La catégorisation ethnique en Bolivie
293 pages
Français

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La catégorisation ethnique en Bolivie , livre ebook

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Description

A l'heure où le président récemment élu de la Bolivie, Evo Morales, est présenté comme un président indien - le premier de l'Histoire ! -, et où les conflits sociaux et régionaux tendent à s'ethniciser, ce livre s'interroge sur le sens et l'usage des catégories de type ethnique dans ce pays. Savoir qui est indien, blanc ou métis est loin d'être simple. En fait, il faut se demander qui désigne qui, de quelle façon, dans quel contexte et pourquoi ?

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2007
Nombre de lectures 195
EAN13 9782336266244
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

9782296034266
Sommaire
Page de Copyright Page de titre INTRODUCTION : L’AUTRE ETHNIQUE PREMIÈRE PARTIE - Les classements officiels
UNE APPROCHE GÉOHISTORIQUE DES DYNAMIQUES ETHNIQUES EN BOLIVIE L’ORDRE SOCIAL DES CLASSIFICATIONS AU XIXe SIÈCLE : INDIENS, MÉTIS ET ESPAGNOLS/BLANCS LA VALSE CATÉGORIELLE : L’IDENTIFICATION OFFICIELLE ETHNIQUE EN BOLIVIE
SECONDE PARTIE - Termes d’adresse et auto-identifications
L’ETHNICITÉ REVENDIQUÉE : ENTRE UNION ET DISTINCTION - Essai sur les autodésignations des commerçantes de La Paz INDIENS ET ESPAGNOLS DES MINES DE POTOSÍ UNE HISTOIRE TOUJOURS D’ACTUALITÉ LE THAKI D E LA VECINDAD (LE CHEMIN DE L’EMBOURGEOISEMENT) DANS UN BOURG RURAL ANDIN, OU COMMENT SE « FAIRE » VECINO À MOCOMOCO DE L’INDIEN OCCASIONNEL À L’ÉVANGÉLISTE IDENTIFICATIONS ET CATÉGORISATIONS AU NORD-POTOSÍ FLÛTES DE PAN ET MODERNITÉ DANS UN GROUPE ANDIN COMMENT PEUT-ON ÊTRE CHIRIGUANO ? INDIANITÉ VERSUS AUTOCHTONIE LES CHIMANE DANS LE JEU POLITIQUE ET IDENTITAIRE RÉGIONAL
AUTEURS
La catégorisation ethnique en Bolivie
Labellisation officielle et sentiment d'appartenance

Jean-Pierre Lavaud
Isabelle Daillant
Ouvrage publié avec le concours du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), Université Lille 1

La Bolivie. Principaux lieux et groupes étudiés par les auteurs.
INTRODUCTION : L’AUTRE ETHNIQUE
Jean - Pierre Lavaud
Quand on entend traiter du problème de la catégorisation ethnique, il importe de distinguer plusieurs niveaux d’analyse. Au quotidien et au plus bas, il y a les termes d’adresse : comment ego s’adresse à alier et comment lui répond celui-ci dans un contexte donné et, dans quelle mesure, ou plutôt dans quelles circonstances, ces termes d’adresse ont-ils des connotations ethniques ? En effet, ces termes d’adresse sont le plus souvent des formules de politesse qui, si les personnes se connaissent, donnent peu d’indications ou n’en donnent pas sur l’origine culturelle 1 — en revanche, il arrive qu’ils en donnent sur l’origine sociale ; ils ne deviennent vraiment signifiants pour notre propos que lorsque la rencontre comprend une phase de présentation réciproque. Dès lors, chacun se situe vis-à-vis de l’autre en utilisant des catégories qui peuvent être géographiques, sociales, religieuses ou ethniques, ou un mélange de certaines d’entre elles.
À un second niveau, il convient de spécifier comment dans la conversation on présente, on catégorise ou labellise le ou les tiers absents. Si l’on vise une personne en particulier, on est le plus souvent ramené au cas précédent. En fait, il y a un saut dans l’analyse lorsque l’on commence à spécifier directement des groupes, des collectivités d’appartenance, de référence ou étrangères, voire d’opposition, lorsque l’on passe du « je » au « on » et au « eux ». Là encore, il convient de préciser à la fois quels sont les interlocuteurs (émetteurs [s] et récepteurs[s]) de la conversation ou du discours, et le contexte dans lequel il est élaboré.
Les moments d’affrontement entre groupes sociaux contribuent à fixer les catégories ethniques — ainsi d’ailleurs que les autres catégories sociales auxquelles elles peuvent être associées. En effet, ces affrontements sont le plus souvent justifiés ou expliqués par l’identification et la qualification des parties opposantes. On peut s’attendre, dans ces cas-là, à ce que des porte-parole, des dirigeants, des intellectuels associés aux groupes belliqueux — cela dépend évidemment de leurs caractéristiques et de leur taille — donnent une définition et précisent les contours et les qualités des ennemis.
On doit enfin mettre en valeur un autre niveau d’appréhension catégorielle : le niveau officiel, celui qui se donne à voir dans les recensements ou d’autres comptabilisations publiques, et dans les textes légaux ou réglementaires. Les nomenclatures utilisées qui sont quelquefois négociées entre les décideurs, les producteurs et certains consommateurs de ces données découpent l’ensemble social en catégories légitimes. Le fait que les données statistiques soient élaborées par des techniciens du chiffre, et leur large diffusion par les mass media, renforce considérablement la légitimité de ces catégories. On ne manquera pas de noter que cette catégorisation officielle est aussi produite — de plus en plus produite — par des organisations internationales : l’OIT ou l’UNESCO par exemple, voire la Banque mondiale ou la Banque interaméricaine de développement. Ce qui contribue, là encore, à la fois à la diffusion de catégories homogènes, et à leur légitimation.
Et puis, imbriqué à cet ensemble, il y a le langage savant, celui des spécialistes de diverses disciplines des sciences sociales et biologiques qui dissertent sur la base des données officielles, ou sur celle de données d’études effectuées directement auprès des populations concernées, langage qui contribue en retour à la fixation des catégories. Tandis que la puissance publique fait appel à des experts, des techniciens, des spécialistes pour identifier, nommer, circonscrire, inscrire dans un territoire — et dans une histoire —, ou dans une strate ou occupation sociale tel ou tel groupe, d’autres savants discutent, contestent, voire inscrivent en faux les propositions, allégations, conclusions des premiers. À un niveau plus élevé d’abstraction figurent les débats sur la pertinence et la légitimité des découpages de la réalité sociale selon des catégories sociales hiérarchiques ou culturelles-ethniques — cf. l’opposition classe/ ethnie par exemple —, tant pour expliquer des comportements sociaux (sociologie, anthropologie, histoire...) que pour bâtir des politiques sociales (science politique et de gestion).
Les divers niveaux de catégorisation identifiés ne sont évidemment pas indépendants les uns des autres. Il ne s’agit pas d’un simple emboîtement selon le modèle des poupées russes. En fait, les termes d’adresse (trato) dépendent toujours des — ou au moins font écho aux — catégories disponibles à un moment donné, lesquelles sont fortement influencées par le contexte officiel dans lequel les populations sont inscrites. Dès lors, l’identification se construit par des jeux d’opposition, d’éloignement, de distanciation ou, au contraire, d’assentiment, d’adhésion plus ou moins enthousiaste, molle ou critique. Mais il est évident aussi que le contexte socio-ethnique est marqué par les évolutions des relations interpersonnelles, et par conséquent que les catégorisations officielles évoluent au gré des fluctuations du trato local. Pour s’en rendre compte, il suffit de songer aux conséquences de la miscégénation de grande ampleur qui succède à la conquête de l’Amérique — produit d’une multitude de relations interpersonnelles sexuées — aussi bien sur le trato local que sur les catégorisations officielles.

Ce livre propose deux types d’analyse. En premier lieu, une présentation critique des procédures officielles de labellisation et de comptabilisation des groupes ethniques boliviens et, plus largement, de celles des Indiens — ou indigènes —, selon les époques. Comme Antoine Spire et Dominique Merllié le rappellent opportunément « Le recensement est certes un important instrument de connaissance de la société ; mais la portée et les limites de cette connaissance tiennent d’abord aux fonctions pratiques qu’il remplit comme instrument de gestion politique » (1999 : 121). Par conséquent, les catégories qui sont véhiculées par les questions proposées sont inspirées par des impératifs d’administration des populations. C’est ainsi que les visitas et revisitas conduites par les fonctionnaires de la couronne avaient pour but de classer et de décompter des Indiens en vue de fixer le montant du tribut auquel eux seuls étaient soumis. Au point que la labellisation Indien ne prenait sens que relativement à cette opération de comptabilisation ; l’Indien était celui qui était soumis au tribut. C’est dire que si les recensements constituent une base de connaissance des populations, ils doivent aussi et surtout être lus comme le reflet des catégorisations de ceux qui les commanditent et des politiques qu’ils entendent mettre en œuvre. Autrement dit, leurs résultats doivent toujours être réinterprétés après une discussion serrée des catégories filtre qui ont se

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