Curiosités naturelles de la France
65 pages
Français

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Curiosités naturelles de la France , livre ebook

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Description

Argelés, près de Perpignan, 17 mai 1840.Il y a deux mois, mon cher Robert, que nous nous sommes séparés ; tu partais pour passer le printemps auprès de ton aïeule, à Orléans, et moi, tu t’en souviens, j’attendais mon oncle Ethelstan, qui, avant de se rendre sur son vaisseau à la côte de Coromandel, m’avait promis de me faire voyager, à son retour, par toute la France, pour en voir les curiosités naturelles. Avec quelle impatience ai-je attendu ce retour !Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346025244
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Propriété des Editeurs.

Charles Delattre
Curiosités naturelles de la France
CHARLES MÉRY A ROBERT LINCEY

Argelés, près de Perpignan, 17 mai 1840.
Il y a deux mois, mon cher Robert, que nous nous sommes séparés ; tu partais pour passer le printemps auprès de ton aïeule, à Orléans, et moi, tu t’en souviens, j’attendais mon oncle Ethelstan, qui, avant de se rendre sur son vaisseau à la côte de Coromandel, m’avait promis de me faire voyager, à son retour, par toute la France, pour en voir les curiosités naturelles. Avec quelle impatience ai-je attendu ce retour ! Enfin mon oncle est arrivé à Paris il y a trois semaines ; il ne s’est reposé que douze jours, et aussitôt nous avons entrepris ce que j’appelais mon grand voyage l’hiver dernier, et ce que mon oncle appelle, lui, une promenade. En effet, pour un marin qui a fait cinq fois le tour du monde, qu’est-ce qu’une course dans nos quatre-vingt-six départements ? Nous avons traversé la France, de Paris à Perpignan, dans une bonne chaise de poste ; c’est un moyen de transport très rapide, mais qui ne permet guère de s’instruire. Je n’ai donc rien vu, mais ici va réellement commencer notre voyage ; c’est à pied actuellement que nous irons de ville en ville ; une sorte de petit fourgon nous précède et nous attend dans les endroits désignés par mon oncle. Quant à nous, le sac sur le dos comme des soldats, un bon bâton ferré à la main, nous ne portons qu’un léger et indispensable bagage. C’est ainsi que nous avons parcouru les deux myriamètres (5 lieues) qui séparent Perpignan, chef-lieu du département des Pyrénées Orientales, d’Argelès, jolie petite bourgade située dans une belle vallée sur la frontière, à quelques kilomètres de l’Espagne.
 
Oh ! mon ami ! quel admirable spectacle ! de la table où je t’écris, j’ai devant les yeux les Pyrénées : je vois cette chaîne imposante entasser ses sommets les uns sur les autres, et le Canigou, comme un géant chargé de siècles, élever sa tête blanche au-dessus des nuages, et dominer orgueilleusement tous les monts qui sont comme couchés à ses pieds. Toi, mon cher Robert, qui est si plein de nos classiques, si tu étais ici, tu comparerais ce mont sourcilleux à l’immense Polyphème assis au milieu de son gigantesque troupeau.
Oh ! si je pouvais te peindre la sensation extraordinaire que l’on éprouve en voyant cette barrière prodigieuse que la nature a élevée entre notre patrie et l’Espagne, tu partagerais au moins les impressions que je ressens. Mais comment représenter cette masse qui semble limiter l’univers et confondre la terre avec le ciel ? comment décrire les effets incroyables de la lumière sur ces pieds glacés ? Tantôt dégagés de vapeurs, frappés directement par les rayons du soleil, ils semblent être les coupoles de diamants des palais des génies révés par la poétique Asie. Tantôt les sommets s’ensevelissent au sein des vapeurs épaisses qui prennent les formes les plus étranges, et la base des monts se nuance d’une teinte d’un bleu grisâtre, qui quelquefois se transforme en un bel azur sur lequel la vue se repose avec délices. Comme là éclate admirablement la toute puissance de Dieu ! Demain nous pénétrerons dans les sinuosités de ces monts, nous en suivrons toute l’étendue depuis la Méditerranée jusqu’à l’Océan ; je dessinerai les sites les plus remarquables, et nous reverrons ensemble, mon excellent ami, les points de vue les plus pittoresques, ce sera pour moi un nouveau bonheur que de raviver mes souvenirs, et de me rappeler près de toi, en regardant mes dessins, mes jouissances actuelles. Adieu, cher Robert, fais en sorte que ta famille et nos amis ne m’oublient pas.
CHARLES A ROBERT

Prades (Pyrénées-Orientales), 21 mai 1840.
Je suis harassé de fatigue, mon cher Robert, mais aussi nous venons de mener à bonne fin une entreprise qui a réellement ses dangers. Nous descendons du sommet du Canigou ! Pense donc, une élévation de 2,784 mètres ? Il faut gravir au milieu de roches de granit glissantes, aiguës ; la base de la montagne est bien cultivée, certaines parties sont couvertes de pâturages, d’autres sont abritées par de belles forêts ; lorsqu’on s’est élevé jusqu’à 1,600 mètres, on ne rencontre plus que quelques chênes, des hêtres en petit nombre, mais les bouleaux et les pins y sont magnifiques. A 1,800 mètres le bouleau dégénère, à 2,300 mètres on ne trouve plus que des plantes herbacées, c’est là que commencent les grandes difficultés de l’ascension. Comme les chaleurs ne se sont pas encore fait sentir, le haut de la montagne est entièrement couvert de neige ; dans cette saison les avalanches sont fréquentes ; notre guide ne voulait pas aller plus loin, mais mon oncle, qui ne craint rien, a voulut s’asseoir sur le sommet même du pic le plus élevé ; je dis du pic, parce que le Canigou en a quatre qui se réunissent à leur base. Avec des peines infinies, nous sommes enfin parvenus à nous établir sur la cime du pic le plus haut.
Nous étions assis sur la neige, le froid était très vif ; mais quel point de vue pour nous dédommager de tant d’efforts ! A notre gauche la Méditerranée, à droite la chaîne entière des Pyrénées, dont nous comptions tous les points culminants : le pic du Midi, le Mont-Maudit, le Marboré, le Mont-Perdu. Devant nous, deux départements tout entiers, l’Aude et l’Ariége ; derrière ; l’Espagne. En regardant à nos pieds, s’ouvrait menaçant, et comme pour nous engloutir, un torrent écumeux qui bondissait de rochers en rochers. Je t’avoue qu’au premier abord, la tête m’a tourné, et j’ai été obligé de fermer les yeux et de me rassurer avant d’oser envisager la profondeur de cet abîme.
Nous avons éprouvé moins de peine pour descendre, et nous nous sommes reposés quelques heures dans un hameau du nom de Vernet, qui gît au pied du mont. A peu de distance, une source d’eau sulfureuse bouillante s’échappe entre les rochers. De Vernet, nous avons pris la route de Prades, mais le guide nous a fait écarter de la direction la plus courte pour nous faire voir deux grottes très curieuses ; l’une d’elles se nomme la grotte de Sirac.
Nous avons été obligés d’y rentrer en rampant, et de suivre le guide dans un couloir où le jour ne pénètre pas, sans cependant avoir de lumière, puisqu’il faut avancer sur les pieds et sur les mains. Ce trajet, exécuté à la manière des renards, se prolonge pendant un kilomètre environ.
Comme nous étions au milieu de cet aimable voyage, nous entendîmes un bruit singulier qui nous fit suspendre notre marche. Il m’était bien impossible de définir ce que c’était : tantôt on aurait affirmé, que l’on entendait les grondements d’une trentaine d’ours irrités ; tantôt qu’un torrent tombait en cascade sous terre. Notre guide assura que c’était des voix humaines dont l’écho augmentait le son. Le couloir étant trop étroit pour se retourner, puisque nous voyagions comme dans un tuyau, bon gré mal gré il fallut continuer. Le guide me rassurait en affirmant qu’il n’y avait là quo des voyageurs qui, comme nous, visitaient la grotte Nous avançâmes donc plus vite, de crainte qu’ils ne s’engageassent dans le couloir. Bientôt la clarté des torches éclaira l’intérieur du conduit.
A peine le guide s’était-il relevé, qu’il poussa un cri d’effroi ; je venais après lui, et, je l’avoue, je m’arrêtai. Mais mon oncle, impatient, me poussa si rudement qu’il me lança sur le sable hors du couloir. Un homme presque noir, sec, mais vigoureux ; d’une mise et d’une figure étranges, me saisit au collet et me mit sur pied ; je pus voir alors le guide entraîné par deux autres figures non moins étranges, et mon oncle prenant son ton de commandement, crier à plusieurs qui voulaient se jeter sur lui de ne point avancer.
Tu ne saurais, mon cher Robert, te représenter ni la scène, ni le lieu. Le théâtre de notre tragique aventure était une salle naturelle immense, éclairée par des torches que portaient des candél

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