Le veuvage en Afrique
140 pages
Français

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Le veuvage en Afrique , livre ebook

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Description

Tout en plaidant pour une véritable humanisation des rites de veuvage, l'auteur met en garde les communautés contre les dérives actuelles constatées à ce sujet. En effet, d'une pratique purement symbolique autrefois, ces rites sont devenus un instrument de violences et de tortures physiques, psychologiques, morales et économiques. Il s'agit moins de s'adapter à la postmodernité que d'opérer une sérieuse prise de conscience face à la problématique du veuvage dans les sociétés.

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Informations

Publié par
Date de parution 18 octobre 2018
Nombre de lectures 13
EAN13 9782336854168
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection « Études africaines »
Collection « Études africaines » dirigèe par Denis Pryen et son èquipe Forte de plus de mille titres publiés à ce jour, la collection « Études africaines » fait peau neuve. Elle présentera toujours les essais généraux qui ont fai t son succès, mais se déclinera désormais également par séries thématiques : droit, économie, politique, sociologie, etc. Dernières parutions Mohamed Salem OULD MAOULOUD,L’èducation non formelle islamique mahadra de Mauritanie, 2018. Dr Claude KOMBOU,ssements deSystÈme fiscal et performance financiÈre des Établi microfinance (EMF) au Cameroun, 2018. Jean-Marc SEGOUN,Reconstruire aprÈs la guerre au Libèria, 2018. Hines MABIKA (dir.),Principes èthiques d’Albert Schweitzer en Afrique. Le respect de la vie, 2018. Mamadou Diarafa DIALLO,Le Mali contemporain.Fragilitès et possibilitès,2018. Blaise SARY NGOY,La dèprèciation du franc congolais (2001-2018), Effet d’hystèrÈse, 2018. Noël SOFACK,meroun, Un engagement pourL’Eglise catholique et le processus èlectoral au Ca des elections justes et transparentes,2018. Noël SOFACK,Nouvelle gèopolitique de l’agriculture et de l’alim entation, Quelles politiques publiques de sècuritè alimentaireau Cameroun?, 2018. Fayol Meny INKOU INGOULANGOUP,r,roblÈmes langagiers et apprentissage du philosophe Cas de l’apprenant en Rèpublique du Congo, 2018. Kakou Marcel VAHOU,L’insècuritè linguistique chez des èlÈves en Côte d ’Ivoire,2018. Jean-Pierre Barthélemy MP OUANDO,Les limites de l’Union africaine dans la rèsolution des conflits, 2018. Odilon OBAM,I L’èvolution des droits de la femme congolaise, 2018. Kayamba TSHITSHI NDOUBA,Agonie et fin de la premiÈre Rèpublique du Congo-Kinshasa,2018. Christian ROCHE,Histoire des relations des pays du Sahel avec la France, 2018. Mamoudou SY,La vallèe du fleuve Sènègal dans le jeu des èchelle s politiques. Le Dimar aux e e XVIIIetXIXsiÈcles,2018. Ousseynou FAYE,Les tirailleurs sènègalais entre le Rhin et la Mèditerranèe (1908-1939), 2018.
Titre
Bernard TONDÉ Le veuvage en Afrique Dimensions socioculturelles, mystiques, morales et juridiques
Copyright
© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’Ecole-olytechnique, 75005 aris http://www.editions-harmattan.fr EAN Epub : 978-2-336-85416-8
PRÉFACE
Le veuvage en Afrique : dimensions socioculturelles, mystiques, morales et juridiques.Tel est le titre de la présente œuvre de Dr Abbé Bernard Tondé, que nous avons la joie de préfacer. L’auteur s’y manifeste préoccupé par la condition humaine et le devenir de celle-ci, en référence au précepte divin contenu dans le Psaume 146,9 : « L’éternel protège les étrangers, il soutient l’orphelin et la veuve, mais il renverse la voie des méchants ». En choisissant d’investiguer sur une matière aussi complexe, délicate et peu explorée qu’est le veuvage imposé aux femmes africaines, l’auteur révèle les misères que vivent ces dernières après le décès de leurs époux respectifs. Il rejoint ainsi l ’une de ces grandes figures de l’anthropologie africaine, le Révérend Père Jean-Paul Eschlimann, a uteur deLes Agni devant la mort (Côte d’Ivoire), ouvrage publié en 1985 et limité à la petite communauté desAgni Bonade l’est de la Côte d’Ivoire. Œuvre d’actualité plus vaste, l’étude de Dr Abbé Bernard Tondé couvre plusieurs dimensions de la problématique du veuvage vécu sous plusieurs air es géographiques afro-européennes (Côte d’Ivoire, Cameroun, Gabon, République Démocratique du Congo, Italie, France). Et elle montre ainsi que, dans toutes les sociétés du monde, le veuvage a toujours existé avec des pratiques qui diffèrent d’un pays à un autre, d’une ethnie à une autre. Peut-on aborder le veuvage sans se référer au maria ge ? Tous les contours du mariage sont spécialement examinés dans le livre par notre auteu r, pour aboutir à une plus large intelligence approfondie de l’institution « veuvage » sous tous ses aspects. S’il est très peu étudié par les Anthropologues, ce n’est pas à cause d’intérêt moindre qu’il aurait, mais en raison de la délicatesse que requiert son approche. D’une pratique autrefois purement symbolique, les rites du veuvage sont devenus un instrument de violences et de tortures physiques, psychologiqu es, morales et économiques. Ce qui attente grièvement à la dignité humaine et ne peut donc laisser impassible ! À travers cette œuvre, l’auteur entend faire comprendre à tous la nécessité de protéger les veuves conformément à la volonté divine. En conséquence, par cette œuvre le Dr Abbé Bernard Tondé invite particulièrement : – la chefferie traditionnelle à humaniser les rites de veuvage dans les villages, – les gouvernants à faire bénéficier aux veuves d’une protection sociale, – l’ONU à soutenir ses engagements et résolutions en faveur du droit des veuves et orphelins. Tout en plaidant pour une véritable humanisation des rites de veuvage, l’auteur met en garde les communautés contre les dérives actuelles du veuvage. Son regard sur les plantes utilisées au cours du veuvage rendra un grand service aux ethno-botanistes, pour une meilleure connaissance de cette pharmacopée. L’œuvre incite les chercheurs africains à étudier l es pratiques culturelles africaines et à les dépouiller de toutes les scories qui les rendraient désuètes et inadaptées au contexte actuel des sociétés confrontées aux changements socioculturels contre leur gré. Ainsi, soucieuse d’aider les communautés traditionnelles, moins à s’adapter à la modernité qu’à opérer une sérieuse prise de conscience face à la p roblématique du veuvage dans nos sociétés, l’œuvre mérite toute l’attention. Dr Kouakou BINI, Ethno-drummologue Enseignant-Chercheur à l’Université
Alassane Ouattara de Bouaké, Chef du village de Pinda et membre de la Chambre Nationale des Rois et Chefs Traditionnels de Côte d’Ivoire.
INTRODUCTION
Les veuves, épouses dont les maris sont morts, repr ésentent dans le monde, en 2016, quelque 259 millions de personnes, et près de la moitié vit dans la pauvreté. Si en 2011, plus de 115 millions étaient dans une extrême pauvreté, en 2013, 80 mill ions souffraient de mauvais traitements physiques, parfois de la part de membres de leur pr opre famille. De fait, elles sont souvent stigmatisées dans leur famille et dans leur milieu ; beaucoup d’entre elles sont victimes de discrimination fondée sur l’âge et le sexe et d’autres ont été marquées par des violences physiques et 1 sexuelles . Dans les pays touchés par un conflit, certaines v euves doivent prendre soin de leurs enfants sans aide ni soutien. Elles devraient être protégées par « les droits énoncés dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et dans les 2 autres instruments relatifs aux droits de l’homme » . Pourtant, encore aujourd’hui, bon nombre de veuves sont victimes de violentes pratiques, comme le rite dusatien Inde, où la veuve s’immole sur le bûcher funéraire de son mari, ou encore en Afrique, là où la réclusion sévère s’accommode de brimades sans nom et s’accompagne de rites de purification humiliants s’achevant par des rapports sexuels avec un inconnu, malgré les risques d’infection par le VIH. Le deuil apparaît bien souvent comme la première ét ape annonciatrice d’une pluie de traumatismes encore plus dramatiques. L’observance des coutumes, tout comme les rites relatifs au deuil, à l’enterrement et au temps de veuvage, priv ent souvent les veuves de tous leurs droits pourtant universellement reconnus. Face à la mort inévitable, est-il possible de réduire les souffrances des veuves en faisant en sorte qu’elles puissent exercer leurs droits et bénéficie r d’une protection sociale ? Faut-il saluer l’avènement de mesures susceptibles d’améliorer leu r statut social, mettre fin à la pauvreté, aux mauvais traitements, aux exactions et à la déshumanisation des rites du veuvage ? L’idée injuste ou tronquée qu’une femme vaut moins qu’un homme peut être à la base des violations des droits de la femme ; peut-on encore sauvegarder leurs droits, faire en sorte que les politiques et législations nationales respectent pleinement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant ? Ce livre se propose d’approfondir le thème du veuvage dans une Afrique en proie à plusieurs foyers de tensions internes, de divisions et de gue rres fratricides ; des situations quelquefois programmées et déclenchées, qui multiplient exponentiellement les difficultés d’un continent déjà en 3 mal de développement et considéré sous tutelle . Il en montrera la signification, les valeurs et contre-valeurs véhiculées. Il n’y a pas de secret, l’Afrique est un continent bien vaste ; les peuples et les cultures sont multiples et différents. À l’intérieur d’un même pays, les réalités sont complexes et l’on peut même noter des nuances dans une même tribu selon que l’o n se trouve dans un autre village ou dans un quartier différent du même village. Mais, il y a to ujours une base commune, des éléments qui se recoupent et se retrouvent partout et qui pourraient permettre un approfondissement certain des croyances et pratiques. Il nous les faut trouver. L a lecture des expériences vécues ici et là, les interviews, la confrontation des données, leurs analyses et leurs interprétations devraient permettre de déceler des éléments susceptibles de participer efficacement au développement et à l’épanouissement intégral de la personne humaine homme et femme. Notre investigation a choisi pour cible, la société Abron-koulango du diocèse de Bondoukou situé dans le nord-est de la Côte d’Ivoire, pour l’ observer et l’interroger, afin d’en décrire la cosmogonie, la conception de l’homme, du mariage, d e la famille, de la mort et de l’au-delà traditionnels. Cette base permettra de s’étendre beaucoup plus sur la présentation-description de deux types de veuvage traditionnel à savoir, le veuvage Abron-Koulango et le veuvage brong. Cette description des rituels traditionnels du veuvage do nnera lieu à une analyse critique de leurs composantes en vue d’en discerner les valeurs, les limites et ombres, mais aussi de s’interroger sur la nature, l’origine et la nécessité d’une telle prati que, sans oublier de trouver les causes de la souffrance et des mauvais traitements infligés aux veuves. L’on s’intéressera aussi, aux effets de la modernité et postmodernité sur cette pratique. Cette étude sera enrichie par la recherche des éléments juridiques de la personne veuve en Côte d’Ivoire, a u Congo Démocratique, au Cameroun et au
Gabon, mais aussi en Italie et en France ; elle s’i nterrogera, en outre, sur les engagements internationaux et locaux de l’ONU sur ce sujet brûlant du visage féminin du veuvage.
1Cf.Message du Secrétaire général de l’ONU, , 2016, [24 octobre 2016] ; B. TONDÉ,Pour une spiritualité du veuvage en Afrique de l’Ouest : le cas de la Côte d’Ivoire, Pars dissertationis ad Lauream in Instituto Spiritualitatis Pontificiae Facultatis Theologicae Teresianum, A. Salesi, Roma 2017, 1-11.
2Message du Secrétaire général de l’ONU, http://www.un.org/fr/events/widowsday/2011/sgmessage.shtml>, 2011, [24 juin 2016]. 3F.-X.VERSCHAVE, Cf. Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique ?, Paris 2000 ; ID.,De la Françafrique à la mafiafrique, Bruxelles 2004 ; J. BAYART,Le politique par le bas en Afrique noire, Paris 1992 ; T. DIAKITÉ,L’Afrique malade d’elle-même, Paris 1986 ; M. DIALLO,Les Africains sauveront-ils l’Afrique ?, Paris 1996 ; R. DUMONT,L’Afrique noire est mal partie, Paris 1962 ; ID., L’Afrique étranglée, Paris 1982 ; ID.,Pour l’Afrique, j’accuse, Paris 1986 ; J.-M. ÉLA,Le cri de l’homme africain, Paris 1980 ; ID.,Afrique L’irruption des pauvres, Paris 1994 ; KÄ MANA,Foi chrétienne, crise africaine et reconstruction de l’Afrique : Sens et enjeux des théologies africaines contemporaines, Nairobi 1992 ; A. KABOU,Et si l’Afrique refusait le développement ?,1991 ; Paris M. KONATÉ,L’Afrique noire est-elle maudite ?,Mayenne 2010 ; etc.
CHAPITRE I
COSMOGONIE AFRICAINE ET CONCEPTION DE L’HOMME : CAS DES ABRON-KOULANGO
S’il est vrai que tenter de comprendre l’Afrique et l’Africain sans l’apport des religions traditionnelles serait comme ouvrir une grande armoire vidée de son 1 contenu le plus précieux , il nous revient en particulier d’inviter quiconqu e à y prêter attention. C ar, partout où se trouve u n africain, là se trouve sa religion ; et 2 celle-ci l’accompagne partout, depuis bien avant sa naissance jusqu’à bien longtemps après sa mort physique . Il s’agit d’une religion culturelle dont la diversité 3 des expressions et croyances religieuses propres à chaque tribu et aire géographique, loin d’altérer l’unité de l’Afrique noire, en offrent plutôt une vision unitaire . 1.1 Présentation du Peuple Abron-Koulango Après une présentation succincte du peuple Abron-Ko ulango, nous nous étendrons un peu plus sur l’organ isation du royaume en mettant un accent sur l’importance de l’autorité. 1.1.1 Présentation 2 Le pays Abron-Koulango se trouve aujourd’hui dans la région du Gontougo, au nord-est de la C ôte d’Ivoi re, sur une superficie de 16.770 km , avec plus de 1000 villages regroupés dans 5 départements, 28 sou s-préfectures et 7 communes. Le Gontougo est limité « au Nord par la région du B ounkani, au Sud par l a 4 région de l’Indénié-Djuablin, à l’E st par la R épublique du Ghana, au Nord-Ouest par la région du Hambo l, au Sud-Ouest par la région de l’Iffou ». Le Gontougo 5 a pour chef-lieu de région, Bondoukou qui devient aussi, un des douze (12) districts de la Côte d’Ivoire . S’il est vrai que le Gontougo produit 60 % de l’ign ame de la C ôte d’Ivoire, la principale culture indu strielle reste cependant l’anacarde, devenu première économie locale. Les conditions climatiques sévères limitent les possibilités agricoles, et la pauvreté économique qui en découle pousse les jeunes à l’immigration 6 tous azimuts avec les risques que cela comporte. Il faut ajoute r également, les fluctuations difficilement maîtris ables des principaux produits alimentant les échanges commerciaux fruitiers, vivriers et maraîchers : igname, taro, maïs, riz, banane, tomate, aubergine, gombo, karité, mangue, etc., et le ralentissement des cultures pérennes telles que le café et le cacao en passe d’être progressivement remplacés en certains endroits par la noix de cajou et le palmier à huile. L’élevage des caprins, ovins, volailles et porcins est pratiqué pour la consommation familiale et la vente. L’entretien du réseau routier reste une préoccupation majeure pour les populations ; mais, la découverte de manganèse dans le sous-sol de la région, alimente l’espoir d’un boom économique pour son développement. À côté de la traditionnelle fête annuelle des ignames, un festival de danse, d’instruments de musique et de costumes, a vu le jour, pour mettre en valeur les richesses et valeurs du patrimoine culturel. Sur le territoire se trouvent également d’autres ethnies : lobi, dagara, birifor, lohron ou loron, dioula, agni, ainsi que des colonies provenant des pays voisins tels que le Ghana, le Bénin, le Togo, le Burkina Faso, le Nigéria, le Sénégal et le Niger. Abron-Koulango est le terme utilisé par B .K. Kouman, pour désigner les populations des régions de Tanda, Tabagne et B ondoukou, d’ethnie Abron et de langue 7 8 Koulango. E n fait, il désirait traduire la complexi té du peuplement de la région de Tanda . Si du point de vue religieux, les Koulango , plus nombreux, sont maîtres du sol, les pouvoirs politico-militaire et judiciaire sont détenus par les Abron (brong ou enc ore bron) dotés d’une forte cohésion et d’expérienc es ème ème ème guerrières. C es derniers, venus du Ghana actuel, à la fin du XV ou au début du XV I siècle, ou encore au XV II siècle (1690) auraient réduit à l’état de vassaux les Koulango au Sud et à l’ouest de B ondouk ou, se faisant reconnaître roi de toute la région s ’étendant d’Assikasso ou Agnibilekrou au Sud jusqu’ à 9 Tambi au Nord, de la Comoé à l’Ouest jusqu’aux Doma et Ntakima à l’Est avec Bondoukou comme capital . Si la dominance politico-militaire des Abron sur le s Koulango est une réalité eu égard à leur bonne or ganisation et à leur force de frappe, la dominance culturalo-linguistique, elle, appartient aux Koulango : tous parlent le koulango à l’exception des localités d’Assuéfry et de Transua. Touré retient trois raisons qui ont milité en faveur de l’adoption de la langue des colonisés par les colonisateurs : – il était possible à un Abron d’épouser une fille Koulango, mais une fille Abron ne pouvait pas épouser un homme Koulango. l’immigration se fit par vagues successives et les Abron, étant au début, une petite minorité, ne pouvaient pas imposer leur langue. 10 – du fait du système matrilinéaire, la femme Koulango, mariée à un Abron, restait chez ses parents et apprenait naturellement sa langue à ses enfants . Si les raisons d’ordre social semblent convaincre l e plus, c’est parce que l’organisation de la famill e et de la société Abron-Koulango relève du système matrilinéaire. « C hez les Abron comme chez les Kou lango, la femme mariée continue de vivre avec ses enfants non pas chez son mari, mais chez ses parents et le 11 système matrilinéaire aidant, l’héritage ne se transmet pas de père à fils, mais d’oncles à neveux » . Dans une telle organisation, l’enfant qui naît, grandit dans la case de sa mère, apprend la langue maternelle ; la femme se présente, dans cette dynamique, comme le principal vecteur de la culture. L’histoire pourra donc retenir, que le peuple Abron-Koulango est né d’un brassage spécial et profond e ntre deux peuples différents, les Abron provenant du ème groupe Akan et les Koulango du groupe Voltaïque, pr emiers habitants de la région, descendus du nord vers le XV siècle. Dans le présent travail, l’emploi démembré d’Abron, de brong ou de Koulango, renvoie toujours à la même réalité Abron-Koulango, car il s ’agit d’un brassage culturel original constituant l e fondement désormais irréversible de son unité.
1.1.2 Organisation du Royaume Abron-Koulango L’organisation politique repose sur un pouvoir cent ral hiérarchique détenu par le roi ayant sous ses o rdres les chefs de cantons et de provinces qui sont : 12 “Akydomˮ,derrirela guerre; “Angobiaˮ,j’irai nulle partinangoˮ,; “P je ne recule pas; et “F oumassaˮ,se précipiter pour surprendre. Les capitales de ces 13 provinces sont respectivement Kouassi-N’dawa, Tiédio, Wolotchei et Sapli. Le roi réside dans la province Ahenefie, qui littéralement signifiedu roiM aison et 14 dont la capitale était Hérébo, jusqu’à la mort en 1992, du dernier roi Nanan Koffi Yéboua . Le lieu de résidence du roi tient lieu de capitale. C haque province exerce un rôle et une fonction propres : l’Ahenefie est la province la plus importante, parce qu’elle est le domaine du roi, qu’il administre lui-même. Les quatre autres provinces constituent l’aristocratie guerrière brong à laquelle l’on appartient par adoption ou par alliance. E n cas de guerre, les F oumassa surveillent le roi : c’est la province qui se bat avec courage et dont les interventions sont toujours déterminantes. Les P inango constituent l’avant-garde de l’armée brong ; possesseurs des munitions, ils sont de rema rquables guerriers, véritable armée, force et raiso n d’être du royaume : ils devancent le roi. Les Aki dom constituent l’arrière-garde de l’armée, un rempart sûr pour le roi. Les Angobia sont la force militair e de réserve qui n’intervient qu’en cas de nécessit é : pour renforcer un secteur faible du champ de bataille. Le roi change de nom avant sa prise de fonction. Il prend un nom dont la puissance spirituelle est positive ; celui d’un ancêtre glorieux par exemple. Sa devise est symbolisée par les insignes royaux. C ette devise indique l’esprit dans lequel il entend exercer ses fonctions politique et religieuse. C hef suprême du ro yaume et de l’armée, il est le premier garant et dépositaire du patrimoine culturel. Il sauvegarde et perpétue les us et coutumes légués par ses prédécesseurs et a l ’obligation 15 d’accroître le trésor du royaume qu’il garde et protège en y ajoutant de nouvelles richesses. C omme chef de l’armée, c’est le roi qui déclare les guerres et encourage les guerriers sur le front. Il est le premier responsable de la sécurité du royaume, le garant de l’ordre, de l’unité et de la cohésion, ainsi que de la prospérité sociale. Il juge et décide. E n somme, il est doté de tous les moyens de coercition pour se faire obéir. Reconnu comme maître de la vie et de la mort, il châtie les récalcitrants et sa propre mort entraîne la décapitation des captifs et des indésirables. D’origine divine, son pouvoir est sacré et lui conf ère certaines obligations comme le fait d’éviter to ut contact direct avec le sol et de marcher en tout e circonstance lentement : il doit éviter de tomber, au risque de perdre son pouvoir et sa grandeur. E n tant que dépositaire du patrimoine territorial et socio-culturel laissé par les ancêtres, il est proche de Dieu et des ancêtres et c’est par lui que découlent les bénédictions et les grâces pour la prospérité et le bonheur du peuple tout entier ; s’il représente le peuple devant les divinités, c’est lui qui ordonne seul, toute activité religieuse d’intérêt général sur l’ensemble de son territoire. Le caractère sacré du pouvoir se manifeste dans le symbole de laChaise noirequ’il détient en qualité d’homme puissant vivant en symbiose avec Dieu et avec les ancêtres dont il est l’intermédiaire. La C haise noire est le symbole qui confère l’autorité et assure le lien entre le peuple et les anciens : sans elle, pas de chef ni de peuple. E lle est donc conservée avec grand soin et n’est visible que dans les grandes circonstances. Devant elle ont lieu les sacrifices les plus impo rtants. Non seulement le roi préside à la destinée du peuple durant toute sa vie et son règne ne peut être interrompu, mais aussi, il ne peut être réprimandé même quand il a tort. Lorsqu’il s’assoit, despagesse tiennent à ses côtés et tendent leurs mains à chacun de ses éternuements, prêts à recueillir ses crachats. P lus qu’un symbole, c’est 16 un personnage sacré tout comme son pouvoir. Dans le passé, il avait droit de vie et de mort sur ses su jets. Il est le seul autorisé à épouser deux sœurs jumelles ,
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