Voyage à Madrid - Août et septembre 1826
76 pages
Français

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Voyage à Madrid - Août et septembre 1826 , livre ebook

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Description

Anecdote. — Rochefort. — Le Bagne. — Bordeaux. — Les Landes. — Récolte de la Résine. — Mont-de-Marsan. — Bayonne. — Saint-Jean-de-Luz. QUELQUES jours avant mon départ de Paris, j’avais reçu une lettre anonyme conçue en ces termes : « Partez, mon petit ami, partez ; les autorités de Madrid sont averties de votre passage, et comme il fait chaud dans ce pays, et dans cette saison, on vous prépare un logement à l’ombre. Partez, mon petit ami, partez. Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346057863
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
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Adolphe Blanqui
Voyage à Madrid
Août et septembre 1826
AVANT-PROPOS
JE m’étais proposé de parcourir l’Espagne et le Portugal, afin de juger, par mes propres yeux, du peu qui reste à ces deux contrées des monumens de leur ancienne splendeur. Un tableau simple et véridique de leur état actuel, résultat d’institutions minées par le tems et rétablies momentanément par la violence, me semblait de nature à faire naître de sérieuses réflexions. En un mot, je voulais voir de près les ruines de tout un ordre de choses, encore vanté parmi nous pour son : excellence, et chercher dans cette triste contemplation un sujet d’émotions et de pensées nouvelles. Mais j’avais compté sans la police, et la police paraît devoir entrer désormais dans toutes les affaires de ce monde. Un voyageur avisé doit s’en inquiéter beaucoup plus que de la sûreté des routes, et prendre ses précautions contre elle, comme le navigateur fait ses dispositions pour la tempête.
C’est ce que, malheureusement, j’ai oublié de faire en partant pour la Péninsule. Décidé à voyager pour m’instruire, je n’avais songé qu’à me munir de lettres de crédit et de recommandation pour les personnes les plus éclairées du pays. Un passeport signé du préfet de police, de son secrétaire, d’un consul et de quelques commissaires, me paraissait suffisant pour justifier du titre de citoyen français domicilié à Paris, et pour avoir droit à la protection du gouvernement, dans un royaume occupé par ses armées. On sait ce qui m’en est advenu 1 , et comment j’ai été obligé de terminer à Madrid, un voyage que je me flattais de pouvoir prolonger jusqu’à Lisbonne, afin de revenir par Cadix, Gibraltar, Grenade, Valence et Barcelone, ayant ainsi parcouru tout le littoral espagnol de la Méditerranée.
La relation que j’offre au public n’est donc qu’un croquis du travail que j’espérais lui soumettre, et qu’il n’a pas dépendu de moi d’achever. Je ne doute point que le seul but de mon voyage n’ait suffi pour attirer les soupçons de l’autorité, intéressée à dérober, autant que possible, à tous les regards, les tristes résultats de la guerre d’Espagne. C’est ce qu’on pourra conclure facilement de l’ensemble de faits déplorables que j’ai réunis dans ma narration : elle se compose d’une suite de tableaux de genre, plus ou moins intéressans, mais tous dessinés d’après nature, et malheureusement, d’après la nature la plus difforme qui fut jamais. Je les donne tels qu’ils se sont offerts à mon observation, sans ordre et comme au hasard : le lecteur jugera s’ils ont un air de vérité, et si j’ai besoin de protester de leur exactitude.
1 Voir Le Constitutionnel, le Courrier Français, le Journal des Débats et le Journal du Commerce, du 24 septembre 1826.
CHAPITRE PREMIER

Anecdote. — Rochefort. — Le Bagne. — Bordeaux. — Les Landes. — Récolte de la Résine. — Mont-de-Marsan. — Bayonne. — Saint-Jean-de-Luz.
QUELQUES jours avant mon départ de Paris, j’avais reçu une lettre anonyme conçue en ces termes : « Partez, mon petit ami, partez ; les autorités de Madrid sont averties de votre passage, et comme il fait chaud dans ce pays, et dans cette saison, on vous prépare un logement à l’ombre. Partez, mon petit ami, partez. » Ma première idée fut d’attribuer cette singulière épître à quelque ami trop prévenu contre le pays que j’allais visiter, et qui voulait essayer de la peur pour me retenir à Paris. J’étais loin de soupçonner, en effet, que la police française, dont j’avais reçu un passeport, dût prévenir l’inquisition espagnole de mon arrivée, et me recommander à ses rigueurs. Un des travers du jeune âge est de porter la confiance jusqu’à l’extrême, et de supposer impossible tout ce qui est déloyal, comme si la perfidie était une invention historique, semblable aux ombres destinées à faire ressortir la lumière des tableaux. En conséquence, et sans m’occuper de la lettre anonyme dont je devais trouver l’explication à Madrid, je partis pour Bayonne.
En peu de jours, nous avions traversé la fertile Touraine, et nous touchions aux bords de la Charente. Chemin faisant, il survint un petit incident, trop caractéristique du tems qui court et des préjugés qui renaissent, pour n’être pas rapporte. Au village de Meuron, à trois lieues de Rochefort, les chevaux de la diligence manquèrent : il n’y en avait plus au relais. Tous les voyageurs, en descendant de voiture, se plaignaient vivement de ce que le service public était sacrifié à celui des particuliers. — « Que parlez-vous de particuliers ? dit le maître de poste ; j’ai donné mes chevaux à une comtesse !  » et il fut impossible de tirer autre chose de lui. Cette comtesse était la maréchale Berthier, veuve du prince de Neufchâtel ; son train se composait de trois voitures. Pauvre public !
A Rochefort, je visitai le bagne ; c’est une véritable introduction au voyage de la Péninsule. Que dirai-je de ces affreux repaires, ou les plus grands scélérats semblent être réunis pour perfectionner leur éducation ? L’infatigable et généreux Appert a tout décrit ; on peut en croire ses tableaux. Je dois néanmoins signaler quelques améliorations. La nourriture des condamnés est saine ; on donne une ration de vin par jour à ceux d’entre eux qui vont à l’ouvrage, et ils sont généralement mieux vêtus que la plupart des douaniers espagnols. Mais l’appareil qui les entoure est trop formidable, et trop continuellement menaçant pour que ces malheureux songent jamais à rentrer en eux-mêmes. Aux yeux d’un observateur attentif, il se passe là des scènes qui réalisent quelques-uns des supplices imaginés par les poètes, pour rendre l’enfer effrayant. Ixion tournait enchaîné sur une roue : au bagne, ce sont les galériens qui font tourner cette roue dans laquelle ils marchent toujours sans avancer jamais ; image terrible d’un châtiment qui ne doit finir qu’avec la vie ! Toutes les fois qu’ils entrent ou qu’ils sortent, on leur rend les honneurs militaires ; la garde prend les armes et braque sur eux des canons chargés à mitraille. Dans l’intérieur des dortoirs (si l’on peut dormir dans ces lieux), le spectacle devient réellement infernal : il se fait un bruit effroyable de chaînes, qui retentissent sur le pavé ou sur le bois des lits, comme on pourrait se les figurer dans les récits d’apparitions inventées par les plus noirs romanciers. Tous les forçats sont attachés par les pieds, au moyen de fers qui pèsent près de dix-huit livres ; et c’est ainsi qu’ils travaillent, enchaînés deux à deux, pendant les rigueurs de l’hiver ou de la canicule. Ne trouvera-t-on jamais rien de plus simple que la fustigation, pour arracher au désespoir et à l’immoralité, une foule de ces jeunes criminels destinés à reparaître quelque jour au sein de la société alarmée ?
Rochefort est une ville fort intéressante ; les chantiers de la marine méritent toute l’attention du voyageur. Quelle innombrable variété de détails il faut connaître, pour bien comprendre l’ensemble magnifique d’un vaisseau, :depuis la quille jusqu’au mât de perroquet ! L’ingénieur de constructions maritimes n’en doit ignorer aucun, pour exécuter avec sûreté cette vaste machine d’où dépendra le salut d’une petite armée. Mâture, gréement, doublage, action de l’eau sur les métaux, et du vent sur les voiles, arrimage, artillerie, il ne doit être étranger à rien. J’ai lu quelque part les belles instructions que Colbert avait écrites sur ce sujet, pour son fils, lorsqu’il l’envoya étudier les constructions navales à Rochefort : elles donnent une haute idée de la splendeur de la marine sous Louis XIV, dont on parle quelquefois trop légèrement parmi nous.
La route de Rochefort à Bordeaux, par Blaye et la Gironde, traverse un pays enchanteur. Il n’y a rien de plus pittoresque que les rives de la Charente jusqu’à Saintes, et celles de la Gironde jusqu’à Bordeaux. L’Industrie, que tant de gens honorent en

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