De la physiologie à l ethnopsychologie
294 pages
Français

De la physiologie à l'ethnopsychologie , livre ebook

-

294 pages
Français

Description

Wilhelm Wundt est l'auteur des Eléments de psychologie scientifique, titre qui n'est pas sans évoquer l'Esquisse d'une psychologie scientifique écrite vingt ans plus tard par Sigmund Freud. Homme de laboratoire il décida vers la fin de sa vie de reconsidérer celle-ci et d'en consigner les linéaments. Ce livre, traduit par Marc Géraud, peut être lu comme les mémoires d'un homme qui considère avec recul les croyances de la vie et de l'oeuvre d'un scientifique qui aura marqué la fin du dix-neuvième siècle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 90
EAN13 9782296243453
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Préface
Les pages qui suivent ne sont pas la description d’une vie
au sens habituel du terme. Une vie de savant, comme celle de
l’auteur, n’abrite aucun motif qui puisse servir d’incitation
particulière à décrire son cours. Les motifs qu’elle aimerait
offrir pour que les générations suivantes les fixent sont en
partie des événements extérieursqu’il a vécus, en partie les
résultats du travail auquel il a consacré ses efforts. Mais
décrire une vie de ce genre n’éveille un intérêt quelque peu g
énéral que dans la mesure où l’esprit du temps s’y est déposé,
et c’est, je pense, le cas de ma vie, si je prends en
considération ce qu’elle contient de faits que j’ai vécus et
d’événements dans lesquels il m’a été donné d’intervenir.
Mais de ce point de vue, il n’yaurait guère d’intérêt
particulier à répéter, dans ce qui suit, l’expérience si souvent faite
d’une description qui progresse jour après jour ou année
après année. Ici, les contenus de cette vie s’ordonnent plutôt
spontanément pour constituer des successions singulières qui
appartiennent à des domaines différents de la vie. Même s’il
ne manque pas de cohésion intérieure entre ces segments de
vie, on ne peut pourtant pas trouver en eux une relation
extérieurement repérable ; au contraire, cette dernière naît
seulement de l’impression totale que provoque l’ensemble sur le
lecteur qui construit lui-même, à son usage, cet ensemble.
C’est, si je puis utiliser ici des expressions que j’ai souvent
employées dans les pages qui suivent, une résultante ou une
unité collective, qui n’échappera pas au lecteur attentif, mais
vers laquelle l’auteur n’a pas besoin de l’orienter, et qui doit
trouver son expression dans ce qui a été «vécu et appris ». Le
vécu est le plus immédiat de ce que les dieux lui ont accordé,
l’appris est le meilleur de ce qu’ils lui ont offert. Si le lecteur
veut juger ce que l’auteur a fait de sa vie, il doit considérer,
comme constituant le matériel à partir duquel il tirera ses
conclusions, le rapport que l’appris entretient avec le vécu. Il
trouvera alors en même temps le point de vue exact pour
comprendre aussi les erreurs et les défauts dont cette vie n’est
pas exempte. S’il devait lui-même mettre au premier plan le
5motif qui a été pour lui le plus agissant pendant toute sa vie,
l’auteur de ces lignes dirait que c’est, non pas à chaque
moment, mais bien aux apogées de cette vie, la politique, la part
prise aux intérêts de l’État et de la société, qui l’a captivé.
Elle l’a guidé dans la vie. Elle est à plusieurs reprises
intervenue activement dans cette vie, et elle s’en est à nouveau
rapprochée quand cette vie s’est approchée de la fin.
Leipzig, août 1920
W. Wundt
61. Souvenirs d’enfance les plus anciens. L’école primaire de Heidelsheim.
1Le célèbre peintre Wilhelm Tischbein rapporte dans son
autobiographie que l’événement le plus précoce qui se soit imprimé
indestructiblement dans sa mémoire est une chute qu’il a faite quand on
voulait lui apprendre à se tenir debout et à marcher. On l’avait appuyé
à une chèvre qui se trouvait là par hasard, et au moment où la chèvre
partit, il tomba par terre.
Celui qui en général peut se rappeler des événements les plus
précoces de sa vie se heurtera vraisemblablement à un donné
similaire, qui est resté fixédans sa mémoire comme un événement isolé.
Mais un événement de ce genre a coutume en même temps de
s’accrocher avec une netteté remarquable à toutes les circonstances
accessoires qui l’accompagnent, comme la chèvre qui s’en va chez
Tischbein; et quand on réfléchit pour savoir quels sont, en fin de
compte, les caractères qui donnent à un semblable processus
singulier, par rapport aux autres, le privilège d ’être considéré comme le
souvenir le plus précoce, ce sont bien ces circonstances accessoires
qui l’accompagnent.En règle générale, c’est une situation quelconque
dans laquelle on se trouve, et qui se renouvelle non pas comme si elle
était entièrement indéterminée, mais en étant munie de la diversité
d’un événement réel. Ainsi, moi aussi, quand je veux rendre compte
de mon vécu le plus précoce, j’en reste à une situation extrêmement
pénible. Je suis en train de dévaler en roulant l’escalier d’une cave, et
je crois aujourd’hui encore sentir les chocs provoqués sur ma tête par
les marches ; je me trouve enveloppé par la semi obscurité de la cave,
et à cela se mêle l’impression d’avoir couru à la suite de mon père qui
est allé à la cave.
À côté de l’événement ainsi marqué surgissent encore en moi,
lorsque j’y songe plus précisément, des souvenirs sporadiques, mais
qui manifestement appartiennent à un stade ultérieur.Ce sont en
particulier les vécus d’école les plus précoces, et ici, c’est de nouveau le
milieu environnant, certains écoliers, une scène d’école, qui jouent un
rôle privilégié, et dans lesquels une condition est toujours réalisée en
même temps, à savoir que je participe moi-même à la scène.Ainsi, j’ai
présente à l’esprit, encore nette, une scène particulière tirée de la
multitude de ces vécus scolaires de l’époque où je fréquentais la première
classe de l’école primaire. En sa qualité d’inspecteur d’école, mon
père assistait à une heure d’enseignement, sans d’ailleurs intervenir
lui-même dans celui-ci. Il n’a fait exception à cela que dans un seul
1 Johann Heinrich Wilhelm Tischbein (1751-1829),peintre allemand. Œuvre
connue :Goethe dans la campagne romaine.
7cas. J’étais dissipé et, au lieu de faire attention à l’enseignement, j’avais
laissé libre cours à mes propres pensées, suivant en cela ce qui s’est
révélé être un trait régulier chez moi jusque dans des époques bien
plus tardives. Et je fus soudain arraché à cet état par une gifle que
mon père, contrairement à son habitude, m’avait donnée. Je vois
encore devant moi le visage punitif du père, qui ici manifestement était
passé involontairement du rôle de l’auditeur attentif à celui de
l’éducateur familier.Comme dans le premier cas, il se peut bien aussi
qu’un affect d’effroi, une douleur favorisent l’adhésion dans le sou
venir ; pourtant, dans l’ensemble de mes impressions, ce motif de d
éplaisir n’a, à côté de cette force isolante des représentations
accompagnatrices, qu’une signification accessoire. Ainsi, une règle s’applique
déjà selon toute apparence à ces souvenirs lesplus précoces
considérés d’un point de vue psychologique, c’est qu’il n’y a tout bonnement
aucun processus isolé dans notre conscience, mais seulement des
liaisons de processus, qui constituent une connexion et, par le biais de
celle-ci, s’établissent fermement l’un avec l’autre dans le souvenir.
C’est la règle de la continuité de la conscience, qui ainsi se confirme
déjà pour la première apparition de cette dernière. Mais c’est pour
cette raison que l’on ne peut pas non plus affirmer avec une certitude
absolue que n’importe quel souvenir, que l’on est enclin à considérer
comme le plus précoce, l’est effectivement ; tout ce que l’on peut
dire, c’est que sa liaison avec les représentations accompagnatrices le
marque comme tel.
2. Une révolution de village. Intérêt desAllemands pour les destinées de la
Pologne. L’année 1848. La Révolution Badoise de 1849. La République
Badoise et sa fin. L’entrée en guerrede la Prusse et le tribunal de guerre de Rastatt.
Il n’y a plus que peu de gens aujourd’hui qui se rappellent le
temps où le pays deBade a été, six mois durant, une république
autonome. Mais le nombre de ceux qui ont vécu, au moins en partie, avec
leur pleine conscience, les décennies précédentes, est sans doute
encore plus limité. J’appartiens à ce petit nombre, et je me souviens
d’une scène qui jette une lumière remarquable sur l’ambiance
politique de cette époque.
Mes parents habitaient dans une petite bourgade ou plutôt dans
un grand village au milieu duBade, appelé Heidelsheim. Le jour
précisément où j’avais réussi ma première année d’école communale, à
peu près à l’époque comprise entre 1838 et 1840, j’étais assis sur
l’

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