions pratiques pour la vie des chrétiens dans la période actuelle.
Ce livre a vu le jour dans une communauté monastique qui accueille chaque année des dizaines de milliers de jeunes d’origines les plus diverses, à la recherche d’un sens à donner à leur existence. Ce contexte œcuménique et international a déterminé en grande partie son orientation. Si les origines catholique et américaine de son auteur ont évidemment exercé une influence sur sa façon de poser les questions et de chercher des réponses, ces pages ne veulent pas prôner des solutions partisanes mais stimuler une réflexion la plus large possible.
Je tiens ici à remercier Nicole Clériot, qui, encore une fois, s’est dépensée pour faire en sorte que mes phrases correspondent aux canons de la langue française.
Au commencement de ce nouveau siècle, nous avons parfois l’impression que notre monde est engagé dans une longue période de transition, dont on voit encore mal l’issue. La conviction exprimée ici est que l’Église chrétienne, dans la mesure où elle comprend son identité en tant que réseau universel d’amitié, peut jouer un rôle hautement bénéfique au sein d’une civilisation mondiale qui cherche comme à tâtons son identité et son unité. En vue de cela, il n’y a qu’une voie, le retour aux sources.
Taizé, le 20 août 2010
I
La foi chrétienne 1
Avant d’examiner l’importance de l’amitié et sa relation avec l’Église, nous devons nous attaquer à une question beaucoup plus fondamentale. Qu’est-ce qui définit de manière spécifique la foi chrétienne que nous professons ? Est-ce le baptême, le credo qu’on récite parfois, ou telle ou telle valeur morale ? Est-ce certaines pratiques déterminées, par exemple le fait d’aller à l’église le dimanche matin ? Est-ce des idées particulières concernant le monde ou l’existence humaine ? Commençons notre recherche en essayant de mieux cerner cette question cruciale afin d’y donner une réponse.
Une religion ?
Si on posait cette question à brûle-pourpoint à des gens pris au hasard, on aurait certainement la réponse suivant : le christianisme est une religion , voire une des grandes religions de notre monde.
Cette réponse, pour tout ce qu’elle a d’évident dans l’esprit de beaucoup, reflète essentiellement une vision moderne et occidentale. À propos du mot « religion », le Dictionnaire historique de la langue française explique : « Depuis la première moitié du XII e s., le mot désigne en général une pratique liée à une foi déterminée et