Excursion en Sicile
98 pages
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Excursion en Sicile , livre ebook

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Description

Un de mes meilleurs souvenirs de voyage est celui de l’excursion que je fis en 1841 en Sicile, avec quelques-uns de mes condisciples de Charlemagne, entre autres le baron d’Hoy... et le prince de S.S., cet intrépide et enragé chasseur.Je dois dire que notre but n’était pas de nous arrêter dans cette île, — et en cela nous avions bien tort. C’est Alger, cet ancien nid de pirates, qui, depuis plus de trois ans, nous attirait. Mais, alors que notre armée était encore aux prises avec Abd-el-Kader, on ne pouvait guère aller voir autre chose que la ville même, étagée en forme de triangle de la mer à la Kasbah.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 1
EAN13 9782346025978
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Pierre Frédé
Excursion en Sicile
CHAPITRE PREMIER
LE DÉPART ET LA TRAVERSÉE
Un de mes meilleurs souvenirs de voyage est celui de l’excursion que je fis en 1841 en Sicile, avec quelques-uns de mes condisciples de Charlemagne, entre autres le baron d’Hoy... et le prince de S.S., cet intrépide et enragé chasseur.
Je dois dire que notre but n’était pas de nous arrêter dans cette île, — et en cela nous avions bien tort. C’est Alger, cet ancien nid de pirates, qui, depuis plus de trois ans, nous attirait. Mais, alors que notre armée était encore aux prises avec Abd-el-Kader, on ne pouvait guère aller voir autre chose que la ville même, étagée en forme de triangle de la mer à la Kasbah. L’autorité militaire ne permettait pas d’en sortir pour pénétrer dans l’intérieur. Nous y avions renoncé.
Donc, trois ans après, les choses étaient changées. La tranquillité s’établissait peu à peu sur le littoral et dans l’intérieur. Blidah, Médéah, Milianah, nous tentaient de plus en plus. Nous partîmes un beau jour du mois de mars.
Mais nous voulions d’abord aller visiter, sur le littoral de l’Espagne, quelque chose de ces splendides restes de l’architecture des Maures, qu’ils ont laissés comme témoins de leurs mœurs raffinées, de leur goût magnifique, de leur fastueuse élégance.
Quant à l’antique Sicile, c’est, comme on le verra, presque par hasard que nous y séjournâmes assez pour la parcourir en dilettanti ; et pourtant aucune des splendeurs magnifiques que nous avions admirées en Espagne n’efface le souvenir des belles choses que nous avons trouvées dans l’antique Trinacrie, notamment à Palerme.
Mais procédons par ordre, et que dans notre récit les choses se suivent comme elles se sont passées.

*
* *
Le rendez-vous avait été fixé à Marseille.
Au jour convenu nous étions tous réunis à l’hôtel d’Orient.

C’est Alger qui nous attirait.
Nous montâmes comme de fervents pèlerins à Notre-Dame de la Garde, penchée sur le sommet d’un énorme rocher et qui est en grande dévotion parmi les marins du littoral de la Méditerranée.
Une heure après en être descendus, nous nous installions à bord de la Durance, en partance le soir même pour Carthagène et escales. Ce navire était un vieux mais solide sabot commandé par un capitaine natif de la Canebière, bronzé comme un Mozambique par le soleil tropical, et ridé étrangement par les ricanements féroces que sans cesse il adressait à son équipage en guise de jurons, mêlant à cela des interpellations, qu’il accentuait en ouvrant une mâchoire de fauve les jours d’orage et de colère.

*
* *
A l’heure où j’écris ces lignes, paquebot, capitaine, timonier, matelots, ont disparu dans la grande tasse un jour de malheur. De ces sabots à voiles, on n’en retrouve plus aujourd’hui. On les a remplacés par des navires en tôle, à vapeur, sautant comme des coquilles de noix.
Ah ! ces bons sabots de bois, c’était solide ; ça tenait bien mieux la mer ; ça vous berçait mollement ; le roulis était moins écœurant et le tangage moins brusque ; on n’y avait pas, la nuit et le jour, dans les oreilles cette horrible trépidation de l’hélice et de son arbre de couche.
Une voie d’eau s’y déclarait-elle, vite on la bouchait avec une planche enduite d’argile et d’étoupe, tandis que dans la tôle un trou est plus difficile à boucher : ajoutons qu’un navire en fer, ça se casse en deux comme une perche.
C’est sur cette vieille carcasse, dont la membrure criait, gémissait, craquait, que nous allions nous confier à la Méditerranée, la mer la plus désagréable et la plus rageuse de toutes

*
* *
Ce soir-la, au moment d’entrer dans cette arche de Noé, le mistral commençait son ramage et soufflait avec une violence à déraciner le Panthéon.
Le mistral (prononcez mistraoh, comme les Provençaux), savez-vous ce que c’est, mes chers lecteurs ?
C’est un vent de nord-ouest particulier à la Provence et surtout à Marseille, dont il est le plus puissant et le plus précieux désinfecteur. Sans lui Marseille serait inhabitable et deviendrait le réceptacle de toutes les pestes...

Nous montâmes à Notre-Dame de la Garde.
Malgré la violence de la tempête et l’aspect du temps, le capitaine fit affaler les amarres, et la Durance s’ébranla, sortit du port et fit de tels sauts que nous nous mîmes instinctivement autour de la cambuse, la soutenant de nos épaules pour la protéger et n’être pas exposés à la voir s’enlever avec le pot-au-feu et le rata qui mijotait pour le dîner.
Notre paquebot sautait avec la légèreté d’une mouette. Devant une mer aussi démontée, le capitaine Michegru (c’est ainsi que s’appelait le commandant de la Durance) eut du rentrer au port, ou tout au moins s’abriter sous les îles du Frioule, à une portée de canon de Marseille. Mais c’était bien l’homme le plus têtu qu’il y eût au monde ; il connaissait son métier mieux qu’un amiral et eût cru se déshonorer en jetant l’ancre si près de terre.
Les cris déchirants des cabines, les hélas ! les hoquets, les gémissements, les exclamations doulouseuses des passagers, semblaient l’amuser et le faisaient sourire. Tous suaient le mal de mer par tous leurs pores... On abominait le capitaine, on le vouait à tous les dieux infernaux. Lui continuait à se promener sur le pont de long en large comme un ours dans sa cage, tantôt riant de ce concert de malédictions, tantôt restant muet comme une pierre. C’était pourtant un bien brave homme, qui veillait sur son navire, ne quittait pas des yeux sa boussole et la manœuvre du timonier.
J’étais à peu près le seul à me promener sur le pont et à lui emboîter le pas, ayant peine à me maintenir en équilibre. Mais lui ne vacillait pas plus qu’un clou enfoncé dans une muraille.
Mon compagnon le docteur Marius Berthy et moi nous en avions vu bien d’autres et de plus terribles. Mais le baron Francis d’Hoy... et le prince de S.S. se tordaient sur leur cadre. Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir le pied marin.

On affala les amarres.
La situation manquait absolument de gaieté. L’Océan, avec ses grandes et longues vagues, fatigue bien moins les navires que la Méditerranée, dont les lames courtes, ramassées, brutales, mettent à tout moment le bâtiment à cheval sur deux vagues.
La Durance plongeait à pic et se relevait dans un jeu de bascule à faire croire que l’on s’enfonçait dans l’abîme.
Il ventait frais et dur ; la tempête semblait s’accroître, et le sifflement des agrès n’avait rien de rassurant. Michegru se résigna enfin à donner moins de toile au vent en faisant prendre des ris.
Le ciel se couvrait de nuages filandreux courant à toute vitesse. Le navire filait, en plongeant avec deux huniers, les ris dedans.
A la hauteur des Baléares, un éclair illumina tout à coup la Durance. C’était le feu Saint-Elme (aussi appelé le Saint-Nicolas) qui pétillait autour de la girouette du grand mât et sautait de là sur la pointe des autres.
La mer elle-même semblait en feu ; les crêtes des vagues en se brisant semblaient des traînées de flamme.

*
* *
Ce feu Saint-Elme se manifeste principalement par les nuits noires et les temps orageux, alors que la tempête imprime aux bâtiments ces mouvements saccadés et incessants connus sous le nom de roulis.
A quelles causes sont dues ces vapeurs lumineuses qui semblent se jouer au bout des mâts, au grand désespoir des matelots, qui voient dans ces apparitions la menace d’un malheur ? Les savants n’ont. jamais su l’expliquer autrement qu’en les mettant sur le compte d’effets électriques. Ils expliquent les effets produits ; mais la cause ?... On sait à peine comment les choses de ce monde se passent, on ne sait jamais pourquoi.

La. Durance plongeait à pic.
Mais la Méditerranée offre aux voyageurs qui la traversent un autre phénomène plus curieux, plus saisissant encore : c’est la phosphorescence.
Si à nuit close on observe le sillage du

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