Au Japon - Notes et souvenirs
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Au Japon - Notes et souvenirs , livre ebook

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Description

En pleine mer. — On revoit la terre. — Le Fouzi-yama. — Arrivée à Yokohama.Je ne crois pas qu’il y ait d’impression comparable à celle qu’on éprouve en revoyant la terre après une très longue traversée en pleine mer. On a hâte, dès que la côte est en vue, de quitter la mouvante prison dans laquelle on s’est senti trop longtemps captif, de voir d’autres visages et de frayer avec d’autres gens que ceux avec qui l’on a fait route. On croit les prairies plus vertes, les rues plus animées, les femmes plus jolies qu’au moment du départ : on soupire en un mot après le vulgaire « plancher des vaches ».Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346124312
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Arthur de Claparède
Au Japon
Notes et souvenirs
Les NOTES ET SOUVENIRS ci-après, publiés dans le Semeur, d’avril à octobre 1889, ont fait l’objet de trois conférences données à Genève, à l’Athénée, les 5,11 et 18 décembre 1888, sous les auspices de la Société de Géographie de Genève.
Ces conférences ont été répétées à Lausanne, dans la grande salle des Concerts du Casino-Théâtre, les 7, 10 et 14 janvier 1889.
CHAPITRE PREMIER
ARRIVÉE AU JAPON
En pleine mer. — On revoit la terre. — Le Fouzi-yama. — Arrivée à Yokohama.
 
Je ne crois pas qu’il y ait d’impression comparable à celle qu’on éprouve en revoyant la terre après une très longue traversée en pleine mer. On a hâte, dès que la côte est en vue, de quitter la mouvante prison dans laquelle on s’est senti trop longtemps captif, de voir d’autres visages et de frayer avec d’autres gens que ceux avec qui l’on a fait route. On croit les prairies plus vertes, les rues plus animées, les femmes plus jolies qu’au moment du départ : on soupire en un mot après le vulgaire « plancher des vaches ». Cette impression n’est pas toujours durable. Les rumeurs de la ville m’ont fait souvent regretter les solitudes de la haute mer. J’aime le bruissement des vagues et le sifflement du vent dans les hunes, et ce n’est jamais sans émotion que je me rappelle les nuits étoilées, où, sur le tillac d’un navire, coquille de noix perdue sur l’immensité de l’océan, je laissais flotter ma rêverie, bercé par l’ineffable harmonie des mers. Je n’en ai pas moins éprouvé une joie presque enfantine chaque fois que j’ai vu la terre après une longue traversée. La côte la plus aride paraît alors riante et laisse, pour peu qu’elle soit vraiment belle, un souvenir qui ne s’efface plus. Tel est en particulier le cas de l’arrivée au Japon lorsqu’on vient d’Amérique.
C’était le matin du 30 novembre. L’Alaska de la Pacifie Mail Steamship C° avait quitté San-Francisco le 1 er , et nous n’avions plus vu, dès lors, que le ciel et l’eau. Ceci à la lettre, car sauf les Farallones, à quelques milles au large de San-Francisco, il n’y a aucune île entre la côte de la Californie et celle du Japon. Nous n’avions pas aperçu le moindre navire, vapeur ou voilier, durant tout le voyage. Nous n’avions pas même rencontré, comme c’est le cas d’ordinaire, le paquebot venant du Japon, ce bâtiment ayant encore suivi l’itinéraire d’été, à deux ou trois degrés de latitude au nord de notre route.
Le vent soufflait du nord-ouest depuis le 29 au soir ; il avait fait rage pendant toute la nuit, mettant ainsi une fois de plus à l’épreuve la solidité de la dunette où se trouvait ma cabine. Le bruit de la rafale doublé par le silence et l’obscurité de la nuit m’avait longtemps tenu éveillé. Je ne dormais que depuis peu, lorsque je fus brusquement réveillé par la voix du premier mécanicien criant que la terre était en vue. Je m’habillai à moitié, j’enfilai un manteau et je m’élançai sur le pont. Je courus sur le gaillard d’avant, où s’étaient déjà réunis les officiers du bord et deux passagers en pantoufles.
A bâbord, on voyait à une assez grande distance, en mer, une île pittoresquement découpée et boisée dans toute son étendue ; dans le lointain, juste en face de nous, à peine visible dans la brume matinale, une pyramide énorme paraissait émerger de l’eau., la distance ne permettant pas encore d’apercevoir la côte. C’était le Fouzi-yama, la montagne sacrée des Japonais, volcan éteint dont le cratère, recouvert de neige, s’élève à plus de trois mille sept cents mètres dans les airs. Tout à coup, le soleil sortant de l’océan vint inonder le Fouzi-yama de ses premiers rayons et fit bientôt resplendir à nos yeux le sol mystérieux de l’empire du Soleil Levant. Un cri d’admiration s’échappa de la poitrine des passagers qui peu à peu s’étaient rassemblés sur le pont. C’était beau comme un rêve.
En approchant de la terre on distingue de nombreuses anses aux rives ombragées. Des maisons apparaissent au milieu des arbres qui s’avancent jusqu’à la mer. Tout est vert, malgré la saison avancée, frais, riant et coquet. Nous croisons un grand nombre de jonques aux voiles carrées en nattes de bambou. L’Alaska contourne lentement les collines boisées de conifères entre lesquels on aperçoit de riches et élégantes villas, et s’en vient enfin jeter l’ancre dans la rade de Yokohama, à peu de distance d’un quai régulier, bordé de belles maisons. Le paquebot est aussitôt entouré d’une multitude d’embarcations montées par des indigènes en costume national. C’est un tel mouvement, un tel va-et-vient, un tel brouhaha que la Corne d’Or, le célèbre port de Constantinople, semblerait tranquille et morne en comparaison.
Les impressions de l’étranger qui arrive au Japon ont été trop souvent et trop bien racontées pour que je veuille essayer de les décrire à mon tour. M. de Hubner a grand raison : « Tout ce qu’on dit reste au-dessous de ce qu’on éprouve en se voyant soudainement transporté dans un monde absolument nouveau. On n’en croit pas ses yeux. A chaque pas qu’on fait on se demande si tout cela n’est pas un rêve, une féerie, un conte des Mille et une nuits. Et la vision est si belle qu’on craint qu’elle ne se dissipe ! » On ne saurait mieux dire. C’est exactement cela. J’avais la sensation d’un songe, dans lequel tout est surprenant, tout est bizarre, tout est original et de la plus charmante originalité.
Ces hommes qui ont l’air de grands enfants rieurs, ces femmes, mignonnes et étranges qui paraissent détachées d’un paravent tout neuf et qu’on voit trottiner sur leurs sandales à semelles de bois, hautes de quinze centimètres, ces petites voitures traînées par des humains à demi vêtus, ces maisonnettes aux toits retroussés, rappelant je ne sais quel décor d’opéra, tout cela fait l’effet d’une fantasmagorie absolument invraisemblable.
Mais avant de tendre la main au lecteur, — si j’en ai, — pour le guider à travers les cités, les plaines, les montagnes, les institutions du Japon et jusque dans la vie privée de ses habitants, peut-être ne sera-t-il pas superflu de lui donner quelques renseignements préalables sur la géographie et sur l’histoire de ce pays.
CHAPITRE II
COUP D’ŒIL GÉOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE
Géographie générale. — Le climat. — La nature. — L’homme. — Les Aïnos et les Japonais. — Les premiers temps de l’histoire. — La féodalité. — Premiers rapports avec les Européens. — Le christianisme au Japon. — La révolution de 1867-68 et ses conséquences.
 
Le Japon est un archipel qui s’étend à l’est de l’Asie, du 24 me au 51 me degré de latitude septentrionale, entre Formose au sud, et le Kamtchatka au nord, sur une longueur de plus de quatre mille kilomètres, tandis que la plus grande largeur de l’île principale n’atteint pas cinq cent cinquante kilomètres.
Le nombre total des îles japonaises est de plus de trois mille huit cents, sans compter les simples îlots, mais quatre de ces îles seulement sont de grandes dimensions. Ce sont, à commencer par le nord, Yézo, Nippon, la plus étendue, à laquelle les Japonais donnent le nom de Hondo, Sikok et Kiousiou. On sait que le Japon s’est vu forcé de céder à la Russie, en 1872, la grande île de Sakhalien, au nord de Yézo, en échange de laquelle il re

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