Le retard des intellectuels africains
255 pages
Français

Le retard des intellectuels africains , livre ebook

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255 pages
Français

Description

Ce livre concerne les intellectuels camerounais dont on entend parler dans le pays : des membres du gouvernement et hauts fonctionnaires, des technocrates et des entrepreneurs parmi les plus en vue, des personnalités des médias, des universitaires et des leaders des partis politiques. L'auteur explique comment ces personnes s'acquittent de leur position. Tout au long de cet examen apparaît la responsabilité des intellectuels dans le retard de l'Afrique dont on parle tant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 75
EAN13 9782296241053
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

àTCHANESarah
àNGOUNDOAlphonse
Vous souriez, mortsbiencouchés ;
Toutce qui passe pourtant dure ;
Lesbrins minces de la verdure
Sont faits du grain noir des rochers.
MargueriteYourcenar
5AVANT-PROPOS
La présente étude concerne les intellectuels camerounais. Pas
tous. Seulement ceux dont on entend parler dans le pays: des membres
du gouvernement et hauts fonctionnaires, des technocrates et des
entrepreneurs parmi les plus en vue, des personnalités des médias,des
universitaires et des leaders des partis politiques, etc. C’est une
population relativement réduite. Le tour d’esprit de ces hommes et
femmes est devenu assez familier aux populations: à l’apparition d’un
visageà l’écran, au son d’une voixà la radio,au style d’écriture, nombre
deCamerounais les reconnaissent.Oncommente le dernierarticle de tel,
le dernier passageà la radio ouà la télévision de telautre ; toute la ville,
tout le pays peut-être, sait quels officiels fréquentent un troisième
auxquels il prodigue des propos extrêmementavisés dans le domaine qui
est le sien.Cette position de faiseurs d’opinion et d’éminences grises leur
confère une image gratifiante.Ils sont deceux dont on dit: «Untel pense
que… »,avec la manière déférente que l’on prend en parlant deceux qui
profèrent des édits inattaquables. Quelques-uns d’entre eux jouissent en
outre deconfortables positions matérielles.
Sous tous les cieux on connaît ce petit monde qui semble
constituer l’élite de l’élite d’un pays.Quel intérêtcelaa-t-il deconsacrer
une étudeàce microcosme? L’intérêt, me semble-t-il, est ici: cette
population peu nombreusecultive des manières qui s’érigent enautant de
modes intellectuelles, des manièresqui diffusent par conséquent dans
l’ensemble du groupe social des intellectuels et, singulièrement, parmi
les jeunes étudiants subjugués par le succès decesaînés-là, et désireux à
leur tour d’être portés sous les mêmes éclairages médiatiques, d’accéder
à un renom égalàcelui qui les tient sous lecharme.
J’examine donc comment ces hommes et femmes s’acquittent de
leur position: leurs thèmes favoris et le traitement qu’ils en font, la
relation entre ces thèmes et les enjeux de l’heure, la distance qu’ils
mettent entre leursactivités intellectuelles et le pouvoir.
Pour cet examen j’ai choisi de m’appuyer sur un livre: la
biographie de Paul Biya, le président de la République du Cameroun.
Cinq intellectuels bien en vue dans le paysse sont mis ensemble pour
rédiger cette biographie. Leur ouvrage présente une collection des
manières d’intellectuels sur lesquelles je veux précisément attirer
7l’attention de mon lecteur.En outre,M.Biya est un intellectuel, titre qui
abeaucoup servià l’image duPrésidentau début de son exercice.
Cela dit, mon étude n’est pas un livre de plus en faveur de la
politique du Président camerounais. Ni un livre de plus contre cette
politique. Ses partisans trouveront qu’il manque ici des faits d’arme à
mettre à son actif, tandis que ses opposants me reprocheront de n’avoir
pas repris leurs critiques. La biographie de M. Biya me sert uniquement
de matériau dans lequel je trouve quantité d’exemples qui, à mon sens,
caractérisent les intellectuels camerounais. Ceux-ci demeurent mon
unique sujet. Les propos, faits et gestes du Président camerounais
m’intéressent seulement parce qu'ils donnent l’occasion de montrer
comment des intellectuels en parlent, comment ils traitent de thèmes
qu’ils ont librement choisis, ce qui manque dans ce traitement ou en
excède. Ma préoccupation n’est pas de savoir s’ils parlent en bien ou en
mal du Président Biya: de quelque manière qu’ils en parlent cela me
renseigne sur les intellectuels. Dans le sillage des auteurs de la
biographie duPrésident etau gré de leurs fantaisies je serai obligé d’aller
sur d’autres terrains quecelui de la politique.J’invite le lecteurà ne pas
perdre cela de vue, ainsi restera-t-il à l'abri d'une lecture strictement
politique.
Le titre de la biographie est: Paul Biya ou l’incarnation de la
rigueur ; il est suiviaubas de lacouverture du sous-titre:Biographie du
deuxième Président de laRépublique Unie du Cameroun. L’ouvrage est
édité par laSociété dePresse et d’éditions duCameroun (SOPECAM) à
Yaoundé. Par commodité, chaque fois que je renverrai à ce livre je me
contenterai du sous-titre, écrit enabrégé et en italiques: Biographie.
Pour le lecteur quiconnaît peu leCameroun, je rappelle quec’est
un pays d’Afrique centrale, plutôt longiligne, s’étirant de deux à treize
degrés au-dessus de l’Equateur, depuis les régions du Sud à forte
pluviométrie, des cours d’eau abondants, des terres fertiles et des forêts
compactes, jusqu’aux régions du Nord aux températures élevées
préfigurant le Sahel. Cette importanteextension en latitude confère au
pays desclimats variés et toutes sortes de végétations ; d’où le slogan des
dépliants touristiques: «LeCameroun, uneAfrique en miniature. »
Le pays est d’abord unecolonieallemande, de 1884à 1916.A la
Première Guerre mondiale, les troupes françaises et britanniques en
8chassent les Allemands, coupent le territoire en deux parties soumises à
leur domination respective. J’utilise le même mot de colonisation pour
les administrations allemande, française et anglaise, sans m’arrêter aux
nuances juridiques des spécialistes de l’histoire coloniale. Les statuts
d’occupation portent des noms différents: l’occupation allemande de
1884 à 1916 est un «protectorat» ; les occupations française et
anglaise sont d’abord des « territoires sous mandats » de 1916 à 1945,
puis des « territoires sous tutelles»de 1945 à 1960. Ces nuances sont
celles qui figurent sur le papier glacé des documents de la Société des
nations et de l’Organisation desNationsUnies.LesCamerounais, eux, ne
virent pas la différence d’un statutà l’autre.
A partir de 1948, les nationalistescamerounais prennentappui sur
la coupure du territoire et sur la domination coloniale pour marteler à
travers le pays le double mot d’ordre : réunification et indépendance.
erLe Cameroun accède à l’indépendance le 1 janvier 1960. M.
Ahmadou Ahidjo qui en était le principal dirigeant depuis février 1958
grâce à une formule d’autonomie interne devient le président de la
République à la proclamation de l’indépendance. Le 4 novembre 1982,
après vingt-quatre années à la tête du pays, le Président s’adresse aux
populationsà la radio pour leurannoncer qu’il se retirait de son plein gré.
Auparavant, une disposition constitutionnelle avait été prise, faisant du
Premier ministre le successeur en cas de vacance de pouvoir. M. Paul
Biya qui est le Premier ministre à ce moment-là prête serment le 6
novembre 1982 et devient le nouveau chef d’Etat. Il est encore en place
en février 2009à l’heure où je finis d’écrireces lignes.
9PREMIEREPARTIE
PASSATIONDEPOUVOIR
AUCAMEROUNM.AhmadouAhidjo s’en va
Pendant vingt-quatre longues années Ahmadou Ahidjo exerce un
pouvoirautoritaire et sans partage, lesCamerounais libres enfin de le dire
en conviennent désormais, tout autant que des observateurs étrangers
auparavant habitués aux périphrases piochées dans le registre étendu du
paternalisme et du politiquement correct. Le 4 novembre 1982 à 20h23
le Président annonce sa démission sans en donner les raisons et son
départ est effectif le 6 novembreà 10h.Ce qui est pour les populations la
première bonne nouvelle depuis longtemps n’en demeure pas moins
mystérieuse. L’effet de surprise y est certainement pour beaucoup. Le
discours laconique que le Président leur a servi, spécimen de la langue
de bois, donne aussi l’impression que l’on cache l’essentiel. Les
Camerounais s’interrogent donc dans les transports, au marché, dans les
débits de boisson, dans les chaumières, partout, ils prennent la libert é
d’engager spontanément laconversation sur le sujet de l’heure.
Certes, depuis la modificationconstitutionnelle de 1979 faisant du
Premier ministre le remplaç

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