Détestation de mots
63 pages
Français

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Détestation de mots , livre ebook

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Description

Sensible, dans sa pratique clinique et thérapeutique, au sens et aux sonorités des mots, Jean Broustra a développé avec une équipe pluridisciplinaire des ateliers thérapeutiques d'expression. Certains mots prononcés s'accompagnent de rugosité, de vibrato, de cassures vocales, d'animation dans le visage, de gestes incontrôlés des mains, des pieds. Le discours alors s'interrompt, se met en suspens. Après un rappel de l'importance des phonogrammes, signes graphiques qui représentent arbitrairement des sons et leur importance historique (Oulipo, Cobra, Peter Brook), cet ouvrage propose un bestiaire des mots, composé en trois parties : détestation de mots, mots intrigants et quelques amours de mots.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 avril 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782336898049
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Psychanalyse

Psychanalyse et Civilisations
Collection dirigée par Jean Nadal
L’histoire de la découverte de la psychanalyse témoigne que démarche clinique et théorie issues de champs voisins ont concouru, par étayage réciproque à élaborer le concept d’inconscient, à éclairer les rapports entre pathologie et société et à reconsidérer les liens entre le malaise du sujet singulier et celui de la civilisation.
Dans cette perspective, la collection Psychanalyse et Civilisations tend à promouvoir cette ouverture nécessaire pour maintenir en éveil la créativité que Freud y a trouvée pour étayer, repenser et élargir la théorie. Ouverture indispensable aussi pour éviter l’enfermement dans une attitude solipsiste, qui en voulant protéger un territoire et préserver une identité, coupe en réalité la recherche psychanalytique de ses racines les plus profondes.
Dernières parutions
Alain LEFEVRE, Psychanalyse critique de la destinée, Du théâtre antique à l’inconscient, 2019.
Louis MOREAU DE BELLAING, D’un sens l’autre, Le sacréprofane et l’entre-nous , 2019.
Urias ARANTES, La Cité des Dames, Enquêtes sur les relations entre la psychanalyse et les féminismes , 2019.
Martín RECA (dir.), Salomon Resnik, Un psychanalyse à l’écoute de la folie , 2019.
Saverio TOMASELLA, La subjectivité face au désastre, Subjectivation et catastrophes, 2018.
Jean BROUSTRA, Psychoses et langages. Scènes psychothérapiques du dire , 2018.
Michel BASS, Mort de la clinique. Analyse de la fracture du système de santé , 2018.
Jean NADAL, La pulsion de peindre. La toile et son inconscient , 2018. Marie-Laure DIMON et Michel BROUTA (dir.), Les Algorithmes de l’Etrangéité , Psychanalyse et anthropologie critique, 2018.
Dominique PERROUAULT, La voix entre mère et bébé – La structure de soi dans l’échange vocal, 2017.
Alain LEFÈVRE, Mère, l’absurde malentendu. Psychanalyse et fiction clinique, 2017.
Kéramat MOVALLALI, Le temps et le cerveau, Rêve, psychanalyse et neuroscience, 2017.
Titre

Jean BROUSTRA










DÉTESTATION DE MOTS MOTS INTRIGANTS ET QUELQUES AMOURS
Copyright









***






















© L’Harmattan, 2020
5-7, rue de l’École-Polytechnique ‒ 75005 Paris
www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-89804-9
Dédicace




À Jacqueline
DIRE ET RESSENTIR DES ACTES PHONATOIRES
Ce n’est pas d’aujourd’hui que le langage écrit est bousculé par des bourrades phonatoires ou pictographiques. Dès son origine, vers 3300 av. J.-C., et sur un mode commun, des pictogrammes représentent des contours d’objets et de créatures du monde (dont l’homme). Un millénaire plus tard sont inventés les cunéiformes, invention de signes en abstraction des images.
Platon, philosophe de la parole, se méfie de l’écriture. On lit dans Phèdre 1 : « Elle ne peut produire dans les âmes, en effet, que l’oubli de ce qu’elles savent en leur faisant négliger la mémoire. Parce qu’ils auront foi dans l’écriture, c’est du dehors, par des empreintes étrangères, et non plus dedans et du fond d’eux-mêmes, que les hommes chercheront à se ressouvenir. »
La langue française, dans sa jeunesse – peut-on dire qu’elle est mal équarrie, mal fagotée – de Villon à Montaigne – qu’elle conserve encore quelques saillies au XVII e siècle – pour se décanter, se purifier au siècle de Lumières. Le XIX e siècle est plus éruptif : Hugo recherche dans le dire des effets tonitruants et aussi Flaubert avec son célèbre gueuloir . Avec les surréalistes, mais surtout à partir de Céline – l’insurrection contre une langue trop ordonnée est déclarée – d’autant plus que le théâtre s’en mêle fortement : Artaud, Genet, Ionesco 2 , Beckett.
Le surréalisme s’est passionné pour les collages, par un jeu qui paraît inépuisable entre les images et les mots.
Qu’est-ce que le phonogramme ? Un signe graphique susceptible de représenter arbitrairement un son. J’en fais volontiers usage dans les pages qui suivent. Dans le sillage du surréalisme, l’Oulipo bouscule les procédures grammaticales et invente des contraintes provocatrices ; ainsi Perec 3 , tout au long d’un roman de trois cents pages, s’interdit l’usage de la lettre e.
Puis entre en scène le groupe CoBrA. En 1971 avec le peintre Alechinsky, Dotremont publie : J’écris pour voir 4 , ce qui participe à l’exaltation logographique (logogrammes) promue par ce groupe avec Aspert-Jones, Corneille, Alechinsky, et aussi Henri Michaux.
Dans une époque plus contemporaine, il faut donner une place particulière au comédien et metteur en scène Peter Brook. Avec le poète Ted Hugues, inventeur d’un mode langagier nommé L’Orghast , ils en proposent une expression scénique en 1971 au festival des Arts de Shiraz Persépolis. P. Brook reprendra ce même élan dans une mise en scène historique du Mahâbhârata au festival d’Avignon (1985).
Ted Hugues définissait l’ Orghast comme un privilège accordé à la sonorité et la forme, dans la transmission des mots. Il s’agirait bien de réduire la fracture entre les mots et les choses ou encore – selon Lacan – entre réel et symbolique.
G. Genette 5 introduit une différence entre Onomatopées qui sont l’imitation d’un bruit naturel (hors de l’expression humaine) et Mimologisme, par lequel les mots tentent d’imiter les vocalises humaines, par exemple, des cris, des vociférations, des raclements, des sifflements.
Au-delà de ces considérations savantes sinon rébarbatives, mon choix de certains mots est avant tout affectif, parfois il témoigne d’un effort de penser : effet d’humeur, mauvaise foi possible dans la détestation, ruse stratégique au sens de la métis des Grecs pour ce qu’il en est des mots intrigants, et aussi quelques amours de mots qui ouvrent selon Michel Leiris « une parenthèse qui ne se referme pas » 6 . Ce même auteur donne aussi une valeur réelle à des « jeux phoniques », ce que je propose à la fin de chaque rubrique en les nommant phonogrammes.
J’espère, lecteurs, lectrices, que vous puissiez être incités à vocaliser aussi votre bestiaire de mots !


1 Platon, Phèdre , Albin Michel, 1960, p. 178.

2 Ionesco, Délire à deux, essai de calligraphie sonore, exécuté à la main par Massin , Gallimard, 1966.

3 G. Perec, La disparition , roman, Denoël, 1969.

4 Dotremont, J’écris pour voir , Buchet-Chastel, 2004.

5 G. Genette, Mimologiques, voyage en Cratylie , Seuil, 1976.

6 M. Leiris, Langage Tangage ou Ce que les mots me disent , Gallimard, 1983, p. 89, p. 147.
DÉTESTATION DE MOTS
C ONSIGNE
Pendant des sessions de formation pour l’animation d’ateliers thérapeutiques d’expression, très souvent me suis-je interrogé : Quelle est la consigne ? Depuis quelques décennies, et encore aujourd’hui, d’un ton quelque peu agacé, je réponds :
« Pas de consigne, sinon pour rapporter des bouteilles ou laisser votre valise à la gare. »
Enfant, j’entendais souvent, à propos de bouteilles de limonade : « Et n’oubliez pas de les rapporter. Pour la consigne, c’est trois francs. »
Je me souviens aussi que pendant les sorties avec les scouts de France, il fallait appliquer des consignes qui avaient l’autorité d’instructions militaires. Avec loyauté. Cette injonction à devoir exécuter ce qui est entièrement préétabli – qui se dit aujourd’hui Conduites à tenir – m’a toujours insupporté.
À l’école primaire, nos écarts de conduite étaient sanctionnés par des heures de consigne. Dans nos boîtes aux lettres, on trouvait parfois des colles , où étaient consignés le détail d’actes répréhensibles, et le jour (habituellement un jeudi après-midi) où nous devions nous présenter à la salle d’études pour une ou plusieurs heures de retenue, avec un travail obligatoire. Ces colles étaient distribuées par le concierge du collège. Le mercredi on le guettait lorsque, sur son vieux vélo, il partait en tournée. – « Oui, ça y est, il s’arrête chez toi… baisé con ! 

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