Ecouter comme aimer
256 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Ecouter comme aimer , livre ebook

-

256 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Le psychanalyste reçoit quotidiennement les confessions parfois pesantes de ses patients. De la difficulté de répondre à leur besoin pressant de soulagement, naît l'idée de tenir une sorte de journal de bord. Il espère par ce biais parvenir à mieux comprendre, à mieux se comprendre, à jeter aussi quelque lumière sur le lien si particulier qui l'attache à ses analysants. Ainsi prennent corps six récits de psychanalyses, dont l'ensemble pourrait constituer aussi une part de la sienne propre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 7
EAN13 9782296489288
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Écouter comme aimer
Histoires de psychanalyses ordinaires
Yannis Vaϊtsaras

Écouter comme aimer

Histoires de psychanalyses ordinaires
Traduit par Philippe le Moller
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96834-9
EAN : 9782296968349
Introduction
Ce livre est dédié, bien sûr, à ceux qui me font confiance comme conducteur dans leur voyage psychanalytique. Mon souci a toujours été qu’ils ne se sentent pas trahis, s’il leur arrivait un jour de le lire. Sans doute reconnaîtraient-ils des expressions, des lieux, des conjonctures, mais aucun des éléments personnels confiés sur le divan. Les histoires de ce livre sont le fruit de l’imagination.
Loin de toute prétention scientifique, j’ai voulu simplement présenter les confessions d’un psychanalyste. Une réponse au besoin qu’il ressent de parler de ce métier si particulier, solitaire et souvent méconnu.
Dans un pays comme la Grèce, globalement soumis, aujourd’hui, à de fortes pressions, génératrices de possibles angoisses et de doutes à différents niveaux, le psychanalyste a besoin d’une bonne dose de sang froid pour rester à l’écoute tout en demeurant indemne.
Dans ce contexte, une grande partie de mon temps se passe à prêter une oreille « flottante » aux plaintes, confidences chargées d’appréhension, lourdes de craintes, parfois de désespoir. Tenir bon face aux tempêtes de l’âme auxquelles sont confrontés mes patients, les conduire par là au « bon port » de l’intelligence de soi et de la reconnaissance heureuse de l’autre, du choix assumé et du projet porteur de sens, voilà mon rôle (eût-il tendance à prendre l’air parfois d’une gageure) de thérapeute. Ainsi, l’écriture de fictions est devenue peu à peu pour moi la réponse à un besoin impérieux d’expression, comme un cri dans un univers désolé, comme l’instrument de la recherche de la joie au sein d’un monde borné de tristesse.
Mes histoires ne sont pas tristes. Elles racontent des psychanalyses heureuses, en dépit des aspects parfois tragiques qu’elles présentent. Elles seront ma contribution à la lutte contre le cheminement du désespoir chez ce peuple pour lequel les impasses psychiques individuelles sont à présent doublées par le malaise d’une société meurtrie dans son ensemble.
Un mot, une phrase, une scène rapportée au cours d’une séance, tout cela venant se conjuguer à mon propre inconscient, sollicitant l’imaginaire, se refond peu à peu en histoire. Ainsi s’est construit un univers, celui du psychanalyste, avec ses patients, son cabinet, l’architecture de son immeuble. Si les histoires se mêlent les unes aux autres, c’est que leur écriture épouse le cours d’une séance de psychanalyse. Selon le principe de l’association libre, un élément écrit me renvoie à une histoire précédente, déjà écrite, ou à une autre qui commence à peine à prendre corps.
Même s’il me ressemble par bien des points, l’analyste de la fiction n’est pas moi. Il est un autr e fantasmé, voire idéalisé. On verra que le motif du « double » est d’ailleurs récurrent.
Un autre motif récurrent est le bilinguisme, lié à son utilisation dans le cadre de la cure. Des rêves, lapsus, ou autres manifestations de l’inconscient, passent du grec au français, et inversement, élargissant l’espace de l’analyse, rendant possibles des interprétations doubles ou plurielles qui interfèrent.
Enfin, tout comme dans une analyse réelle, l’écrivain-psy en train de naître, cette créature hybride que je deviens, ne fait pas faute de suivre ses résistances (les miennes) ce qui, je le crains, peut être de nature à frustrer le lecteur. Ne regrettera-t-il pas de ne pas en savoir plus (toujours plus...) sur la réalité physique et psychique des personnages ? Mais la psychanalyse, on le sait, est un long fleuve fort peu tranquille. Ce livre n’est qu’un premier retour du refoulé, circonscrit aux limites d’un temps borné. L’avenir -qui sait ? -nous permettra peut-être de dénicher la clé de certaines portes restées closes.
Sauf quelques exceptions, dont je préviens le lecteur, j’ai évité l’usage de termes propres à la psychanalyse.
Enfin, je tiens à exprimer ma gratitude à mon psychanalyste, M. H., sans qui les chemins conduisant à l’Analyse seraient restés pour moi impraticables.
1. Croisement dangereux
CHAPITRE I
Elle se prénomme Voula. Dès la première séance, je me suis dit qu’elle avait devant elle une longue psychanalyse. Elle s’est présentée à son premier rendez-vous sachant très bien ce qu’elle voulait : mettre enfin de l’ordre dans ses affaires, fouiller au fond de son âme, découvrir qui elle est, ce qu’elle fait dans sa vie .
– J’en ai assez de me sentir coupable à tout propos ! Je suis lasse de penser que tout arrive par ma faute. Assez ! Je veux vivre! Je sais que ça semble naïf. Je sais qu’il faudra du temps et des efforts pour parvenir à y voir clair, mais je suis prête. À trente-cinq ans, j’estime que j’ai le droit de dépenser de l’énergie et de l’argent pour mieux me connaître moi-même. Je ne veux plus avoir toujours tout faux. Être constamment perdante et coupable. Pensez-vous pouvoir m’aider ?
– Si vous le voulez, je tâcherai.
– Et comment ne le voudrais-je pas ? Quel aveugle ne voudrait pas voir ?
Le cadre s’installe aussitôt. Deux fois par semaine. Les séances durent quarante-cinq minutes et coûtent cinquante euros. Sur le divan. « Une seule règle doit ici être respectée : vous parlez de tout ce qui vous passe par la tête, vrai ou faux, sans censure, lui dis-je. Je vous écoute. »
J’ai donc écouté son histoire.
Elle est le deuxième enfant d’une famille bourgeoise. Née à Larissa où ses parents, fonctionnaires, ont été mutés après divers déplacements à travers le pays.
Elle ne se souvient pas de son père, mort subitement quand elle était encore en bas âge. Elle entretient des relations conventionnelles avec son frère, de trois ans son aîné. Lui vivant à Athènes, elle et sa mère à Salonique, ils ne se voient qu’aux fêtes.
Quant à sa mère... « C’est une relation difficile, mais nous faisons des efforts, dit-elle. Elle n’ignore pas que je l’aime beaucoup. Je suis folle à l’idée de la perdre un jour. Pourtant le quotidien en sa présence est loin d’être paisible ! »
Voula est une femme active, intelligente, pleine de res-sources. Après avoir terminé ses études d’anglais, elle est parvenue à créer sa propre école de langues. C’est un travail qui la passionne. Sociable de nature, elle est entourée de nombreux et fidèles amis, sort, s’amuse, s’informe de tout.
Jusqu’ici, tout va bien. Une vie sans rien de bien particulier, apparemment sans gros problème, si toutefois elle n’ajoutait pas :
– Et puis, il y a Vassili. Voilà le hic ! Je peux dire que je regrette le temps où je ne le connaissais pas encore. J’étais seule, soit, mais libre ! Je veux dire, seule dan s l’âme . Sans les complications et perpétuelles ambiguïtés que je vis avec lui. C’est une vraie maladie ! J’en arrive à être confrontée à des impasses inimaginables ! Mille fois, j’ai été sur le point de le quitter. Et chaque fois, je me suis ravisée. Nous vivons deux vies parallèles, chacun chez soi avec ses habitudes…
Enfin, je vis chez moi, et lui, à son bureau. Il n’a pas d’autre domicile. Il a vaguement aménagé une chambre dans une pièce du fond. C’est là qu’il dort. C’est un type vraiment spécial. Quand il arrive que nous mangions chez lui, c’est sur sa planche à dessin ! Il est architecte. Enfin, c’est un original.
Même si cette distance ne simplifie pas les choses, elle a permis à la relation de se maintenir. Si nous menions une vie de couple normale, il y a longtemps que nous aurions dû divorcer. Imaginez que cette situation dure malgré tout depuis cinq ans ! dit-elle mi-amusée.
J’avais le sentiment que tout avait été mis en place dès la première séance. Comme si elle avait minutieusement déposé sur la table tous les thèmes à traiter, avec ordre et pertinence. Le tableau était clair. Arriverait-elle, arriverions-nous à en détacher les

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents