Lettres choisies
176 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Lettres choisies , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
176 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mme de Sévigné nous raconte son temps à travers les lettres qu'elle adressa à sa fille (deux tiers de ses lettres), ainsi qu'à divers personnages. Une chronique fort intéressante de la seconde moitié du XVIIe siècle. Vous sont proposées ici quatre-vingt neuf lettres parmi ses plus connues, dans l'édition de Saint-Beuve, publiée par Garnier Frères en 1923.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2011
Nombre de lectures 166
EAN13 9782820609434
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lettres choisies
Mme de S vign
1648
Collection « Les classiques YouScribe »
Faitescomme Mme de S vign , publiez vos textes sur YouScribe
YouScribevous permet de publier vos écrits pour les partager et les vendre. C’est simple et gratuit.
Suivez-noussur :

ISBN 978-2-8206-0943-4
1. – À Bussy-Rabutin

Des Rochers, le dimanche 15 ème mars1648.
Je vous trouve un plaisant mignon de nem’avoir pas écrit depuis deux mois. Avez-vous oublié qui je suis,et le rang que je tiens dans la famille ? Ah ! vraiment,petit cadet, je vous en ferai bien ressouvenir ; si vous mefâchez, je vous réduirai au lambel. Vous savez que je suis sur lafin d’une grossesse, et je ne trouve en vous non plus d’inquiétudede ma santé que si j’étais encore fille. Eh bien, je vous apprends,quand vous en devriez enrager, que je suis accouchée d’un garçon, àqui je vais faire sucer la haine contre vous avec le lait, et quej’en ferai encore bien d’autres, seulement pour vous faire desennemis. Vous n’avez pas eu l’esprit d’en faire autant, le beaufaiseur de filles.
Mais c’est assez vous cacher ma tendresse, moncher cousin ; le naturel l’emporte sur la politique. J’avaisenvie de vous gronder de votre paresse depuis le commencement de malettre jusqu’à la fin ; mais je me fais trop de violence, etil en faut revenir à vous dire que M. de Sévigné et moivous aimons fort, et que nous parlons souvent du plaisir qu’il y ad’être avec vous.
2. – À Ménage

À Paris, juin-juillet 1652 ?
Je vous dis encore une fois que nous ne nousentendons point, et vous êtes bien heureux d’être éloquent, carsans cela tout ce que vous m’avez mandé ne vaudrait guère. Quoiquecela soit merveilleusement bien arrangé, je n’en suis pourtant paseffrayée, et je sens ma conscience si nette de ce que vous me ditesque je ne perds pas espérance de vous faire connaître sa pureté.C’est pourtant une chose impossible, si vous ne m’accordez unevisite d’une demi-heure ; et je ne comprends pas par quelmotif vous me la refusez si opiniâtrement. Je vous conjure encoreune fois de venir ici, et puisque vous ne voulez pas que ce soitaujourd’hui, je vous supplie que ce soit demain. Si vous n’y venez,peut-être ne me fermerez-vous pas votre porte, et je vouspoursuivrai de si près que vous serez contraint d’avouer que vousavez un peu de tort. Vous me voulez cependant faire passer pourridicule, en me disant que vous n’êtes brouillé avec moi qu’à causeque vous êtes fâché de mon départ. Si cela était ainsi, jemériterais les Petites-Maisons et non pas votre haine. Mais il y atoute différence, et j’ai seulement peine à comprendre que, quandon aime une personne et qu’on la regrette, il faille, à cause decela, lui faire froid au dernier point, les dernières fois que l’onla voit. Cela est une façon d’agir tout extraordinaire, et comme jen’y étais pas accoutumée, vous devez excuser ma surprise. Cependantje vous conjure de croire qu’il n’y a pas un de ces anciens etnouveaux amis dont vous me parlez, que j’estime ni que j’aime tantque vous. C’est pourquoi, devant que de vous perdre, donnez-moi laconsolation de vous mettre dans votre tort, et de dire que c’estvous qui ne m’aimez plus.
CHANTAL.
Monsieur, Monsieur Ménage.
3. – À Pomponne

À Paris, lundi 1 er décembre1664.
Il y a deux jours que tout le monde croyaitque l’on voulait tirer l’affaire de M. Foucquet enlongueur ; présentement, ce n’est plus la même chose. C’esttout le contraire : on presse extraordinairement lesinterrogations. Ce matin Monsieur le Chancelier a pris son papier,et a lu, comme une liste, dix chefs d’accusation, sur quoi il nedonnait pas le loisir de répondre. M. Foucquet a dit :« Monsieur, je ne prétends point tirer les choses en longueur,mais je vous supplie de me donner loisir de répondre. Vousm’interrogez, et il semble que vous ne vouliez pas écouter maréponse ; il m’est important que je parle. Il y a plusieursarticles qu’il faut que j’éclaircisse, et il est juste que jeréponde sur tous ceux qui sont dans mon procès. » Il a doncfallu l’entendre, contre le gré des malintentionnés ; car ilest certain qu’ils ne sauraient souffrir qu’il se défende si bien.Il a fort bien répondu sur tous les chefs. On continuera de suite,et la chose ira si vite que je crois que les interrogationsfiniront cette semaine.
Je viens de souper à l’hôtel de Nevers ;nous avons bien causé, la maîtresse du logis et moi, sur cechapitre. Nous sommes dans des inquiétudes qu’il n’y a que vous quipuissiez comprendre, car pour toute la famille du malheureux, latranquillité et l’espérance y règnent. On dit queM. de Nesmond a témoigné en mourant que son plus granddéplaisir était de n’avoir pas été d’avis de la récusation de cesdeux juges, que s’il eût été à la fin du procès, il aurait réparécette faute, qu’il priait Dieu qu’il lui pardonnât celle qu’ilavait faite.
Je viens de recevoir votre lettre ; ellevaut mieux que tout ce que je puis jamais écrire. Vous mettez mamodestie à une trop grande épreuve en me mandant de quelle manièreje suis avec vous et avec notre cher solitaire. Il me semble que jele vois et que je l’entends dire ce que vous me mandez. Je suis audésespoir que ce ne soit pas moi qui ai dit la Métamorphose de Pierrot en Tartuffe . Cela est sinaturellement dit que, si j’avais autant d’esprit que vous m’encroyez, je l’aurais trouvé au bout de ma plume.
Il faut que je vous conte une petitehistoriette, qui est très vraie et qui vous divertira. Le Roi semêle depuis peu de faire des vers ;MM. de Saint-Aignan et Dangeau lui apprennent comme ils’y faut prendre. Il fit l’autre jour un petit madrigal, quelui-même ne trouva pas trop joli. Un matin, il dit au maréchal deGramont : « Monsieur le maréchal, je vous prie lisez cepetit madrigal, et voyez si vous en avez jamais vu un siimpertinent. Parce qu’on sait que depuis peu j’aime les vers, onm’en apporte de toutes les façons. » Le maréchal, après avoirlu, dit au Roi : « Sire, Votre Majesté juge divinementbien de toutes choses ; il est vrai que voilà le plus sot etle plus ridicule madrigal que j’aie jamais lu. » Le Roi se mità rire, et lui dit : « N’est-il pas vrai que celui quil’a fait est bien fat ? – Sire, il n’y a pas moyen de luidonner un autre nom. – Oh bien ! dit le Roi, je suis ravi quevous m’en ayez parlé si bonnement ; c’est moi qui l’ai fait. –Ah ! Sire, quelle trahison ! Que Votre Majesté me lerende ; je l’ai lu brusquement. – Non, monsieur lemaréchal ; les premiers sentiments sont toujours les plusnaturels. » Le Roi a fort ri de cette folie, et tout le mondetrouve que voilà la plus cruelle petite chose que l’on puisse faireà un vieux courtisan. Pour moi, qui aime toujours à faire desréflexions, je voudrais que le Roi en fît là-dessus, et qu’iljugeât par là combien il est loin de connaître jamais lavérité.
Nous sommes sur le point d’en voir une biencruelle, qui est le rachat de nos rentes sur un pied qui nousenvoie droit à l’hôpital. L’émotion est grande, mais la duretél’est encore plus. Ne trouvez-vous point que c’est entreprendrebien des choses à la fois ? Celle qui me touche le plus n’estpas celle qui me fait perdre une partie de mon bien.
Mardi 2 décembre.
M. Foucquet a parlé aujourd’hui deuxheures entières sur les six millions ; il s’est fait donneraudience. Il a dit des merveilles ; tout le monde en étaittouché, chacun selon son sentiment. Pussort faisait des minesd’improbation et de négative, qui scandalisaient les gens de bien.Quand M. Foucquet a eu cessé de parler, Pussort s’est levéimpétueusement, et a dit : « Dieu merci, on ne seplaindra pas qu’on ne l’ait laissé parler tout son soûl. » Quedites-vous de ces belles paroles ? Ne sont-elles pas d’un fortbon juge ?
On dit que le Chancelier est fort effrayé del’érysipèle de M. de Nesmond, qui l’a fait mourir ;il craint que ce ne soit une répétition pour lui. Si cela pouvaitlui donner les sentiments d’un homme qui va paraître devant Dieu,encore serait-ce quelque chose, mais il faut craindre qu’on ne disede lui comme d’Argant : E mori come visse .
Mercredi 3 décembre.
Notre cher et malheureux ami a parlé deuxheures ce matin, mais si admirablement bien, que plusieurs n’ont pus’empêcher de l’admirer. M. Renard entre autres a dit :« Il faut avouer que cet homme est incomparable. Il n’a jamaissi bien parlé dans le Parlement ; il se possède mieux qu’iln’a jamais fait. » C’était encore sur les six millions et surses dépenses. Il n’y a rien d’admirable comme tout ce qu’il a ditlà-dessus. Je vous écrirai jeudi et vendredi, qui seront les deuxderniers jours de l’interrogation, et je continuerai encorejusqu’au bout.
Dieu veuille que ma dernière lettre vousapprenne la chose du monde que je souhaite le plus ardemment !Adieu, mon cher Monsieur ; priez notre solitaire de prier Dieupour notre pauvre ami. Je vous embrasse tous deux de tout mon cœur,et par modestie, j’y joins madame votre femme.
4. – À Bussy-Rabutin

À Paris, ce jeudi 26 ème juillet1668.
Je veux commencer à répondre en deux mots àvotre lettre du 9 ème de ce m

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents