Lier, délier, la parole et l écrit
184 pages
Français

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Lier, délier, la parole et l'écrit , livre ebook

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Description

En donnant à voir au psychothérapeute ses mystérieux premiers graphismes, le petit enfant impose le silence à la langue qui l'a soumis ou confondu. Il ouvre la voix à des mots jusque-là inconnus. Dans son libre jeu, chaque enfant articule ses formes singulières aux codes communs qu'il s'approprie, transgresse ou renouvelle, pour réordonner sa place dans le lien social. Lier la parole et l'écrit, c'est reconnaître la matérialité sensorielle qui les fait naître ensemble, à partir de notre impuissance première. Que l'une ou l'autre prétende à la maîtrise, à la transparence du sens, et le langage vivant disparaît.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 57
EAN13 9782296717398
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LIER, DÉLIER, LA PAROLE ET L’ÉCRIT
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13982-4
EAN : 9782296139824
Madeleine GUIFFES
LIER, DÉLIER, LA PAROLE ET L’ÉCRIT
L’Harmattan
Psychanalyse et Civilisations
Collection dirigée par Jean Nadal
L’histoire de la découverte de la psychanalyse témoigne que démarche clinique et théorie issues de champs voisins ont concouru, par étayage réciproque à élaborer le concept d’inconscient, à éclairer les rapports entre pathologie et société et à reconsidérer les liens entre le malaise du sujet singulier et celui de la civilisation. Dans cette perspective, la collection Psychanalyse et Civilisations tend à promouvoir cette ouverture nécessaire pour maintenir en éveil la créativité que Freud y a trouvée pour étayer, repenser et élargir la théorie. Ouverture indispensable aussi pour éviter l’enfermement dans une attitude solipsiste, qui en voulant protéger un territoire et préserver une identité, coupe en réalité la recherche psychanalytique de ses racines les plus profondes.
Dernières parutions
Prado de OLIVEIRA, Les meilleurs amis de la psychanalyse, 2010.
J.-L. SUDRES (dir.), Exclusions et art-thérapie , 2010.
Albert LE DORZE, Humanisme et psy : la rupture ?, 2010.
Édouard de PERROT, Cent milliards de neurones en quête d’auteur. Aux origines de la pensée , 2010.
Jean-Paul DESCOMBEY, Robert Schumann. Quand la musique œuvre contre la douleur. Une approche psychanalytique , 2010.
Serafino MALAGUERNA, L’Anorexie face au miroir. Le déclin de la fonction paternelle , 2010.
Larissa SOARES ORNELLAS FARIAS, La mélancolie au féminin . Les rapports mère-fille en lumière , 2009.
Alain LEFEVRE, Les lesbiennes, une bande de femmes. Réalité ou mythe ? , 2009.
Richard ABIBON, Les Toiles des rêves. Art, mythes et inconscient, 2009.
Jacy ARDITI-ALAZRAKI, Un certain savoir sur la psychose. Virginie Woolf, Herman Melville, Vincent van Gogh , 2009.
Esmat TORKGHASHGHAEI, L’univers apocalyptique des sectes. Une approche pluridisciplinaire , 2009.
Pascal HACHET, Le mensonge indispensable. Du trauma social au mythe , 2009.
INTRODUCTION
En se souvenant de l’œuvre de Börne, L’art de devenir un écrivain original en trois jours , Freud y découvre l’origine de sa méthode de libre association des pensées. Un cheminement souterrain l’aurait conduit à appliquer à la parole le procédé recommandé par Börne pour l’écriture. La libre association verbale des patients aurait pris la suite de la transcription écrite spontanée que Börne préconisait pour surmonter « une honteuse peur de penser » qui nous retient tous et nous limite. La préhistoire de la technique analytique serait ainsi liée à une réflexion sur la pratique de l’écriture, que Freud aurait transposée à la parole, en l’oubliant.
Freud, ses amis, ses collègues, écrivaient beaucoup et s’adressaient non seulement des manuscrits, sources d’échanges et de controverses, mais également des récits de rêves, d’actes manqués, d’expériences, dont ils poursuivaient ainsi l’analyse. Dans le même temps où Freud établissait auprès des patients le cadre de la cure de parole, il transmettait par écrit les conditions de sa genèse, de sa pratique, de son développement.
Une correspondance régulière avec son ami Fliess accompagna les recherches de Freud durant une longue période. Son développement fut ponctué par des rencontres, des « congrès » passionnément préparés et attendus. Lorsqu’il s’adonna de façon soutenue à sa propre analyse, après la mort de son père, il écrivit à l’ami : « Si l’analyse tient ce qu’elle promet, j’en coucherai systématiquement tous les détails par écrit et t’en soumettrai ensuite les résultats. » 1 Freud ne demandait pas à son correspondant l’interprétation de ses formations inconscientes, il ne lui présentait pas des écrits intuitifs et incontrôlés, il proposait « les résultats » de son immersion dans les souvenirs. Il escomptait, de la part de Fliess, une approbation rendant crédible, à ses propres yeux, la nouveauté de ses découvertes. Pour avancer dans ce champ inexploré, cet abîme « où premier parmi les mortels » il osait pénétrer, il lui fallait de la part de Fliess, génial à ses yeux, une légitimation de la scientificité de sa démarche. Il partageait avec son ami le projet d’échafauder des théories psychologiques sur une base biologique, à l’aide de méthodes rigoureuses. Il les supposait à l’œuvre dans les travaux que Fliess menait sur les rapports entre le nez et les organes sexuels et sur la périodicité des phénomènes vitaux, sans trop soupçonner qu’il pliait souvent les faits à sa guise. Ces thèses aventureuses, dans le domaine de la biologie, encourageaient Freud à creuser le champ irrationnel de l’esprit, elles l’enthousiasmèrent et l’aveuglèrent longtemps. La supériorité de son ami, un peu délirante dans l’audace intellectuelle et la rigidité, ne faisait aucun doute pour Freud. Son ouverture d’esprit, l’ampleur de sa pensée, accueillaient les avancées les plus novatrices, les plus entreprenantes.
« Stupéfaction » écrit-il à Fliess, « que quelqu’un puisse être plus visionnaire encore que moi et que ce quelqu’un soit justement mon ami Wilhelm. » 2 Et il s’enflamme de voir déjà, tout prêt devant lui, le livre que promet son ami. Un livre, un volume va paraître en confirmation des promesses de la parole. La désillusion fut grande lorsque l’ami, prenant connaissance de ses découvertes, l’accusa de ne lire chez les autres que ses propres pensées. C’est que Fliess ne cherchait pas à explorer les régions obscures de l’esprit, il exploitait ses propres fantasmes sans les reconnaître. « Pour qui dois-je maintenant écrire ? » s’exclame Freud, lorsqu’il réalise que son ami rejette ses trouvailles et qu’il a perdu son seul public, celui auquel il confiait ce rêve : « Je songe à quelque chose qui pourrait assurer une coordination entre nos travaux communs et me permettre d’installer ma colonne sur ton socle. » 3 Et, au moment où la construction prend forme, l’appui se dérobe, il n’y a plus de piédestal. Freud, visionnaire du livre futur, du monument splendide, doit abandonner les images qui ont donné de la consistance à ses recherches et insufflé de la vie à son écriture.
L’auto-analyse de Freud fut, d’après Lacan, une « writing-cure » et c’est pour « ça que ça a raté ». 4 Mais était-ce seulement une « cure » ? Les découvertes au profit de ses patients et de la science importaient autant à Freud que la disparition des divers malaises dont il souffrait. L’autoanalyse fut surtout une exploration nécessaire à ses yeux pour la compréhension du fonctionnement psychique, « une indispensable pièce intermédiaire » entre lui, les patients et la théorie. Il y rencontra les obstacles qui sont ceux d’une véritable analyse, de brusques modifications émotionnelles et ces « drôles d’états que le conscient ne saurait saisir, pensées nébuleuses, doutes voilés et à peine de temps en temps un rayon lumineux ». 5 Dans le même temps la correspondance avec Fliess se tarit, Freud le regrette, il ne dit pas que l’écriture est inapte à transmettre ce qu’il vit, il dit que l’impossibilité d’écrire semble avoir pour but de gêner leurs relations. Précédemment, il faisait état d’un rêve d’irritation contre Fliess, contre cet ami qui exigerait toujours des choses spéciales et manifesterait peu de goût pour le Moyen Âge. Son rêve l’oblige à envisager la méfiance de Fliess à l’égard de ses recherches. Le transfert, qui soutenait son écriture en lui permettant de trouver un accueil et un écho, se défait devant les pages blanches.
En marge de l’échange épistolaire, les deux amis se plaisaient à des rencontres familiales et des « congrès » au cours desquels ils commentaient leurs échanges écrits. Plus qu’une « writing-cure » l’analyse de Freud fut un lacis d’écrit et de parole, l’écrit pour constituer la pensée dans l’absence, la parole pour créer l’obstacle et l’appui de l’interlocution. Pour Freud, le psychisme prend corps dans la renco

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