Sociétés arabes en mouvement

Sylvia Chiffoleau

Description

L'irruption des sociétés arabes sur le devant de la scène est venue contredire les images convenues de sociétés monolithiques, "bloquées" par le poids des normes religieuses et de l'autoritarisme politique. Cet ouvrage se propose de rendre compte de la diversité de ces sociétés à travers l'analyse de pratiques sociales peu évoquées (aspirations et mobilisations des jeunes, conditions féminines, sexualité, modes de consommation et pratiques de loisirs, expressions religieuses diversifiées...).

Sujets

• Sexualité
• sexualité
• Sexualité
• Science politique
• Économie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 novembre 2012
• Nombre de lectures: 25
• EAN13: 9782296509825
• Langue: Français

Extrait

Nº 5

Sylvia Chiffoleau

SOCIÉTÉS ARABES EN MOUVEMENT Trois décennies de changements

Sociétés arabes en mouvement

La bibliothèque de l'Iremmo Collection dirigée par Pierre Blanc et Bruno Péquignot Cette collection se propose de publier des textes sur tous les as- pects de la vie sociale de la Méditerranée et du Moyen-Orient. Tous les domaines sont concernés, de la politique à la culture et aux arts, de l’analyse des mœurs et des comportements quoti- diens à l’économie, de la vie intellectuelle à l’étude des institu- tions et organisations sociales, sans oublier la dimension histo- rique ou géographique de ces phénomènes. L’objectif est de créer une sorte d’encyclopédie, au sens histo- rique de ce terme, présentant, de façon claire et rigoureuse, toutes les connaissances produites par la recherche scientifique, mais aussi par les réflexions des acteurs impliqués à tous les ni- veaux de la société. Chaque ouvrage vise à faire le point sur un sujet traité dans un souci de le rendre accessible au-delà des cercles des spécialistes. Dans la même collection 1 - Mounir Corm,Pour une Troisième République libanaise, 2012. 2 - Marc Lavergne,L’émergence d’une nouvelle scène politique, 2012. 3 - Marc Lavergne,Une société en quête d’avenir, 2012. 4 – Sébastien Abis,Pour le futur de la Méditerranée : l'agriculture, 2012.

Sylvia Chiffoleau

Sociétés arabes en mouvement

Trois décennies de changements

L’H ARMATTAN

© L'Harmattan, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [e-mail] [e-mail] ISBN : 978-2-296-99431-7 EAN : 9782296994317

●●●I NTRODUCTION

Au cours des quelques mois écoulés, on a pu voir surgir alter- nativement dans la lucarne des téléviseurs du monde entier des foules arabes, toutes générations et origines sociales confon- dues, partant à la conquête de leur liberté avec détermination et maturité, puis un vote massif, en Égypte, en Tunisie et au Ma- roc, pour des partis islamistes conservateurs, sans doute trop rapidement interprété comme un reflux. En réalité, ces images apparemment contradictoires ne sont que l’expression des complexités qui sont au fondement des sociétés arabes, tout aussi bien que de toute autre société. Si le caractère pluriel et diversifié des sociétés occidentales est depuis longtemps connu grâce à l’expression ancienne du vote pluraliste, aux sondages d’opinion et à la multitude des études académiques et des ar- ticles de presse qui les décryptent, les sociétés arabes ne bénéfi- cient que de bien peu de ces atouts pour se faire mieux con- naître. La méconnaissance des sociétés arabes est entretenue éga- lement par le fait que les observateurs, et notamment les mé- dias, ne prêtent souvent attention qu’à des thématiques bien spécifiques, sans chercher à porter un regard global sur la ré- gion. Taraudés par les interrogations sur « l’exception » arabe, cette réluctance apparente à entrer dans la démocratie, les ana- lystes privilégient les entrées par le politique. L’émergence de l’islam politique n’a fait que renforcer cette tendance. Si cet in- térêt correspond bien à des problématiques réelles et impor- tantes dans la région, il tend à masquer les réalités proprement sociales. Plus encore, il contribue à fabriquer un écran derrière

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lequel on finit par croire que ces sociétés sont « bloquées », comme immobilisées par le poids des normes religieuses et de l’autoritarisme politique. Il en résulte une vision très partielle, voire partiale de ces sociétés. Or, depuis trois décennies maintenant, les sociétés arabes sont au contraire travaillées par des changements profonds. L’entrée dans la décennie 80 a marqué à la fois le moment où la révolution iranienne inscrit l’islam comme un horizon possible de la contestation de la primauté occidentale, et celui où la paix entre l’Égypte et Israël achève de fissurer un nationalisme arabe déjà fragile. La décennie s’est poursuivie avec l’entrée de la ré- gion dans une crise économique qui s’est révélée durable et qui a mis à bas le modèle développementaliste établi après les in- dépendances. Elle s’est terminée par l’effondrement du bloc so- viétique, auquel étaient arrimés certains pays de la région. De- puis lors, avec les offensives multiformes de la mondialisation, l’irruption des nouvelles technologies, la persistance du conflit israélo-palestinien, ou encore le spectre du terrorisme et la guerre d’Irak, les changements n’ont cessé de s’accélérer, les en- jeux de se cristalliser. Ces reconfigurations, globales ou régio- nales, ne peuvent bien sûr, en dépit des blocages qu’elles subis- sent, qu’affecter les sociétés arabes, transformer les réalités du quotidien, modifier les représentations du monde. Selon des modalités spécifiques, ces sociétés sont entrées dans la moder- nité et participent désormais pleinement aux vastes mouve- ments et circulations liés à la mondialisation ; c’est un monde en marche, qui n’est pas en marge du monde. Ce petit ouvrage reprend la trame d’un cours donné dans le cadre de l’Institut d’Études politiques de Lyon de 2006 à 2010, dans le souci précisément de pointer les transformations, par- fois discrètes, qui ont affecté les sociétés arabes durant ces dé- cennies charnières, à l’heure où les révolutions n’étaient pas en- core à l’ordre du jour. Pas plus que les autres observateurs de la région, l’auteur de ces lignes n’avait prévu leur survenue. On ne pouvait alors que constater la réalité de ces changements, et le peu d’intérêt qu’ils suscitaient généralement. La flambée du printemps arabe de 2011 n’a fait que soulignera posteriori l’importance et la dynamique de ces changements sociaux.

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La mise en évidence de ces changements est rendue possible aujourd’hui en raison du fait qu’au cours des mêmes trois dé- cennies écoulées, la recherche académique s’est malgré tout at- tachée à cerner de plus près les réalités sociales de ces pays. En sortant des ornières de l’orientalisme et de l’essentialisme, en mobilisant les outils des sciences sociales pour scruter ces socié- tés, elle a accumulé une somme non négligeable de connais- sances sur les questions directement sociales, les groupes so- ciaux, les modes de vie ou les représentations. Les travaux qui s’attachent aux études des faits sociaux sont cependant moins visibles que ceux qui s’attaquent aux grandes questions et pa- radigmes du politique, ou de l’islamisme dans ses multiples fa- cettes. Ils sont également souvent dispersés, dans des ouvrages collectifs, ou encore dans des revues académiques, trop souvent confidentielles en dépit de leur importance dans le champ de la connaissance. Les travaux de recherche des étudiants, qui par- tent avec enthousiasme explorer des terrains parfois peu aisés, constituent également une source précieuse d’informations et de réflexion. C’est sur la base de ces divers travaux, puisés dans le répertoire de la recherche française, qu’a été établie cette brève synthèse. Cet ouvrage n’a pas de prétention théorique. Il s’attache avant tout à tisser ensemble des fils disparates pour restituer une réalité peu connue. Mais celle-ci est complexe et le format réduit des chapitres qui suivent ne permet bien sûr pas d’apporter toutes les nuances qui seraient nécessaires. Ce que 1 l’on désigne par « monde arabe » n’est en effet pas homogène . Chaque région, chaque pays est marqué par un itinéraire histo- rique particulier, qui génère à son tour des spécificités sociales. En outre, tous les pays ne sont pas ici traités également. Ceux de la péninsule Arabique, ainsi que la Libye, qui présentent un profil particulier, notamment en raison de la richesse issue du pétrole, ne sont qu’effleurés. La Palestine et l’Irak, dont les so- ciétés sont profondément déstructurées par l’occupation et la

………………………… 1 Le Soudan, Djbouti, la Somalie, la Mauritanie et les Comores, qui complètent la carte du monde arabe et la liste des pays membres de la Ligue arabe, ne sont pas pris en compte ici.

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