La Jeunesse de Mazarin
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Description

La jeunesse de Mazarin

Victor Cousin
Cet ouvrage a fait l'objet d'un véritable travail en vue d'une édition numérique. Un travail typographique le rend facile et agréable à lire.
La jeunesse de Mazarin est relativement peu documentée du fait de son origine sociale modeste. Deux sources existent : un témoignage anonyme d’un soi-disant « ami d’enfance » et les souvenirs publiés par l’abbé Elpidio Benedetti, un proche du cardinal dont Victor Cousin s'inspire abondamment. L’essentiel n’est d’ailleurs pas là, mais dans la formidable ascension sociale d’un personnage que rien ne prédestinait aux fonctions qu’il a occupées. À la veille de sa mort, et sans grande conviction, il demanda à des généalogistes de lui inventer une ascendance glorieuse. Les hypothèses les plus farfelues furent étudiées mais le cardinal mourut avant l’achèvement des recherches.
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Publié par
Nombre de lectures 10
EAN13 9782363078100
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Jeunesse de Mazarin
Victor Cousin
Première partie La famille de Mazarin. – Ses premières études au Collège Romain, son talent de comédien, son bonheur au jeu, son voyage et ses amours en Espagne. – Mazarin docteur en droit civil et en droit canon. – Mazarin officier, capitaine d’infanterie dans la guerre de la Valteline et aide-de-camp du commandant militaire du duché de Ferrare. – Mazarin diplomate, secrétaire de légation dans la Haute-Italie sous le nonce Sacchetti. Son intelligence, son activité, ses succès. Il est témoin de l’expédition française en Piémont en 1628. – Mazarin encore secrétaire de légation sons le cardinal-légat Antoine Barberini et sous le nonce Pancirole, en 1629, dans la guerre soulevée par le duc de Savoie. – Ses relations avec le général impérial Collailo, avec le général espagnol Spinola, avec le duc de Savoie. – Il est envoyé auprès de Richelieu à la fin de janvier 1630 ; il approche pour la première fois du cardinal, leur conférence. C’est à la mort de Richelieu que Mazarin monte au premier rang, et l’année 1643 nous le fait voir à la tête du gouvernement, fermant le règne de Louis XIII et ouvrant la régence d’Anne d’Autriche. Mais par quel chemin était-il arrivé là ? D’où venait-il ? Quelle carrière avait-il suivie ? A quels événements avait-il pris part ? Comment avait-il acquis la confiance de Richelieu ? Voilà ce qu’il importe de rechercher, si l’on veut se rendre compte de la fortune extraordinaire de Mazarin et embrasser toute la suite de sa destinée.
Chapitre 1
Ne nous engageons pas dans l’obscure généalogie qu’on lui a donnée, et tenons-nous aux faits certains [Les deux biographes de Mazarin qui nous serviront de guides, surtout pour les commencements de sa carrière, sont deux de ses compatriotes et contemporains qui l’ont parfaitement connu : 1° l’abbé Elfridio Benedetti, de Rome, son agent et son homme d’affaires, Raccolta di diverse Memorie per scrivere la vita del cardinale Giulio Mazarini, etc., in-4°, à Lyon, sans date ; 2 l’auteur anonyme d’un mémoire sur la vie de Mazarin, et particulièrement sur sa jeunesse, récemment publié par M. chiala dans un recueil de Turin, Rivista contemporanea, novembre 1855. Cet anonyme est un ami d’enfance de Mazarin ; il est favorable au cardinal, mais pourtant bien plus impartial que Benedetti. On trouve aussi des détails qui ne sont point à dédaigner dans Brusoni, Supplemento all’ Istoria d’Italia di Girolamo Brusoni, etc., Francfort 1664, ainsi que dans les mémoires inédits de Brienne le fils, publiés par M. Barrière, 2 vol. 1828. Nous avons eu aussi sous les yeux l’Histoire du Ministère du cardinal Jules Mazarin, par le comte Priorato, traduite de l’italien, 3 vol. in-12, Amsterdam er 1071, t. I ; Vita del Cardinale Giulio Mazarini, del dottore Alfonso Paioli, Venise et Bologne 1675, in-12 ; l’Histoire du cardinal Mazarin, par Aubery, 2 vol. ; l’abbé de Longuerue, Recueil de pièces intéressantes pour l’histoire de France, – abrégé de la Vie du cardinal Jules Mazarin.]. Il est établi que son père, Pierre Mazarin, était Sicilien [Le nom de Mazarin vient d’un petit lieu de Sicile appelé Mazare, si l’on en croit la mazarinade intitulée Lettres du chevalier George à monseigneur le prince de Condé, ou d’un castello Mazarino, selon Benedetti et le mémoire anonyme publié récemment à Turin.], d’une condition fort médiocre, artisan aisé et petit propriétaire. Il vint de bonne heure chercher fortune à Rome, où il entra au service de l’illustre et puissante maison Colonna en qualité d’homme d’affaires. Dans cet emploi, il rendit d’assez grands services à son maître, le connétable don Philippe Colonna [Philippe Colonna, duc de Palliano et de Tagliacotti, grand-connétable du royaume de Naples, mort en 1639.], qui le prit en affection, et lui fit épouser une personne aussi distinguée par sa naissance que par son mérite et sa beauté, sa filleule, Hortense Bufalini [Voyez Benedetti. Le mémoire anonyme, dans la bonne copie communiquée, célèbre encore plus les avantages de ce mariage : « Il contestabile gli diede una sua figliana di casa Bufalini, casa nobilissima della quale ne teneva il contestabile protettione, con una dote più che conveniente alle facoltà ed ai natali dello sposo, sendo inoltre molto dotata di una bellezza non ordinaria, e molto virtuosa. » Hortense Bufalini avait deux frères, tous deux attachés à la maison Colonna : l’un riche abbé, l’autre chevalier, puis commandeur de Malte, militaire qu’Aubery nous donne comme fort habile dans l’escrime, et qui même en avait fait un traité dédié à Louis XIII sous ce titre : Quel parti doit prendre le vrai cavalier, quand il survient des querelles et des matières d’éclaircissement entre des gentilshommes ?]. Pierre eut deux fils et quatre filles. L’une d’elles embrassa la vie religieuse ; les trois autres firent successivement des mariages avantageux, qui relevèrent encore les Mazarin : Hiéronyme épousa le chevalier Mancini, Marguerite le comte Martinozzi, claire le marquis Muti, frère de celui qui a eu de si grands emplois à la cour de Savoie. Le plus jeune des garçons, Michel, entra dans l’ordre de Saint-Dominique, et devint successivement provincial de son ordre, archevêque d’aix, cardinal du titre de Sainte-Cécile et vice-roi de Catalogne. L’aîné fut Jules Mazarin.
Il naquit le 14 juillet 1602 à Piscina, dans les Abruzzes. Sa mère, déjà grosse, était venue y passer les plus fortes chaleurs de l’été dans une abbaye qui appartenait à son frère, l’abbé
Bufalini : elle y accoucha, et revint quelques mois après à Rome, où l’enfant reçut le baptême à l’église de Saint-Silvestre, dans la paroisse de Saint-Vincent et de Saint-Anastase [Tel est le er récit de Benedetti, et Brienne dit aussi, t. I p. 283 : « Il signor Giulio naquit dans le bourg de Piscina en Abruzze, et reçut le baptême dans l’église de Saint-Silvestre de Rome. » Le mémoire anonyme fait naître Mazarin à Rome, où en effet il avait été conçu et où il fut baptisé. Les deux versions se peuvent donc accorder.]. Il était né coiffé et avec deux dents, circonstance de bon augure selon les croyances populaires, et à laquelle le cardinal lui-même se plaisait à faire allusion. On l’appela Jules, ou du nom d’un de ses oncles, le chevalier Jules Bufalini, ou de celui de son grand-oncle, le père Jules Mazarin, de la compagnie de Jésus, prédicateur et écrivain alors en réputation.
Dès l’âge de sept ans, on le mit au Collège Romain, que dirigeaient les jésuites. Il y eut constamment les plus grands succès. À la fin de ses études, lorsque parut la célèbre comète de 1618, le père Grassy, l’astronome de la compagnie, fit soutenir au jeune Jules, alors âgé de seize ans, des thèses publiques sur cet intéressant sujet dans la grande salle du collège, en présence d’une nombreuse assemblée de cardinaux, de princes et de lettrés. Mazarin déploya dans l’argumentation une adresse, une fermeté, une éloquence qui lui valurent des applaudissements unanimes. Un peu plus tard, les jésuites, pour célébrer la canonisation de saint Ignace, donnèrent une grande représentation dramatique, à laquelle ils invitèrent tout ce qu’il y avait à Rome de plus considérable ; mais ils ne savaient à qui confier le personnage de saint Ignace, le héros de la pièce. Ils s’adressèrent à leur ancien élève, qui, après s’être fait un peu prier, finit par accepter, et joua son rôle en ses diverses parties avec une telle vérité que toute l’assemblée fut transportée d’admiration, et le jeune acteur fêté et célébré comme le plus grand comédien qu’on eût jamais entendu. Cette réputation, commencée sur la scène du Collège Romain, nous la lui verrons soutenir dans les comédies de tout genre où le sort l’appela à jouer des rôles encore plus difficiles que celui de saint Ignace.
Jules Mazarin, à la fleur de l’âge, était beau comme sa mère, doux et vif, insinuant et hardi, du visage le plus ouvert et de la gaieté la plus aimable, comme aussi d’une finesse voisine de l’artifice, d’une merveilleuse aptitude à toutes choses, et particulièrement à l’intrigue. Quel sujet pour les jésuites ! Aussi les pères de la compagnie firent tout pour l’acquérir, lui promettant monts et merveilles ; mais ils ne parvinrent pas à le séduire : loin de là, il se hâta de quitter leur école, et de peur de tomber entre leurs mains, il abandonna l’étude, se jeta dans la dissipation et mena une vie fort peu édifiante.
Mazarin avait été presque élevé avec les enfants du connétable Colonna, qui étaient à peu près de son âge et goûtaient fort sa conversation et son esprit. De son côté, il s’appliquait à leur plaire, et dès lors on remarquait en lui le soin qu’il eut toujours de se lier avec des personnes d’une condition au-dessus de la sienne et de s’avancer vers les premiers rangs. Dans le palais Colonna, il fit plus d’une connaissance utile ; il prit le ton et les mœurs du grand monde, il en prit aussi les vices. La grande passion du temps était le jeu. Mazarin s’y livra avec ardeur, et il y devint bientôt maître ; il gagnait beaucoup d’argent, en sorte qu’il menait un assez grand train, avait toujours les plus riches habits, des bijoux, des diamants. C’était un beau joueur dans toute l’étendue du terme, hardi au dernier point, et en même temps généreux. Jamais, si l’on en croit celui de ses biographes qui l’aie plus connu pendant sa jeunesse, on ne le vit changer de visage, jamais il ne lui échappa un mot malséant ; il remuait, comme on dit, les écus à la pelle, et il avait coutume de dire que « le magnifique a le ciel pour trésorier. » Mais la fortune est changeante : un jour elle tourna le dos à son favori d’une si étrange façon qu’il se trouva ruiné, forcé d’engager à un Juif ses beaux vêtements, ses riches joyaux ; il ne lui restait plus rien d’un peu précieux qu’une paire de bas de soie ; il l’engagea encore et en tira quelques petites pièces avec lesquelles il se remit à jouer, et si
heureusement qu’il eut bientôt de quoi racheter ses habits et ses diamants. « C’est un fait que je puis attester en toute certitude, dit le biographe sur lequel nous nous appuyons, car j’étais avec lui quand il alla reprendre ce qu’il avait engagé. »
Après avoir passé plusieurs fois par ces brusques alternatives, un jour nageant dans l’or et le lendemain n’ayant pas un sou, il s’ennuya de cette vie de désordre, résolut d’y renoncer, et pour cela chercha une occasion de quitter Rome pendant quelque temps, afin d’y revenir un homme nouveau. Il semble que la fortune avait écouté ses vœux, car en ce temps le connétable Colonna envoyait en Espagne un de ses fils, don Jérôme Colonna, qui se destinait à l’église et devint depuis cardinal [Né en 1604, cardinal en 1627, archevêque de Bologne, puis évêque de Frasca, mort en 1666.]), pour apprendre le droit canon et le droit civil dans la fameuse université d’Alcala, et aussi pour se former aux grandes affaires à la cour de Madrid, qui, tout affaiblie qu’elle était et déjà sur son déclin, passait encore pour le centre de la politique européenne. On faisait alors le voyage d’Espagne comme un siècle auparavant on faisait celui d’Italie, et l’on ne croyait pas avoir achevé son éducation, si on ne savait la langue de Charles-Quint, de Philippe II et de Cervantes. La famille de Jules saisit donc cette occasion de l’arracher aux mauvaises habitudes qu’il avait prises depuis sa sortie du Collège Romain ; on le fit entrer au service de don Jérôme comme un de ses chambellans ou valets de chambre, et il quitta Rome à l’âge de dix-sept ans pour accompagner son jeune maître en Espagne. Ils y restèrent trois années.
Don Jérôme séjourna tour à tour à Madrid et à Alcala. Partout il traita avec une distinction bienveillante son jeune chambellan, et, pour le tirer de pair d’avec ses autres domestiques, il lui donnait un appartement séparé. Mazarin acquit en ces trois ans une parfaite connaissance du caractère espagnol, des mœurs du pays et de la langue qu’il écrivit et parla toute sa vie avec facilité. À l’université d’Alcala, il partagea les études de don Jérôme, avança rapidement dans les lettres, et fit déjà paraître le grand art de gagner les esprits et les cœurs de tous ceux qui l’approchaient. Il sut si bien s’emparer de la confiance et de l’affection des étudiants, ses camarades, qu’il disposait en souverain de toute cette jeunesse ; mais si Mazarin travailla beaucoup à Alcala, il ne s’amusa pas moins à Madrid, et il y eut une aventure à moitié burlesque, à moitié sentimentale, qui mérite d’être racontée [Benedetti y fait allusion sans paraître y croire, trouvant sans doute l’aventure au-dessous de son héros ; mais Paioli l’adopte sans difficulté, et le mémoire anonyme s’y arrête avec complaisance. Nous n’avons fait ici qu’abréger ce mémoire et quelquefois le traduire.].
À Madrid, on jouait autant qu’à Rome ; la tentation était grande pour le seigneur Jules, comme on l’appelait ; il y résistait de son mieux, n’ayant pas beaucoup d’argent, craignant de perdre le peu qu’il avait, et n’ayant plus, en cas de malheur, la ressource d’engager ses habits et ses bijoux, comme il le faisait à Rome, parce que don Jérôme, qui le menait avec lui dans les belles compagnies, aurait été fort mécontent s’il l’avait vu tout à coup moins bien mis et moins paré qu’à l’ordinaire. Cependant, comme on ne peut éviter son destin, un jour il risqua au jeu le peu de monnaie qu’il avait pu rassembler, et il la perdit sur le premier coup de dé : cruelle disgrâce pour notre jeune homme, qui ne savait plus où donner de la tête et se disait avec mélancolie : Qu’est-ce que l’homme sans argent ?
Il avait fait la connaissance d’un Espagnol nommé Nodaro, homme à son aise et même riche, qui l’avait pris en grande amitié pour sa jeunesse, sa bonne mine et l’agrément de sa conversation. Le trouvant triste, pâle, abattu, il lui demanda d’où venait son chagrin, s’il lui était survenu quelque fâcheux accident, ou si, loin de son pays, il éprouvait quelque gêne et avait besoin d’argent, mettant bien volontiers sa bourse à la disposition de son jeune ami. Mazarin se garda bien de lui dire toute la vérité ; il lui fit la fausse confidence que depuis
quelque temps il attendait par le courrier de Rome une somme assez considérable, et que, le dernier ordinaire ne la lui ayant pas apportée, ce retard le contrariait, ne connaissant personne à Madrid qui le pût accommoder d’une douzaine de doublons. Par là il laissait entendre qu’il avait chez lui du bien, il inspirait de la confiance à Nodaro, et il espérait en tirer une bonne somme, avec laquelle il comptait se remettre au jeu, gagner infailliblement, et s’acquitter ensuite envers le bonhomme en lui faisant accroire que c’était avec l’argent qui lui était arrivé de son pays. L’Espagnol avait aussi son plan. Croyant Mazarin assez riche sur ses allures et ses discours, et en passe de parvenir à tout avec les liaisons et les protections qu’il lui voyait, il s’était mis en tête de lui faire épouser sa fille. Il saisit donc bien vite l’ouverture que lui faisait Mazarin, et, tirant une bourse pleine de doublons, il lui dit : « Prenez ces doublons, mon fils ; il y en a d’autres chez moi qui sont également à votre service, et ne voyez là qu’une marque de la pure et sincère affection que j’ai pour vous. » A cette offre généreuse, Mazarin ne manqua pas de faire un peu de résistance ; mais, pressé par ce tendre ami, il finit par se laisser vaincre : il prit dix doublons en disant que c’était seulement pour ne pas répondre à une...
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