Messager de la paix dans la cité endormie
116 pages
Français

Messager de la paix dans la cité endormie , livre ebook

116 pages
Français

Description

La ville de Rennes a fait face à ses problèmes d'insécurité dans les quartiers "sensibles" en inaugurant en 1996 le "Service Correspondants De Nuit" (CDN). La vocation du nouvel outil social est d'apaiser autant que possible les souffrances individuelles nombreuses dans les immeubles collectifs et de préserver l'environnement nocturne de la cité. Les CDN traitent le vivre-ensemble et le lien social tant malmenés depuis des décennies. Les CDN sont aujourd'hui implantés dans une trentaine de grandes agglomérations.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 juin 2009
Nombre de lectures 210
EAN13 9782296234659
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Messager de la paix dans la cité endormieEn couverture: le quartier Villejean à RennesBOYE ALASSANE HAROUNA
Messager de la paix
dans la cité endormie
Être Correspondant De Nuit (CDN) à Rennes
Editions L'Harmattan
5-7-rue de l'École Polytechnique
F -75005 - ParisBOYE Alassane Harouna est né le 21 septembre 1953
à Thienel (Boghé) en Mauritanie. Études secondaires à
Nouakchott. Après une formation d'officier à l'École Militaire
Interarmes d'Atar (1976/1977 et 1978/1979), il exerce plusieurs
fonctions de commandement dans différentes régions militaires
du pays. Il est impliqué dans le putsch d'octobre 1987 visant le
racisme pratiqué par l'État mauritanien à l'encontre de la
composante nationale négro-africaine. Arrêté, il est jugé et
condamné à la réclusion à perpétuité. Après quatre ans de
prison dans les Forts de Oualata et d'Aïoun, il est libéré le 7
mars 1991.
Depuis 1996, il s'est installé en Bretagne. Il est père de
deux filles, et œuvre dans le secteur social depuis 2004.
Ses autres publications:
-Méprise, roman, éditions Société des Écrivains, 2004.
- J'étais à Oua/ata - Le racisme d'État en Mauritanie,
éditions 1'Harmattan, 1999.
Copyright L'Harmattan 2009
http://www.editions-harmattan.fr
www.librairieharmattan.com
harmattan l@wanadoo.fr
ISBN: 978-2-296-09647-9
EAN: 9782296096479
4à Sophie Monvoisin
à Saidou Kane dit Moustapha Boli
à lbrahima Kassoum BâINTRODUCTION
endant cinq ans, de décembre 2003 au 4 août
2008, je fus Correspondant de nuit (CDN) àP Rennes. Ce qui m'attendait, ce que j'allais
côtoyer, les genres de situations et de problématiques auxquels
j'allais faire face, j'en avais conscience; tout cela apparaissait
ou transparaissait dans les missions du CDN: l'écoute, la
prévention, l'aide à la personne, l'orientation, la médiation...
De même que je connaissais mon champ d'action: Blosne,
Bréquigny Sud-Gare, Maurepas, Patton et Villejean; quartiers
dont le « climat social », par la conjonction de plusieurs
facteurs, se caractérisait par une dégradation notable.
Que j'allais être en contact quasi permanent avec la
détresse et la souffrance psychologique, je le savais aussi. En
revanche, je fus bien stupéfié et ému par le caractère massif de
cette détresse et de cette souffrance psychologique ainsi que par
leurs formes et manifestations diverses. Cette détresse et cette
souffrance étaient d'autant plus bouleversantes qu'elles étaient
souvent anonymes, invisibles et muettes, comme si pour ceux et
celles qui en étaient victimes elles étaient indolores. C'est dire
que pour les découvrir il fallait souvent aller les chercher, suite
à une demande d'un locataire; parfois suite à une plainte, ou les
trouver fortuitement sur le terrain, à la faveur d'une ronde dans
les immeubles. Car ce sont ces immeubles qui sont - souvent
la nuit - le champ d'expression de ces souffrances et de ces
détresses. Et pourtant, à observer le calme et la sérénité de ces
immeubles le jour, les manifestations de gaieté et de bonheur
qui y ornent la vie, bien malin serait celui qui imaginerait qu'ils
pussent abriter tant de drames, de désespoir... Et ceux qui
portent ces souffrances, quand vous les croisez le jour, après les
avoir côtoyés la nuit, il arrive que vous ayez de la peine à les
reconnaître tant leur allure générale la nuit, empreinte d'anxiété,
d'angoisse, de pessimisme, diffère de celle en apparence sereine
et joviale qu'ils présentent le jour.
TIest vrai que les apparences sont trompeuses, comme
on dit. Le jour, quand je passe dans ces quartiers, dans ces
immeubles, dans ces squares..., ils me paraissent tout autres et
7différents des environnements que je fréquente la nuit, dans le
cadre de mes activités professionnelles. Et sans les
dysfonctionnements et autres dégradations de certains équipements que je
constate la nuit, dysfonctionnements et dégradations qui me
font savoir que je n'hallucine pas mais que j'ai bien affaire au
même patrimoine immobilier, je serais bien tenté de croire être
dans un autre environnement. Deux physionomies différentes
pour un même environnement et un même public, selon que la
séquence temporelle est nocturne ou diurne. Curieuse
ambivalence. Effet du décalage entre le jour et la nuit?
Peutêtre.
Il fallait donc transcender les apparences que les
immeubles et certains de leurs occupants donnaient à voir, au
premier abord, pour aller au contact des réalités. Et là, on se
trouvait face à des souffrances psychologiques multiformes:
sévices endurés durant l'enfance (violences physiques, viols...)
dont les stigmates resurgissent pour marquer durablement le
présent du sujet; violences conjugales; abandon des siens et
isolement; perte subite d'un être cher... Chaque cas était
unique. Et de chaque situation on ne pouvait se faire une
compréhension juste et exhaustive qu'en en cernant
l'histoiredans ses dimensions familiale, sociale ou professionnelle -
dont elle était le produit.
Ainsi le cas de cette personne qui s'était retrouvée dans
la rue... Elle avait fini par devenir SDF (Sans Domicile Fixe).
Elle errait dans les rues, y avait élu domicile. Elle s'était
acclimatée à cette vie de bohème. Et sans doute que dans son
subconscient, cette vie en marge de la société était la norme, la
règle. Elle finit par se retrouver, à travers une Association
d'insertion sociale, en bonnes mains. Tout en étant suivie par
l'Association d'insertion sociale, un logement lui fut attribué
dans un immeuble très calme, étape nécessaire dans le
processus de sa réinsertion sociale. Conséquence de la
désocialisation qui fut la sienne: elle se sentait dans son
appartement comme en captivité, comme en enfer. On eût dit
une lionne encagée. Son appartement, elle n'en voulait pas. Elle
lui préférait la rue, sa vie de bohème, d'errance; elle même le
disait. Le comportement et les réactions de cette personne
tenaient sans nul doute de son long passé de SDF, de sa
désocialisation, même si on ne pouvait pas faire abstraction
8d'autres facteurs explicatifs...
Une fois les apparences percées, ces souffrances se
dévoilent aux CDN. Au-delà de leur traitement, quel est leur
impact sur les CDN ? Quels enseignements, quels
questionnements posent-elles?
Générées par les aléas de l'existence, une pathologie,
un parcours personnel, un incident familial, ces souffrances ont
pour contexte social un pays développé, démocratique (qui
figure parmi les premières puissances économiques mondiales),
avec un État de droit. Elles furent pour moi une découverte.
Non que je n'eusse jamais vu ou côtoyé des souffrances
psychologiques ou physiques. Mais parce que celles que j'avais
observées sous d'autres cieux étaient d'une autre nature que
celles que je côtoyais et observais en tant que CDN. En regard
de celles que je découvrais, je plaçais donc, pour les considérer
sous un angle de comparaison, celles que j'avais observées, en
Mauritanie, qui, elles, avaient pour contexte un pays
sousdéveloppé avec un État aux pratiques totalitaires, peu soucieux
des droits politiques et sociaux; ces souffrance-là étaient le fait
d'un racisme d'Etat, de la marginalisation de groupes ethniques,
de l'arbitraire sous ses multiples formes...
Qu'il soit bien entendu qu'il n'est pas question de
procéder à la typologie de la souffrance humaine; ce n'est ni le
lieu ni l'ambition. Nous constatons simplement que la
différence de contexte politique et social entraîne une différence
des problématiques de la souffrance s'agissant de ses causes et
modes d'expression. D'où, soit dit en passant, une différence
fondamentale dans leur appréhension et leur traitement.
Si les secondes étaient le résultat d'une volonté
politique et étaient facilement observables, les premières,
auxquelles les CDN étaient confrontés, parfois objet de déni,
étaient souvent le produit de circonstances fortuites, d'une
histoire personnelle.
En outre, elles mettent en évidence un constat qu'elles
valident à leur tour: la précarité de l'existence humaine qui
peut basculer dans la détresse ou le chaos au gré de certai

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents