Histoires de morts au cours de la vie
326 pages
Français

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Histoires de morts au cours de la vie , livre ebook

326 pages
Français

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Description

Les morts de proches et les frôlements de la sienne sont des événements biographiques qui bousculent profondément les cours de vies, sociale, relationnelle, personnelle. Et pourtant les vies reprennent leur cours, survivent. Pourquoi ? Et comment ? Autant de luttes pour la vie, péri et post mortem, intrigantes, riches d'acquis expérientiels vitaux à reconnaître, connaître, pour apprendre à vivre au mieux avec la mort. Tout un chantier de formation permanente à ouvrir, dans le prolongement complémentaire de celui des histoires de vies en formation.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 75
EAN13 9782296457775
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

HISTOIRES DE MORTS AU COURS DE LA VIE
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54556-4
EAN : 9782296545564
Gaston Pineau
Martine Lani-Bayle
Catherine Schmutz
(Coord.)
HISTOIRES DE MORTS AU COURS DE LA VIE
Préface d’Edgar Morin
L’Harmattan
Histoire de Vie et Formation
Collection dirigée par Gaston Pineau
avec la collaboration de Bernadette Courtois, Pierre Dominicé, Guy Jobert, Gérard Mlékuz, André Vidricaire et Guy de Villers Cette collection vise à construire une nouvelle anthropologie de la formation, en s'ouvrant aux productions qui cherchent à articuler "histoire de vie" et "formation". Elle comporte deux volets correspondant aux deux versants, diurne et nocturne, du trajet anthropologique.
Le volet Formation s'ouvre aux chercheurs sur la formation s'inspirant des nouvelles anthropologies pour comprendre l'inédit des histoires de vie. Le volet Histoire de vie , plus narratif, reflète l'expression directe des acteurs sociaux aux prises avec la vie courante à mettre en forme et en sens.
Dernières parutions
Volet : Formation
Christine CAMPINI, Jacques Ardoino, entre éducation et dialectique, un regard multiréférentiel , 2011.
Pierre LAMY, D’un quartier ouvrier… aux quartiers de la finance. Itinéraire d’un Montréalais, 1938-1983 , 2010.
Marie-France ROTHÉ, Vivre avec le mal de mère ou qu'est-ce qui fait courir Julie? , 2010.
Muriel DELTAND, Les musiciens enseignants au risque de la formation : Donner le la , 2009.
Sabine SENE, Trajets de salariés et bilan de compétences. Quelles transformations ? , 2009.
Marie-Odile de GISORS, Veilleurs de vie. Rencontres en tendresse , 2009.
Annemarie TREKKER, Des femmes « s’ » écrivent. Enjeux d’une identité narrative , 2009.
D. BACHELART et G. PINEAU, Le Biographique, la Réflexivité et les temporalités , 2009.
Franco FERRAROTTI, Les Miettes d’Epulon , 2009.
Isabelle GRAITSON, L’Intervention Narrative en Travail Social. Essai méthodologique à partir des récits de vie, avec la collaboration d’Elisabeth Neuforge, 2008.
Préface – Les morts vivants
Edgar Morin
à Martine
À vrai dire, ce n’est ni une préface ni une postface que je propose, mais une contribution, faite de réflexions qui ont jailli à la lecture de ces textes, réflexions d’un vieil homme sur la mort dans sa vie.
Tout d'abord, je suis de la catégorie dite des échappés de bidet, autrement dit des rescapés de tentative d’avortements, mais plus rares, des morts nés. Je suis bêtement fier de cette singularité. Ma mère qui avait une lésion au cœur occasionnée par la grippe espagnole s’était mariée sans en informer son époux.
Aussitôt enceinte, elle consulta une « faiseuse d’anges » (ancêtres de l’IVG), qui la fit avorter de façon clandestine. Mon père la mit à nouveau enceinte, mais la faiseuse d’anges ne réussit pas à éliminer le polichinelle. Celui-ci fut pourtant fort éprouvé, car il fut extrait des flancs de sa mère par le siège (faisant déjà tout à l’envers) étranglé par le cordon ombilical autour du cou, asphyxié, dénué de toute respiration. Le gynécologue prit le nouveau-né par les pieds, le giflant sans interruption pendant une demi-heure. Au moment où il allait abandonner, le bébé cria. Il naissait à la vie après un séjour dans l’empire des morts dont il n’a malheureusement aucun scoop à rapporter. Mais de l’asphyxie, j’ai gardé jusqu’à présent une sensation d’étouffement, comme de pré agonie, reconnue médicalement comme angor, fausse angine de poitrine, qui me prend très souvent avec ou sans angoisse, et qui ne m’a jamais quitté. C’est mon seul souvenir, inscrit dans mon organisme, de ma mort. (Cet angor m’est revenu très fortement dans la nuit, après la rédaction de ce texte)
C’est bien plus tard que mon père me rapporta que la vie de ma mère nécessitait ma mort et que ma vie nécessitait la mort de ma mère. De toute façon, on sauve la mère avait dit le gynécologue. Non seulement nous avons survécu tous deux, mais miraculés l’un et l’autre, et moi, fils inévitablement unique, je fus adoré par ma mère et je l’ai adorée.
Ma mère est morte dans un train de banlieue dix ans plus tard, et toute ma vie a été déterminée par cette mort. Ce ne fut pas seulement une perte infinie, ce fut aussi l’isolement total à l’égard de mon père et de la sœur de ma mère (qui nous avait hébergés) et ma haine pour leur imbécile dissimulation. Le jour de l’enterrement de ma mère, qu’on me disait soi-disant partie en cure à Vittel, ce que j’avais candidement cru, l’on m’avait mis au square Martin Nadeau, voisin du Père La Chaise, avec mes petits cousins. J’étais assis sur l’herbe. Soudain je vis des souliers noirs, un pantalon noir, un habit noir, une cravate noire : mon père. Je compris tout en un éclair. On ne joue pas sur le gazon, dit mon père, je fis semblant d’être mécontent de cette remarque. On m’avait caché la mort de ma mère, je cachais ma douleur et m’enfermais dans les cabinets pour pleurer ce qui faisait croire à mon père que j’avais la colique. Quelques jours plus tard, ma tante me raconta que ma mère avait fait un voyage au ciel, qu’on en revient parfois, parfois pas. Cette imbécillité me fut odieuse. Puis un jour elle me dit « considère-moi comme ta maman » sans comprendre, que cette phrase en faisait à mes yeux une usurpatrice. J’ai haï mon père et ma tante, tout en les aimant, cette haine s’est évidemment dissipée dans les années qui suivirent, mais ce que je ne leur ai jamais pardonné, c’est de m’avoir privé de dire « au revoir » à ma mère. J’ai gardé jusqu’à l’âge de 48 ans cette frustration : elle ne s’est atténuée que lorsque dans un rêve en 1969 (j’étais en Californie) un convoi de femmes quitte un bus en haut d’une colline, la descend en direction d’une gare pour prendre un train, qu’une voix me dise « ta mère est là, ta mère est là », que je scrute cette foule en mouvement, et découvre ma mère que je cours embrasser avant qu’elle prenne le train. Je crus alors que la blessure était cicatrisée, mais dans des chagrins et des désespoirs ultérieurs, me revenait, je ne pouvais m’empêcher de murmurer « maman » dans les larmes. Aujourd’hui à 88 ans la plaie demeure sous la cicatrice, bien que les femmes qui m’ont aimé aient toutes eu une dimension maternelle dans leur amour.
Ce n’est pas seulement l’absence/présence de ma mère qui m’a marqué ( ausença piu acuta presencia dit le poète Attilio Bertolucci) c’est ma façon de voir la vie et le monde. Le désespoir originel m’incita à douter de tout et la propension à douter est à jamais enracinée dans mon esprit ; mais aussi le besoin d’amour m’a fait rechercher foi et communion ; dans un sens, je suis un cas pathologique car j’ai un besoin extrême d’amour et d’amitié ; dans un autre sens peut-être suis-je plus humainement sain que ceux qui se nourrissent petitement d’amour et d’amitié.
Death in Life , comme dans the ancient mariner . Bien sûr la mort de nos aimé(e)s est en nos vies. J’ajoute : nos vies font revivre leurs vies, non seulement ni principalement par le souvenir, mais aussi par leur présence active en nous. Les gènes de mon père et ceux de ma mère sont présents dans mes gènes évidemment, mais ce qui pour moi est non moins évident est que tantôt les gènes paternels, tantôt les gènes maternels sont activés et je sens bien quand mon père est présent en moi avec son (mon) caractère débonnaire, sa (ma) joie de vivre, sa (ma) propension permanente à chanter, son (mon) gourmand amour des bonnes nourritures ; et je sens bien quand ma mère est en moi, avec sa (ma) mélancolie, son (mon) insatisfaction. J’ai toujours pensé qu’il y avait en chacun deux ou plusieurs personnalités alternant selon les circonstances ou bien des cyclothymies internes mystérieuses (comme la maniaco-dépressive). Je pense aussi que la personnalité de nos parents (l’un ou l’autre, parfois alternativement) habite notre personnalité. De plus, je remarque que mon visage ressemble souvent à celui de mon grand-père maternel, et très rarement à celui de mon grand-père paternel… Comme mon père et ma mère sont logés en moi (mémorisés dans mes gênes) leurs père et mère sont logés en eux, et les pères-mères de leurs pères-mères, ce qui fait que nos ancêtres sont virtuellement en nous, et je peux comprendre l’importance du culte des ancêtres dans de très nombreuses civilisations (encore aujourd’hui Chine, Japon) qui est l’expression extérieure de la reconnaissance de leur présence intérieure en nous.
J’en re

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