La chose traumatique
138 pages
Français

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La chose traumatique , livre ebook

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Description

Peut-on encore parler de traumatisme ? La question mérite d'être posée tant le mot est galvaudé aujourd'hui et qu'il autorise les idéologies les plus diverses, les pratiques les plus contradictoires. Ce que ce mot banalisé implique et conforte c'est bien sûr l'empire de la "psychologie", même si elle se présente volontiers parée de concepts issus de la psychanalyse. Il fallait aborder la critique de certaines pratiques qui s'autorisent de ce discours sur le traumatisme. Il fallait revenir au concept tel qu'il a été formalisé dans la théorie psychanalytique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2005
Nombre de lectures 52
EAN13 9782336274898
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La chose traumatique

Véronique Ménéghini
Collection PRATIQUES DE LA FOLIE
dirigée par Franck Chaumon

« Folie » est le nom qui désigne dans la culture ce qui fait exception à la raison commune. Le discours de la science échoue dans sa tentative de réduire la folie à la maladie mentale ou à la déficience des processus biologiques, car la raison de la science ne s’identifie pas à la raison commune, qui soutient les fictions partagées qui permettent de « vivre ensemble » le malaise dans la civilisation.
Se tenir au plus près du réel, c’est tenter d’écrire quelque chose de l’événement toujours singulier des pratiques de la folie.
© L’Harmattan, 2005
9782747584906
EAN : 9782747584906
Sommaire
Page de titre Collection PRATIQUES DE LA FOLIE Page de Copyright Déjà parus dans la collection PRATIQUES DE LA FOLIE Introduction L’acte de parole - A propos de l’obligation de dénonciation des abus sexuels Trauma, fantasme, traumatismes Dessine-moi un trauma Une clinique individuelle du traumatisme Colonies : la lettre en souffrance D’une transmission traumatique à sa traduction dans l’écriture Quand le traumatisme de la perte a plastiqué la mémoire Temporalité du traumatisme PSYCHOLOGIE / PSYCHANALYSE / PSYCHIATRIE / HISTOIRES DE VIE - à l’Harmattan
Déjà parus dans la collection PRATIQUES DE LA FOLIE
Détours de l’objet (collectif) La contrainte et l’acte (collectif) Inhibition et cultures Kathy Saada (dir.) Sacrifice(s). Enjeux cliniques La CRIEE (dir.) Inactualité de la folie Franck Chaumon et Catherine Machet (dir.) Lucien Bonnafé, psychiatre désaliéniste Bernadette Chevillion (dir.)
L’association ARECS (Association de Recherche et d’Enseignement sur la Clinique dans son rapport au lien Social) a publié également
Délire et construction Franck Chaumon (dir.), aux éditions ERES
Introduction
Franck CHAUMON Véronique MÉNÉGHINI

Peut-on encore parler de traumatisme ? La question mérite d’être posée tant le mot est galvaudé aujourd’hui et qu’il autorise les idéologies les plus diverses, les pratiques les plus contradictoires. On le retrouve partout : il est passé dans la langue courante autorisant les demandes de psychothérapies les plus variées, il fait office de supplément d’âme humanitaire dans la politique, il sert de viatique à toutes les cellules d’urgences psychologiques pour gérer les crises de toutes natures. On pourrait dire qu’il est devenu tellement répandu qu’il a perdu toute pertinence, qu’il n’est plus l’index d’aucun réel.
En quoi on se tromperait lourdement, car c’est justement son imprécision qui signe sa valeur : il fait symptôme d’un changement conséquent dans notre modernité, qui touche à la définition même de ce qu’est le monde humain. On peut remarquer ainsi qu’il désigne aussi bien l’individuel que le collectif, le sujet que le lien social. Un individu peut être l’objet d’un traumatisme, mais c’est aussi bien le cas d’un groupe et si le sujet peut être identifié d’être « traumatisé », il existe désormais des collectifs constitués à partir d’un tel trait. Le traumatisme fabrique du sujet aussi bien que du collectif. En atteste le fait que la réponse qui doit lui être apportée sera aussi bien individuelle que collective.
Ce que ce mot implique et conforte c’est bien sûr l’importance politique de la psychologie. Car si l’imaginaire qu’il charrie est fait de violence et de sang, ce qu’il désigne plus précisément est ailleurs, dans l’intimité de la personne. La souffrance désormais est avant tout une « souffrance psychologique », dont la reconnaissance est enjeu de combats juridiques récurrents : faire reconnaître cette souffrance intime, la faire passer au public, est devenu le préalable à l’ouverture des droits à réparation, selon la logique du droit des victimes. La psychologie est le modèle dominant par lequel nous appréhendons le lien social sous le signe de sa limite, de son excès nommé traumatisme.
Un autre mot fait couple avec celui-ci, c’est celui de consentement. La limite du lien social est définie à présent en premier lieu par ce à quoi le sujet consent. Ainsi les crimes sexuels sont-ils désormais ceux par lesquels un sujet a été pris comme objet de jouissance c’est-à-dire sans qu’il y ait consenti, ce qui est la définition juridique de l’abus. Harcèlement, abus, victime, s’articulent parfaitement à l’hypothèse extensive du traumatisme qui implique une nouvelle topologie du sujet dans le lien social.

Les textes que l’on va lire sont issus d’un séminaire public, qui tente de soutenir les questions auxquelles une pratique psychiatrique de secteur qui se réfère à la psychanalyse est aujourd’hui confrontée 1 . C’est un séminaire nécessairement polyphonique, au sens où divers points de vue sont sollicités. Le public étant en premier constitué de praticiens du champ de l’enfance, on conçoit sans peine que le « traumatisme » soit un thème de débats voire d’affrontements particulièrement vifs. « L’enfant » est en effet par excellence un être menacé de traumatisme, et les politiques publiques qui ne cessent de se soucier de son « intérêt » ont trouvé avec ce mot de quoi légitimer toutes les anticipations protectrices, toutes les actions réparatrices. La rumeur du monde contemporain actualise cette grande peur, tant du côté des violences que l’enfant subit (maltraitance, pédophilie), que de celles dont il menace la paix sociale (le sauvageon des cités). Devant l’angoisse que suscite la question de la violence et du sexe que l’enfant porte pour notre monde contemporain, les politiques se précipitent le plus souvent dans l’activisme des réponses techniques, qui sont en premier lieu juridiques et psychologiques. Il faut produire des réponses, selon des protocoles normés, et sous la menace omniprésente de la responsabilité juridique. Du fait de cette actualité prégnante, il fallait aborder deux figures majeures de cette passion des réponses, celle du signalement à la justice des violences faites à l’enfant et particulièrement des violences sexuelles, et celle des procédures de « debriefing » des traumatismes qui fondent la légitimité d’intervention des cellules psychologiques d’urgence. Deux textes s’y attachent spécialement. Mais la violence dont on crédite les jeunes des cités, ou dont on veut les protéger ne saurait être simplement réduite à une affaire d’intimité psychologique, à quelque chose comme une dégradation supposée de leur organisation subjective sans poser la question du rapport du trauma à l’histoire et à la violence. Paraphrasant une formule célèbre, on pourrait dire que la psychologie est à cet endroit requise à poursuivre la guerre par d’autres moyens.
Lacan s’est particulièrement attaché à ruiner la représentation d’une psychanalyse occupée à traiter dans l’enceinte privée du cabinet de l’intimité du sujet, opposée à la civilisation comme telle. L’inconscient c’est le discours de l’Autre, et c’est pourquoi ce que nous avons de plus singulier, nous est si radicalement extime . A sa manière, l’agitation contemporaine autour du traumatisme en est la démonstration, elle démontre que la topologie subjective n’est pas celle d’une discontinuité d’avec le lien social, mais c’est pour promouvoir sa réduction dans une politique de gestion « collective » des souffrances « subjectives ». Raison de plus pour affirmer une éthique de la psychanalyse qui parte non pas de ce qui fait continuité, de ce qui fonctionne pour tous et chacun, mais de ce qui ne marche pas, de ce qui fait butée à la fois pour le sujet et pour le politique, du réel de la chose traumatique.
L’acte de parole
A propos de l’obligation de dénonciation des abus sexuels
Franck CHAUMON

L’IMPÉRATIF DE PAROLE
Le crime sexuel implique aujourd’hui l’impératif de parole. Il faut parler, tel est le commandement nouveau qui s’impose à chacun. C’est d’abord une obligation juridique qui s’impose dorénavant à quiconque prend connaissance d’un tel crime, mais c’est aussi un idéal normatif pour la victime et pour le criminel. Dire le crime — dont on est témoin, que l’on a subi, ou que l’on a perpétré — c’est se conformer à la fois à ce qui est juste et à ce qui est bien. Il faut parler, et parler sans délai car le moindre suspens passe pour complicité avec les forces du silence.
Sans doute cet idéal est-il d’autant plus bruyamment énoncé qu’il succède à l’extraordinaire silence qui a recouvert ces actes parfois si monstrueux, si familiers et pourtant si communs dont nous avons pris désormais la mesure. L’impératif de parole, dans son caractère souvent violent et parfois obscène, s’affirme en lieu et place de la chape de plomb qui étouffait hier les cris des enfants. Un tel « renversement en son contrair

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