L'individualisme moderne chez Georg Simmel

Françoise Lartillot, Olivier Agard

Description

Afin d'établir l'oeuvre de Simmel comme oeuvre sociologique de référence, le sociologue Otthein Rammstedt, éditeur des oeuvres complètes de Simmel, a proposé un choix de textes : il semblait suggérer que l'oeuvre pourrait être lue rétrospectivement depuis cette ultime étude et qu'il serait possible de reconstituer toute la portée philosophique de cette sociologie. Cet ouvrage relève le défi et montre que cette « sociologie pure » ou « formelle » est inséparable d'une vision relationnelle de la valeur et d'une ontologie dynamique forgées dans le débat avec les néo-kantiens et avec les penseurs contemporains de la question de la masse, de la matérialité ou de la culture.

Sujets

• Sociologie, société et politique
• Philosophie
• Sociologie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 27 septembre 2019
• Nombre de lectures: 7
• EAN13: 9782140131400
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Sous la direction deL’individualisme moderne
Olivier Agard et Françoise Lartillot
chez Georg Simmel
La sociologie de Georg Simmel a souvent été qualifée d’atypique
et d’hétérodoxe.
Afn d’établir l’œuvre de Simmel comme œuvre sociologique
de référence, le sociologue Otthein Rammstedt, éditeur des
œuvres complètes de Simmel, a proposé un choix de textes L’individualisme moderne
classés suivant des catégories empruntées à « Das Gebiet der
Soziologie » : il semblait suggérer ainsi que l’œuvre pourrait chez Georg Simmel
être lue rétrospectivement depuis cette ultime étude de Simmel
et qu’il serait en tout cas possible, à partir de ces textes, de
reconstituer toute la portée également philosophique de cette
sociologie.
Les auteurs de cet ouvrage relèvent le défi posé par ce
choix de textes. Ils montrent que cette « sociologie pure » ou
« formelle » est inséparable d’une vision relationnelle de la
valeur et d’une ontologie dynamique forgées à l’occasion d’un
débat philosophique avec les néo-kantiens, mais aussi avec
les penseurs contemporains de la question de la masse, de la
matérialité, ou de la culture.
Olivier Agard est Professeur des Universités à Sorbonne Université
eet spécialiste de l’histoire des idées en Allemagne au xx siècle.
Il est notamment l’auteur de Siegfried Kracauer. Le Chiffonnier
mélancolique (CNRS éditions, 2010).
Françoise Lartillot est Professeur de littérature et d’histoire des
idées modernes à l’Université de Lorraine – Metz. Elle est l’auteur
de plusieurs publications portant sur la relation entre poésie et
philosophie.
DA De L’Allemand
Illustration de couverture : Berlin. Bahnhof
Friedrichstrasse. Courtesy of the Watkinson
Library, Trinity College, Hartford, Connecticut.
ISBN : 978-2-343-18457-9
30 €
L’individualisme moderne Sous la direction de
Olivier Agard et Françoise Lartillot
chez Georg Simmel






L'individualisme moderne
chez Georg Simmel













Ouvrage publié avec le soutien de :
- l’Université de Lorraine (Pôle TELL) ;
- et du CEGIL (Centre d’Études Germaniques Interculturelles de Lorraine).










Sous la direction de
Olivier AGARD et Françoise LARTILLOT
L'INDIVIDUALISME MODERNE
CHEZ GEORG SIMMEL

































© L’Harmattan, 2019
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
ISBN : 978-2-343-18457-9
EAN : 9782343184579
Introduction



1Le recueil « Der Individualismus in der modernen Zeit »,
bien qu’il rassemble des textes de Georg Simmel, n’a pas été
composé par le philosophe berlinois, mais par le sociologue
Otthein Rammstedt, qui a également supervisé l’édition des
œuvres complètes de Simmel. Pour Rammstedt, il s’agissait
en premier lieu d’établir Simmel comme un auteur classique
de la sociologie, qui avait sa place à côté des grands
membres fondateurs de la discipline qui ont depuis
longtemps été canonisés comme tels : Herber, Spencer,
Emile Durkheim, Max Weber… En partant de la typologie
2proposée par Simmel dans sa « petite sociologie » de 1917
(sociologie générale, sociologie pure, sociologie
philosophique), et qui constitue une proposition tardive (on
ne trouve pas cette classification dans la « grande »
3sociologie de 1904), Rammstedt rassemble des textes
tournant autour de cette question de l’individualisme, dont
certains remontent aux années 1890, et les range
rétrospectivement dans une de ces trois catégories. Ce
classement – pour l’essentiel a posteriori – a certainement ses
mérites, mais il se heurte au style de pensée de Simmel qui

1 Georg Simmel, Individualismus der modernen Zeit und andere soziologische
Abhandlungen (ausgewählt und mit einem Nachwort von Otthein
Rammstedt), Frankfurt/Main, Suhrkamp, 2008.
2 Georg Simmel, Der Krieg und die geistigen Entscheidungen ; Grundfragen der
Soziologie ; Vom Wesen des historischen Verstehens ; Der Konflikt der
modernen Kultur ; Lebensanschauung (Gesamtausgabe, Bd. 16, hrsg. von
Gregor Fitzi und Otthein Rammstedt), Frankfurt/Main, Suhrkamp,
1999, p. 59-150.
3 Georg Simmel, Soziologie, Untersuchungen über die Formen der
Vergesellschaftung (Gesamtausgabe, Bd. 11, hrsg. von Otthein
Rammstedt), Frankfurt/Main, Suhrkamp, 2013. 8 L'individualisme moderne chez Georg Simmel
ne se laisse pas enfermer dans des catégories étanches.
Beaucoup de textes relèvent en réalité de plusieurs
catégories, même si le projet de sociologie dite pure, qui
correspond à l’analyse des formes de la socialisation, a des
contours assez bien définis, et correspond peu ou prou au
paradigme que Simmel défendait dans sa sociologie de 1908.
Si on se concentre néanmoins sur cette « sociologie pure »,
parfois appelée « sociologie formelle », qui constitue le cœur
de son apport singulier à la discipline sociologique, on est
vite conduit à constater que cette sociologie semble
inséparable d’une vision relationnelle de la valeur et d’une
ontologie dynamique forgées à l’occasion d’un débat
philosophique avec les néo-kantiens comme Rickert. On ne
peut facilement séparer la sociologie de Simmel de sa
philosophie de la culture. Chez Simmel, les questionnements
sont toujours transversaux.
Comme le montre bien Matthieu Amat dans ce recueil, la
question de l’individu est ainsi au cœur de tout un faisceau
de préoccupations et fait l’objet de plusieurs approches, qui
vont au-delà de la sociologie stricto sensu. L’individualité est
en particulier au cœur d’un projet central dans l’œuvre
tardive, qui constitue d’une certaine façon la réponse de
Simmel à la crise culturelle qu’il diagnostique dans ses textes
4des années 1900, celui de loi individuelle .
Les contributions du présent volume permettent de
dégager plusieurs aspects de cette problématique de
l’individualité chez Simmel. L’avènement de l’individualisme
est lié pour lui au processus de différenciation sociale, avec
tous les phénomènes qui l’accompagnent (comme le
développement de la « culture objective »). Comme

4 Voir : Georg Simmel, Das individuelle Gesetz : philosophische Exkurse (hrsg.
und eingeleitet von Michael Landmann, mit einem Nachwort von
Klaus Christian Köhnke), Frankfurt/Main, Suhrkamp, 1987. Introduction 9
beaucoup de penseurs contemporains, Simmel voit son
époque comme celle de l’avènement des masses, et la
sociologie, en tant que discipline qui dépasse le point de vue
individualiste, est une expression de cet âge des masses qui
constitue son objet principal. Elle a en effet pour vocation
d’élaborer des instruments intellectuels permettant de saisir
cette dynamique des masses, et plus généralement la
dimension sociale, supra-individuelle des phénomènes
culturels. Cela ne signifie pas qu’elle ne se tourne que vers le
présent. En effet, si les masses deviennent visibles à l’âge
moderne, des dynamiques collectives ont déjà existé par le
5passé . La question qui se pose est alors de déterminer quelle
position Simmel occupe, dans un spectre qui va de ceux qui
6voient dans les masses un danger politique et culturel (Le
Bon) à ceux qui les considèrent comme des acteurs
politiques centraux dans la lutte pour l’émancipation (Marx).
Lea Barbisan s’intéresse dans sa contribution aux
implications politiques de la sociologie de Simmel, même si
le sociologue berlinois répugne à se placer explicitement sur
ce terrain. Elle montre que même s’il partage les préventions
de beaucoup de penseurs de l’époque envers les masses et
s’inquiète du nivellement dont la société moderne est le lieu,
il est aussi conscient du fait qu’il y dans la modernité une
dynamique égalitaire qui est une donnée constitutive, même
s’il note que cette tendance démocratique peut faire peser
une menace sur l’individualité, qui est pour lui un facteur
décisif de développement culturel. Simmel montre par
ailleurs une certaine confiance toute libérale dans la capacité