Les relations entre frontaliers
212 pages
Français

Les relations entre frontaliers , livre ebook

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212 pages
Français

Description

Les frontières nées de la colonisation séparent des groupes sociaux qui ont toujours partagé un environnement commun. Désormais, les peuples se reconnaissent comme appartenant à des réalités différentes. La tendance est à la poursuite d'une coopération soutenue et au renforcement des liens à travers la densification et la modernisation des moyens de communication. La mobilité des populations, rendue plus fluide, autorise une meilleure approche des rapports interindividuels dans le cadre formel de la CEMAC.

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Date de parution 01 mars 2013
Nombre de lectures 38
EAN13 9782296531727
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Joseph Domo
LES RELATIONS ENTRE FRONTALIERS CamerounTchad
Les relations entre frontaliers
Cameroun-Tchad
Études africaines Collection dirigée par Denis Pryen et François Manga Akoa Dernières parutions
Idrissa BARRY,Migrations, ONG et développement en Guinée, 2013. Windpagnangdé Dominique KABRE,La conclusion des contrats électroniques. Étude de droits africains et européens, 2013. Yafradou Adam TAIROU,Préoccupations environnementales et droit de l’entreprise dans l’espace OHADA, 2013. Gabin KORBEOGO,Pouvoir et accès aux ressources naturelles au Burkina Faso. La topographie du pouvoir, 2013. Jean-Claude MASHINI,Le développement régional en République démocratique du Congo de 1960 à 1997, 2013. Kouamé René ALLOU,Les Nzema, un peuple akan de Côte d’Ivoire et du Ghana, 2013.Emmanuel NKUNZUMWAMI,Le partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation, 2013. Lang Fafa DAMPHA,Nationalism and reparation, 2013. Jean-François BARLUET,Un drame colonial en Côte d’Ivoire : l’affaire Quiquerez Segonzac (1891-1893),2013. Gervais MUBERANKIKO,La protection du locataire-gérant en droit OHADA, 2013. Gervais MUBERANKIKO,La contribution de la décentralisation au développement local, 2013. Alain COURNANEL,Economie politique de la Guinée (1958-2010). Des dictatures contre le développement, 2012. Amadou OUMAR DIA,et paysans. Les Halay Peuls ьe de Mauritanie,2012.Sous la direction de Bruno DUJARDIN,Renforcement des systèmes de santé. Capitalisation des interventions de la Coopération Belge au Burundi, en République Démocratique du Congo et au Rwanda, 2012.Hygin Didace AMBOULOU, Les personnes, les incapacités et la filiation en droit congolais, 2012. Brice POREAU,Rwanda, une ère nouvelle, 2012.
Joseph DOMO
Les relations entre frontaliers Cameroun-Tchad
Photo de couverture : © Sylvestre FIDESSOU, mars 2011. Bac assurant la traversée Tchad-Cameroun.
© L'Harmattan, 2013 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99781-3 EAN:9782296997813
Introduction Deux pays limitrophes à l’instar du Tchad et du Cameroun ne peuvent avoir en commun qu’une histoire qui englobe bien des secteurs : social, économique, culturel, politique, éducationnel, etc. Leur longue frontière (plus de 1000 km) est suffisamment parlante pour représenter un espace où se côtoient, au jour le jour, des groupes différents mais très proches, appartenant à la même société. Les frontières héritées de la colonisation n’ont pas tenu compte de la configuration sociologique de la place et n’ont pas non plus permis que des individus d’un groupe donné vivant sur leur territoire avec leurs us et coutumes restent accrochés à leur essence. Les bouleversements ont été partout ressentis comme une volonté sournoise de déstructurer l’assise, le socle sur lequel les édifices sociaux tenaient jusqu’alors debout. Certes, bien avant l’arrivée des occidentaux, il y avait des royaumes tels que le Kanem, le Bornou, et autres qui délimitaient des espaces précis. Le pouvoir local avait une réelle emprise sur les sujets, mais cela n’empêchait pas les grands trafiquants de tous ordres de sillonner à leur guise un vaste territoire où ils n’étaient limités que par la seule défaillance physique. Les esclavagistes pouvaient aussi parcourir l’immensité à la recherche de captifs et des forces organisées leur opposaient une résistance farouche prouvant par là qu’ils n’étaient pas les bienvenus, qu’ils étaient dorénavant sur un espace étranger. Ce n’était pas de gaieté de cœur que l’on voyait de valides individus arrachés à leur terre par des étrangers qui voulaient établir leur hégémonie en détruisant l’ordre social existant. Là, se mettaient en place des forces qui tenaient à défendre les leurs, empêchant toute spoliation humaine. Des combats acharnés ont souvent opposé des groupes afin de défendre l’intégrité territoriale, remettant
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ainsi en cause cette thèse qui voudrait soutenir l’idée selon laquelle les Africains ont livré les leurs sans remords aux esclavagistes de tous bords. L’entrée dans un royaume ou empire, si les intentions ne sont pas belliqueuses, se fait sans heurt et généralement l’accueil est cordial. On enregistre un étranger dans la contrée, mais on n’est pas dans l’obligation de tenir absolument compte de son origine. Dans le cas contraire, la connaissance de cette origine n’est pas une condition d’indexation. S’enquérir de la tribu de l’autre, c’est parfois chercher à se rapprocher de lui et la conséquence probable c’est l’établissement de liens d’amitié qui peuvent conduire à d’autres cas de figure. Le Cameroun et le Tchad ont bien des choses en commun. La géographie l’a voulu ainsi même si les hommes ont profondément modifié la donne en cloisonnant les individus dans des particularismes qui ont abouti à des préjugés néfastes pour tout le monde. La dispersion des mêmes groupes ethniques, mieux, des peuples divers dans les deux pays, est le signe évident qu’il existe bien une communauté de destins. Les indépendances acquises presque à la même période (1960) avec des chefs d’État (Ahmadou Ahidjo et François Tombalbaye) ayant connu la même ascension politique et très proches l’un de l’autre, tout cela confère une identité partagée. La colonisation française, pour ne prendre que celle qui concerne les deux pays, a également laissé des marques qui, loin d’éloigner les deux entités, leur donnent une impression de vivre une réalité elle aussi commune. Si à toutes ces contingences l’on ajoute la fluctuation géographique ou tout simplement le jeu de balancier auquel ont été soumis ces deux pays, il y a lieu de croire effectivement à un sort qui leur paraît indubitablement lié. C’est donc légitimement que l’on peut parler du Cameroun et du Tchad comme des pays qui ont ensemble construit une identité continuant à survivre malgré les multiples aléas perturbant pendant longtemps la marche d’un
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pays comme le Tchad confronté aux difficultés multiformes. Les problèmes internes ont été si criants et si poignants qu’ils ont retardé la marche du pays et ont eu des répercussions sur son voisin, le Cameroun, ne serait-ce que par le flux et reflux des réfugiés tchadiens au Cameroun, qui ont marqué bien des consciences. Le déplacement forcé des populations vers le Cameroun, chaque fois que les tiraillements politiques internes sont à leur paroxysme, fait croire qu’une sorte de malédiction est ainsi suspendue sur le pays. Et les ressortissants tchadiens se trouvant dans cette situation vivent douloureusement leur sort, dès lors lié à la bienveillance du pays d’accueil et des organismes multilatéraux qui leur viennent en aide afin de les soulager des fardeaux qu’ils sont obligés de porter contre leur gré. Perçus comme des parias par les locaux, on leur accorde l’hospitalité tout en les considérant comme des étrangers. Et c’est d’ailleurs ainsi que ces réfugiés se regardent et maudissent intérieurement la nature des hommes prompts à saccager ce qu’ils construisent. Les différents centres d’accueil tels que Kousseri, Langui, Poli et récemment Fotokol, laissent des traces chez nombre de ces malheureux qui ont eu la malchance de se trouver empêtrés dans des situations militaro-politiques qu’ils n’ont point souhaitées. Les contingences de toutes sortes font que les deux pays sont amenés à partager, malgré eux, les humeurs des hommes qui dessinent des configurations sociales déteignant sur les rapports interindividuels. Le présent travail est une tentative pour comprendre la complexité des liens qui peuvent exister entre deux pays proches géographiquement et sociologiquement. Condamnés à s’accepter, mieux à s’épauler, ils doivent trouver les voies et moyens pour raffermir davantage leurs rapports par le biais d’organismes tels que l’UDEAC (Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale) d’abord, ensuite, la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale) composée de l’UEAC (l’Union
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Économique de l’Afrique Centrale) et de l’UMAC (l’Union monétaire de l’Afrique Centrale). Beaucoup d’autres institutions existent contribuant ainsi aux renforcements de la coopération financière par le biais de la BEAC (Banque des États de l’Afrique Centrale) ou environnementale comme la CBLT (la Commission du Bassin du Lac Tchad). La position du Cameroun comme porte d’entrée et de sortie pour certains échanges commerciaux à travers le port de Douala fait donc de ce pays une voie naturelle d’ouverture sur le monde maritime et le Tchad en est bien conscient. La construction du pipeline entre la région pétrolifère de Doba au Tchad et le port d’évacuation du brut à Kribi au Cameroun viennent renforcer un peu plus les liens pour ne pas dire la dépendance du Tchad à l’égard du Cameroun. Économiquement plus avancé que le Tchad, le Cameroun a toujours constitué pour le Tchad, ou pour les Tchadiens, une sorte d’eldorado vers lequel l’on va, même si cela n’est pas toujours facile. L’étroitesse des rapports que les individus ont créés entre eux, la proximité géographique, font que l’enchevêtrement des liens est si dense que cela finit par faire naître des représentations qui revêtent des considérations subjectives de part et d’autre de la frontière entre les deux pays. Le premier président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, a su développer avec son homologue François Tombalbaye, des complicités telles qu’il n’était pas difficile de penser qu’il n’y avait pas d’animosités particulières entre les deux chefs d’État, si l’on mesure le nombre de visites mutuelles que l’un ou l’autre a dû effectuer dans chaque pays. Les arrivées de nouveaux présidents au Cameroun, Paul Biya et Hissène 1 Habré, et Idriss Deby Itno au Tchad n’ont pas significativement modifié la donne régionale. Elle s’est
1  J’ai volontairement omis les noms des présidents Félix Maloum et Goukouni Ouedeye qui, en leur temps, ont également joué leur partition dans la construction des rapports de coopération entre les deux pays, mais il fallait s’en tenir à l’époque considérée.  8
même renforcée si l’on se réfère à la construction du pipeline Tchad-Cameroun. Cependant, il y a lieu de mentionner que la cordialité dans les rapports vécus par les pères de la nation camerounaise et tchadienne n’est pas tout à fait ce qu’elle était. Si hier l’on se rendait mutuellement visite, aujourd’hui elle se fait à sens unique. Le président Biya n’a pas souvent dégagé du temps pour se rendre par exemple à N'Djamena, la capitale du Tchad ou au Tchad tout simplement, excepté la visite à Doba lors du lancement de l’oléoduc devant déverser le brut jusque dans les tankers sur l’Atlantique, et tout récemment à N'Djamena à l’occasion du Cinquantenaire du Tchad. Voilà donc deux pays qui, apparemment, n’ont rien qui puisse créer des tensions entre eux, mais en même temps on a le sentiment qu’il existe quelque chose qui empêche les deux pays d’être véritablement unis. Ayant été toujours intrigué par cet état de choses et peut-être percevant mieux cette méfiance parce que vivant dans une région où les rapports ont toujours existé et où les individus ont toujours travaillé ensemble, mon objectif est de chercher à mesurer les aspects invisibles qui empêchent les uns et les autres, à savoir Camerounais et Tchadiens, de se sentir réellement frères, dépouillés des considérations quelque peu réductionnistes, développées sournoisement par les deux parties. La trame directrice ou mieux la colonne vertébrale de l’exercice sera la référence à la représentation sociale dans une large mesure puisque je tiens à mettre à nu les faces cachées ou les aspects invisibles déjà signalés. Par ce concept de représentation, les constructions mentales que les individus forment seront visitées, mais surtout mises en contribution, pour tenter de comprendre sur quels faits les rapports interindividuels et collectifs sont édifiés. Par la représentation, il faut lire une modalité particulière de modélisation des faits sociaux en vue de les conformer aux vœux des uns et des autres. Les individus construisent donc des situations, édifient des comportements, consolident des
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