La reproduction sociale de santé
170 pages
Français

La reproduction sociale de santé , livre ebook

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170 pages
Français

Description

Si la reproduction sociale par l'école a fait l'objet depuis longtemps d'importantes analyses, la reproduction sociale par la santé est très peu évoquée. Le sujet paraît même tabou tant le biomédical domine expliquant les inégalités de santé par le génétique. Récemment, en santé publique, on ose poser la question de savoir si la construction de la santé et les inégalités réelles qui en découlent sont du ressort de la responsabilité individuelle de chacun ou déterminées par le destin social.

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Informations

Publié par
Date de parution 19 novembre 2019
Nombre de lectures 4
EAN13 9782140135514
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

déI à la Santé publique comme instrument d’égalisation des
nouvelles Igures du patient
Nicolas Tanti-Hardouin
La reproduction sociale de santé
& SOCIÉTÉ SCIENCES
Inégalités de santé : responsabilité individuelle ou destinée sociale ?
La reproduction sociale de santé Inégalités de santé : responsabilité individuelle ou destinée sociale ?
Sciences et Société fondée par Alain Fuchs et Dominique Desjeux et dirigée par Bruno Péquignot Dernières parutions Jean-Luc MATHIEU,Prévention : quels enjeux de Santé publique ! Analyse de politiques publiques, 2018. Jacques JAFFELIN,Théorie de l’information générale ou la « quatrième vexation », 2018. Claudine PÉREZ-DIAZ,Sciences et action publique : un mariage fécond. L’exemple de l’alcool au volant, 2017. Philippe SALIGNAC, Les espaces du travail,Prévention et santé au travail,2017 Gérard ALLAN,Points de vue thermodynamiques sur notre quotidien, Société et thermodynamique, 2016. Xavier MOREAU,Vieillissement et vulnérabilité, Comment rendre moins difficile le retour de la vulnérabilité, 2016. Jacques JAFFELIN,Où va la civilisation ? Ethique pour un monde humain réconcilié avec ce dont il est issu, 2015. Anne CHATEAU et Odile PIQUEREZ,Le syndrome d’Angelman. Parcours de vie des adultes, 2015. Anne CHATEAU,Le syndrome d’Angelman. Regard sur une maladie neurogénétique rare, 2013. Laurence BRIOIS VILMONT,L’imagerie médicale. La fabrique d’un nouveau malade imaginaire, 2013.Olivier NKULU KABAMBA,L’assistance médicalisée pour mourir. Les soignants face à l’humanisation de la mort, 2013. Jean-Pierre BENEZECH,Une éthique pour le malade. Pour dépasser les concepts d’autonomie et de vulnérabilité, 2013. Suzy COLLIN-ZAHN et Christiane VILAIN,Quelle est notre place dans l’univers ? Dialogues sur la cosmologie moderne, 2012. Blanchard MAKANGA,Nature, technosciences et rationalité. Le triptyque du bon sens, 2012. Béatrice GRANDORDY,Charles Darwin et « l’évolution » dans les arts plastiques de 1859-1914,2012.
NicolasTanti-Hardouin Lareproduction sociale de santé Inégalités de santé : responsabilité individuelle ou destinéesociale?
Du même auteur Economie de la santé, coll. « U », Armand Colin, 1994.
L’Hospitalisation privée en France : crise identitaire et mutation sectorielle, Les Etudes de la Documentation française, 1996.
(en collaboration) Dictionnaire d’économie sanitaire et sociale, Foucher, 2003.
La santé en France : radioscopie d’un système, coll. « Points de départ », Foucher, 2011.
Aux origines de l’Economie de la santé, Ellipses, 2011.
La liberté au risque de la santé publique, coll. « Médecine & Sciences humaines », Les Belles Lettres, 2013.
Les nouvelles figures du patient, coll. « Ethique et pratiques médicales », L’Harmattan, 2014.
Santé et grande pauvreté. L’exclusion par le soin des populations roms, coll. « Questions contemporaines », L’Harmattan, 2016.
La santé à deux vitesses. Crise économique et soins, les liaisons dangereuses, Editions Libre et Solidaire, 2017
© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-18701-3 EAN : 9782343187013
CHAPITRE INTRODUCTIF ÉGALITÉ DES CHANCES EN SANTÉ OU REPRODUCTION SOCIALE DE LA SANTÉ Au fond qu’est-ce que la bonne santé ? Claude Leriche parlait voilà quelques années du fameux « silence des organes », c’est-à-dire ne rien sentir de désagréable, de douloureux d’incommodant, d’impur sur sa peau. La clinique apprend au praticien que la bonne santé est retrouvée à la fin de l’épisode morbide et lorsqu’on hésite sur la fin de la maladie, on évoque la rémission supposée définitive ou temporaire ou bien, en santé mentale, on parle de stabilisation. L’incertitude rôde toujours autour de la notion de santé parfaite. Personne ne peut avancer sans une arrière-pensée ou un petit doute qu’il est en bonne santé. Cet état d’être bien est difficilement définissable. Et dans la pratique du soin, on prend conscience qu’on ne définit la santé que par la seule absence de quelque chose qui viendrait faire obstacle. Peu d’auteurs cernent donc cette notion singulière de la bonne santé d’une façon positive. Celle que propose récemment David Le Breton est séduisante tout en restant dans cette veille tradition qu’il y a santé tant qu’on ne se pose pas celle de son absence : « La santé tient dans l’ignorance où l’individu est des processus physiologiques qui se jouent en lui, elle manifeste l’aisance à aller d’une situation ou d’un lieu à l’autre sans éprouver de difficulté en chemin, elle est cette évidence tranquille de la vie quotidienne, cette prodigalité qui ne soulève aucune question au regard des activités habituelles. La maladie ou la douleur introduisent à l’inverse l’opacité du corps et rompent la transparence à soi-même. Elles mettent des accomplissements des tâches accoutumées et aux mouvements 1 élémentaires de l’existence » .
1 David Le Breton, Tenir, Douleur chronique et réinvention de soi, Métailié, Traversées, 2017, p. 27.
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Combien de personnes rencontrées certainement malades ou mal en point qui font le déni de leur état car elles peuvent poursuivre tant bien que mal leur activité quotidienne, leur boulot. Ces situations se rencontrent souvent au bas de l’échelle sociale où la vie n’est pas la normalité mais plutôt la survie dans de multiples activités à faire pour dérouler un quotidien laborieux sans quoi rien n’est possible. Dans cet univers-là, la notion de santé est très relative, tributaire d’un contexte de survie. Dans ces situations, on pousse les résistances corporelles jusqu’au bout du supportable jusqu’à ce que le souffle manque ou le pied diabétique empêche de se mouvoir alors qu’il faut 2 aller à la quête de sa nourriture . À l’autre bout de l’échelle sociale, on retrouve dans nombreuses situations, la recherche de ce que Carl Cedertröm et André Spicer appellent « le syndrome du bien-être ». Être en bonne santé ne suffit pas, il faut surtout anticiper le risque de la maladie qui viendrait perturber la vie sociale et son mode de vie. La notion même de bonne santé s’inscrit dans une sorte de morale sociale de la recherche du bien-être à tout prix. Le culte du corps parfait et de la santé parfaite sont l’apanage des classes moyennes supérieures et des élites sociales qui recourent au coaching et autres moyens de tout prévenir. On est irrésistiblement dans le tout prévention et dans l’application systématique du principe de précaution car l’apparition de la maladie dans ce modèle culturel s’apparente à une faute. Cet envahissement de la sphère sanitariste dans l’entreprise et le monde du travail en est l’exemple parfait comme le suggèrent Carl Cederström et André Spicer : « d’après un rapport du Forum économique mondial, l’amélioration du bien-être au travail passe par la création de groupe de soutien pour résoudre les problèmes de poids, la mise à disposition de plats équilibrés dans les cantines d’entreprise, l’aménagement de temps de pause pour faire de l’exercice, l’installation d’équipements sportifs, ou encore l’instauration de programme de sevrage tabagique. Chacune de ces mesures obéit à une logique de conditionnement physique. En décidant d’aller à la salle de sport et d’arrêter de fumer, les employés ne font pas que prendre soin de leur corps ; ils renvoient aussi une 2 Expériences issues des maraudes avec l’équipe de Médecins du Monde.
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meilleure image d’eux-mêmes (surtout à l’heure où avoir un corps gras ou un physique « atypique » constitue une marque d’infamie). Ils affichent ainsi leur détermination à être en bonne 3 santé, responsables, soucieux de leurs images et sociables. »
On savait depuis longtemps que les postures sociales à l’égard de la santé étaient très différenciées depuis les divers travaux 4 sur l’usage social du corps . Il en est de même de la représentation de la maladie selon les milieux sociaux et les classes sociales d’appartenance. Ces dernières années, les inégalités sociales de santé n’ont fait que croître sous l’effet des crises économiques et du renoncement aux soins au moment même où les couches sociales favorisées adhéraient au culte de 5 la santé parfaite .
Toute l’épidémiologie contemporaine admet sans conteste que les inégalités sociales de santé suivent parfaitement un fort gradient social. Les différences d’espérance de vie sans incapacité et d’état de morbidité sont de plus en plus marquées entre le haut et le bas de l’échelle des catégories socio-professionnelles. On a dans ce domaine de telles certitudes qu’un livre entier ne suffirait à livrer l’ensemble des études disponibles. Il en est de même de ce que les épidémiologistes appellent les déterminants sociaux et culturels de la maladie et de la santé. L’appareil épidémiologique donne dans le domaine des inégalités de santé de fortes certitudes tant au niveau national qu’international. Récemment encore, on réclamait en France une grande loi de Santé Publique consacrée aux inégalités sociales de santé, aux difficultés d’accès aux soins, aux programmes de lutte contre les maladies du milieu, aux actions de prévention sur les comportements à risques. En bref, la Santé Publique ne peut se départir de la notion difficile à cerner : l’égalité des chances en santé.
3 Carl Cederström, André Spicer, Le Syndrome du Bien-être, Éditions l’Echappée, Paris, 2016, p.49. 4 Luc Boltanski, « Les usages sociaux du corps », Les Annales, Économies, Sociétés, Civilisation, n°1, 1971, pp.205-233. 5 Lucien Sfex, La santé parfaite, Critique d’une nouvelle utopie, Paris, Seuil, 1995
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