Psychanalyse, vieillesse et société
178 pages
Français

Psychanalyse, vieillesse et société , livre ebook

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178 pages
Français

Description

Cet ouvrage reprend les textes d'une journée d'études organisée par l'Association des Psychologues Cliniciens de Lille 3 « Vieillesse, Psychanalyse et Société » et montre l'importance d'un regard analytique sur les problématiques du grand âge. En effet, en tant que théorie du désir, la psychanalyse des personnes vieillissantes a beaucoup à nous apprendre sur la conflictualité des pulsions aux prises avec le discours social et sur la pluralité des positions subjectives lors de la confrontation avec le Réel.

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Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2016
Nombre de lectures 24
EAN13 9782140009204
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

psychanalyse
Revue française de phénoménologie et de psychanalyse
Sous la direction de Daniel Beaune
PSYCHANALYSE, VIEILLESSE ET SOCIÉTÉ
Actes de la journée d’études et de recherches de l’Association des Psychologues Cliniciens de Lille 3
Psychanalyse, vieillesse et société
© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-09029-0 EAN : 9782343090290
Revue française de phénoménologie et de psychanalyse Sous la direction de Daniel Beaune Psychanalyse, vieillesse et société Actes de la journée d'études et de recherches de l’Association des Psychologues Cliniciens de Lille 3 2016
Co-fondateur et directeur de la revue : Daniel Beaune Co-fondatrice et rédactrice en chef de la revue : Rosa Caron Comité de rédaction: Arnaud Barbier, Ingrid Colpin, François Fontaine, Kristina Herlant-Hémar ; Jean-Jacques Marion ; Christophe Scuderi
Editorial
La référence aux concepts issus de la phénoménologie et de la psychopathologie, leur application clinique à la compréhension de la souffrance psychologique sont au cœur des préoccupations de la Revue Française de Phénoménologie et de Psychanalyse. L’objectif de cette revue est de publier des articles originaux, des mémoires, des témoignages, des actes de colloques et des essais centrés sur l'expression des manifestations essentielles de l'homme et de son destin en s'adossant à la méthode freudienne d'associations libres, de transfert et d'inconscient libéré de son corpus théorique et en poursuivant le projet Jaspérien de comprendre sans expliquer la subjectivité et la souffrance humaine.  Daniel Beaune
Propos Introductifs Rosa Caron Présidente de l'Association des Psychologues Cliniciens de Lille3 L'Association des Psychologues Cliniciens est très heureuse d'accueillir autant de praticiens, d'étudiants, à cette journée d'études et de recherches sur un thème qui nous tient particulièrement à coeur. La vieillesse interroge la psychanalyse et nous sommes de plus en plus nombreux à exercer auprès de ceux qui vieillissent. De même, bon nombre d'étudiants se tournent vers cette période de la vie et essayent de faire valoir la place du sujet dans le grand âge et à chercher dans les différentes modalités de son émergence, le désir qui lui, ne vieillit pas. Or, en tant que théorie du désir, la psychanalyse des personnes vieillissantes a beaucoup à nous apprendre sur la conflictualité des pulsions aux prises avec le discours social et sur la pluralité des positions subjectives qui en découlent.
La psychanalyse a longtemps tardé à s'intéresser au grand âge, se centrant sur l'enfance censée offrir le point d'ancrage des principales formations psychiques de l'adulte. Les propos de Freud dans un texte de 1896 intituléLa sexualité dans l’étiologie des névroses ont certainement contribué à l'éviction de la vieillesse du champ de la psychanalyse. Je le cite :
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La thérapie psychanalytique n’est pas à ce jour universellement applicable ; je lui connais les limitations suivantes : elle exige chez le malade un certain degré de maturité et de discernement ; elle n’est pas valable pour des personnes infantiles ou pour des débiles et des incultes d’âge adulte. Elle échoue chez des personnes trop âgées, du fait que chez elles, en raison du matériel accumulé, elle demande beaucoup trop de temps, si bien qu’on parviendrait à la terminaison de la cure à une époque de la vie pour laquelle on n’attribue plus de valeur à la santé nerveuse(Freud, 1896).
Freud était alors âgé de 50 ans, âge considéré à l'époque comme l'âge d'entrée dans la vieillesse et l'âge de la baisse de la puissance sexuelle. Ces propos, très négatifs, ne seraient-ils pas la projection de ses propres angoisses face à cette période de la vie qui interroge l'homme dans son devenir, dans son rapport au temps et à la mort, dans la confrontation au réel à laquelle aucune organisation subjective ne nous prépare vraiment ? D'ailleurs, il dira beaucoup plus tard «qu'il faut beaucoup de bonté et d'humour pour supporter l'horreur de la vieillesse».
Si bon nombre de personnes vivent et vieillissent relativement bien - avec une perte de capacités qui ne restreint pas forcément leurs activités de tous les jours-nous assurant des supports d'identifications suffisamment stables et rassurants pour que nous puissions envisager notre propre vieillesse à venir avec sérénité, la possibilité de vivre longtemps reste entachée par la peur de vieillir, de malvieillir, ce vieillir-là étant associé à la dépendance et à la solitude, à la maladie et à l'émergence de polypathologies.
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Aujourd'hui nous assistons à un phénomène paradoxal : la visibilité accrue des aînés s'accompagne d'une exagération de l'image de la vieillesse, présentée dans nos sociétés occidentales sous ses aspects les plus négatifs et les plus angoissants. Véritables amplificateurs de stéréotypes, ces images nient la diversité de chaque trajectoire de vie et des conditions inégales qui les accompagnent et mettent en scène une vieillesse bannie, solitaire, et pourtant regroupée, une vieillesse ennemie dont plus personne ne veut s'occuper de peur de voir planer l'angoisse de mort qui rôde à l'horizon des consciences collectives. Ceux qui vieillissent font aujourd'huil'objetd'un glissement hors du champ symbolique, car ils dérogent aux valeurs centrales de modernité : la jeunesse, la séduction, la vitalité, le travail. Synonyme de déclin, de dégradation, de corps déchu et de grande dépendance, la vieillesse peut être considérée comme une période particulièrement singulière et éprouvante qui propulse, de façon lente et inéluctable l’être humain vers les limites de son existence.
La problématique qui s'exprime dans le grand âge est essentiellement liée à cette rencontre avec le réel, au travers des pertes qui se succèdent, de la mise à l'écart du théâtre social et de la présence de l'Autre qui se fait, dans nos sociétés occidentales, de plus en plus rare au fur et à mesure que l'horizon temporel se rétrécit. Il ne fait pas de doute que le regard qui est porté sur ce qui est communément appelé vieillesse est chargé d'inquiétude au point de vouloir déroger à cette temporalité humaine qui est de vivre, de vieillir et de mourir. On se trouve face à une aporie : si tout le monde aspire à vivre plus longtemps, et c'est un pari gagné, personne ne veut plus vieillir, parce que la vieillesse devient l'incarnation de la maladie, de la perte, de la souffrance et de la vulnérabilité humaine qui fait irruption
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au fur et à mesure que l'horizon rétrécit et que les liens se délitent. Il n'est sans doute pas inutile de rappeler que les valeurs qui caractérisent notre contemporanéité s'arriment aussi à la performance et l'autonomie, vantées comme gage de liberté. Or plus on parle d'autonomie, plus la dépendance se développe, témoignant s'il fallait en douter que le besoin de l'autre ou à défaut d'un objet qui lui sert d'ersatzest indispensable à la vie psychique, même si cette dépendance a un coût. Parallèlement se construit un monde qui veut tout contrôler, de la naissance à la mort, via le corps sur lequel sont traquées les marques du temps qui passe, les stigmates de la vulnérabilité humaine ou d'une maladie probable, mais jamais certaine qui vient montrer à l'homme ses limites. Ce nouveau rapport à la mort que l'homme essaie de maîtriser est probablement l'un des plus grands bouleversements de notre époque, dont l'ampleur n'est pas encore véritablement mesurée. Mais la mort ne se laisse pas apprivoiser, ne se laisse pas mettre à l'écart et elle jaillit de toutes parts comme le retour du refoulé. Exclue des scènes symboliques où les figurations du deuil pouvaient mettre en acte ses effets sur le psychisme, expulsée du tissu du monde, elle occupe, par anticipation, ce temps d'avant la mort qu'on appelle vieillesse en se parant des masques de la maladie, de toutes les maladies et de la folie. Perdant son caractère sacré pour devenir l'interdit suprême de la condition humaine dont il faut s'éloigner, la vieillesse n'est plus considérée comme un destin universel, comme l'aboutissement de la vie mais devient un des plus grands tabous construits par une société qui,voulant rester maître en sa demeure,s'arrange pour la cacher, voire l'effacer dans une mise à l'index qui est une insulte pour notre humanité.
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Que dire de ces représentations si ce n'est qu'elles rappellent douloureusement à ceux qui vieillissent mais également à ceux qui les regardent vieillir quela vieillesse est toujours au bord du désastrepour paraphraser une expression de Jonas Salk.La prise de conscience qui en découle est d'autant plus difficile à soutenir que l'image de soi en vieillissant finit par rencontrer en solitaire la réalité du miroir de tous les jours. Dans ce contexte, devenir très vieux n'est plus une crise existentielle mais devient une véritable catastrophe qui s'inscrit dans le réel du corps ou de la psyché. Tout se passe comme s'il était normal d'être triste et ralenti quand on est vieux, malade, exilé et étranger en sa propreterre, comme si le chemin qui restait à parcourir devait forcément être parcouru en solitaire. Identifiée à l'objet des peurs collectives qui ne parviennent plus à être symbolisées, la vieillesse, déroutée, déportée, est reléguée hors des cités, hors du temps social, mais surtout hors du temps humain. Métaphore contraignante de ce qui représente la mort, dernier rempart avant la mort et pourtant exclue de la scène sociale, cette vieillesse ainsi enclavée, cachée, semble porter un temps suspendu en décalage avec le temps bousculé de la modernité et devient le témoin d’un temps, temps hors temps, exclu des autres temps. L'institutionnalisation des personnes vieillissantes est un phénomène relativement nouveau qui a pris naissance il y a une cinquantaine d'années. Après le grand renfermement de la folie, assisterions-nous au dramatique enfermement d'une période de l'existence nommée vieillesse ? Dans ces établissements, la prise en charge, homogénéisée, semble mettre au pas soignants et soignés dans une rencontre ratée. Aujourd'hui, des lieux se construisent en plus grand nombre encore pour accueillir ceux qui, en vieillissant, doivent se déprendre de leurs liens affectifs et deviennent dépendants de la médecine ou en passe de l'être. Les maisons de
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