Nadav
47 pages
Français

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Description

Dans un grand centre hospitalier de Manhattan, un père (l'auteur de ce livre) est au chevet de son dernier fils, Nadav, pendant quarante jours et quarante nuits. Au fil des semaines, se défont les derniers paliers de vie d'un jeune homme de trente-six ans, père de trois enfants. Ce que nous propose l'auteur c'est le récit poignant et intense d'un père, mendiant dans l'épuisement de ses invocations, prières et supplications, le salut d'un fils mort dans la sérénité et de sa foi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 avril 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782336787220
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre

Yehuda Lancry






Nadav


Préface d’Ami Bouganim
Copyright








© L’Harmattan, 2017
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-78722-0
PRÉFACE
Le retour de la hantise
La mort constitue l’épreuve d’achoppement du sens et du non-sens, leur couronnement et leur débâcle. Elle est vécue comme dénouement d’une aliénation qui dure toute la vie ou une partie d’elle. Une libération par l’exténuation ; le viatique pour l’inconnu ; une révérence immémoriale. La mort est le paraphe dont l’on signe ou rature sa vie. On n’a jamais assez vécu, on ne vivra jamais assez. On n’a jamais assez écouté, regardé, senti. On n’a pas connu l’arbre, cueilli la fleur, corrigé le chemin. On n’a pas prodigué assez de caresses destinées à relever des traits ou à ravaler des rides. On n’a pas assez chanté, pleuré, prié. On n’a pas été assez généreux, même si nul ne l’a vraiment été à notre égard. On n’a pas assez honoré les invitations à aimer ; on n’en a pas assez reçu non plus. On ne s’est pas montré patient avec le temps ; lui non plus avec nous. On est désolé d’avoir vécu en passager plus ou moins clandestin. On se savait condamné à mourir, mais pas maintenant, pas de cette mort : « Notre salut », déclare Kafka, « est la mort, mais pas celle-ci 1 . » On ne meurt jamais, pour reprendre la formule consacrée, exaucé et rassasié de jours. La mort n’est pas un moment d’achèvement puisqu’il n’est pas d’achèvement qui ne réclame des points de suspension. C’est plutôt un moment de clôture somme toute arbitraire et violent. Dans l’avenir, on prolongera peut-être la vie de quelques décennies, ce ne sera jamais assez comparé à l’éternité, et je n’ose envisager le cauchemar que ce serait que d’être immortel. On ne serait plus des humains, mais des robots.
Cela dit, ce n’est qu’en oubliant la mort qu’on mérite le don et la grâce de vivre. D’instant en instant ; de jour en jour ; de nuit en nuit ; d’année en année. On ne l’oublie qu’autant qu’on s’incline devant elle. Sans résistances ; sans criailleries ; sans déchirements. Consentir à mourir serait encore la meilleure manière de rehausser la qualité de la vie ou de ce qu’il en reste. Ce consentement requiert un long entraînement et, par-ci, par-là, une reconnaissance des vertus de la mort. Or la civilisation occidentale la redoute tant qu’elle en devient mortifère. La prévention médicale ; le harcèlement thérapeutique ; l’internement gériatrique. Plutôt que d’instiller la sérénité de vivre, on entretient en permanence la peur de mourir. Les penseurs ; les théologiens ; les pédagogues ; les dirigeants ; les médecins ; les parents ; les médias. Épictète avait cette incitation – vaine peut-être à l’instar de la plupart des incitations stoïciennes – « jusqu’à quand mesureras-tu de la cendre ? » pour dénoncer la morbidité des considérations sur la mort et des récriminations contre la vie 2 . C’est, en perspective du monde qui vient, toute la perception judéo-chrétienne de la mort que l’on doit revoir.
La mort ne serait aussi terrible que parce que toutes les leçons qu’on nous donne ne concernent que la vie. Sans aller jusqu’à préconiser le suicide, on devrait peut-être mieux préparer les humains à mourir. On n’enseigne pas l’art de mourir et rares sont les personnes qui savent mourir. On s’habitue à la perspective de notre absence en s’habituant à celle de nos proches qui nous ont quittés. Il arrive un jour où l’on n’est plus entouré par ses parents, qu’on ne voit plus sa mère et son père, ses proches et ses amis. Ils étaient là, ils ne le sont plus. Le monde continue de tourner. Sans eux. Sans considération pour leur absence. Il n’est par conséquent aucune raison pour qu’il ne continue pas de tourner sans nous, au-delà de notre mort, derrière notre dos. Il ne sert à rien de nier la mort. On ne nie pas la Négation suprême. À un moment ou l’autre, l’âme condamne le corps à mort en se diluant dans le néant.
La mort condamne la vie à la survie. On ne sait d’où elle viendra, on ne sait quand, on ne sait sous quelle allure. On ne peut prendre conscience de son imprévisibilité et continuer de vivre comme si l’on ne devait pas mourir. C’est pourtant ce qui se passe. Rares sont ceux qui vivent sur le mode de l’éphémère ; tous vivent sur le mode du leurre de l’immortalité. C’est dire qu’on n’a pas le choix et qu’on doit vivre le dos tourné à la mort. Autrement, on ne vivrait pas, mais mourrait à reculons. L’oubli de la mort est une condition à la vie. C’est du reste parce qu’on sait pouvoir et devoir mourir qu’on prend des risques avec la vie et lui trouve des charmes. On a trop décrié la mort sans laquelle la vie serait pourtant encore plus dénuée de quête de sens sinon de sens. Il n’est recommandable à mon sens de renoncer à la vie que si l’on ne montre plus de curiosité pour elle. C’est désormais dans la grande absence de Dieu, me semble-t-il, que l’on est condamné à creuser la tombe de son absence. La mort est dénouement du récit de l’organisme, de la vocation, du désir. Elle insinue la liberté ; elle intime la résignation ; elle instille la sérénité. On doit pouvoir mourir en se disant que tout cela n’a peut-être été qu’une belle et triste fantasmagorie. Le stoïcisme est de bout en bout une méditation de la mort et du sens qu’elle autorise. Épictète incline à la considérer comme une issue de secours hors d’une vie malaisée : « Pour tous il y a ce havre qu’est la mort, cet asile. Grâce à elle, il n’y a pas de difficulté dans la vie. Lorsqu’on le veut, on s’en va et on n’est plus enfumé 3 . »
Pourtant, on a beau reconnaître le caractère irrémédiable et irrémissible de la mort, on ne se résout pas à partir. On réclame en permanence un sursis. On continue de s’accrocher à la vie. On sait que la mort porte en elle le seul salut possible : elle nous arrache à l’incertitude, au désarroi, à la souffrance, au souci. Elle garantit la sérénité des sables. En outre, il n’est plus grande libération de la mort que la mort. Rien ne sert. La grandeur de l’homme consiste à convertir sa peur de la mort en espoir d’un autre monde. Sa petitesse aussi. Sa peur de la mort est telle qu’il se met à dérailler dans tous les sens. On ne s’accommode de la disparition de ses proches qu’en la comblant de la présence de nouveaux proches. Sinon la disparition des premiers se creuse de l’abîme où l’on menace de sombrer à tout instant.
Souvent les personnes les plus rétives à la mort se recrutent parmi celles qui croient en un autre monde, en l’éternité, en… Dieu, qui passe pour le meilleur garant d’un au-delà de la mort. On s’attendrait à ce que les religions monothéistes, présentant la mort comme une ascension, atténuent ses affres. On laisserait à la terre ce qui relève d’elle et restituerait son âme à son créateur. En principe, la mort ne saurait être irrémédiable pour un homme de foi. Elle ne condamne pas ; elle livre accès à un recours. Elle se présente comme le seuil d’un néant qui fait miroiter le mirage d’autre chose, on ne sait quoi de meilleur, pour ses proches sinon pour soi et ce mirage plane en doute sur l’existence humaine. Or il n’en est rien et souvent l’on redoute la mort comme si elle était irrémédiable, qu’on n’était pas sûr d’une vie après la mort ou qu’une incertitude persistait sur l’accueil qui nous serait réservé au ciel. Angelus Silesius prenait son parti d’ironiser :
« Si peu d’hommes cherchent à gagner la porte du Ciel !
Pas un ver ne veut retirer sa vieille peau 4 . »
Mais peut-être ne se presse-t-on pas de quitter ce monde pour retrouver Dieu parce que Dieu lui-même nous y retient. Car s’il est un Dieu, il est de ce monde, devrait l’être. Soit l’on redoute la mort, soit on la recherche. On ne peut croire en Dieu et redouter autant la mort qui, seule, permettrait de s’inscrire dans l’éternité de la divinité. On ne peut s’inscrire en humanité dans la divinité et redouter la mort qui, au fond, scellerait la divinisation de l’humain. La mort, pour reprendre Camus, serait une saillie de Dieu, incisive et révoltante .
Tout cela est peut-être vrai de sa mort, il ne l’est pas de celle de ses deux fils, morts prématurément d’un mal congénital connu comme « la fièvre familiale méditerranéenne ». On ne se résigne pas, on ne s’incline pas. Yehuda Lancry est un Grand Ambassadeur, successivement ambassadeur d’Israël à Paris et à l’ONU. Partout, il a laissé le souvenir d’un honnête homme qui

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