Coeur d Alene
326 pages
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Coeur d'Alene , livre ebook

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Description

Toutes les populations autochtones nord-amérindiennes ont subi le choc violent de la colonisation : massacres, épidémies et spoliations. L’histoire des Coeur d’Alene, groupe de langue salish du nord-ouest des États-Unis (Idaho), n’est guère différente. Ce qui la rend originale concerne les stratégies, en apparence radicales, déployées par ses membres pour faire face à ces bouleversements : sédentarisation, pratique de l’agriculture et conversion au christianisme. Tout ce qu’il faut pour devenir, aux yeux des Blancs, de "parfaits sauvages"...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 juin 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782902039067
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À la lectrice, au lecteur
Maurice Godelier
Médaille d’or du CNRS
Prix de l’Académie française
L’ anthropologie est la seule science sociale qui impose aux chercheurs de s’ immerger de façon prolongée dans les modes de vie et de pensée d’une autre société que la leur et dont ils n’avaient jamais eu l’expérience dans leur existence. Peu à peu, l’anthropologue, s’ il a réussi à nouer des liens d’amitié et de travail avec ceux qui l’avaient accueilli parmi eux, découvre et comprend leurs façons de penser et d’agir, et peut alors en témoigner parmi nous. Ce n’est pas seulement de leur temps présent qu’ il va témoigner, car une grande part de l’ identité d’une société est faite d’un passé toujours présent et de récits, de moments de gloire ou de blessure, à vif dans la mémoire.
Dans le monde où nous vivons, et où l’hégémonie séculière de l’Occident est en train de disparaître, mais n’est pas oubliée de ceux qui l’ont subie, où des puissances nouvelles revendiquent de continuer à se moderniser sans plus s’occidentaliser, la connaissance de ce que font et sont les sociétés autres que les nôtres, est plus que jamais importante et doit être partagée par les jeunes générations.
C’est pour ces raisons que l’ initiative de créer une nouvelle maison d’édition, Dépaysage, et de la consacrer en priorité à la publication d’ouvrages d’anthropologie est à la fois une entreprise courageuse et importante. On n’en saura jamais assez sur les autres, et grâce à eux, sur nous-mêmes.


 
 
Éditeur Amaury Levillayer, PhD
Réalisation éditoriale Joël Faucilhon — numérisation Charles Gounouf — traduction Marie-Laure Jouanno — conception graphique et réalisation Éric Levillayer — correction © Olivier Mazoué — illustration originale de la couverture, éléments graphiques et logotypes
© Éditions Dépaysage, 2019 70, rue Serpentine 85000 La Roche-sur-Yon www.editions-depaysage.fr
ISBN (papier) : 978-2-902039-00-5 ISBN (epub) : 978-2-902039-06-7
En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété intellectuelle du 1 er  juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.


Cœur d’Alene
Ethnohistoire d’une communauté indienne d’Amérique du Nord
Matthieu Charle
Préface — Emmanuel Désveaux Directeur d’études à l’EHESS



Préface — Les Coeur d’Alene ou le cœur transformationnel du sous-continent nord-américain
Emmanuel Désveaux
L’ anthropologie repose sur un socle qui s’appelle l’ethnographie. Or, toute ethnographie dresse un état des lieux. Elle est un document historique qui atteste la présence durable d’une personne parmi un groupe de personnes, parmi une « tribu », parmi une ethnie, parmi une communauté, en bref, parmi un collectif d’humains de taille limitée et revendiquant une identité partagée. L’ exercice ethnographique a pu cultiver pendant assez longtemps l’impression de se situer hors de l’histoire, en particulier lorsqu’il avait pour théâtre une société récemment entrée en contact avec l’Occident. Pensons par exemple à Maurice Godelier s’installant en 1967 chez les Baruya de Nouvelle-Guinée quelque quinze ans après qu’ils ont été « découverts » par une patrouille dépêchée par le gouvernement australien. Ceux-ci avaient abandonné leurs haches de pierre quelques années auparavant. À dire vrai, Godelier ethnographe a plutôt contribué, aux côtés de l’administrateur colonial et du missionnaire, à l’entrée des Baruya dans l’histoire. Désormais cependant, l’ethnographe intervient toujours sur un terrain déjà labouré par l’histoire. Et le bilan de cette histoire que l’Occident a imposée aux quatre coins du monde s’avère plus ou moins lourd. Nul doute qu’il le soit particulièrement pour les Coeur d’Alene, à tel point qu’à l’aube du XXI e  siècle, lorsque Matthieu Charle se rend dans l’Idaho à leur rencontre, tout ce qui définit une culture comme originale et unique par rapport à n’importe quelle autre, a, en apparence, disparu : le mode de vie, la langue, la religion et l’organisation sociale. Dès la deuxième partie du XVIII e  siècle, le territoire des Coeur d’Alene et de leurs voisins, Spokane, Kalispel, Nez Perce, Pend d’Oreille, est fréquenté par les coureurs de bois 1 et le cheval y est introduit. Surtout, dès la fin de ce même siècle, ces groupes commencent à subir une série d’épidémies qui, en deux décennies, ampute brusquement des trois quarts, voire des quatre cinquièmes, les effectifs de leur population. Les ressources de leur chamanisme se révélant impuissantes pour lutter contre le mal nouveau, ils accueillent avec un relatif enthousiasme les missionnaires jésuites. Si ces derniers leur ouvrent les portes du ciel, ils ne peuvent pas grand-chose en revanche pour endiguer les vagues de colons qui déferlent sur la région à partir du milieu du XIX e  siècle. Les Coeur d’Alene prennent les armes. Mais leurs ardeurs guerrières se brisent face à l’artillerie mobile que déploie face à eux l’armée américaine. Ils perdent l’essentiel de leur base territoriale, et ce malgré la médiation de leurs protecteurs jésuites. Ils se convertissent alors de bonne grâce, semble-t-il, à l’agriculture, comme ils l’avaient fait au catholicisme. Or cela ne prévient pas le dépeçage de leur réserve au bénéfice des Blancs, à la suite de la politique fédérale de l’ allotment . Plus étonnant : très tôt, ils décident pratiquement d’eux-mêmes d’abandonner leur langue. Contrairement à une légende forgée a posteriori chez les Coeur d’Alene comme dans une infinité de peuples autochtones, les jésuites n’ont jamais interdit aux enfants fréquentant leur école de parler leur langue. Du reste, en règle générale, les missionnaires ne sont pas tant ennemis des langues vernaculaires – que nombre d’entre eux respectent parce qu’ils se sont donné la peine de les apprendre – que les laïcs ou les républicains de toute sorte. Les Coeur d’Alene traversent le XX e  siècle, refusent puis acceptent le Wheeler-Howard Act qu’apporte le New Deal ; plus tard ils construisent un casino sur leur réserve. Le grand James Teit, puis quelques ethnographes d’obédience culturaliste, en particulier Gladys Reichard, boasienne bon teint qui était aussi linguiste, et Verne Ray, fidèle disciple d’Alfred Louis Kroeber, enquêtent parmi eux, rédigeant des grammaires, compilant des listes de vocabulaire, transcrivant la mythologie ou glanant de précieuses informations en vue d’opérer une reconstitution ethnographique de leur mode de vie au cours de la période qui a précédé la perte de souveraineté et la mise en réserve. Une ultime génération de linguistes consolide notre savoir auprès des derniers locuteurs fonctionnels de la langue qui, d’ailleurs, tel Lawrence Nicodemus, s’impliquent, autant que faire se peut, dans cette entreprise de préservation de leur patrimoine linguistique.
Alors pourquoi encourager un jeune parisien à se rendre à la rencontre des Coeur d’Alene, ces Indiens au nom français imprononçable en anglais ? Pourquoi relever le défi et partir au cœur même de cette région relativement isolée, déjà indéfinissable aux yeux des kroebériens, où, de surcroît, le processus colonial a été si injuste, si cruel, si douloureux, laminant tout dans son déroulement ? Parce que sans ethnographie, il n’y a pas anthropologie et que sans départ – sans se départir d’un soi – il n’y a pas de bonne ethnographie. Car celle-ci n’est pas un simple rapport, de nature descriptive, sur les êtres et les choses ; elle est déjà leur appréhension sensible, une brèche ouverte vers une possibilité d’entendement. Il fallait que Matthieu Charle parte là-bas et il est parti. Au fond, ma principale fierté dans toute cette affaire, c’est de l’avoir convaincu de partir ; c’est de lui avoir donné l’envie, à un moment donné, de larguer les amarres. D’aller au large de lui-même afin d’accoster d’autres rives. On sait depuis l’envoi de Tristes tropiques que les ethnographes détestent les aventuriers et les explorateurs 2 , pourtant toute ethnographie, dès lors qu’elle est engagée (dans les deux sens du terme) relève à la fois de l’aventure et de l’exploration. Certes de façon non précipitée. L’ altérité façonne le soi plus sûrement que n’importe quel concours de recrutement de l’Éducation nationale&

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