Sociologues et sociologies
293 pages
Français
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Description

En ce début du XXIe siècle, nous nous sommes accoutumés à une perception brillante des trente années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale au point de conserver le nom que Jean Fourastié leur avait donné : Les Trente Glorieuses. Ce livre voudrait réévaluer l'héritage de ces années de bouleversements en relisant les productions conceptuelles et/ou scientifiques qui en sont les signes. Trois cas significatifs sont étudiés : "Les héritiers", la "culture jeune", "la nouvelle classe ouvrière". Trois concepts, alors populaires, qui étaient censés décrire la société issue de la grande croissance. L'apport de personnalités clés (Bourdieu, Morin, Mollet...) est également examiné.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2005
Nombre de lectures 392
EAN13 9782296419117
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

SOMMAIRE
Présentation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7par Jean-Louis Robert
PREMIÈREPARTIE: «LESHÉRITIERS»
1. Sur le contexte desHéritierset deLa Reproduction, par. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13Jean-Michel Chapoulie 2. Que reste-t-il desHéritierset deLa Reproduction dans les années 2000?,par. . . . . . . . . 35Jean-Claude Passeron 3. SurLes Héritiers, par Yvette Delsaut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 4.Les Héritierset la sociologie de l’éducation des années soixante: un témoignage,par. . . . . . . . . . . . 79Viviane Isambert-Jamati 5. Le développement des études sociales dans le système statistique public,par. . . . . . . . . . 87Claude Seibel et Françoise Œuvrard 6. La réception desHéritiersà l’extérieur de la sociologie (1964-1972),parPhilippe Masson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 7.Les Héritierset le contexte privilégié des années 1964-1968, par. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111Antoine Prost 8. Conclusion, par. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117Jean-Michel Chapoulie
DEUXIÈMEPARTIE: « LES JEUNES»
9. Introduction: Les « jeunes », la « jeunesse » et les sciences sociales (1950-1970),parAnne-Marie Sohn . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 10. Du Groupe de sciences sociales de la jeunesse aux bandes d’adolescents,par. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135Philippe Robert 11. L’enquête CGT de 1974 sur les jeunes ouvriers, parRené Mouriaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 12. Edgar Morin et les « décagénaires »,parAnne-Marie Sohn . . . 155 13. La jeunesse et l’adolescence dans la psychologie française (1946-1966),parAnnick Ohayon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 14. Naissance de la sociologie de l’adolescence et de la jeunesse. Une comparaison États-Unis/France (1940-1970), parCatherine Cicchelli-Prugeaultet. . . 179Vincenzo Cicchelli
TROISIÈMEPARTIEIII: « LANOUVELLECLASSE OUVRIÈRE»
15. Introduction,parOlivier Kourchid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
La Nouvelle Classe ouvrière
16. La Nouvelle Classe ouvrière: historique et débats, par. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197Olivier Kourchid 17. La Nouvelle Classe ouvrière: la construction politique d’une catégorie sociale dans la France des « Trente glorieuses », par. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227Frank Georgi 18. La Nouvelle Classe ouvrière,par. . . . . . . . . . . 239Jacques Gautrat 19. Nouvelle Classe ouvrière, militantisme et intellectuels en Italie (1945-1980),par. . . . . . . . . . . . . . . 245Giusto Barisi 20. La Nouvelle Classe ouvrière: frappée d’obsolescence e au début duXXsiècle?,parChristian Chevandier . . . . . . . 255
Serge Mallet
21. Serge Mallet, points de vue sociologiques et critiques, parSami Dassa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265 22. Serge Mallet, des identités ouvrières aux subjectivités productives,par. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273Thierry Baudouin
Points de vue sur les catégories pertinentes
23. Ingénieurs et cadres, questions syndicales et politiques, parGeorges Benguigui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279 24. Perspectives passées et présentes de l’action ouvrière, parClaude Durand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
Conclusion
25. D’un débat rétrospectif sur la Nouvelle Classe ouvrière: en guise de conclusion, par Michel Verret . . . . . . . . . . . . . . 287
PRÉSENTATION
parJean-Louis Robert*
Il y a quelques années, la question d’histoire contemporaine posée à l’agrégation d’histoire envisageait les sociétés les plus contempo-raines, en particulier, celle des « Trente Glorieuses ». Le Professeur d’histoire destiné à enseigner cette question se trouva alors devant une immense masse documentaire où les historiens comptaient fort peu. Le cours partit donc fondamentalement des ouvrages des sociologues, économistes, géographes, politistes qui avaient large-ment ouvert le chantier de la société des années 1960 et 1970. Le Professeur s’intéressa ensuite aux manuels d’histoire de l’enseigne-ment du secondaire qui présentent cette période dans les volumes destinés aux élèves de Terminale. Il constata alors que ses collègues avaient eux aussi fort abondamment puisé dans ces travaux. Depuis peu toutefois les historiens se sont mis à l’examen de la société de l’après Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi que le e Centre d’histoire sociale duXXsiècle de l’Université Paris 1 en a fait un de ses axes prioritaires. Mais la question de l’usage des tra-vaux des chercheurs en sciences sociales des années 1960-1970 reste posée En effet ces travaux sont infiniment plus abondants que ceux qui concernaient les périodes antérieures. Ainsi les historiens se trouvent devant une masse de concepts, conclusions, analyses qui ont construit, bien avant eux, une image de la France des Trente Glorieuses. Dans un premier temps, ils ont repris sans trop de scrupules ces constructions; ainsi les mots de la sociologie des Trente Glorieuses sont-ils omniprésents dans les premiers livres des historiens.
e * Professeur d’histoire sociale, Centre d’histoire sociale duXX CNRS-UMR8058.
siècle, Université Paris 1-
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QUAND LES SCIENCES SOCIALES CONSTRUISAIENT LESTRENTEGLORIEUSES
Mais certains historiens souhaitent appliquer à ces travaux la méthode critique qu’ils appliquent à toutes les traces du passé. En ce sens, ne retenant alors que partiellement leur caractère « scien-tifique », ils vont tenter de repérer les prismes déformants au tra-vail dans ces productions. Et ils pourraient bien conclure à un rejet de ces œuvres dans leur validité de témoignage du passé comme ils e ont rejeté les travaux des ethnologues duXIXsiècle. Seules seraient alors retenues de ces travaux les traces d’un système de représenta-tion qui s’articulerait aux grands imaginaires ou enjeux sociaux de l’époque. Ce n’est pas ce seul chemin que ce livre suit. Dans le cadre de la e réflexion du Centre d’histoire sociale duXXsiècle, nous avons sou-haité associer étroitement historiens et chercheurs en sciences sociales et humaines dans une réflexion approfondie sur les travaux des années 1960-1970. Cette démarche voulait examiner tous les processus d’élaboration et de diffusion des recherches qui ont conduit à la construction de concepts clé, encore visités aujour-d’hui. En ce sens, il y a dans ce livre aussi des éléments qui appor-tent à l’histoire des sciences sociales, à la connaissance de cette mys-térieuse alchimie qui conduit les chercheurs et les institutions à l’examen de certains problèmes et à l’usage de certaines méthodes avec toujours en toile de fond la question de la légitimité scienti-fique ou intellectuelle. Cette histoire des sciences sociales rencontre bien sûr souvent une demande sociale des acteurs (État, pouvoirs publics, patronat, syndicats…), mais aussi une demande éditoriale qui pourrait être la médiation d’une interrogation de la société (nationale ou transnationale). Dans ce sens, la question de la diffu-sion et de l’appropriation des travaux ne nous était nullement indif-férente. Le projet était donc ambitieux. Il a reposé sur l’organisation de journées d’études largement suivies par un public très diversifié. Il n’était pas sérieux d’envisager l’examen de tous les concepts qui ont construit notre image des Trente Glorieuses: de la « société du spec-tacle » à la « société bloquée », de la « sarcellite » à la « société tech-nicienne », de la « fin des paysans » à la « culture de masse », sans compter la belle expression des « Trente Glorieuses » elle-même (pourtant combien discutable si l’on pense aux guerres d’Indochine et d’Algérie…), sans compter qu’il aurait été aussi passionnant d’étudier les silences des sciences sociales (sur les femmes, sur les immigrés). Nous avons donc retenu trois concepts qui construisent l’éco-nomie générale de ce livre:
« Les Héritiers » « Les jeunes »/« la culture jeune » « La Nouvelle Classe ouvrière ».
PRÉSENTATION
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Dans chacune des trois parties de ce livre, le lecteur trouvera une introduction développée qui présente l’histoire de l’élaboration et de la diffusion de ces concepts. Il trouvera aussi une très riche bibliographie qui sera d’une grande utilité à tous ceux qui voudront se confronter aux débats de l’époque. Je voudrais donc seulement conclure cette présentation par quelques lignes interrogatives. On pourrait tenter de classer les trois concepts ici étudiés suivant les principes d’une typologie ternaire autour des processus de légitimation/institutionnalisation, des pro-cessus de médiatisation et des processus de militance sociale. Il semble bien que « Les Héritiers » s’inscrivent d’abord dans le premier processus. À l’évidence la personnalité de Bourdieu et Passeron, les réseaux qu’ils ont rencontrés, tant au niveau de l’intel-lectuation que de la mise en œuvre de leur enquête, inscrivent le concept dans une légitimité scientifique et universitaire. Certes il y a discussions vives, débats mais entre pairs. En outre on voit bien comment le livre « tombe pile » au moment du renouveau de la sociologie à la recherche d’une nouvelle légitimité scientifique et sociale et rencontre une multitude de travaux, une préhistoire scientifique qui répondait à un questionnement de certains acteurs publics sur l’évolution de l’Université et sur l’échec scolaire. En ce sens la postérité des « héritiers », même requestionnés, nous semble durable. D’autant que le livre a connu un succès important et de longue durée et que son contenu fait toujours débat dans le mou-vement social et dans les milieux savants. « La jeunesse » nous semble relever d’abord du second processus. Ce sont les médias qui ont mis en avant la crise de l’adolescence et de la jeunesse dans les années 1950-1960. C’est un article de journal dans un grand quotidien d’un sociologue très médiatisé qui a cristallisé la taxinomie textuelle d’un groupe quelque peu flou. Enfin ce groupe-culture plus que groupe-social trouve ses éléments d’identification dans une construction médiatique par la télévision, la radio et la presse jeune.A contrario, les recherches sur la jeunesse paraissent loin d’atteindre l’écho et l’aura des « héritiers » même si ce champ scientifique trop méconnu a obligé à une réflexion inédite et complexe en sciences sociales sur les âges, à des relations aiguës entre sociologie et psychologie voire psychanalyse et à l’examen des travaux fondateurs américains. Et si 1968 voit l’irrup-tion de la jeunesse dans le champ social et politique, l’articulation avec le mouvement social paraît difficile. « La nouvelle classe ouvrière » renvoie fondamentalement au champ militant et transformateur. Mallet sociologue autodidacte, professeur d’université sans bac, en est le signe le plus évident. Les débats concernent revues militantes, engagées, et syndicalistes, socialistes ou communistes de toute tendance. Certes il y a des liens avec les institutionnels ou légitimes comme Touraine mais la
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démarche est celle d’une sociologie qui doit porter à l’action. Peu d’« héritiers » ici. La médiatisation dépend alors étroitement des rapports de force. Par la Nouvelle Gauche, des périodiques à large public s’ouvrent. Par Mai 1968 et par les Dix Glorieuses sociales qui suivent, le concept rencontre nombre d’acteurs qui s’en empa-rent. Mais des nuances subtiles semblent interdire la rencontre avec l’histoire sociale pourtant à son apogée alors. Surtout le déclin du mouvement ouvrier semble affecter sa portée contemporaine. Il res-terait à mesurer la modernité de ce concept dans une possible ren-contre avec le système mondial contemporain de la production, ce qui en ferait alors un concept anticipateur.
Notre lecture du passé ne se fait que par ce va-et-vient avec le pré-sent qui lui donne son éclairage et son intérêt. En ce sens ce livre appelle bien à l’ouverture d’une réflexion sur notre mémoire des Trente Glorieuses. Déjà un monde que nous avons perdu?
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