Mes souvenirs
49 pages
Français

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Mes souvenirs , livre ebook

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Description

Sans doute, je n’étais pas un garçon méchant, mais j’avais un assez grand nombre de défauts qui faisaient le désespoir de mes excellents parents. Ma conscience n’était pas tranquille et j’essayais de la calmer par toutes sortes de mauvaises raisons.Avais-je fait durant la semaine l’école buissonnière, ce qui est très mal, je l’avoue, vite on me citait Thomas Lysen, le fils du forgeron, qui se pavanait avec la croix attachée sur sa poitrine, en récompense de son assiduité à l’école.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346074457
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.

Albert Lévy
Mes souvenirs
A
 
 
 
MADAME ALBERT-LÉVY
 
 
 
A. BERTALISSE.
MA PETITE FÉE
Sans doute, je n’étais pas un garçon méchant, mais j’avais un assez grand nombre de défauts qui faisaient le désespoir de mes excellents parents. Ma conscience n’était pas tranquille et j’essayais de la calmer par toutes sortes de mauvaises raisons.
Avais-je fait durant la semaine l’école buissonnière, ce qui est très mal, je l’avoue, vite on me citait Thomas Lysen, le fils du forgeron, qui se pavanait avec la croix attachée sur sa poitrine, en récompense de son assiduité à l’école. Moi qui savais que Thomas est un garçon sournois, copiant sans honte ses devoirs sur ceux de ses camarades, j’enrageais de me le voir donné comme modèle, tout simplement parce qu’il se levait de bon matin.
Avais-je négligé mes leçons, ce qui est encore très mal, je le reconnais, j’étais bien sûr que de retour à la maison et après avoir jeté les yeux sur mon cahier de correspondance, mon père dirait en hochant la tête : « Ce n’est pas Victor, le petit du tisserand, qui aurait un zéro pour ses leçons ! il est toujours le premier en récitation et cependant son père n’est pas plus riche que nous ! » Moi qui savais que Victor trompait effrontément le père Taupier, notre maître, en inscrivant sur son ongle ou dans la paume de sa main les premiers mots de chaque phrase de sa leçon, j’enrageais de ne pouvoir l’accuser de supercherie et de paraître coupable parce que je ne voulais pas l’imiter.
Je sais bien qu’il y aurait eu un moyen de tout concilier : si j’avais été aussi exact en classe que Thomas Lysen et si j’avais consenti à bien étudier mes leçons, de façon à réciter honnêtement aussi bien que l’hypocrite Victor, j’aurais eu la croix comme l’un et la première place en récitation comme l’autre. Oui, mais c’était beaucoup me demander. Je sentais en moi des instincts d’indépendance, do liberté, qui combattaient mes meilleures résolutions. Quelle insupportable contrainte que celle d’arriver à l’heure exacte à l’école ! Quelle mesquine gloire que celle d’obtenir le prix de récitation, la récompense des bûcheurs !
C’est ainsi que dans ma petite tête de treize ans je jugeais les choses.
Les reproches mérités de ma famille n’avaient d’autre résultat que de me faire prendre en grippe tous ceux de mes camarades que l’on me donnait comme modèles. En dehors de l’école, plusieurs enfants avaient encore le fâcheux privilège de provoquer mes colères. Il n’est pas jusqu’à la petite Rosette dont je no pouvais souffrir la présence. Sous prétexte que mes vêtements étaient parfois on désordre et que je n’avais pas pour mon jeune frère toute la patience désirable, j’entendais vanter à tout propos les rares qualités de cette Rosette. « Quelle charmante fille ! disait ma mère ; elle a dix ans à peine et dirige la maison de sa tante mieux que ne le ferait une femme. Elle est devenue la véritable mère de son tout jeune frère et trouve moyen, avec les faibles ressources dont dispose la vieille Sophie, sa tante, d’être toujours propre et jo dirais presque bien mise, car les haillons qui la couvrent la parent mieux que ne le feraient, pour d’autres filles de son âge, les plus beaux atours. » Il n’était pas difficile de deviner quo les éloges adressés à Rosette contenaient un blâme indirect de ma conduite ; aussi je la détestais cordialement cette insolente Rosette dont les yeux étonnés me regardaient en plein visage, sans doute par méchanceté et moquerie.
Oui, je la détestais, cette petite fille de dix ans dont la bonne tenue et la douceur étaient un vivant reproche de ma mauvaise conduite. Quand je l’apercevais, tenant son jeune frère dans ses bras, je relevais insolemment la tête, je la regardais fixement d’un air de dédain, espérant toujours l’obliger à baisser les yeux.
Un jour, jour inoubliable ! j’eus une querelle à l’école avec le petit Lysen ; nous convînmes de nous rencontrer à la sortie de la classe et de trancher à coups de poings notre différend. En présence de tous nos camarades dont les « kss kss » redoublaient notre fureur, nous nous livrâmes à un violent pugilat qui eut les plus tristes conséquences pour ma figure et pour mes habits. Que m’avait donc fait Lysen ? Rien, absolument rien. Il m’avait semblé qu’il ricanait au moment où notre maître m’infligeait un sérieux pensum et j’avais senti se rallumer la vieille haine que j’avais pour lui : je l’avais alors insulté et provoqué.
Nous nous battîmes donc, ou, pour mieux dire, je fus battu, non sans avoir courageusement lutté. Mes camarades n’attendaient que le résultat du combat pour donner leur avis. Cruelle lâcheté des foules qui acclament toujours le vainqueur ! Dès que j’eus touché le sol, un peu brusquement, hélas ! on nous sépara et Lysen vit toutes les mains tendues vers lui. « C’était lui qui avait raison... Mon agression était inexplicable... »
Honteux, confus, irrité contre mes camarades qui flattaient le petit Lysen comme ils m’auraient flatté moi-même si j’eusse été vainqueur, je me dirigeai vers la maison paternelle. Hélas ! mes livres étaient souillés par la boue, mes vêtements étaient en lambeaux, une bosse énorme formait une hideuse faillie sur mon front...
A quelques pas de la maison je rencontrai Rosette tenant comme de coutume son jeune frère dans ses bras ; ses yeux se fixèrent sur les miens, et il me sembla que je lisais un reproche dans son regard. Je crus qu’elle aussi se moquait de ma mésaventure ; la rage me saisit, je ramassai une pierre, levai le bras et j’allais commettre une action indigne quand la pauvre petite serrant fortement l’enfant contre sa poitrine, se contenta de dire : « Lucien, prenez garde à mon petit frère. »

Il me sembla que je lisais entreproche dans son regard.
Ces simples mots calmèrent ma fureur ; mon bras retomba lentement, ma main laissa échapper le caillou et des larmes jaillirent de mes yeux. J’étais honteux de ma colère, honteux de ma conduite à l’école et surtout de l’acte odieux que j’avais été sur le point de commettre.
Rosette s’approcha de moi : « Vous souffrez, monsieur Lucien ? — Oui, Rosette, mais bien moins des meurtrissures de mon visage que du mécontentement de ma conscience. Me pardonneras-tu ma violence ? — Laissons cela, monsieur Lucien, et si vous le voulez bien, entrez un instant chez nous ; j’aurai bien vite fait de réparer les déchirures de votre habit. »
J’entrai dans la modeste demeure de Rosette et je pus admirer l’ordre et la propreté qui y régnaient. Pendant que la jeune fille cherchait du fil et une aiguille, je lui racontai mon aventure ; je ne songeai pas un instant à m’excuser : ma confession fut longue et sincère. — « M’en veux-tu, petite Rosette ?toi si douce, si avenante, n’as-tu pas horreur d’un garçon aussi méchant que moi ? — Je n’ai pas le droit de vous en vouloir, monsieur Lucien ; mais puisque vous convenez si bien de vos torts, pourquoi ne pas changer de conduite ? — Changer, changer, si tu crois que cela est commode ! Puis-je du jour au lendemain devenir exact, studieux et patient ? — Oui, je le crois ; je suis bien devenue sérieuse et patiente le jour où mon petit frère est resté seul avec moi. Je me dis à chaque instant qu’il faut contenter papa et maman qui ne sont plus là et quand le travail devient trop pénible, ou quand je songe un peu trop peut-être aux

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