Le regard sur l autre en Europe médiane
284 pages
Français

Le regard sur l'autre en Europe médiane , livre ebook

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284 pages
Français

Description

Enserrée entre le monde germanique à l'ouest et le monde russe à l'est, l'Europe médiane est un espace historique dont les dimensions et l'organisation politique ont varié dans le temps. Après la chute du Mur de Berlin, les différents peuples de l'Europe médiane se sont mutuellement redécouverts. De l'entre-deux-guerres à nos jours, écoutons donc, grâce à eux, un Lituanien évoquer les Polonais, un Bosniaque les Albanais, ou bien encore un Sorabe, les Macédoniens. Base documentaire précieuse pour qui réfléchit aux enjeux liés à la réaffirmation des identités nationales, cette anthologie propose un choix de textes peu connus, souvent traduits en français pour la première fois.

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Informations

Publié par
Date de parution 09 mai 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782140121227
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

Sous la dIrectIon de Jean KUDELA et Bernard LORY
LE REGARD SUR L’AUTRE EN EUROPE MÉDIANE
INTERNATIONAL
LE REGARD SUR L’AUTRE EN EUROPE MÉDIANE
Collection « Inter-National » dirigée par Denis Rolland, Joëlle Chassin Françoise Dekowski et Marie-Hélène Touzalin Cette collection a pour vocation de présenter les études les plus récentes sur les institutions, les politiques publiques et les forces politiques et culturelles à l’œuvre aujourd’hui. Au croisement des disciplines juridiques, des sciences politiques, des relations internationales, de l’histoire et de l’anthropologie, elle se propose, dans une perspective pluridisciplinaire, d’éclairer les enjeux de la scène mondiale et européenne. Dernières parutions Félix PAVIA,Mexique : la guerre perdue contre le narcotrafic, 2018. Laurie SERVIÈRES, Colombie : la paix comme levier politique internationale, 2018. Antonia AMO SÁNC(EZ, Marie GALÉRA,Métissage de la création théâtrale. Amérique hispanique/Espagne/France, ʹͲͳͺ. Tristan LEFORT-MART)NE,? L’expérience équatorienneDes droits pour la nature , ʹͲͳͺ. Mariella V)LLASANTE CERVELLO et Raymond TAYLOR ȋsous la dir. deȌ, avec la collaboration de Christophe DE BEAUVA)S,Histoire et politique dans la vallée du fleuve Sénégal. Mauritanie. Hiérarchies, échanges, colonisation et violences politiques, VIIIe-XXIe siècles. Essai d’histoire et d’anthropologie politique, ʹͲͳ͹. Catherine DURAND)N, )rina GR)DAN,Moldavie, repères et perspectives, ʹͲͳ͹. Ruggero GAMBACURTA-SCOPELLO,Les régimes passent, l’État développementaliste demeure. Le cas de la Banque Nationale de Développement Économique et Social ȋBNDESȌ au Brésil, ʹͲͳ͹. Pierre JOURNOUD,L’énigme chinoise. Stratégie, puissance et influence de la Chine depuis la Guerre froide, ʹͲͳ͹. Morgan DONOT,Discours, identité et leadership présidentiel en Amérique latine, ʹͲͳ͹. Oleg SEREBR)AN,La Russie à la croisée des chemins, géohistoire, géoculture, géopolitique, ʹͲͳ͹. Laurentiu VLAD,Images de l’identité nationale. La Roumanie aux expositions universelles et internationales de Paris, 1867-1937, ʹͲͳ͸. Gilles GALLET,Pour une Russie européenne. Géopolitique de la Russie d’hier et d’aujourd’hui, ʹͲͳ͸. Angela DEM)AN,? Construction nationale en République deLa nation impossible Moldova et au-delà, ʹͲͳ͸. Dolores T()ON SOR)ANO-MOLLA, Noémie FRANÇO)S, Jean ALBRESP)T,Fabriques de vérités (vol. 1). Communication et imaginaires, ʹͲͳ͸. Dolores T()ON SOR)ANO-MOLLA, Noémie FRANÇO)S, Jean ALBRESP)T,Fabriques de vérités (vol. 2). L’œuvre littéraire au miroir de la vérité, ʹͲͳ͸. Cyril GARC)A,Amado Granell, libérateur de Paris, ʹͲͳ͸. Michel FABREGUET ȋcoord.Ȍ,Mémoires et représentations de la déportation dans l’Europe contemporaine, ʹͲͳ͸.
Sous la direction de Jean KUDELA et Bernard LORY LE REGARD SUR L’AUTRE EN EUROPE MÉDIANE
« Ouvrage publié avec le soutien du Centre de recherches Europes-Eurasie (Inalco) » © L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-16251-5 EAN : 9782343162515
INTRODUCTION
Quand on parle de l’Europe médiane, il est toujours utile de situer cet espace géographique qui englobe le centre et l’est de l’Europe et déborde, au nord sur les pays Baltes et au sud, sur ce qu’il est convenu d’appeler les Balkans. Enserré entre le monde germanique à l’ouest et le monde russe à l’est, c’est aussi un espace historique dont les dimensions et l’organisation politique ont varié dans le temps. Ces variations ont amené les peuples à se côtoyer, à se mêler et à s’observer de près. Les regards qu’ils ont posés les uns sur les autres peuvent constituer un élément d’information historique sur leurs identités respectives : c’est ce que nous avons recherché. On ne peut se limiter à des identités autoproclamées, en Europe médiane pas plus qu’ailleurs. Notre démarche est partie d’une simple constatation : nous ne pouvons nous représenter notre propre image sans tenir compte du jugement implicite ou explicite d’autrui. Même lorsque ce jugement nous est défavorable et que nous le récusons, nous ne saurions l’ignorer, et toute construction ou reconstruction de notre propre identité se positionne par rapport au jugement de l’autre, consciemment ou inconsciemment. Et cela sur le plan collectif comme sur le plan individuel. Indépendamment de ce que nous affirmons, nous ne saurions savoir qui nous sommes réellement sans connaître ce que l’autre pense de nous. Nous ne sommes pas seulement ce que nous sommes, ce que nous voulons ou pouvons être, mais aussi comme l’autre nous voit. Pour nous connaître vraiment, il ne suffit pas de nous regarder dans le miroir, il nous faut aussi étudier les instantanés que les autres prennent de nous et en quelque sorte nous surprendre en nous regardant à l’improviste. Il nous est apparu en effet que le regard de l’autre est une composante incontournable de l’identité. Sur le plan de l’expérience individuelle déjà, chacun sait que le regard d’un inconnu – dans la rue ou dans le métro – est susceptible de remettre en cause notre identité : pourquoi cet inconnu me regarde-t-il? Ai-je le visage sale? Ma façon de m’habiller a-t-elle quelque chose d’inhabituel ou de choquant? Attend-il quelque chose de moi et pourquoi moi? Les gens de couleur savent bien qu’un regard peut blesser beaucoup plus qu’une parole, parce qu’il se pose alors sur un individu comme représentant d’un peuple ou d’une communauté. Il est donc difficile, sinon impossible d’ignorer le regard de l’autre, fût-il furtif, qui atteint toujours notre identité en quelque manière. On peut regarder l’autre droit dans les yeux, avec insistance, insolence ou sympathie, de biais ou de travers, et celui sur qui le regard se pose réagit toujours en son for intérieur à ce regard. Il fait toujours quelque chose de ce regard en le refusant, en le retournant, en prétendant l’ignorer ou en l’acceptant.
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Le terme d’identité est d’ailleurs à double fond : d’un côté il renvoie à l’identique – le polonaistożsamość–, c’est le souligne bien ce sens nous; d’un autre côté, il suppose la différence, puisqu’il affirme la spécificité d’une identité par rapport à toutes les autres, c’est lemoi. L’ambigüité du regard de l’autre, c’est qu’il ne distingue pas les deux aspects et additionne et combine lenous et lemoi. Notre tâche est donc aussi de distinguer les deux pour pouvoir apprécier le témoignage à sa juste valeur – comme on le voit, navigation périlleuse s’il en est. La plupart du temps, ce regard de l’autre ne renvoie pas qu’à une personne, il illustre en quelque manière la culture à laquelle l’autre appartient. Et c’est l’occasion de trouver ou retrouver les chemins que prend l’Histoire. Dans une zone historico-géographique aussi mouvante que l’est l’Europe médiane, ces voies sont multiples et s’entrecroisent souvent de manière inattendue. Il faut donc tirer soigneusement tous les fils. À cela s’ajoute un autre élément : la plupart des identités autoproclamées pèchent par une suraffirmation plus ou moins déguisée qui les fait toutes ressembler les unes aux autres. Le discours commun peut trop souvent se résumer cavalièrement à « c’est nous qui sommes les plus beaux, les meilleurs » ou encore : « nos valeurs sont les plus nobles », ce qui met tous les nationalismes sur le même plan et les ramène au même profil identitaire. Mais l’autre voit souvent en nous des choses que nous négligeons ou nous cachons à nous-mêmes. À travers les clichés que l’autre peut plaquer sur nous peuvent se faire jour des traits que notre analyse de notre identité a laissés de côté. La photo que le voisin a faite de moi peut me révéler à moi-même des choses que je n’ai pas perçues en me regardant dans le miroir. L’autre est un autre miroir, qui nous renvoie de nous-mêmes une image souvent déformée, mais dans laquelle nous pouvons aussi reconnaître ou découvrir des traits qui nous sont propres. Cela me permet de juger les efforts que je fais pour me présenter, d’apprécier le résultat de ces efforts et finalement de réfléchir à la signification de ma démarche identitaire. C’est là le premier point. En second lieu, c’est aussi la démarche de l’autre qui se révèle dans ses déclarations. Dans ses jugements sur mon identité se font jour bien sûr les préjugés et les clichés de l’autre, qui par là s’expose. C’est donc aussi l’occasion de mieux le connaître et de le surprendre à son tour, tant il est vrai que les jugements que je porte servent aussi à me juger. Il conviendra donc d’établir précisément qui est l’autre. Bien entendu, la difficulté est d’abord de déterminer qui est un autre et l’on court le risque de tomber dans la pétition de principe. Je dois éviter de choisir au départ ce que je veux montrer ou démontrer, sous peine de me contenter d’affirmer simplement mon identité par d’autres moyens. Néanmoins, je dois avoir mon identité présente à l’esprit pour pouvoir toujours discerner clairement ceux qui ne partagent pas cette identité, c’est-à-dire ceux qui sont clairement en dehors de ma langue ou de mon peuple ou
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de ma culture. Et il faut admettre que le degré d’altérité peut varier dans chaque cas, car l’identité de chacun est toujours composite. On est soi-même toujours plus ou moins autre. Pour que l’analyse soit valable, il faudra ne retenir que celui qui est – comment dire – le plus autre possible, ou tout à fait autre par quelque caractère évident; la langue, l’appartenance nationale ou sociale, la culture, chacun de ces caractères suffisant en effet à marquer l’altérité identitaire selon un dosage particulier à l’individu. On voit donc au départ plusieurs dimensions d’altérités : :l’altérité pleine et entière réunissant tous les critères d’identité langue, nationalité, culture, par ex. un Serbe par rapport à un Hongrois ou un Albanais ; l’altérité partielle : à l’intérieur de la même nation, la différence de statut social peut être source d’altérité. Ainsi un écrivain d’origine juive, mais de langue et culture tchèque comme Ivan Olbracht peut ressentir la culture juive desshtetlde Russie subcarpathique comme très exotique dans les nouvelles publiées sous le titre deGolet v údolíporter sur cette culture un regard attendri, mais critique. et Le regard de l’autre, ce n’est pas seulement le regard qui vient de loin, c’est aussi celui du voisin de l’autre côté de la frontière, le regard de l’immigré sur la société qui l’accueille, celui du minoritaire sur la culture majoritaire ; l’altérité peut s’avancer masquée, lorsqu’un auteur parle d’un peuple en plaçant ses jugements dans la bouche d’un personnage censé appartenir à ce peuple, mais exprimant en fait les opinions de l’auteur; nous en aurons plusieurs exemples dans les littératures hongroise ou sorabe. En fait, c’est le groupe auquel je dis appartenir, auquel je m’identifie, qui définit l’altérité par rapport à sa propre image. Cette image pouvant varier avec le temps et les circonstances; rappelons-nous que le regard venant de la même culture peut renvoyer en réalité à des images différentes de cette culture : l’intérêt sera alors historiographique. L’image de tel peuple pourra être très différente selon l’époque; un diplomate tchèque ne portera pas le même regard sur les Bulgares en 1950 et en 1990 et un écrivain sorabe ne verra pas les mêmes Bulgares que le diplomate. Il convient aussi de tenir compte de ce paramètre. Une altérité indiscutable n’exclut cependant pas à l’occasion une proximité recréée par la sympathie spontanée, l’empathie qui permet d’accéder à un trait identitaire caractéristique chez l’autre et de donner ainsi de l’autre une image vraie. Et cela peut-être plus sûrement que par l’analyse. Ainsi le peintre écrivain Měrćin Nowak-Njechorński réhabilitant par son récit les Tsiganes de Macédoine.
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