Psychoses et langages

Jean Broustra

Description

Les patients psychotiques ont de nombreuses scènes cliniques d'expression : verbales, phonatoires, corporelles, scripturaires. Il importe de leur proposer des praticables thérapeutiques qui soient aussi plurilangagiers : où phénoménologie, expression, psychanalyse risquent une heureuse alliance. De nombreuses situations thérapeutiques sont exposées.

Sujets

• Psychiatrie
• Psychanalyse
• Psychologie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 31 octobre 2018
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9782336855059
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Psychanalyse et Civilisations Collection dirigée par Jean Nadal L’histoire de la découverte de la psychanalyse témoigne que démarche clinique et théorie issues de champs voisins ont concouru, par étayage réciproque à élaborer le concept d’inconscient, à éclairer les rapports entre pathologie et société et à reconsidérer les liens entre le malaise du sujet singulier et celui de la civilisation. Dans cette perspective, la collectionPsychanalyse et Civilisations tend à promouvoir cette ouverture nécessaire pour maintenir en éveil la créativité que Freud y a trouvée pour étayer, repenser et élargir la théorie. Ouverture indispensable auss i pour éviter l’enfermement dans une attitude solipsiste, qui en voulant protéger un territoire et préserver une identité, coupe en réalité la recherche psychanalytique de ses racines les plus profondes.

Dernières parutions Michel BASS,Mort de la clinique. Analyse de la fracture du système de santé, 2018. Jean NADAL,La pulsion de peindre. La toile et son inconscient, 2018. Marie-Laure DIMON et Michel BROUTA (dir.),Les Algorithmes de l’Etrangéité,Psychanalyse et anthropologie critique,ERROUAULT,Dominique P  2018. La voix entre mère et bébé – La structure de soi dans l’échange vocal,2017. Alain LEFÈVRE,Mère, l’absurde malentendu. Psychanalyse et fiction clinique,2017. Kéramat MOVALLALI,Le temps et le cerveau, Rêve, psychanalyse et neuro science,2017. Claude BRODEUR,Parcours d’un psychanalyste. Le cheminement de l’id ée, 2017. Albert LE DORZE,Inconscient et algorithmes, 2017. Pascal HACHET,Verbier psychanalytique, 2017. Charles MARSEL,Psychologie de l’inconscient et paganisme stellaire indo-européen, M ythe de création des Hyperboréens,2017. Susana ELKIN et Martin RECA (Dir),ine,Langer, Une psychanalyste féministe en Argent M arie 2017. Robert Michel PALEM,Ecritures en folie et folies d’écrire, 2017.

Jean B ROUSTRA Psychoses et langages Scènes psychothérapiques du dire

Du même auteur Psychiatrie, psychanalyse, expression Les schizophrènes,Éditions universitaires, 1975 Expression et Psychose, ESF, préface de Francis Jeanson, 1988 L’Expression, psychothérapie et création,ESF, préface de Roger Gentis, 1996 Abécédaire de l’expression,érès, 2000, réédition 2007 Traité du bas de l’être,érès, 2010 Corps et Graphismes,Scriptures, 2015, réédition 2018. L’expression créatrice(avec Guy Lafargue), Morisset, 1995 Romans Le bain de midi,La presqu’île, 1994 Salines,La presqu’île, 2000 L’homme promenade,Confluences, prix Charles Brisset, 2006 Le guetteur d’hirondelles,Vents salés, 2017 Autobiographie poétique La vie rhizome,le Bord de l’eau, 2002 Théâtre Celle qui resplendit en marchant,Halle Saint-Pierre, Paris, 2000 Toi, psychiatre et ton corps, L’Exprimerie, Théâtre des Chimères, Biarritz, 2000, Porte battante, Compagnie Tieberghien, Bordeaux, Alna, 2014 Le Caravage, Pasolini, aux enfers, Compagnie Tieberghien, Bordeaux, Alna, 2015 © L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Pari s http://www.editions-harmattan.fr EAN Epub : 978-2-336-85505-9

À Francis Jeanson Michel Demangeat

À Marc Blanc

C’est le peuplement des intervalles à quoi je me porte le plus constamment. Figurer le rien. Figurer du moins ce qui n’a pas de nom. L’indéterminé me paraît la tâche essentielle du peintre. C’est là où son action s’exerce à l’état pur. JeanDubuffet

Pourquoi psychoses et langages ?

Laclinique des psychoses admet des formes cliniques nom breuses, complexes, instables et variables dans le temps. Loin d’être une épure, que certains nommentla psychose– Jacques Lacan en 1 a contesté ce terme au même titre quela Femmeelle se manifeste au pluriel par des modes – d’entrée, des expressions cliniques et des évolutio ns qui ont des ressemblances et des différences. Je préfère donc me référer à des psychosesplurielles. Nombreux sont les langages rencontrés dans le monde vivant. Nous accordons au langage parlé le terme élogieux deparolepour qualifier ce qui est l’échange langagier entre humains mais l’horizon du dire est plus vaste que l’usage des mots et nous conservons des potentialités expressives beaucoup plus vastes. Souvent, des crises existentielles qui, selon Francis Ponge, font « sortir du manège », laissent émerger des modes langagiers archaïques, oubliés ou refoulés par l’éducation. Ils accompagnent parfois les révolutions artistiques (dadaïsme, surr éalisme…) mais sont aussi l’expression de maladies : la psychiatrie est potentiellement riche de l’émergence de langages complexes, inhabituels. Dans les psychoses en particulier – qu’elles soient aiguës, transitoires, ou dans des formes au long 2 cours dont le « groupe des schizophrénies » d’Eugen Bleuler demeure une référence privilégiée . Les troubles psychiatriques – que ce soit dans l’espace social ou dans les institutions de soins – s’expriment souvent par des expressions langagières violentes, baroques, dérangeantes : cris, hurlements, locutions répétées, sanglots, gestes agressifs, mots grossiers ou séducteurs, mouvements désordonnés et aussi tonalités phonatoires variées, suraiguës ou très graves, férines. Dans un registre opposé, ce peut être un mutisme associé parfois à u ne immobilité corporelle qui peut aller jusqu’à la catatonie. Il faut y ajouter des productions graphi ques, des écritures, et aussi des collages, des 3 assemblages d’objets récupérés, dont Hans Prinzhorn fit en 1922 un célèbre inventaire et un livre , prélude à l’invention de « l’art brut » par Jean Du buffet en 1945. Dans le monde fermé des asiles d’aliénés, nombreuses sont les manifestations langagières intempestives décrites avec un grand luxe 4 de détails par les médecins aliénistes. Déjà Philippe Pinel , dans son ouvrage célèbre sur la manie, décrit des séquences d’agitation de plusieurs mois, jour et nuit, jusqu’à épuisement du patient : « Cette exaltation, écrit Pinel, lorsqu’elle est associée à l’idée chimérique d’une puissance suprême ou d’une participation à une puissance divine, porte la joie de l’insensé jusqu’aux jouissances les plus extatiques. […] Ses traits étaient rayonnants et sa démarche pleine de majesté. » Aujourd’hui existent des possibilités thérapeutiques de sédation rapide des symptômes. Une question devrait se poser qui me paraît essentielle : faut-il rechercher une rapidenormalisation d’une symptomatologie expressive ou au contraire rechercher quelque bénéfice à demeurer le plus possible au vif de l’échange, voire s’y risquer en position d’acteur ? Cette problématique du soin en psychiatrie est au centre de ce que je propose dans ce livre. Elle e s’accompagne, depuis le début du XX siècle, d’un grand débat d’idées qui associe phénoménologie, psychanalyse et médecine. Depuis 1970, j’y ajoute les pratiques d’expression. Même si ce débat n’échappe pas toujours à l’académisme, il me semble nécessaire d’en conserver sa capacité de problématisation. Cela permet, au mi nimum, de maintenir la possibilité de voir, d’entendre, de participer à des scènes cliniques et peut-être d’en prolonger les provocations langagières vers une poétique de « l’entendre » et du « dire ». Encore très vives dans ma mémoire – depuis les années 1960 – ces scènes cliniques conservent toujours une proximité sensible que je m’efforce de dépasser, de transcender par une élaboration qui ne se suffit pas d’être une illustration ou une application de concepts. Position difficile, instable, entre proximité sensible du souvenir et recherche d’un juste écart qui peut intriguer, voire déconcerter le lecteur mais qui, dans tous les cas, fait obstacle à la contrainte d’un savoir préétabli. J’ai partagé, avec des équipes successives, une lon gue pratique d’ateliers d’expression, par laquelle nous sommes devenus familiers de scènes pl uri-langagières. Nous y avons consacré beaucoup d’écrits et de témoignages audiovisuels et avons aussi tenté de construire une théorisation