Compétences professionnelles et travail social
67 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Compétences professionnelles et travail social , livre ebook

-

67 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

La logique de compétence fait partie des normes libérales qui tendent à s'imposer dans le travail social depuis une vingtaine d'années. Elles participent de l'illusion selon laquelle tout procès de travail doit parvenir à l'adéquation parfaite entre le prescrit et le réel, donc que le travail social atteindra un jour ses objectifs. Les éducateurs spécialisés et assistants de service social sont ainsi formés sur la base d'un référentiel de compétences.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 mars 2020
Nombre de lectures 4
EAN13 9782336895000
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Questions contemporaines

Questions contemporaines
Collection dirigée par Jean-Paul Chagnollaud,
Bruno Péquignot et Xavier Richet
Chômage, exclusion, globalisation… Jamais les « questions contemporaines » n’ont été aussi nombreuses et aussi complexes à appréhender. Le pari de la collection « Questions contemporaines » est d’offrir un espace de réflexion et de débat à tous ceux, chercheurs, militants ou praticiens, qui osent penser autrement, exprimer des idées neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion collective.
Dernières parutions
Pierre MORLANNE, Pour en finir avec les religions , 2020.
Louise FINES, Enfants au travail : le paradoxe de la nécessité et du choix , 2020.
Abdelbaki BELFAKIH, Abdelkader GONEGAÏ, Bruno PEQUIGNOT (dir.), Art, individu et société , 2020.
Simon-Pierre THIERY, Le regain des campagnes. Les ruraux et leurs collectivités locales , 2020.
François TESTARD, Le non-recours au RSA chez les seniors, 2019.
Jean-Paul GUICHARD, Du tsarisme au totalitarisme , 2019.
Ndache DJAVETY, Ethnorelégation et mahorité : l’intégration pathologique d’une minorité , 2019.
Gilbert JOB, Pour une idéologie centriste, La Qualité humaine, 2019.
Raoul NKUITCHOU NKOUATCHET, Ordonnances Macron, De quoi la refonte de l’expertise CHSCT est-elle le signe ?, 2019.
Isabelle PAPIEAU, Des EHPAD aux « papy-boomers » , 2019.
Arno MÜNSTER, Osons l’utopie pour construire un monde meilleur, Esquisse d’une autobiographie politique , 2019.
Sagar SECK, Machiavel et la communication politique , 2019.
Jacques ARON, L’an passé à Jérusalem. Le destin d’Israël en diaspora , 2019.
Manuel DIATKINE, Pierre-André Taguieff, l’antiracisme en débat, 2019.
Titre


Michel P ERRIER







Compétence professionnelles et travail social
Copyright






























© L’HARMATTAN, 2020
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-89500-0
INTRODUCTION
L’année 2000 eut lieu à l’UNESCO, à Paris, un colloque intitulé « CQFD », « C’est la Qualification qu’il Faut Défendre ». Se sont succédés à la tribune tout ce que le travail social compte de sociologues, d’historiens, de psychiatres, de formateurs ou de responsables associatifs en vue pour dénoncer la menace que faisait peser sur la qualification des métiers du social l’approche en termes de compétences, qui répandait alors ses germes dans l’enseignement, la formation professionnelle ou le management.
Force est de constater que cette dernière approche a largement triomphé, s’imposant désormais dans tous les domaines comme la seule compatible avec la postmodernité et les nécessités nouvelles du Marché (nous écrirons dorénavant ce mot avec une majuscule, pour souscrire à son statut de figure tutélaire de notre modernité capitaliste, véritable « fétiche », mot important que nous retrouverons par la suite dans notre récit).
En 2000, j’étais encore éducateur spécialisé, issu dix-huit ans auparavant de l’école de Buc, qui n’était pas encore devenue Ressources. Ayant été diplômé en 1982, j’assistais d’un œil critique à la transformation progressive du métier en une fonction technicienne, à laquelle allait bientôt s’attaquer la logique de compétence et son cortège de termes à la mode – référentiel, évaluation, démarche qualité, gouvernance et autre contrat, soit un glossaire technico-administratif destiné à nous faire croire que les métiers du travail social allaient, enfin, devenir de « vrais » métiers, investis par de « vrais » professionnels rompus à la méthodologie de projet et aux protocoles évaluatifs.
Ma génération avait grandi, si l’on peut dire, à l’ombre des grands penseurs du siècle et de l’utopie communiste, dans une volonté de transformation de la société et d’espoir inouï dans la politique d’union de la gauche. Mitterrand avait été élu Président en 1981, l’année de la mort de Lacan. Barthes était parti un an plus tôt. Foucault devait disparaître en 1984. Deligny œuvrait quelque part dans les Cévennes, à Monoblet, dans une communauté pour jeunes autistes ; on avait tous lu ses livres et vu les films qui lui étaient consacrés. Bourdieu donnait ses cours au Collège de France et présentait ses livres dans l’émission « Apostrophes », l’abécédaire de Gilles Deleuze passait à la télévision publique. Quelques années auparavant, en 1977, cette même télévision avait diffusé le documentaire de Karlin et Laîné « la raison du plus fou », qui avait provoqué un véritable séisme dans le monde de la psychiatrie et de l’enfance déficiente ; six ans plus tôt, en 1971, Baudelot et Establet avaient publié « l’école capitaliste en France ».
Il n’est bien entendu pas question de dire que « c’était mieux avant », ou autre lieu commun de mise lorsqu’on se lance dans des comparaisons historiques hasardeuses. Il s’agit seulement de pointer le fait que la configuration politique était alors complètement différente, et que l’entrée dans le travail social se doublait souvent d’un marquage politique très net : on devenait éducateur parce qu’on était forcément « de gauche », avec tout un éventail de références marxo-gaucho-écolo-humanistes plus ou moins assumées. Tout cela manquait d’analyse, de savoir, de théorie, et c’est ce qui nous permettait justement d’y croire, de croire qu’une conjugaison des forces dites progressistes ne demandait qu’à réaliser l’émancipation des foules. Il est vrai qu’à cette époque, des années 70 aux années 90, le secteur social embauchait et nous n’avions que peu de craintes pour notre avenir professionnel. C’est une différence de taille. Toutefois, les candidats actuels aux fonctions éducatives s’illusionnent tout autant sur leurs missions, mais la toile de fond idéologique s’est muée en pragmatisme humaniste. On ne s’illusionne pas moins aujourd’hui, mais différemment. Il devient de plus en plus difficile d’imaginer qu’un jour, le travail social atteigne ses objectifs et tienne – enfin ! – ses promesses…
Pragmatisme, donc. On entre dans une configuration particulière – le travail social des années 2000 – comme si elle était solidement établie une fois pour toute, une sorte d’aboutissement d’un processus d’évolution qui générerait un progrès social permettant de « réellement » prendre en compte les dimensions complexes des situations des personnes défavorisées, avec l’assurance de former des professionnels présentant – enfin ! – les qualités requises pour y faire face : les fameuses compétences, alliant technicité, capacités d’analyse, qualités personnelles, aptitudes à travailler en équipe, à monter des projets et à mobiliser un réseau, le tout sur fond d’engagement éthique.
Je me propose ici de travailler à partir des professions emblématiques du travail social, celles d’éducateur spécialisé(es) et d’assistant-e de service social (ASS). L’analyse comparative des formations à ces deux métiers a fait l’objet de ma thèse de sociologie, soutenue en 2003 et publiée trois ans après 1 . Je reviens en quelque sorte sur les traces d’un parcours antérieur, avec la possibilité d’en mesurer la distance parcourue.
La construction du référentiel métier d’éducateur spécialisé remonte à l’année 1999. Le rapport du CREDOC 2 s’appuie sur une série d’entretiens réalisés avec le CREAI auprès de professionnels d’établissements et de services, avec pour objectif d’analyser l’emploi à partir des tâches effectuées et des compétences mises en œuvre ; il s’est aussi inspiré d’une enquête du CREAI Midi-Pyrénées faite auprès de personnels de terrain, d’encadrants et de politiques, basée sur la confrontation des représentations et attentes concernant les emplois.
Le contexte évoque une mutation du monde du travail, où la notion de compétence s’est imposé

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents