Entre alcool et parole une marche lente
86 pages
Français

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Entre alcool et parole une marche lente , livre ebook

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Description

"Je suis une ex-alcoolique... ou pour prendre les mots avec des gants, une ex-alcoolo-dépendante. (...) J'ai toujours écrit aussi. (...) En 2006, j'ai voulu organiser tout ce que j'avais écrit, l'incarner, lui donner une forme et du sens. En 2006 j'ai aussi fait ma première cure de désintoxication à Marseille. Je suis malgré tout remontée dans les Alpes par la suite et ai continué à écrire et boire. Ce qui suit est mon histoire avec l'écriture et l'alcool. Une tranche de vie."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2013
Nombre de lectures 22
EAN13 9782336287096
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Louise EDOUARD









E NTRE ALCOOL ET PAROLE UNE MARCHE LENTE


Récit
Copyright








Photo de couverture : Luc Pelletier
Dessins intérieurs : Mireille Michel Cherqui









© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 9782336287096
« L’acte poignant et si grave d’écrire quand l’angoisse se soulève sur un coude pour observer et que notre bonheur s’engage nu dans le vent du chemin. »
René Char Recherche de la base et du sommet
A Manon, Rose et Angèle
Louise Quand je bois, je ne suis plus au monde
Juillet 2006, Marseille
J’ai toujours écrit. Paraphrasant parfois mes auteurs préférés, Duras, Henry Miller, Anaïs Nin, René Char, François Villon. Alignant à l’adolescence des alexandrins truffés d’emprunts. Je pensais devoir tout vivre, tout écrire. Des lettres, des poèmes, des notes, des scénarios, des articles. Tout était prétexte à aligner des mots, griffonner des phrases, associer des idées, faire des liens, trouver du sens. J’ai lâché l’écriture au moment où j’ai lâché mon désir, me suis assise sur le couvercle de mes émotions.
Assise sur mon désir durant ces années pour me fondre dans celui de l’autre, l’époux (pourquoi pas ?) Cette maison dans les Alpes du Sud, la campagne, ces murs dont je connais chaque relief, les brebis du berger voisin sont devenues ma prison. Notre dernière fille est née ici. Ses sœurs et elle sont désormais au collège ou au lycée. Au hameau ne restent plus dans la journée que les moutons et moi. J’ai repris mon boulot d’enseignante et sillonne quelques heures par semaine les routes du département pour inculquer la bonne parole à des ados désabusés. Trimbalant mon sac à dos plein de pierres, rêvant de quitter cette vie que je n’ai pas réellement choisie, me mettant à boire pour tenir le coup, quelques verres de whisky pour m’envoyer sous la couette et rester hors du monde. Trop pour l’image romantique du poète maudit et du dandysme de la page blanche. Passant de l’état de buveuse excessive et festive (apéros chez les amis, clôture du Conseil municipal, fête des chasseurs, autant de prétextes) à l’état d’alcoolique avérée. Augmentant la quantité d’alcool ingurgité pour arriver aux mêmes effets, refusant de voir l’évidence mais lucide quant à ce qui pouvait se passer en moi. Dans le déni face aux autres, pour qui le Mister Hyde que je deviens quand j’ai bu devient miroir déformant, épouvantail (« tu t’es vue quand t’as bu ? »), certaine que je pouvais arrêter quand je voulais. « Je n’ai pas besoin d’une cure de désintoxication. J’ai besoin d’un bon psychiatre. »
L’alcool. Le refuge de la couette. Perdre la conscience du jour, du temps qui passe. Ne pas m’autoriser à vivre. M’en aller de là. M’en aller de là où je suis. Je me sens envahie en permanence. Certes, c’est sûrement moi qui ai généré cet état des choses. C’est ma façon d’être, c’est le fait que les gens – l’humain – m’intéressent, que j’aime le rapport à l’autre, comprendre ce qui se passe dans sa tête, dire, écouter, batailler ou pacifier, être avec. Ce rapport à l’autre m’a longtemps remplie, a nourri ma réflexion, a généré des actes.
Mais il est également vrai que depuis quelques mois j’ai besoin de solitude, d’espace et de silence. Mon dernier texte s’est construit cet automne dans un tel moment, alors que j’entreprenais d’arrêter de boire en cure ambulatoire et pris soin de mettre de la distance entre les autres et moi, de fermer ma porte, de me retrouver moi et moi. Quatre mois sans alcool, sans mettre en place dès le matin les stratégies qui m’apporteront le premier verre, la première gorgée de whisky, de rhum ou de vin blanc. Et ce moment-là m’a donné la pêche, et je me suis consacrée à ce que j’aime réellement faire, passer des heures à batailler avec les mots, les voir tout d’abord échapper au sens puis en produire.
Depuis janvier c’est un peu le grand blanc. Une phrase par ci, un paragraphe par là, rien de bon, j’ai de nouveau perdu le fil et retrouvé le chemin du verre. Un chemin vite retrouvé, avec ses calculs, ses méandres et ses mensonges, sa dissimulation, sa culpabilité.
Jusqu’en mai dernier, où, rentrant du lycée de Briançon allumée, un contrôle inopiné de la gendarmerie d’Embrun m’a épinglée avec 1,2 gramme d’alcool dans l’haleine, soit 2,4 dans le sang. Une journée difficile – régler personnellement et en toute discrétion les problèmes d’une de mes élèves, encore une pierre dans un sac à dos bien lourd, pourquoi t’occupes-tu toujours des problèmes des autres, Louise ? – suivi d’un passage à l’épicerie du coin avant de regagner mon hôtel, de mal dormir et de finir le flash acheté la veille en guise de petit déjeuner. J’ai assuré mes cours du matin mais nauséeuse et coupable, n’ai pu reprendre ma voiture qu’après un sandwich rapidement avalé et une lampée du second flash planqué sous la banquette. 2,4 grammes dans le sang, permis confisqué sur le champ, la voiture est restée sur le bord de la route. Allais-je connaître la cellule de dégrisement ? Non. Les gendarmes d’Embrun m’ont ramenée à la maison, la petite maison dans la prairie, l’image d’Epinal de mon époux, berceau de l’enfance des filles, la prison que j’ai presque choisie (pourquoi pas ?)
Le lendemain j’étais au centre d’alcoologie ambulatoire, vaincue. OK. Je fais une cure. Mon alcoologue, un homme fin, drôle et intelligent, propose de m’expédier loin du département, de répondre à une légitime crainte de ma part (me retrouver avec les parents de certains de mes élèves) et le désir coupable mais réel de couper avec mes proches.
Ce sera Marseille et Saint Barnabé-les Roches Claires. Vue imprenable sur la mer, cinq semaines de cure sans recevoir de visite ni de coup de téléphone durant la première semaine, téléphone portable laissé à l’accueil. Pour moi ce sera sans coup de fil, sans visite. On s’écrit.
Saint Barnabé est une clinique située au-dessus du village de Saint Joseph, dans les quartiers Nord de Marseille, elle domine de sa colline les Puces, les Docks et le port autonome. On m’y conduit un mercredi, jour des entrées. Les soignants qui nous accompagneront durant ces cinq semaines accueillent les nouveaux venus avec un programme thérapeutique bien déterminé. Une semaine de sevrage sous contrôle médical, perfusions de valium, traitement de l’anxiété, chauffantes. Le lundi suivant l’admission les groupes sont invités à suivre une psychothérapie de cinq semaines et à pratiquer les activités qui nous permettront de regagner progressivement notre autonomie. Treize heures de psychothérapie de groupe, des entretiens individuels, de la relaxation, des séances d’information sur la maladie alcoolique, des films. Une thérapie familiale en grand groupe est également proposée lors de deux séances mensuelles.
Saint Barnabé…
L’été est arrivé, comme moi… Ceux qui accostent aujourd’hui feront partie du même groupe et suivront les mêmes activités. Après les formalités d’entrée, un infirmier me conduit dans ma chambre, sans terrasse ni vue sur le golfe mais une chambre seule, comme je l’avais souhaité. La fenêtre s’ouvre sur une colline hérissée d’un pylône électrique dont le fredonnement est accompagné du chant des cigales. Des pins, quelques cactus aux feuilles larges et longues.
Après la fouille, pas de médicaments, pas de parfum, pas de désodorisant, pas d’objet électrique ou contondant, je déballe ma valise et avant de rejoindre les autres pour la consultation d’entrée, je prends le premier des multiples cafés qui rythmeront mes journées.
En attendant que mon groupe soit au complet j’observe les lieux et lie prudemment connaissance, avec le sentiment d’avoir débarqué dans un épisode de la série Lost …
Hall de gare. Distributeur de confiseries, de boissons chaudes, sièges inconfortables.
Anonymat. Tout le monde se tutoie, c’est obligatoire. Malades, personnel so

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