Risques et environnement : recherches interdisciplinaires sur la vulnérabilité des sociétés
577 pages
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Risques et environnement : recherches interdisciplinaires sur la vulnérabilité des sociétés , livre ebook

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Description

Pour réduire les risques naturels et environnementaux, il est nécessaire de développer des connaissances qui tiennent compte des enjeux matériels, environnementaux et humains exposés aux aléas, mais aussi des vulnérabilités cachées, les dispositifs de protection, les politiques d'aménagement du territoire, les comportements ou encore les représentations sociales. Voici un état des lieux des recherches françaises sur la vulnérabilité, qu'elles portent sur le territoire métropolitain ou sur d'autres pays.

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Date de parution 01 avril 2009
Nombre de lectures 4
EAN13 9782296223141
Langue Français
Poids de l'ouvrage 17 Mo

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Extrait

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AVANT-PROPOS LA VULNÉRABILITÉ SOCIÉTALE AUX RISQUES NATURELS ET AUX PROBLÈMES ENVIRONNEMENTAUX : COMPRENDRE POUR RÉDUIRE
1 2 Sylvia BECERRA , Anne PELTIER
« Il se pourrait bien en effet que notre principale vulnérabilité future soit justement notre incapacité à inventer, comme d’autres sociétés l’ont fait, une culture sociale, adulte, démocratique ouverte et pas seulement technique de l’insécurité et de la catastrophe »(Fabiani, Theys, La société Vulnérable, 1987).
L’idée d’une « société vulnérable » caractérisée par Jean-Louis Fabiani et Jacques Theys à la fin des années 80 n’a cessé de se renforcer au cours des dernières décennies. Au plan mondial, la moitié des catastrophes technologiques, naturelles ou environnementales les plus coûteuses pour le secteur de l’assurance recensées depuis 1970 ont eu lieu entre 2001 et 2005, accréditant la thèse d’une société toujours plus 3 « vulnérable » . Il est pourtant admis que d’une part, les aléas « naturels » (inondations, avalanches, cyclones, etc.) n’ont que très faiblement augmenté et restent (pour 4 l’instant) dans les limites de la variabilité naturelle et, d’autre part, que certains
1 Sociologue, chargée de recherche au CNRS (LMTG). Contact : becerra@lmtg.obs-mip.fr 2 Géographe, maître de conférences à L’université de Toulouse. Contact : peltier@univ-tlse2.fr 3 Schiermeier Q., 2005, « Natural disasters : The chaos to come »,Nature, vol. 438. 4 Boorman D.B., Sefton C.E.M., 1997, « Recognising the uncertainty in the quantification of the effects of climate change on hydrologic response »,Climatic Change, 35, pp. 415-434 ; Lang M., Renard B., 2007, « Analyse régionale sur les extrêmes hydrologiques en France : détection de changements cohérents et recherche de causalité hydrologique »,La Houille Blanche, vol. 6, pp. 83-96 ; Mudelsee M., Börngen M., Tetzalff G., Grünewald U., 2003, « No upward trends in the occurrence of extreme floods in central Europe »,Nature, vol. 425, pp. 166-169 ; Prudhomme C., Jakob D., Svensson C., 2003, « Uncertainty and climate change impact on the flood regime of small UK catchments »,Journal of Hydrology, vol. 277, pp. 1-23. ; Renard B., 2006,Détection et prise en compte d’éventuels impacts du changement climatique sur les extrêmes hydrologiques en France, Thèse de doctorat, Institut national Polytechnique de Grenoble, 361 p ;
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phénomènes (sismicité, volcanisme) ne connaissent pas de fluctuations. L’accroissement des risques et catastrophes a donc une double dimension anthropique : il est lié àl’anthropisation des aléas(inondations par ruissellement urbain, par exemple) et àl’accroissement de la vulnérabilitédes sociétés. Mieux comprendre et évaluer lavulnérabilité sociétaleaux risques naturels et aux problèmes environnementaux (inondations, glissements de terrain, séismes, avalanches, pénuries d’eau ou pollutions) reste donc un des enjeux politiques et scientifiques majeurs du nouveau millénaire. Pour réduire les risques, il convient certes de développer des connaissances et des pratiques gestionnaires qui tiennent compte des enjeux matériels, environnementaux et humains exposés à l’aléa mais aussi des vulnérabilités « cachées » dans les modes de gestion du territoire ou de l’environnement, dans les dispositifs de protection, dans les politiques d’aménagement du territoire ou de gestion des risques, dans les comportements ou encore les représentation sociales. Dans cette perspective, parler de vulnérabilitésociétale, plutôt quesociale, permet d’élargir le champ des investigations au-delà des recherches en sociologie 5 déjà nombreuses sur la pauvreté, la vieillesse ou l’insécurité sociale , pour appréhender les autres dynamiques (fonctionnelles, territoriales, urbaines, etc.) qui participent à la fragilisation des sociétés humaines. Dans le même esprit, une telle posture permet de construire des approches interdisciplinaires plus aptes à saisir la complexité des processus dont il est question. La recherche a évolué en ce sens ces dernières années en résonance aux crises et catastrophes qui ont servi de révélateurs des faiblesses et des dysfonctionnements 6 des systèmes organisés , signes d’une société paradoxalement plus vulnérable en 7 dépit de connaissances scientifiques plus importantes . Preuve en est le nombre de thèses de doctorat ou d’habilitation à diriger des recherches qui ont été soutenues en France depuis l’an 2000, la multiplication des séminaires et colloques sur ce sujet, ou même la parution d’appels d’offres de recherche au niveau français (ANR, programmes ministériels) ou européen (FP7) qui s’y réfèrent voire en font leur objet 8 principal . Il ne fait donc plus de doute que la vulnérabilité sociétale est devenue un objet de recherches fondamentales ou appliquées, qu’elle soit étudiée frontalement ou plus indirectement à travers les questions de résilience et d’adaptation des sociétés aux évolutions de leur environnement. En France, ces approches ne sont pourtant pas clairement identifiées. Si l’on observe que les travaux se multiplient depuis peu sur ces questions, on peine cependant à cerner les contours d’une communauté scientifique spécialisée. Ainsi,
Renard B., Lang M., Bois Ph., Dupeyrat A., Mestre O., Niel H., Gailhard J., Laurent C., Neppel L., Sauquet E., 2006, « Evolution des extrêmes hydrométriques en France à partir des données observées »,La Houille Blanche, vol. 6, pp. 48-54. 5 Robert Castel, 2003,L’insécurité sociale : qu’est-ce qu’être protégé ?, Paris, Seuil, 95 p. 6 J.L. Fabiani et J. Theys soulignent déjà en 1987 le lien direct entre la survenue d’évènements et la construction sociale des risques et de la vulnérabilité ; de même cf. Bernadette de Vanssay, 2006, « Aperçu du développement de la sociologie des catastrophes, 1917-1978 », Responsabilités et environnement, Annales des mines, vol. 43. 7 White, G. F., Kates, R., Burton I., 2001, « Knowing better and losing even more : the use of knowledge in hazards management ».Environmental Hazards, Vol. 3, pp. 81-92. 8 Tels l’appel d’offre ANR « Vulnérabilité Milieux Climat » de 2007 qui est devenu « Vulnérabilité Milieux Climat Sociétés » en 2008, témoignage de l’ouverture des sciences de la vie et de la terre aux questionnements sociétaux.
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plus de vingt ans après l’ouvrage pionnier de Jean-Louis Fabiani et Jacques Theys, « La société vulnérable » (1987), les positionnements théoriques, les méthodes et les applications restent hétérogènes, éparpillés entre une multitude de disciplines (sociologie, géographie, économie, droit, psychologie, etc.) et d’institutions. En sociologie en particulier, la place centrale occupée par les recherches sur la gestion des risques et les situations de crises ces dernières années peut sans doute en partie expliquer le peu de succès de la notion. 9 Pour pallier cette situation, plusieurs laboratoires toulousains se sont associés pour organiser, du 14 au 16 mai 2008, le colloque interdisciplinaire «Vulnérabilités sociétales, risques et environnement : comprendre et évaluer» qui s’est tenu à l’Université de Toulouse - Le Mirail. Le pari était de mieux identifier cette communauté scientifique et de faire le point sur les recherches portant sur la vulnérabilité sociétale, versus adaptation ou résilience des sociétés face aux risques naturels et aux problèmes environnementaux. L’un des défis était d’attirer sur ce terraina prioritrès connoté « sciences humaines et sociales » des représentants des sciences dites « dures ». Le colloque a été un franc succès par le nombre d’interventions, par la diversité et la richesse des débats qu’il a suscités, par la valorisation des connaissances existantes ou en cours de construction qu’il a permise, ainsi que par la mise en réseau de chercheurs de disciplines différentes sur le territoire métropolitain et au-delà. Cet ouvrage est un des produits de ce colloque même s’il rassemble une partie seulement des communications qui y ont été présentées. Il repose sur une sélection de textes par un comité de lecture, textes permettant de prendre la mesure de l’usage, des pratiques et des analyses scientifiques de la vulnérabilité sociétale, de la résilience et des formes d’adaptations aux risques naturels et environnementaux. L’ouvrage « Vulnérabilités sociétales, risques et environnement » présente un état des lieux des recherches françaises, qu’elles portent sur le territoire métropolitain ou sur d’autres pays. Il rassemble, sans prétention à l’exhaustivité, des approches de sciences humaines et sociales mais aussi de sciences pour l’ingénieur ou de sciences de la terre. A ce titre, il présente des contributions qui accordent une place plus ou moins centrale, plus ou moins opérationnelle, plus ou moins théorique à la question de la vulnérabilité sociétale, une place qui dépend à la fois du positionnement scientifique des auteurs et de leur origine disciplinaire. Son propos est de renouveler les visions scientifiques de la « société vulnérable » décrite au milieu des années 80 en ouvrant aussi largement que possible l’éventail disciplinaire.
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Ce livre n’aurait pu voir le jour sans le soutien du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire ; merci en particulier à Sylvie Charron, responsable des programmes de recherche sur les Risques (mission risque-environnement-santé). Nous remercions également l’ensemble des auteurs de cet ouvrage et plus largement toutes les personnes et institutions qui ont participé au succès du colloque dont il est issu. Merci aussi à celles et ceux qui, de près ou de loin, ont inspiré nos
9 Le LMTG (Université Paul Sabatier ; CNRS ; IRD), le GEODE (Université Toulouse Le- Mirail ; CNRS) et le CERTOP (Université Toulouse Le- Mirail ; CNRS)
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réflexions sur ce sujet. Nous remercions particulièrement nos collègues pour leur participation et conseils avisés durant le colloque et après : Pierre Mazzega, Jean-Marc Antoine, Jean-François Galtié, Claude Gilbert, Hamath Dia, Aurélie Roussary, Olivier Notte, Gabriela Pfeifle, Elise Beck, Chloé Valette, Michel Lang, Jean-Paul Métailié et Eric Maire. Merci également à celles qui ont contribué matériellement à la fabrication de cet ouvrage : Charline Marcos, Lauriane Boulp et Magali Bertrand. Enfin, nos remerciements vont aussi aux membres du comité de lecture de cet ouvrage : Freddy Vinet, Jean-Christophe Gaillard, Jean-Yves Nevers, Stéphane Cartier et Salvador Juan, directeur de la collectionSociologies et environnementà L’Harmattan. A Toulouse, le 21 décembre 2008.
S. Becerra et A. Peltier
INTRODUCTION MAITRE DU MONDE OU MAITRE DE SOI ?
Stéphane CARTIER, Freddy VINET, Jean-Christophe GAILLARD
Les risques identifiés à des phénomènes naturels sont une leçon renouvelée de modestie scientifique et politique. Les populations humaines s’organisent pour survivre à différentes menaces biologiques ou physiques, dont elles observent les mécanismes dans l’espoir de les contrôler. Pour comprendre et s’adapter, les civilisations écrites ont progressivement adopté une analyse scientifique des phénomènes, mesurés et enregistrés. Ce logos lie intimement connaissance et action, mais aussi analyse du passé et projection sur l’avenir. Le calcul de probabilité lié à la récurrence des phénomènes permet d’organiser et de proportionner différents modes de prévention, de protection (des digues) ou de réparation (des assurances). Vécu comme un chaos physique, social et psychologique, l’événement catastrophique est analysé scientifiquement pour modéliser ses propriétés physiques et sociales stables. La rationalité de l’interprétation est limitée par les nombreuses lacunes d’information et erreurs de calcul, mais aussi par la possibilité d’une transformation globale du système physique, liée à une évolution naturelle ou à des modifications anthropiques. Depuis l’Anthropocène, l’activité humaine génère des phénomènes physiques nouveaux, amplifie certaines composantes, s’expose dangereusement à un impact. Esclave laborieux de la nature, l’humanité peine à maîtriser le monde et sa vulnérabilité biologique et sociale. Des solutions passées nuisent au présent ou à l’avenir. De protectrice, l’urbanisation peut devenir vulnérable, voire menaçante quand des villes nouvelles écrasent leurs habitants et les transformations perturbent l’écosystème. L’équation instable des risques est composée des interactions systémiques entre phénomènes naturels aléatoires et adaptations sociales aux vulnérabilités. Etudier des configurations de risque nécessite une analyse scientifique des sites naturels et des situations sociales. L’adaptation des populations compose avec les rigueurs naturelles et les contraintes sociales inscrites dans la complexité territoriale en développant des connaissances et des pratiques qui évoluent selon les configurations locales. Nécessaire, l’observation des phénomènes suppose aussi une analyse des vulnérabilités, des capacités d’adaptation des populations, de leur éventuelle résilience aux catastrophes. Le « Zoon Politicon », l’animal nécessairement social
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INTRODUCTION
d’Aristote, ne peut survivre sans organiser les relations entre ses membres. Les interdépendances entre activités placent la solidarité au cœur de la mitigation des risques identifiés à des phénomènes naturels.
1. Comprendre l’aléa et la vulnérabilité pour une mitigation humaniste des risques
Le colloque « vulnérabilités sociétales, risques et environnement : comprendre et évaluer) » tenu à Toulouse en mai 2008 a marqué l’importance de l’approche sociale et humaniste pour comprendre, évaluer et gérer les risques et catastrophes, indépendamment de la nature des aléas. Le comportement des populations est en effet encore trop souvent pensé en fonction des menaces naturelles selon leur rareté et magnitude extrême. La réaction des individus est alors conditionnée par leur perception du risque (Kates, 1971 ; Burton et alii, 1978). La prudence ou l’exposition seraient mécaniquement adaptées à la conscience du danger. Considérées comme des anormalités sociales, les catastrophes imposent alors une protection technique des populations passives : endiguement, planification de l’occupation du sol selon la magnitude et la probabilité d’occurrence des phénomènes, campagnes d’information, mesures d’urgence, etc. Aléa-centrée, cette approche technique et institutionnelle découle des sciences de l’ingénieur, de la terre et du climat sans intégrer les facteurs sociaux de vulnérabilité. Observateurs de situations dramatiques, les anthropologues africanistes français, comme Copans et Meillassoux réfutent le paradigme dominant l’interprétation et la réduction des risques (Copans, 1975 ; Comité Information Sahel, 1975). Dans le contexte francophone, les travaux de Hocquenghem et Schlüpmann (1978) sur le «classquake» du Guatemala en 1976 participent également à cette réflexion. En parallèle, de nombreux chercheurs anglo-saxons, tels O’Keefe et al. (1976) ; Waddell (1977), Wisner et al. (1977) et Torry (1979) s’opposent à l’approche aléa-centrée. Dans son ouvrage fondateur, « Interpretations of Calamity », Ken Hewitt (1983) balise l’approche parfois qualifiée de « radicale ». Ces travaux concordent aussi avec ceux d’Amartya Sen (1983) sur les famines. Tous relativisent le rôle de la nature dans la survenue des catastrophes (Hewitt, 1983 ; Cannon, 1994 ; Wisner et al., 2004) et pointent plutôt du doigt le rôle du mal développement dans les désastres qui accentuent la vulnérabilité quotidienne des victimes et traduisent leur marginalisation géographique, leur pauvreté, leur appartenance à des groupes sociaux minoritaires et leur domination politique. La moindre perturbation climatique (froid, sécheresse, canicule, inondation) exacerbe d’autres formes de crises : pauvreté, conflits armés, sans abris, isolement, vieillesse. La vulnérabilité quotidienne dramatise tout phénomène naturel (Maskrey, 1989 ; Wisner, 1993 ; Gaillard, 2007). Maîtriser les risques par les aléas ne concerne pas seulement les phénomènes extrêmes mais traduit un investissement progressif de l’Etat dans la protection par l’innovation technique (Cartier, 2002 ; Borraz, 2008) lié à une légitimité prométhéenne et poliorcétique (Quenet, 2005 ; Cœur, 2003). Par exemple, par tradition, l’Etat français se focalise sur le risque majeur caractérisé par une faible probabilité d'occurrence et une gravité de la vulnérabilité (séisme, cyclone, etc.). L’Etat laisse le risque ordinaire, plus quotidien, banal, diffus et peu visible
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