L émotion identitaire en Corse
255 pages
Français

L'émotion identitaire en Corse , livre ebook

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255 pages
Français

Description

Cet ouvrage propose, dans une visée sociologique et anthropologique, une étude des modes de penser et d'exprimer le territoire corse à partir de l'emploi d'une expression et métaphore récurrente "au cœur de" dans le journal local Corse-matin. Elle nous permet de considérer l'espace, sous différentes catégories, que sont le village, la ville, la nature, la Corse, la Méditerranée, largement investi par l'émotion.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2010
Nombre de lectures 41
EAN13 9782296266025
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’ÉMOTION IDENTITAIRE ENCORSEUn territoire au cœur
Socio-anthropologie Collection dirigée par Pierre BOUVIER Dernières parutions Léa SALMON-MARCHAT,Les enfants de la rue à Abidjan, 2004. Jacques BERNARD, Socio-anthropologie des joueurs d’échecs, 2005. Pierre Noël DENIEUIL,:Femmes et entreprises en Tunisie essai sur les cultures du travail féminin, 2005. Erwan DELON,l’identitéJeunes Bretons ou « enchanteresse » ?, 2007. Alain (Georges) LEDUC,Roger Vailland (1907-1965) : un homme encombrant, 2008. Caroline MORICOT (sous la dir. de),Multiples du social. Regards socio-anthropologiques, 2010. Pierre BOUVIER,L'analyse qualitative interdisciplinaire. Définition et réflexion,2010.
Philippe PESTEILL’ÉMOTION IDENTITAIRE ENCORSEUn territoire au cœur L’HARMATTAN
© L'HARMATTAN, 2010 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-12884-2 EAN : 9782296128842
Introduction  Vers des voies novatrices de recherche Un triptyque aux limites disciplinaires L’identité constitue un immense gisement émotionnel. Au gré des époques et des événements, les individus et les groupes y puisent des ressources à la pensée et à l’action. Cons-titutive de la personnalité ou stratégie de lutte dans une optique revendicative, l’identité emprunte souvent pour s’exprimer le langage de l’affect. Parler ou se référencer à soi ou aux siens n’est pas une opération neutre. S’interroger sur sa singularité en tant que sujet, sur le rapport entretenu avec l’Autre, sur l’adhésion à ce qui pérennise l’identité culturelle constitue un exercice dialectique de la prise de conscience. Le traitement du lien existant entre un homme, son groupe d’appartenance et la terre où se noue le rapport est l’un des plus manifestes disposi-tifs émotionnels quel que soit le support envisagé : peinture, littérature… Les expressions culturelles donnent à ce lien émo-tionnel une consistance perceptible allant du rituel aux opéra-tions esthétiques. Comment l’anthropologie intègre-t-elle ces interroga-tions dans son champ ? Pour cette discipline, le territoire se fonde conjointement sur une dimension naturelle (milieu bioti-que et abiotique) et une dimension anthropique. Les interven-tions humaines s’appuient sur une composante matérielle et sont le fruit des systèmes de représentation. Le territoire est ainsi à la fois constitué et constitutif d’une articulation natu-re/groupe. Il s’agit d’un processus variable et relatif, dont la notion de territorialisation rend compte. L’indispensable ins-cription des groupes au sol (sédentaire ou nomade) et les non moins indispensables aspects cognitifs (connaissance, idées, valeurs) qui s’y attachent et dont il est le réceptacle participent à l’éclatement extrême du terme. Le temps n’est pas si loin où des chercheurs annonçaient la fin des territoires après avoir  7
prophétisé celle des religions ou de l’histoire. Dans la recherche de précision et de clarté accrue qui pourrait définir la démarche scientifique, la notion de territoire est apparue comme peu à même de participer à cette quête. Commune à l’histoire mais surtout à la géographie et à l’ethnologie, elle émarge également chez les éthologues, chaque champ lui donnant ses propres contours. En outre, le consensus entre chercheurs de la même discipline a du mal à se faire et l’on assiste au phénomène, si peu valorisant pour les sciences sociales, d’une définition par auteur. À cela s’ajoutent d’inévitables effets de mode qui font du territoire un thème « tendance » ou un pseudo-concept affli-geant, preuve d’une vacuité du raisonnement. Le terme d’identité n’est pas moins controversé. Le dic-1 tionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie l’associe à celui d’ethnie, ce qui constitue un signe éloquent des cadres explica-tifs retenus quand on connaît la réticence des auteurs français vis-à-vis de la notion. Le choix des mots traduit le haut niveau de distanciation et les infinies précautions dont l’ethnologie entoure le traitement de la question. L’accent est mis sur l’historicité du terme, sur sa construction à partir d’éléments variables voire instrumentalisés et les dérives de l’attachement à l’ethnie. Substantialisation, réification, naturalisation sont les travers auxquels conduit une vision immuable de l’ethnie. Nous reviendrons sur ces termes. Des voies plus ouvertes au ques-tionnement et aux vertus heuristiques de la notion insistent sur l’idée «d’une sorte de foyer virtuel auquel il est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses, 2 mais sans qu’il ait jamais d’existence réelle» . Quant à l’émotion, sa puissance évocatrice ne compense pas la difficulté à en cerner les contours. Comme champ d’étude, elle est laissée à d’autres disciplines et n’entre pas dans les catégo-ries retenues comme appartenant à l’anthropologie. Le trouble
1 P. Bonte, M. Izard,Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie,Paris, PUF, 1991, pp. 242-247. 2 Cl. Lévi-Strauss,L’identité, Paris, PUF, 1983, p. 332.  8
ressenti par le chercheur sur le terrain fait son entrée dans la réflexion avec l’ouverture à la psychanalyse réalisée par Deve-reux et l’importance à accorder au contre-transfert. Des auteurs comme Michel Leiris vont revenir sur les bienfaits de la distan-ciation pour la prise en compte des effets esthétiques et de fa-çon générale sur l’implication du chercheur sur son terrain. L’anthropologie longtemps partagée entre marxisme et structu-ralisme fera peu de place à l’affect. Mais les temps changent et l’ouverture à la sensibilité touche aussi le regard éloigné. Même sans commettre le rapprochement avec la psychologie, les cher-cheurs abordent à présent le thème des passions humaines par le biais des objets investis et porteurs de sens. Les récents travaux 3 de Brigitte Derlon et Monique Jeudy-Ballini , par exemple, questionnent le rapport de l’homme à l’objet et insistent sur l’importance de la dimension émotionnelle nous reliant à la matière inerte mais désirée. Identité, territoire, émotion, nous sommes en présence de trois notions sensibles et limites dans l’histoire des sciences sociales et de l’anthropologie particulièrement. Chacune avec une histoire propre, tour à tour délaissée puis réappropriée, dé-crétée sans statut épistémologique valide puis heuristique, elles ne cessent de faire débat. Elles sont également le lieu de cliva-ges d’écoles à soubassement fortement idéologique. Le territoi-re est dissous dans la notion de multi-appartenance et de réfé-rencement explicite au monde des réseaux de plus en plus vir-tuels. L’identité rime pour beaucoup avec exclusion, xénopho-bie au point de vouloir (paradoxalement ?) l’éliminer des ter-mes anthropologiques. Quant à l’émotion malgré ses lettres de noblesse disciplinaire et un retour en grâce (postmoderne ?) elle demeure pour beaucoup un travers dont le scientifique doit se garder faute de ne pouvoir totalement l’évacuer. Son intégration en tant qu’objet d’étude et voie à suivre pour la connaissance de l’homme contribue à la prolifération des tendances au sein de la discipline anthropologique. 3  Brigitte Derlon, Monique Jeudy-Ballini,La passion de l’art primitif ; En-quête sur les collectionneurs, Paris, Gallimard, 2008.  9
Des travaux récents accordent un statut épistémique à la prise en compte des émotions et affects tels que la souffrance. Des engagements pionniers comme ceux de Victor Turner avec 4 sa notion d’« anthropologie de l’expérience » ou de Gregory 5 Bateson commencent à gagner une production française pou r-tant peu réceptive à ce type de désenclavement des affects. À titre d’exemple et comme le remarque Alban Bensa, «dans l’œuvre de Lévi-strauss… les affects, quand ils ne sont pas ra-valés au rang d’appendices moulus par la structure, détiennent le même statut théorique que l’événement ou l’histoire : ils sont 6 hors jeu» . Les lieux de mémoire ou le recueil des mémoires souffrantes a considérablement fait évoluer les frontières ethno-graphiques et a nécessité de reconsidérer le statut que l’on pou-vait accorder aux émotions. Les travaux les plus paradigmati-ques, dans le domaine des identités tant personnelles que collec-tives, concerneront la question de la violence et de la souffran-ce. Des recherches d’Elias sur Mozart dans le cadre de son 7 « économie affective » à l’anthropologie du milieu carcéral ou au recueil des témoignages des rescapés de la Shoah en passant par la misère du monde de Bourdieu, les sciences sociales abor-dent désormais massivement des thématiques qui leur étaient peu habituelles. En s’attachant moins aux cultures pérennes, le but est semble-t-il de traduire des situations, c’est-à-dire des temporalités qui peuvent être paroxystiques. Il s’agit toujours d’identité, mais elles sont à présent blessées et éclatées, tempo-raires ou subies. Les territoires investigués et objet du terrain sont eux-mêmes plus institutionnels (hôpitaux, prisons, camps…) que naturels. Quant à l’émotion, toutes variantes confondues, elle est présente chez tous : Témoins, Chercheurs, Lecteurs. Si l’on peut prendre acte de cette évolution des scien-4 V. Turner, E. Bruner,The Anthropology of Experience, Urbana and Chicago, University of Illinois Press, 1986. 5  Voir par exemple de G. Bateson,Pour une unité sacrée, Quelques pas de plus vers une écologie de l’esprit, Paris, Seuil, 1991. 6 A. Bensa,La fin de l’exotisme, Essais d’Anthropologie critique, Paris, Ana-charsis Editions, 2006, p.245. 7 N. Elias,Mozart, sociologie d’un génie, Paris, Le Seuil, 1991.  10
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