Le Paradis des Noirs - Excursions sur les côtes de Guinée
125 pages
Français

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Le Paradis des Noirs - Excursions sur les côtes de Guinée , livre ebook

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Description

Je ne voudrais pas remonter au déluge pour raconter l’excursion que je viens de faire sur la côte de Guinée. Pourtant, il est nécessaire de dire que ce pays m’attirait depuis l’année 1873. J’avais suivi avec un vif intérêt les péripéties de cette guerre des Achantis dans laquelle un peuple noir s’était avisé d’envahir plus de cent lieues de côtes abritées par le pavillon anglais. J’avais appris avec une sorte de regret que ce peuple avait été refoulé, et que le général Sir Garnett Wolseley, non moins heureux qu’habile, avait terni sa victoire en mettant le feu à la capitale ennemie.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346047239
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Charles Hertz
Le Paradis des Noirs
Excursions sur les côtes de Guinée
I
MOTIFS DU VOYAGE
Je ne voudrais pas remonter au déluge pour raconter l’excursion que je viens de faire sur la côte de Guinée. Pourtant, il est nécessaire de dire que ce pays m’attirait depuis l’année 1873. J’avais suivi avec un vif intérêt les péripéties de cette guerre des Achantis dans laquelle un peuple noir s’était avisé d’envahir plus de cent lieues de côtes abritées par le pavillon anglais. J’avais appris avec une sorte de regret que ce peuple avait été refoulé, et que le général Sir Garnett Wolseley, non moins heureux qu’habile, avait terni sa victoire en mettant le feu à la capitale ennemie.
Les journaux illustrés d’Angleterre avaient trouvé là ample matière à la verve de leurs dessinateurs ; je me souviens encore de certain coin de forêt, où deux énormes tigres, flanqués de deux non moins énormes gorilles, regardaient avec terreur les progrès de l’armée anglaise dans les forêts vierges où elle s’ouvrait un chemin vers Coumassie. Il y avait aussi des scènes d’une sauvagerie étonnante : jeunes filles livrées en pâture aux crocodiles et aux requins, prisonniers ficelés comme des saucisses pour être rôtis tout vifs sur l’autel des sacrifices humains.... Avouez qu’il y avait bien là de quoi solliciter la curiosité d’un géographe qui depuis deux ans n’était guère sorti de son cabinet.
J’enviais donc les malheureux soldats anglais coiffés de ce casque en feutre qui leur donnait un faux air du superbe Agamemnon préservant son couvre-chef avec un mouchoir de poche. J’aurais voulu les suivre dans ce Jardin des Plantes africain sur lequel Méry a brodé une si charmante fantaisie : La Floride ; j’aspirais, moi aussi, à épouvanter les tigres et les gorilles, à délivrer les Iphigénies et les Andromèdes noires, à arracher les victimes humaines à leurs bourreaux, et à intercéder en faveur des Achantis. A quelque âge que l’on arrive, on retrouve toujours en soi une velléité de donquichotisme, et je remarque que plus on vieillit, plus l’imagination caresse ces enfantillages qui nous rajeunissent.
Mais « tout passe, tout lasse, tout s’efface, » comme dit le proverbe. Cette histoire de la guerre de Guinée s’était effacée de mon esprit, et je l’avais complètement oubliée lorsque, un beau matin, quelques semaines après la fondation du journal l’Explorateur, je reçus la visite d’un jeune homme dont la figure énergique et l’air ouvert me séduisirent à première vue ; c’était Bonnat, — Bonnat, ce Français qui s’était égaré sept ans auparavant dans mon pays de prédilection, avait été fait prisonnier par les Achantis, et après plusieurs années de captivité, avait été délivré par l’expédition anglaise. Il venait ingénument me demander pourquoi nos Sociétés de Géographie ne s’étaient pas occupées de lui. Je lui répondis non moins ingénument que c’était sans doute parce qu’il ne s’était pas occupé d’elles, car les Sociétés ont un peu des travers du beau sexe et aiment qu’on leur fasse la cour. Après quelques explications, nous devînmes les meilleurs amis du monde, et les Sociétés de géographie s’occupèrent si bien de Bonnat, que ce courageux explorateur jouit aujourd’hui d’une réputation européenne.
Les détails que mon visiteur me donna sur les Achantis, la côte de Guinée, sur l’excellent caractère des noirs de l’intérieur, sur les ressources et l’avenir de ce fortuné pays, réveillèrent toutes mes curiosités. Mon attention fut tenue en haleine par deux entreprises successives que Bonnat lit dans le même pays : la reconnaissance du fleuve Volta et l’essai d’exploitation des sables aurifères de la rivière Ankobrah.
Cette dernière campagne que Bonnat poursuit aujourd’hui nous préoccupait vivement. Ce n’était pas un regard d’envie que nous jetions sur les gisements de l’Ankobrah : loin de là ! Ces trésors qui miroitent sous l’œil et le fascinent, ces paillettes rayonnantes qui semblent jaillir de quelque creuset mystérieux, promettent souvent plus qu’elles ne tiennent. Elles semblent glisser entre les doigts du travailleur et ne lui fournissent pas toujours une rémunération de ses efforts équivalente à celle qu’il obtiendrait sur un chantier européen.
C’était précisément parce que nous connaissions les aléa de cette chasse à l’or que nous nous préoccupions de ne pas laisser Bonnat pris au dépourvu en cas d’insuccès. Nous savions, depuis la guerre des Achantis, que la côte septentrionale de Guinée produisait en abondance de l’indigo, des gommes et des vernis, des bois de teinture et d’ébénisterie qui n’étaient pas recueillis. Quelle était là raison de l’incurie des trafiquants de la côte ? Comment arriver à une exploitation fructueuse de ces richesses ? Tel était le véritable objet de nos investigations.
J’avais vivement recommandé à Bonnat d’envoyer à ses commanditaires les échantillons de tous les produits végétaux qui ont une valeur marchande acquise ou possible en Europe. Son premier envoi, — je ne sais s’il en a fait d’autres, — fournissait de beaux spécimens de gommes, réduits malheureusement à deux ou trois sortes ; le reste méritait peu l’attention : une petite bille d’acajou découpée avec inexpérience, quelques autres échantillons de bois trop menus pour être sainement appréciés, une écorce que Bonnat supposait être du quinquina et qui n’était que du simarouba ; voilà, s’il m’en souvient, l’inventaire de cet envoi, et il ne m’aurait pas beaucoup intéressé si je n’avais eu d’autres notions sur les richesses végétales du pays.
Il était évident que Bonnat ne s’était pas préoccupé de cette question ; il fallait le renseigner, lui en faire apprécier l’importance. On pouvait, sous ses yeux, préparer un premier envoi, instruire les naturels à en préparer d’eux-mêmes un second, puis un troisième, et donner naissance, tout autour de l’exploitation aurifère, à un mouvement commercial important. La question était d’autant plus intéressante que notre colonie, aujourd’hui si délaissée de l’Assinie, se trouve à deux pas et qu’elle est merveilleusement appropriée à des exploitations de ce genre. Nous espérions assurer à Bonnat les bénéfices d’une entreprise, accessoire en apparence, mais à nos yeux bien autrement avantageuse que l’exploitation d’un gisement aurifère. Là, en effet, on opère en plein soleil, à la surface du sol, sur des valeurs appréciables en qualités et en quantités ; ici, tout est livré au hasard de la sonde ou de la pioche, dans une recherche à tâtons, où la chance joue le plus grand rôle. Là, plus l’exploitation est ingénieuse, plus elle multiplie les richesses ; ici, plus elle est savante, plus vite elle les épuise.
II
LE DÉPART
Après de nombreuses démarches accomplies en vue de l’écoulement des produits sur les marchés européens, je me décidai à partir moi-même. Mon temps était strictement limité : aussi, ne mis-je aucun délai entre ma décision et son exécution.
Je partis donc seul, ex abrupto, non que je voulusse étonner le monde par la rapidité de mes circumnavigations, mais parce que, si j’avais donné vent de mon entreprise, il aurait fallu me livrer à une infinité de visites et d’explications qui m’auraient rogné une bonne quinzaine. Ma seule préoccupation était que, allant en Angleterre, prenant place à bord d’un paquebot anglais, visitant enfin des colonies anglaises, je ne savais pas parler anglais. Il est vrai que je traduisais assez couramment l’anglais ; seulement je ne m’étais jamais appliqué à le parler ; j’avais pu constater, en essayant de causer avec des collègues de la Société de Géographie de Londres, que je ne comprenais pas un traitre mot de leur conversation, et qu’il fallait absolument renoncer à me faire comprendre moi-même. Je pensais bien à la ressource de Figa

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