La vie sans toit
254 pages
Français

La vie sans toit , livre ebook

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254 pages
Français

Description

Cet ouvrage décrit la rencontre d'une population en survie avec l'équipe d'un service d'urgence composé d'éducateurs et d'éducatrices spécialisés. Il retrace à travers des extraits de vie, le parcours d'hommes et de femmes, à un moment difficile de leur existence. C'est une réflexion sur la violence, la pauvreté, l'exclusion, trois fléaux désocialisant qui condamnent l'être humain à la détresse la plus absolue.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 1
EAN13 9782296224575
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Au préfet ClaudeErignac

A Jean

~iomj^p]ocji

Ce livre retrace, à travers des extraitsdevie, le parcours d’hommes
et de femmes,àun momentdifficile de leurexistence.Les prénomsdes
personnesontétévolontairementmodifiés.
C’est uneréflexionsurlaviolence, lapauvreté, l’exclusion,trois
fléauxdésocialisantquicondamnentl’être humainàladétresse laplus
absolue.
C’estl’histoire d’unservice d’urgence, de l’implication detouteune
équipe grandementinvestie dans sesmissions, etdontl’engagementau
quotidien démontrequ’ilyatoujours uneréponseauxaléaslesplus
tragiquesde lavie.
Sous uneapparente liberté,cerécit, dontcertainschapitres sont
volontairementbrefs,souhaiterelaterle plusfidèlementpossible,
soucieuxde la chronologie, lesévènements qui ontémaillécesparcours
devie etles replacerdansleurcontextesocial etpolitique dumoment.

« L’honneurestladernièrerichesse dupauvre »

«Chaque homme dans sanuit vaverslalumière »

AlbertCamus

VictorHugo

«Lapremière des solidaritésestcellequi lie lescitoyensentre eux
au traversde l’Etat.C’estlasolidarité nationale.L’administrationqui
lameten œuvre estfaite pour servir. »
Claude Erignac

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Elleallait mouriretc’étaitmieuxcommeça.Du reste, ne l’avait-il
pasmenacée decetteultime issueàlaquelle elleavaitjusqu’alors
échappé?Lesmenacesde mort qu’ilavait sisouventproféréesàson
égardavaientexorcisésapeur.Elle ne pensaitpas qu’il étaitaussi facile
de mourir.C’étaitbien moinscompliquéque devivre.C’étaitmême
confortable puisqu’elle neressentait rien.Seulement une grande
lassitude.Un étatd’engourdissement qui laprivaitprogressivementde
sesdernières résistances.Unesorte d’incrédulités’ajoutaità cettetorpeur
irrésistible.Elletentadetoucher soncorpspour seraccrocheràune
réalité palpable.Elle n’yparvintpas.Ilsemblait se dissocierdeson esprit
qui divaguaitencoreàlarecherche d’une explicationrationnelle.Elle
s’abandonna, laissantàla charge des vivants soncorpsdétruit.Elleallait
mouriretc’étaitbiencommeça.
*
Il nesaitpasoùilvamaisil fuit.Il neveutplusentendre lesinsultes,
lescris, lesgémissements, lebruitmatdescoups surlapeaunivoirce
corpsmeurtri ethumilié.Ilcourt.Soncœurbat si fort qu’ils’arrêteun
instant, étourdi.Il entendàpeine lesbruitsde larue ni nevoitles
passantsindifférentsàson malheur.Il lesbousculeun peu.Aucarrefour,
unattroupement:uncycliste gît surla chaussée entouré debadauds
inutiles.Charlie n’yprête pasattention.Sadétresse l’éloigne dumalheur
desautres.Lespectacle de larue ne leconcerne pas.Impuissantà
protéger samère, ils’est sauvé.Ils’enveut un peud’être parti.Maisil ne
retournerapaschezlui.Tout va continuer.
Sa coursesansbutprécis, désordonnée, leconduit sans qu’il l’eût
décidéversdes quartiersinexplorésdontil n’ajamaisfranchi les
frontières.Desimmeubles sanscaractère,tous semblables,sesontligués
pourl’égarer.Unciel d’unbleugrisâtre emprisonne dans sesflancs
cotonneuxdesbâtiments sans toit,coiffésdeterrasses uniformes.Il
navigue entre lesblocs,cherchant une issueà cet universdéroutant.Ses
pasle mènent vers unesorte d’esplanade où surfentavec aisance desados
chaussésderollers.Ilsévoluentdans unbruit sourdque percentleurs
voixjuvéniles.Fasciné,Charlie les regarde, oubliant un moment son
inquiétude.Puisilrepartencourant verslavillequi luiapparaîten
contrebas,brumeuse etbrouillonne encette fin de journée.

Il demeureun instantimmobilesur un petitpont qui enjambeun
ruisseau auxeaux troubleset captives. Lesoleil condamnétireses
dernières cartouchesensanglantantleciel debalafresérubescentes qui
s’échouent surletoitdesmaisons.Lavilles’éclaire parà-coups,
mouchetantde lumières safranées ses rueset sesédifices.Le parc, dont
lesarbres se détachent sur unciel indigo,arefermésesportes.Lavillese
prépareàdormirprocédantàses rituels.Les vitrines sesontéclairées
souslalumièrecrue desnéons, d’autres sesonteffacéesattendantl’aube
pour renaître.Charliesesentperdu, il nereconnaîtpasles ruesfamilières
qu’il parcourt souventavecsamaman.Ellesluisemblentétrangères,
malveillantes.Ils’assied, découragé.Ilafroid, piedsnusdans sesbaskets
enfiléesàlahâte, l’anorak oubliésurle lit.Frigo, dontl’amitié etla
douceurdupoilauraientpuleréconforter, ne l’apas vu s’enfuir.
*
SuzyavaitconnuChristianaucoursd’unrepaschezdesamis.
Quelques regardsavaient suffi pour qu’ilséchangeassentleursnuméros
detéléphone.Chacun était repartiun peu troublé.Quelques semaines
plus tardSuzyavaitlaissé lestudio parisien danslequel ellevivaitpour
retrouverChristian dansletroispièces qu’il occupaiten prochebanlieue.
Christian étaitcadre dans uneagence d’informatique;fils unique
d’une mère possessive etd’un père déchudesesdroitspour violences
incestueuses surlapersonne desafille mineure née d’un premier
mariage;demi-sœur, dontilavaitperdulatrace;ilavaitgrandiauprès
d’une mère délaissée par un mari inconstant.Celle-ciavait reportésur
son fils toutesonaffection et sesambitions.Ellevoulait qu’ilréussisse,
ellevoulaitêtre fière de lui, oublierlahonte, l’amertume, l’échecdeson
union.Pourplaireàsamère,Christianavait toujoursbientravailléà
l’école.Ilavaitinvesti danslesétudeset réussisavie professionnelle.
Suzyétaitl’unique enfantd’uncouplesanshistoires.Elle étaitnée
après une longueattente.Elleavaitété espérée etd’autantpluschoyée et
aimée.Elleavait vécu une enfance paisible entreun père fonctionnaireau
ministère de l’Agriculture et une mère décoratricequesanaissanceavait
tellementcomblée etabsorbéequ’elle enavaitoublié deretravailler.Elle
exerçait ses talentsaudomicile familial.Desétudesdecommerce
interrompuesavaientconduitSuzyàun poste desecrétaire de direction
dans uneboîte de marketing.
Christianavait trouvéchezSuzy toutcequ’il luiavaitmanqué.Il
avait toutdesuiteaimécette gaietéqui émanaitd’elle et qui embellissait
toutcequ’elleapprochait.Cette légèretéqui larendait un peu

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inaccessible.Cette façonqu’elleavaitde l’écouter,tête légèrement
penchée, grave,attentive,unsouriretoujoursprêtàéclairer sonvisageà
l’ovalerégulier.Cette manière derepousser, doigtsécartés,unechevelure
rebelleaux refletsblondcendré.
Suzyétaitdevenue l’objetdetoutes sesattentions.Elle étaitheureuse
desusciterautantd’égards, d’émotion, mêmesi parfoisellesesentait un
peuétouffée par tantdesollicitude.Sontravail,qu’elleappréciait, l’aidait
àprendre de ladistance,àrégulercetamourexcessif,un peuenvahissant.
Christianavaitbien essayé de lui faireabandonner son emploi prétextant
qu’il lavoulaitpourluitout seul,qu’il l’aimait trop pourlapartager.Il
voulaitlatrouver quand ilrentraitlesoir.Ne jamais s’enséparer.Suzy
avaitété ferme.Ellecontinueraitdetravailler.Il n’avaitpasinsisté.
Audébutde leur union,Suzypensait que lavie étaitplutôtdouce,
agréable, émaillée dequerelles sansgravité, deréconciliations
passionnées, de promessesenflammées.Puiselle fut secouée plus
gravementparleschangementsd’humeurdeChristianqui passaitd’un
optimismetriomphalàunabattementdépressif, inexplicable.Sombre,
taciturne, il luireprochaitde ne pas suffisammentl’aimer, larendait
coupable desespropres sautesd’humeur, ilretournaitlasituationàson
avantage, lui faisaitporterlechapeau, latenait responsable desespropres
excès.Il l’accusaitd’avoir unsalecaractèrecomme «touteslesbonnes
femmes»ajoutait t-il de mauvaise foi.Elle letrouvaitinjuste et ringard.
Il désapprouvaitlesinvitations qu’elle donnait.Ilsavaient, depuisleur
rencontre, desamiscommuns qu’ilsavaientplaisiràrecevoir ;leur
intimité ensouffraitdéclarait-t-il.Il ne lavoyaitpas suffisamment.Les
copainsl’importunaient.
Ilsdécidèrentdese marier.Lamère deChristianaccueillitcette
nouvellesansenthousiasme.Toutcequi l’arrachaitdavantageàson fils
était vécucommeune frustrationsupplémentaire,un dangerpotentiel.Le
mariage le liaitdavantageà Suzy.
LecomportementdeChristianchangeadèslors qu’ilsfurent
officiellement unis.L’attachementpassionnéqu’il luivouaitet qu’elle
considéraitcommeune preuve d’amour setransformaen jalousie
maladive.Christiansurveillait touteslesalléeset venuesdeSuzy,ses
coupsde fil.Il lui interditdesortir sanslui.Il nesupportaitplus qu’elle
voiese

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