En Vénétie - Croquis de vacances
78 pages
Français

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En Vénétie - Croquis de vacances , livre ebook

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Description

« Connaissez - vous les Alpes dolimitiques ? » Il est fort à croire que, il y a quelque trente ans, pareille question eût reçu le plus souvent une réponse négative. Les professeurs qui instruisaient jadis mes contemporains pratiquaient scrupuleusement la distinction des genres, chère à Boileau ; un géographe eût rougi d’employer une qualification empruntée à la minéralogie, science qu’il ignorait, du reste, généralement. C’est vers 1875, si je ne me trompe, que j’entendis pour la première fois ce nom de « Dolomites » à propos d’un voyage scolaire entrepris par les élèves du collège d’Arcueil.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346060344
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Louis Rivière
En Vénétie
Croquis de vacances
I. — DE TOBLACH A BELLUNE
Le Pays des Dolomites
« Connaissez - vous les Alpes dolimitiques ? »
Il est fort à croire que, il y a quelque trente ans, pareille question eût reçu le plus souvent une réponse négative. Les professeurs qui instruisaient jadis mes contemporains pratiquaient scrupuleusement la distinction des genres, chère à Boileau ; un géographe eût rougi d’employer une qualification empruntée à la minéralogie, science qu’il ignorait, du reste, généralement. C’est vers 1875, si je ne me trompe, que j’entendis pour la première fois ce nom de « Dolomites » à propos d’un voyage scolaire entrepris par les élèves du collège d’Arcueil. J’appris alors qu’un savant français, Dolomieu, avait le premier étudié et baptisé une variété de calcaire magnésien 1 qui forme des montagnes entières dans certaines parties des Alpes et constitue même une vaste région à laquelle on a, par extension, donné également son nom. Plus tard, j’ai lu la charmante description publiée par un Alpiniste doublé d’un écrivain 2 et j’ai brûlé du désir de gravir à sa suite les pics escarpés qui dominent le Val Fazza et le Val d’Ampezzo. Mais les années ont passé, toujours absorbées par d’autres soucis ; ce n’est que cet été que, entraîné en Bavière et en Tyrol par le devoir professionnel, j’ai pu réaliser mon projet. L’ardeur d’il y a quinze ans s’était calmée et, au lieu d’ascensions vertigineuses, je n’ai à raconter aujourd’hui qu’un modeste voyage en voiture. Tel quel, il m’a encore semblé intéressant, et je crois que tous ceux qui l’entreprendront en reviendront, comme moi, avec un bon souvenir.
I
La région des Alpes dolomitiques 3 est nettement délimitée par quatre profondes vallées : le Pusterthal au nord, les vallées de l’Eisak et de l’Adige à l’ouest, celles de la Brenta au sud, et de la Piave à l’est. Les portes qui correspondent à ces diverses directions sont Toblach, Botzen, Trente et Bellune. Nous sommes entrés par la porte du Nord, à Toblach, pour rassortir par celle du Midi, à Bellune. Nous avons ainsi traversé complètement la région sur une longueur de cent huit kilomètres, suivant en sens inverse la fameuse Strada d’Ale-mania, par laquelle les marchands vénitiens gagnaient au moyen âge le Tyrol et l’Allemagne du Sud.
Le Pusterthal appartient encore à la région des Alpes calcaires. C’est une vallée profondément encaissée, un long couloir qui conduit du Tyrol en Carinthie et sur lequel débouchent de nombreuses vallées latérales, laissant voir au loin les sommets neigeux des hantes montagnes ; pays frais et riant dont les petites villes, Mühlbach, Bruneck, Welsberg, sont bien connues des amateurs de villégiature alpestre, en quête d’altitude et de riants paysages. Contrairement à l’usage à peu près constant qui désigne chaque vallée par le nom du cours d’eau qu’elle forme, la dénomination de Pusterthal réunit les deux territoires de la Rienz, qui coule vers l’ouest, et de la Drave, qui se dirige vers l’est. Elles sont séparées à 1.204 mètres d’altitude par le seuil de Toblach, seuil si indécis qu’on lui donne en Autriche le nom de plaine, Toblacher-Feld.
Mais, dès qu’on quitte le charmant village alpestre pour remonter, vers le sud, le cours de la Rienz, on se trouve sans transition dans une région complètement différente. La vallée, resserrée entre de hautes parois à pic, est dominée par des sommets aux formes étranges, tours, pyramides, prismes inclinés, sans la moindre trace de végétation. La pierre, graniteuse et blanche, reluit sous les rayons du soleil, des détritus poussiéreux ont roulé dans le fond de la vallée et forment une sorte de talus au bas de chaque paroi. Après le petit lac de Toblach, entouré de sapins, qui égayent seuls ce défilé aride, la Rienz n’est plus qu’un mince ruisseau. La plus grande partie de ses eaux circule ici souterrainement dans des cavités qui attendent M. Martel, l’intrépide explorateur des causses du Tarn. Nous sommes dans le Hohlensteiner Thal. le majestueux vestibule des Alpes dolomitiques.
Au fond de cette vallée, la Rienz s’enfonce à gauche pour aller prendre sa source sur le versant arrondi du Monte-Piano. En continuant droit vers le sud. nous arrivons au Dürrensee, un petit lac absolument à sec en septembre. Il parait que l’eau y remontera en novembre et s’y maintiendra jusqu’en août, époque de sa disparition annuelle. La vallée a légèrement dévié, laissant le Monte-Piano sur la gauche, et nous avons maintenant devant nous les aiguilles sans nombre du Cristallin, semblable à un énorme porc-épic hérissé. Puis, successivement, se découvrent sur la droite, le vaste glacier, le Mont-Cristallo. qui le domine, formé par trois énormes blocs inclinés vers le nord, séparés les uns des autres par de larges fossés pleins de glace bleuâtre.
C’est au pied de ces hauteurs, au confluent de trois vallées, qu’est situé le village de Schluderbach, généralement désigné comme la limite des langues. En arrière, jusqu’ici, tous les villages parlaient allemand ; maintenant, nous allons entendre résonner l’italien, la douce langue du si. La grande route de voitures continue vers l’ouest, passant entre le Cristallo et la Croda-Rossa. Nous nous engageons à l’est dans le chemin de montagnes qui remonte vers le col de l’Angelo pour gagner Misurina. Elle est bien jolie, cette vallée alpestre aux parois intérieures tapissées de sapins, profondément encaissée entre de hautes montagnes dénudées. En arrière, on aperçoit la cime admirable de la Croda-Rossa, complètement couverte de larges trainées rouges, « comme si elle avait servi aux sacrifices sanglants de quelque Druide colossal 4 . »
Le petit lac vert bouteille, dans lequel se reflètent les sapins, est immédiatement dominé par le massif dentelé de la Cadinispitze. Mais c’est au fond. dans le lointain, que se déploie une suite incomparable de montagnes. On voit d’abord, vers l’est, le massif des Marmarole, dont on n’aperçoit encore que les deux premières aiguilles ; puis, un peu en arrière, le cône puissant de l’Antelao. Enfin, vers l’ouest, le Sorapis, dont les hautes parois verticales, fendues par des brèches régulières et parallèles, forment un immense amphithéâtre dominant le champ du glacier. Si on se retourne en arrière, on découvre vers le nord les deux énormes tours pyramidales des Drei-Zinnen, semblables à une bâtisse colossale, effritée sur ses arêtes par l’action du temps, mais conservant néanmoins, comme certaines ruines romaines, l’ampleur des formes et la beauté du profil.
A Misurina, nous sommes sur le territoire italien. La frontière fait ici un coude pour englober une partie du Cristallin. On ne trouvait jusqu’ici au bord du lac qu’une assez modeste auberge, dont les truites formaient la grande ressource culinaire. Mais voici qu’on commence à niveler le terrain un peu plus loin, pour construire, l’an prochain, un immense hôtel dont une large pancarte annonce l’ouverture pour le printemps 1897. Les spéculateurs vont-ils donc traiter les Dolomites comme la Suisse ? A quand l’ouverture du funiculaire qui montera au Sorapis ?
La route tourne en corniche autour du Cristallin, traversant des bois de sapins, par-delà le large fossé formé par la vallée grandissent les énormes montagnes. Les Marmarole s’allongent en une suite de cimes, séparées par les champs de glace, bleus au milieu de ces sommets blanchâtres. Du côté opposé, tout près de nous. le faite du Cristallo se découpe en aiguilles aiguës qui prennent, sur le ciel indigo, des teintes rosées rappelant le grès d’Egypte. Après avoir dépassé les Trois-Croix, point culminant de la seconde partie de notre route, la perspective change encore une fois complètement. Vers le couchant, par-dessus le val d’Ampezzo. se profilent les trois puissantes cimes du Monte-Tofana, dominant Cortina, et, vers le sud, entre deux sommets escarpés, émerge l’extrémité de la pointe neigeuse de la Marmolada, le géant des Alp

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