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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 24 juin 2019 |
Nombre de lectures | 0 |
EAN13 | 9782336875767 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Couverture
4e de couverture
Logiques sociales
Logiques sociales
Collection dirigée par Bruno Péquignot
En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collection « Logiques Sociales » entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l’action sociale.
En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d’un terrain, d’une enquête ou d’une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques.
Dernières parutions
Régis LAURENT, Du traumatisme des camps à la naissance d’une nouvelle institution. Idéologies, minoritaires et pentecôtisme tsigane en Bretagne tome I , 2019.
Régis LAURENT, Les usages sociaux des pentecôtistes tsiganes. Idéologies, minoritaires et pentecôtisme tsigane en Bretagne tome II , 2019
Suzie GUTH, Roland PFEFFERKORN (dir.), Strasbourg, creuset des sociologies allemandes et françaises , 2019.
Claude GIRAUD, Consentir, adhérer, s’opposer. Contribution à une sociologie de l’engagement , 2019.
Lucie France DAGENAIS, L’art à Vienne et l’unité de l’empire (1897 à 1905) , 2019.
Janina GLAESER, Politiques du care en France et en Allemagne. Parcours des assistantes et assistants maternels issus de l’immigration , 2019.
Paul GRELL, Les modes de débrouillardise des jeunes chômeurs, Chômeurs pendant la crise des années 80, 2019.
Isabelle PAPIEAU, Les représentations du monde rural, Des arts antiques à la télé-réalité , 2018.
Piero-D. GALLORO (dir.), Conflictualités, représentations et médiatisation de la violence et de la radicalisation, Radicalisme(s), radicalisation(s), radicalité(s), violence(s), 2018.
Titre
Nicole Lucas et Danielle Ohana
Ces Françaises venues de l’Est
Exils, libertés, créativités
Copyright
© L’Harmattan, 2019
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-87576-7
Dédicace
En dédicace
À Simon et Yann, à nos familles et proches
« Un monde disparu, pluriel, se remet à vivre 1 »
« Les fissures qui lézardent la domination masculine ne prennent pas toutes la forme de déchirures spectaculaires… Elles naissent souvent à l’intérieur du consentement lui-même réemployant le langage de la domination pour fortifier l’insoumission 2 … »
Roger Chartier
1 Stora Benjamin, Les clés retrouvées , Stock, 2015, p. 137.
2 Chartier Roger, Au bord de la falaise, A. Michel, 1998.
PROLOGUE
« Chacun de nous, même le plus infime et le plus humble, a été bouleversé au plus intime de son existence par les ébranlements volcaniques presque ininterrompus de notre terre européenne. »
Stefan Zweig
Exils et nouvelles vies, autant d’apprentissages qui ne coupent pas les êtres de leurs racines. En effet « l’exil n’est jamais une coupure claire, nette, chirurgicale avec la terre d’origine 1 » mais souvent une construction dynamique. Les déplacements de population, en particulier vers la France, et plus largement vers l’Europe, ont forgé l’histoire de ce continent et représentent une constante dans sa construction. Le XX ème siècle a vu s’accélérer ces migrations devenues plus complexes et douloureuses en raison de mutations sociopolitiques, économiques, culturelles intenses qui agitent et broient les hommes, les femmes de l’époque contemporaine. L’identité française, façonnée dans la pluralité, a incorporé une partie de ces sujets devenus un temps apatrides. Ont-ils influencé son aura particulière, son rayonnement dans la mode, la pensée, les médias, les mœurs, la société ?
Les Russes
Le siècle passé a été traversé par des épreuves qui ont contribué à façonner les mentalités collectives. Ainsi, les hommes et les idées venues de l’Est liés aux révolutions russes, aux idéologies nouvelles, en particulier les courants marxistes, socialistes, le bund ont contribué à libérer des conceptions émergentes, des possibilités d’expression originales tant dans les arts, de Chagall à Troyat, Kessel, Druon, Gary, Pasternak… que dans la philosophie comme Levinas, la poésie d’Alexandre Blok, le théâtre, la danse avec Diaguilev, Lifar…, l’engagement citoyen et humaniste avec Marie Skobtsov ou Elsa Triolet. Ces apports, dans un premier temps curieux, étrangers aux mœurs, se sont si bien implantés dans les savoirs communs qu’ils participent aujourd’hui de la mémoire collective française, fructification d’une double culture. Les innovations comme les métissages dynamisent la mode et inspirent tant Sonia Delaunay que Sonia Rykiel sur plusieurs générations. 2 Si, dans ces différents domaines, beaucoup d’hommes célèbres se sont illustrés, des femmes aussi, seules ou en famille, connues ou anonymes 3 , égéries ou conceptrices ont laissé une trace forte, parfois indélébile, qui s’inscrit depuis dans une appartenance à la française plus ou moins réussie. Il s’agit, dans cet essai, de combiner analyse historique et sociologique afin de comprendre certaines questions spécifiques liées à l’exil, celles propres aux logiques de l’intégration.
Qu’enseigne cette épreuve lorsque l’on est en rupture avec sa culture d’origine ? L’émigration ouvre-t-elle des voies nouvelles au développement personnel ? Incite-t-elle au partage et à l’échange ? Quelles limites et quelles ouvertures la société fait-elle aux libertés des acteurs et autour de quelles représentations sociales majeures ? Dans quelle mesure et à quel niveau peut-il y avoir legs culturels des immigrés ? Avec quels renon c ements ? Autant de questions saisies autour de quelques femmes migrantes venues de l’Est, célébrées aujourd’hui, inscrites dans l’inconscient collectif, fondatrices d’un patrimoine commun français. Certaines se sont imposées pour leurs apports à la société, leurs destins inscrits dans la longue durée. Ces processus de vie datés éclairent les temps présents. Nous nous sommes ainsi référées au cadre social et historique réel, avons pénétré leur vécu, tenté d’analyser leur intégration, leur notoriété. Hélène Lazareff, Sonia Delaunay, Elsa Triolet, Marina Denikine-Grey figurent parmi ces Françaises venues d’ailleurs . Elles s’exilent définitivement et s’intègrent, quand d’autres, émigrées éphémères, rentrent au pays comme Marina Tsvetaïeva 4 , partagée entre le retour et l’ouverture, la gestion du conflit de loyauté. Reproduisent-elles toutes les schémas traditionnels ? Vivent-elles des formes particulières de discrimination en raison de leurs origines ?
Pourquoi la France ? Un constat s’impose, celui de l’existence d’un va et vient culturel réciproque permanent entre France et Russie 5 . En effet, les alliances, les liens culturels entre ces deux pays ont toujours été réguliers, riches, parfois aléatoires, voire tendus. Cependant ils témoignent d’une puissante attraction mutuelle, confirmée par Alexandre Jevakhoff : « … Paris a toujours attiré les Russes avec une puissance magnétique incomparable. Comme une histoire d’amour inévitable où la raison et le cœur tirent, pour une fois, dans la même direction… 6 »
Dans les migrations importantes qui se sont opérées de l’Europe orientale vers la France, comment omettre la Russie, largement concernée en raison d’événements spécifiques depuis 1860-1880. Guerres, pogroms, révoltes et mouvements sociaux ont généré violences et exclusions à tous les niveaux de la société russe et nourri des expatriations. Dès le XVIII ème siècle, des Européennes comme madame Vigée-Lebrun de 1795 à 1800 ou Germaine de Staël en 1812 vivent ou séjournent en Russie, sans prendre réellement conscience de la misère et de la dépendance servile des populations rurales. Ou d’autres comme la Comtesse de Ségur-Rostopchine deviennent des Françaises accomplies. Au cours du XX ème siècle, même si l’histoire et la culture russe se déclinent surtout au masculin, les femmes russes, surtout celles d’un monde privilégié, sont parmi les plus en vue en Europe. Ainsi Sofia Kovalevskaia se distingue par l’obtention à Stockholm d’un doctorat en mathématiques, fait hors norme à cette époque. Se remarque également la participation active d’Anna Kuliscioff, déjà européenne, à la fondation du parti socialiste italien.
Les Révolu