Cognition incarnée
131 pages
Français

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Description

La cognition a longtemps été pensée comme opérant dans la tour d’ivoire que serait le cerveau, le corps et l’environnement tenant un rôle secondaire.

Pourtant, nos connaissances exprimées par le langage attribuent une place essentielle aux états corporels. L’approche incarnée et située de la cognition défend justement l’idée d’une cognition enracinée (incarnée) dans nos interactions sensori-motrices présentes et passées avec notre environnement physique et social. Elle est « située » car elle ne peut être envisagée indépendamment des situations dans lesquelles elle prend naissance. Dès lors, c’est l’action (l’inter-action) qui est à l’origine de la cognition et
oriente sa dynamique. Le monde ressenti (par opposition au monde physique) n’est pas pré-donné, mais au contraire projeté, ou énacté, dans une sorte d’espace-temps cognitif. En retour, cette incarnation ou projection de l’organisme définit et limite l’expression de la cognition. Par conséquent, la cognition émerge de l’état global du système et de ses perpétuelles modifications.

Ce livre présente les bases théoriques de l’approche incarnée et située de la cognition en les illustrant notamment dans l’étude du vieillissement cognitif.

EXTRAIT

La perspective connexionniste n’est pas récente (pour une revue exhaustive de la question, voir Medler, 1998). Elle était déjà présente chez des auteurs comme Spencer (1855a, b), James (1890) et Thorndike (1932) ; mais ce sont les travaux de Lashley (1950) et ceux de Hebb (1949) qui vont inspirer le développement actuel du connexionnisme.

En étudiant l’apprentissage chez l’animal avant et après lésions, Lashley (In Search of the Engram, 1950) est arrivé à la conclusion que les aires corticales peuvent se substituer les unes aux autres et que c’est davantage le volume de tissus détruits que la localisation des lésions qui explique les difficultés d’apprentissage. Ces données l’ont conduit à soutenir que l’apprentissage est un processus largement distribué sur l’ensemble du cerveau et non spécifique à une aire particulière. Depuis lors, plusieurs travaux sont venus confirmer les idées de Lashley et notamment celle de la plasticité neuronale (e.g., Grossman et al., 2002). Les connexionnistes reprendront à leur compte le caractère distribué de l’apprentissage.

À PROPOS DES AUTEURS

Les auteurs sont tous trois des spécialistes du sujet. Rémy Versace est professeur de psychologie cognitive à l’Université Lumière Lyon2 et dirige une équipe de recherche au sein du laboratoire d’Études des mécanismes cognitifs. Denis Brouillet est professeur des Universités à l’Université Paul Valéry Montpellier3, au département de psychologie, membre de l’équipe de recherche Dynamique Cognitive et Sociocognitive Émergente de l’Unité de recherche Epsylon. Guillaume Vallet est, quant à lui, maître de conférences en psychologie à l’Université Clermont Auvergne et membre du laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive (LAPSCO).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 juillet 2018
Nombre de lectures 6
EAN13 9782804705947
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,2000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À propos des auteurs
Rémy Versace est professeur de Psychologie Cognitive à l’Université Lumière Lyon2. Au sein du laboratoire d’Études des Mécanismes Cognitifs, il dirige une équipe de recherche qui s’intéresse au rôle de la mémoire, de l’émotion, mais aussi de l’action, dans une perspective incarnée et située de la cognition humaine. Il a notamment proposé un modèle de la mémoire permettant de décrire l’émergence des diverses formes de connaissances (perceptuelles, conceptuelles, épisodiques, évaluatives, etc), ceci dans une large gamme de situations. Ses recherches fondamentales débouchent également sur des travaux plus appliqués dans des domaines divers, en lien par exemple avec les dysfonctionnements cognitifs lors du vieillissement normal ou pathologique, le maintien de l’efficacité mnésique, l’apprentissage de la lecture ou encore le domaine de la sensorialité. Au-delà de ses activités scientifiques, Rémy Versace a également des responsabilités administratives et pédagogiques diverses au sein de l’Institut de Psychologie de l’Université Lyon2, notamment la responsabilité du Master de Sciences Cognitives.
Denis Brouillet est professeur des Universités à l’Université Paul-Valéry Montpellier3, au département de psychologie. Il est membre de l’équipe de recherche Dynamique Cognitive et Sociocognitive Émergente de l’Unité de Recherche Epsylon. Son activité de recherche concerne la compréhension des mécanismes cognitifs dans une perspective énactiviste où l’action joue un rôle central. Il s’intéresse plus particulièrement aux mécanismes sous-jacents à la mémoire en rapport avec la perception et les émotions. Il est responsable du master Dynamiques Cognitives et Socio-Cognitives et Directeur de l’École Doctorale 60.
Guillaume Vallet est maître de conférences en psychologie à l’Université Clermont Auvergne et travaille au sein du Laboratoire de Psychologie Sociale et COgnitive (LAPSCO, UNR CNRS 6024). Psychologue spécialisé en neuropsychologie, M. Vallet a poursuivi des études doctorales en cotutelle entre la France (Université Lyon2) et le Canada (Université Laval). Il a effectué un postdoctorat à Montréal (Canada) au Centre de Recherche de l’Institut Universitaire de Gériatrie de Montréal et à l’Université de Montréal. Ses travaux de recherche se situent au carrefour de la psychologie cognitive et de la neuropsychologie, et mettent en avant les liens entre le corps, le contexte et la cognition. Ses principales thématiques de recherche portent sur la mémoire humaine et le vieillissement cognitif.


Chapitre 1 La cognition humaine
1. Prolégomènes
La psychologie et la psychologie cognitive en particulier ont pour objet de construire une connaissance scientifique sur les comportements et les processus mentaux. Pour ce faire, elles ont recours à la méthode hypothético-déductive qui consiste à formuler une hypothèse théorique et à la réfuter par l’observation empirique (Popper, 1935-1973).
S’il est difficile de vérifier au sens strict une hypothèse théorique, il est facile d’en prouver la fausseté par l’expérimentation ; c’est-à-dire par la création d’une situation particulière qui permettra de tester un lien de causalité hypothétique entre un ou plusieurs facteurs susceptibles de rendre compte du phénomène que l’on étudie, en cohérence avec la théorie. Si les données observées ne valident pas ce lien de causalité, alors l’hypothèse sera rejetée. Autrement dit, l’expérimentation n’est rien d’autre que la mise à l’épreuve des hypothèses théoriques pour chercher à les infirmer.
Kuhn (1970) ne croit pas à la réfutation simple et directe des théories comme l’a suggéré Popper, car une observation qui contreviendrait radicalement à la théorie est peu probable. En effet, la production des faits par l’expérimentation tout comme leur interprétation dépend de la théorie. Pour lui, toute théorie scientifique s’inscrit dans une structure qu’il désigne par le terme de « paradigme ». Sans rentrer dans les controverses suscitées par ce terme, on dira qu’il s’agit d’un consensus adopté et accepté par une communauté scientifique à une époque donnée. Un paradigme naît « d’une découverte scientifique universellement reconnue qui, pour un temps, fournit à la communauté de chercheurs des problèmes types et des solutions » (Kuhn, p. 11). Exprimé autrement, les paradigmes ont une fonction normative qui façonne la vie scientifique (i. e., théorie et pratique de la recherche) et crée « une vision du monde ». C’est pourquoi tout changement de paradigme s’accompagne d’une modification radicale de la manière de percevoir et de comprendre la réalité. Il ne s’agit pas d’une simple réinterprétation des données mais d’une véritable « révolution », et Kuhn prend comme exemple d’un tel type de changement le passage de la mécanique de Newton à la mécanique relativiste d’Einstein. Un changement de paradigme s’impose quand une accumulation de faits ne s’accorde plus avec les attendus du paradigme existant. Certains chercheurs essaieront de sauver leur paradigme soit en considérant que les faits déviants sont des épiphénomènes sans importance, soit en essayant de les intégrer dans leur théorie ; d’autres, enfin, choisiront de faire le pari risqué de changer de paradigme.
Si nous avons choisi d’introduire ce premier chapitre par ces prolégomènes, c’est parce que nous considérons que l’approche incarnée et située de la cognition relève d’un changement de paradigme au sein de la psychologie cognitive, comme l’a été jadis la « révolution cognitive » vis-à-vis du béhaviorisme.
Pour permettre au lecteur de comprendre en quoi il y a changement de paradigmes, nous avons opté pour leur présentation sous une forme radicale.
2. Naissance de la psychologie cognitive
Comparée aux autres sciences que sont la physique, la chimie ou la biologie, pour ce qui est des sciences de la vie ; l’histoire, la linguistique, ou l’économie pour les sciences de l’Homme et de la Société, la psychologie scientifique apparaît comme une science jeune 1 . Au sein de la psychologie scientifique, la psychologie cognitive est la sous-discipline de la psychologie la plus récente (années cinquante). Sa naissance, comme on le verra, est consécutive aux limitations du béhaviorisme à pouvoir expliquer qu’un comportement n’est pas que la réaction à un environnement.
2.1 Le paradigme behavioriste
C’est en 1913 que Watson publie Psychology as the Behaviorist Views It où il pose les prémisses du béhaviorisme. L’idée centrale du béhaviorisme peut se résumer ainsi : la psychologie, science du comportement, est une science naturelle (voir Baum, 1995, 2005). Un comportement, comme tout événement naturel, se produit et doit être explicable par d’autres événements naturels et non par des causes non directement observables. Enfin, on doit pouvoir le contrôler et le prédire.
Il est utile de rappeler ici que le béhaviorisme ancrera la psychologie dans les disciplines scientifiques en s’opposant au mentalisme qui prévalait alors. En effet, il propose que l’objet d’étude ne soit plus la conscience mais le comportement, et que la méthode ne soit plus l’introspection mais l’expérimentation. C’est que l’on appelle le béhaviorisme méthodologique par opposition au béhaviorisme doctrinal que nous allons maintenant aborder.
Voulant exclure tout mentalisme, Watson (1916) optera pour la méthode des réflexes pour étudier les comportements. En effet, un réflexe (et par la suite tout comportement) est une relation dans laquelle une réponse est définie en fonction d’un stimulus et vice versa , sans que l’on ait besoin de faire appel à un quelconque processus interne à l’organisme. Le paradigme behavioriste est né : l’objet de la psychologie comportementale est de prédire la Réponse connaissant le Stimulus, S–R (Watson, 1924). Inspiré des travaux de Thorndike (i. e., loi de l’Effet, Thorndike, 1911), Skinner (1938) se détournera de la « réflexologie » (conditionnement répondant) de Watson en considérant que le comportement n’est pas déclenché par l’environnement mais sélectionné par lui (Skinner, 1978). Un comportement se manifeste car il produit un effet renforçateur (conditionnement opérant), mais si ce comportement se produit c’est parce que des comportements similai

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