En Bretagne - De Berne à Belle-Isle
88 pages
Français

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En Bretagne - De Berne à Belle-Isle , livre ebook

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Description

31 juillet 1892.Il n’est certes pas de moment plus agréable dans la vie que celui où, libre de tout souci, dégagé des mille préoccupations de l’existence quotidienne, on se présente au guichet d’une gare pour acheter le droit de faire un on deux mille kilomètres sur la banquette rembourrée d’un wagon de deuxième classe. D’aucuns ont médit des chemins de fer ; moi, je les adore et j’en aime jusqu’à l’odeur des locomotives ! Oh ! la délicieuse sensation de s’en aller vers l’inconnu.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346032198
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Émile Bessire
En Bretagne
De Berne à Belle-Isle
A MADAME MARIE GREY
I
Entre Paris et St-Malo
31 juillet 1892.
Il n’est certes pas de moment plus agréable dans la vie que celui où, libre de tout souci, dégagé des mille préoccupations de l’existence quotidienne, on se présente au guichet d’une gare pour acheter le droit de faire un on deux mille kilomètres sur la banquette rembourrée d’un wagon de deuxième classe. D’aucuns ont médit des chemins de fer ; moi, je les adore et j’en aime jusqu’à l’odeur des locomotives ! Oh ! la délicieuse sensation de s’en aller vers l’inconnu. Si j’avais à faire mon paradis, j’y placerais à coup sur une voie ferrée, sur laquelle il n’y aurait que des rapides, partant toujours pour des pays nouveaux ; et, de cette façon, il me semble que l’éternité n’aurait plus rien d’effrayant, surtout avec d’aimables compagnons de voyage.
Cette année, une occasion superbe s’est offerte pour moi de réaliser enfin un rêve depuis longtemps caressé. Je vais en Bretagne. Quand, pour la première fois, j’eus dévoré Mon frère Yves, je fus tout un hiver tourmenté de l’idée d’aller retrouver là-bas quelques-unes des impressions que Pierre Loti, ce grand charmeur, m’avait fait éprouver. Voir le Creizker, Paimpol, Goulven, les bruyères roses, les genêts d’or, les chaumières moussues, les chemins creux sous le couvert des chênes, puis la mer, cette mer de Bretagne toute parsemée d’îles et de récifs, où les monstrueuses vagues de l’océan viennent se briser, Brest et ses matelots, le Morbihan, ses menhirs et ses mausolées, les vieilles cathédrales, les pèlerinages, les pardons, les Bretons et les binious, tout ce pays merveilleux où l’on croit encore aux miracles, aux sorciers, au mauvais œil, cette terre de Bretagne si riche en souvenirs de toutes sortes, et qui dort maintenant dans la paix profonde que lui a donnée le siècle de la vapeur et de l’électricité !....
En vérité, elle est bien lente, cette locomotive qui, en quelques heures, n’a pu que m’amener de Berne à Paris.
Paris ! Paris !.... Qu’est-ce que cela me fait ? Paris ne me dit plus rien, depuis que j’ai Bretagne en tête ; Paris m’ennuie, m’agace ; Paris ne vaut pas une messe que j’entendrai en Goulven, un clair de lune dans les alignements de Carnac, un air de biniou, une prunelle cueillie au bord du chemin. Paris m’est indifférent, je lu brille. Et me voilà filant à toute vapeur vers St-Malo. Plus le but est proche, plus augmente mon impatience. Blotti dans le coin du coupé, je songe à ce qui va m’advenir. Serai-je désillusionné ? Cette idée que je cours peut-être au devant d’un mensonge me trouble un instant et me serre le cœur. Le mot de Renan : Qui sait si la vérité n’est pas triste ? me poursuitet m’obsède. Eh bien, qu’importe ! Je veux savoir, je saurai, et si je perds une illusion, tant pis pour moi, et pour qui me l’aura donnée. D’ailleurs, une illusion perdue... Cela se remplace toujours.
Voyons un peu les compagnons de voyage que le hasard a jetés dans mon wagon, pour cette éternité de huit heures au bout de laquelle doit se trouver St-Malo. La plus belle moitié du genre humain y est représentée par une jeune dame très élégante, une bonne et une petite fille. La jeune dame grignote une croûte de pâté, la petite fille boit du vin rouge qu’elle déclare détestable, et la bonne tient le panier aux provisions.
 — Il est mauvais, ma chérie ?
 — Détestable ! répète la petite en vidant son verre.
 — N’en bois pas trop, ma cocotte. J’en prendrai une autre bouteille au prochain buffet.
A côté de moi, un ecclésiastique offre du tabac et des renseignements à tonte la société. Il est grand, fort, avec un léger embonpoint. On peut le ranger hardiment dans la catégorie des bons vivants. Il est loquace et jovial. Les poches de sa soutane sont bourrées d’indicateurs, de guides et de cartes, qu’il consulte à tous propos. Il apprend à la jeune dame qu’elle doit changer de train à Folligny et qu’elle arrivera à Granville à 4 heures 38, s’il n’y a pas de retard.
 — Oh ! pardon, madame, je vous donne une mauvaise indication Vous devez, arriver.... Granville, disons-nous, Gran.... Grap.... Granville.... nous y voilà... vous y arrivez.... Eh bien ! j’avais raison quand même.... 4 heures 38, c’est bien cela.
La jeune dame remercie, et le complaisant curé, se tournant vers moi, me dit que notre wagon va directement à StMalo. J’en suis ravi.
St-Malo ! St-Malo !...
31 juillet.
La portière s’ouvre et un ouragan traverse le coupé. Permettez-moi de vous présenter l’ouragan. Il a les yeux bleus, les dents blanches, les épaules larges, les poings toujours en bataille, les mollets que devait avoir Hercule Farnèse, à quatorze ans, et répond au nom de Bully. C’est un jeune Ecossais qui déserte les Highlands pour venir, en knicker-bokers, vérifier si les Bretons sont ses cousins germains.
En un clin d’œil et sans que j’aie eu le temps de me reconnaître, mes bagages sont jetés sur le quai, où j’arrive moi-même derrière l’ouragan, qui bouscule le curé.
 — Hip ! hip ! hip ! hurrah ! en route pour St-Malo.
St-Malo est sur un îlot relié à la terre ferme par une chaussée qu’on appelle le Sillon, sans doute à cause de son étroitesse. « Cette ville, dit Joanne, étrange par sa situation et célèbre dans les fastes maritimes de la France, a gardé son vieux château fort et sa physionomie des jours de gloire. » Oui, c’est cela : St-Malo est une ville un peu farouche. Avec son enceinte de remparts que dépassent la flèche de l’église et les constructions massives où les anciens armateurs abritaient leurs richesses, avec son château flanqué de grosses tours, St-Malo évoque l’idée d’un nid de corsaires. Nous atteignons les remparts et nous pénétrons en ville par la porte St-Vincent.
Je descends à l’Hôtel de France, et à peine ai-je secoué la poussière du voyage que je vais faire ma première visite à la mer. C’est à deux pas de l’hôtel. Je traverse la place Châteaubriand. Une foule compacte se presse autour du kiosque, où la musique d’un régiment de ligne joue des airs de Miss Helyett, et j’arrive sur la plage. Jamais je n’oublierai l’émotion que j’ai ressentie à fouler pour la première fois ce sable fin, à respirer cet air chargé d’émanations marines, à entendre le doux clapotis des vagues qui viennent mourir à nos pieds ! A gauche, le rocher du Grand-Bé, battu de tous côtés par les flots, profile sa croupe noirâtre sur le ciel ; à droite, la grève s’étend jusqu’à Paramé et, plus loin encore, jusqu’à Rochebonne, dont les rochers éclairés par le soleil couchant ont l’air d’être coulés en bronze ; derrière nous, les remparts et le château fort avec la vieille tour crénelée et, devant, la mer d’un bleu intense, à peine plissée par la brise et qui se retire avec un caressant murmure. Elle a quelque chose de mystérieux ; on sent très bien qu’elle a sa vie à elle, qu’elle obéit à une force invisible, mais toujours présente. Elle bat en retraite ; la vague, que le reflux emporte, quitte le sable avec le froufrou d’une étoffe de soie.
Elle oublie sur la plage humide de mignons coquillages roses, nacrés, jaune d’or, vert tendre et puis de jolis petits crabes, couleur de sable, qui sautent de ci, de là, dans un grand effarement. Voici une méduse échouée ; elle n’a plus rien de vermeil, la pauvrette, et n’offre à l’œil qu

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