Souvenirs de voyage - Italie
61 pages
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Souvenirs de voyage - Italie , livre ebook

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Description

En route pour l’Italie. — Italiam ! Italiam ! Un rêve depuis longtemps caressé va s’accomplir. Je ne ferai qu’entrevoir ce sol merveilleux, car mon temps est compté et ma bourse n’est pas lourde. Mais c’est trop honteux d’avoir vécu un demi-siècle et de n’avoir vu ni Florence, ni Rome, ni Naples.C’est un capital qu’il faut ajouter à ses souvenirs et qu’un homme de lettres doit inscrire à son actif.Me voici, par une matinée de septembre, à bord de l’antique bateau le Bonivard, voguant sur les eaux du lac Léman.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 3
EAN13 9782346025077
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
MILAN. — COROS VICTOR-EMMANUEL.
Louis Salomon Hymans
Souvenirs de voyage - Italie
I
(1880)
En route pour l’Italie. —  Italiam ! Italiam ! Un rêve depuis longtemps caressé va s’accomplir. Je ne ferai qu’entrevoir ce sol merveilleux, car mon temps est compté et ma bourse n’est pas lourde. Mais c’est trop honteux d’avoir vécu un demi-siècle et de n’avoir vu ni Florence, ni Rome, ni Naples.
C’est un capital qu’il faut ajouter à ses souvenirs et qu’un homme de lettres doit inscrire à son actif.
Me voici, par une matinée de septembre, à bord de l’antique bateau le Bonivard, voguant sur les eaux du lac Léman.
La matinée est splendide. Le soleil a percé son rideau de nuages et la toile est levée sur un horizon merveilleux. J’ai en face de moi toute la chaîne des montagnes de la Savoie, que dominent de haut les sommets échancrés et neigeux de la Dent-du-Midi. Les eaux du lac, uni comme un miroir, ont la teinte d’azur de la Méditerranée. Une brise tiède apporte les parfums embaumés d’une végétation luxuriante. A partir d’Ouchy le lac s’élargit à ce point que, vers le sud, il fait l’effet de la pleine mer. Sur la rive suisse les bords sont tapissés de vignes gravissant les coteaux par étages. Du côté de la Savoie ce sont de hauts rochers nus ou revêtus de forêts de sapins. Par moments l’azur de l’eau s’assombrit et tourne à l’indigo, avec des millions de paillettes d’argent qui scintillent à la surface. Des mouettes rasent le flot qui les berce.
Tout à coup la chaîne du Mont-Blanc apparaît dans le lointain. Le pic des Argentières, puis le Dôme et la tête du géant se dessinent avec une netteté merveilleuse sur un fond immaculé. Jamais on ne vit plus imposant décor se déployer avec plus de magnificence.
A deux heures le Bonivard atterrit au quai du Rhône, en face du pitoyable monument érigé au duc de Brunswick, qui fait l’effet d’un postillon à cheval sur un clocher d’église.
Deux heures ; le train pour Turin part à trois. Je m’imagine que c’est un express et je prends mon coupon via Cenisio, c’est-à-dire pour la ligne du Mont-Cenis.
Je m’aperçois bientôt que le train n’est direct que jusqu’à Culoz. J’ai le droit de m’arrêter à Aix et d’y passer la nuit, mais j’ai eu le tort de ne pas me renseigner, et me voilà embarqué dans un omnibus, tout seul dans mon compartiment pour la nuit.
A peine suis-je en route que le ciel s’assombrit, accentuant ainsi le cachet sauvage et mélancolique des gorges et des vallons de la Savoie. Des torrents mugissent avec fracas au fond des abîmes que le chemin de fer côtoie avec une périlleuse hardiesse.
A peine avons-nous fini de côtoyer le lac du Bourget —  ô lac, t’en souviens-tu ?  — que la nuit tombe et je n’aperçois plus d’autre lumière que celle des étoiles et des lanternes qui éclairent les stations du parcours. Depuis Chambéry le voyage s’accomplit presque en entier sous terre, et les tunnels sont si nombreux et si longs qu’on n’éprouve plus de surprise en mettant vingt-cinq minutes à traverser celui du Mont-Cenis, ou, pour parler plus exactement, le col de Fréjus.
C’est une étape ennuyeuse et fatigante que ce voyage dans les ténèbres, presque toujours souterrain, et rendu plus désagréable encore par les vexations de la douane italienne à Modane.
J’ai dit que j’avais pris par erreur un train omnibus, et il n’y avait en fait de voyageurs que des ouvriers italiens rentrant dans leur pays avec des paquets de hardes indescriptibles.
Tous ces malheureux furent visités et fouillés comme des malfaiteurs, et cela uniquement à l’effet de constater s’ils n’importaient pas en fraude quelques misérables paquets de tabac.
J’avais dans ma malle cent cigares, sur lesquels j’étais disposé à payer les droits, parce qu’on m’avait affirmé que les cigares italiens n’étaient pas fumables.
Le douanier, en ouvrant ma valise, me demanda sur-le-champ si j’avais des cigares.
 — Cent, répondis-je.
 — Passez par ici, me dit un individu en veston, qui avait l’air de guetter une proie.
Je le suivis, portant la boîte, dans une grande salle où il y avait un bureau crasseux et une énorme balance, dont l’un des plateaux aurait pu servir à peser un veau.
L’employé prit la boîte et flaira les cigares.
 — Poure havane ! dit-il d’un air capable.
Puis il jeta les cigares sur un plateau, de manière à en faire tomber quelques-uns à côté : Je les ramassai tous, sauf un, qu’il happa avant moi et glissa dans sa poche.
 — C’est pour moi foumer, dit-il avec un sourire sardonique.
 — Quatorze francs de droits, ajouta-t-il, et settante centimes pour le timbre.
 — C’est presque autant qu’ils ont coûté, lui fis-je observer.
 —  Abandonnate-li, répondit-il.
J’aurais peut-être bien fait de me laisser préempter, car j’ai constaté depuis qu’on vend en Italie des cigares Minghetti, très passables, à quinze centimes, et des petits Cavours à six centimes, que l’on peut fumer sans nausée.
Le fonctionnaire tendit la main pour recevoir ses fr. 14-70.
Je lui demandai un reçu.
Il fit toutes les difficultés du monde pour me le remettre.
 — Cela ne sert à niente, dit-il.
J’insistai néanmoins, et il finit par s’exécuter, refusant toutefois d’inscrire mon nom sur la formule imprimée. Il ne voulut pas m’appeler autrement que le signor viaggiatore.
En pareille circonstance on n’a d’autre ressource que de payer et se déclarer satisfait.
Ces procédés ne donnent pas une très haute idée de la moralité de la douane italienne, et je trouvai désagréable l’entrée dans le royaume de S.M. Humbert.
A partir de Bardonnèche, à la sortie du grand tunnel, le train descend une pente rapide. Les essieux grincent sous la pression des freins et rendent le sommeil impossible.
J’éprouvai un soulagement bien naturel en arrivant à Turin à quatre heures du matin.
Je n’avais pas fermé l’œil, tout en passant la nuit dans une obscurité profonde.
On m’avait conseillé de descendre à l’hôtel Feder. Mais il n’y avait à la gare, en fait de voitures, qu’un omnibus du Grand hôtel de Ligurie.
Je m’y fis conduire et je n’eus qu’à m’en féliciter, bien qu’il n’y eût plus qu’une chambre disponible au troisième étage, en raison d’un congrès de médecins assemblé en ce moment dans la capitale du Piémont.
II
Turin n’est pas encore à proprement parler l’Italie, mais c’est une ville intéressante, aimable et prospère. A toute heure les rues sont pleines de monde ; les femmes se promènent nu-tête, ayant un voile pour coiffure et tenant à la main un éventail qu’elles n’ont pas souvent l’occasion d’ouvrir. La ville est riche en monuments, érigés pour la plupart à la mémoire des princes de la maison de Savoie. D’autres rappellent les précurseurs, les martyrs et le fondateur de l’indépendance de l’Italie moderne, Charles-Albert, Gioberti, d’Azeglio, Cavour. Cet homme illustre eut Turin pour patrie et la cité lui a voué un véritable culte, bien qu’il l’ait dépossédée de son rang de capitale. Elle a su mettre l’idée nationale au-dessus de l’amour du clocher. Quelques-uns des monuments que je signale sont loin d’être des chefs-d’œuvre, bien qu’il y en ait qui portent la signature de Marochetti. Les quatre soldats sardes placés aux angles du piédestal de la statue de Charles-Albert rappellent de glorieux souvenirs, mais dans leur attirail moderne ils manquent du style qui est la qualité dominante de la statuaire. La figure allégorique de l’Italie rendant hommage à Cavour, habillé lui-même du costume moderne, produit aussi un étrange effet. Vu de face, à une certaine distance, ce groupe fait songer à un couple de valseurs.
Turin est desservi par de nombreuses lignes de tramways. Les voitures, plus petites et plus légères que les nôtres, sont faites pour une seule classe de voyageurs, ce qui facilite beaucoup le service, et le prix de la course est uniformément de 10 centimes, quelle que soit la distance. On peut faire pour ce prix modique le tour de la ville. C’est une compagnie belge qui a l’entreprise de ce service, comme da

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