Temps des rites
192 pages
Français

Temps des rites , livre ebook

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192 pages
Français

Description

Le livre a été originellement publié au Canada, par les Presses de l'Université Laval. Épuisé et introuvable en France, il est réédité tel quel, mais avec une bibliographie mise à jour, dans l'esprit de la collection.

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Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782296476462
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

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Extrait

Le temps des rites
DU MÊME AUTEUR
L’éducateur et son autre histoire, ou mort d’un pédagogue, préface de e Gaston Pineau, Genève, Édition des deux continents, coll.Trajets, 2 édition, [1981] 1994.
Rééduquer…parcours d’épreuves et trajets de vie, préface de Jacques Ladsous, Toulouse, Érès, 1992.
D’ailleurs… l’institution dans tous ses états, roman, suivi d’un échange avec Fernand Deligny, Toulouse, Érès, 1996.
Déficiences mentales : le devenir adulte, Toulouse, Érès, 2001.
e Un éducateur dans les murs, poème antipédagogique pour leXXIsiècle, e 2 édition, préface de Joseph Rouzel, Paris,Téraedre, postface actualisée de l’auteur, [1978], 2004.
Handicap, éthique et institution, Paris , Dunod, 2005.
Le travail social à l’épreuve du handicap, comprendre, agir, résister, Paris, Dunod, 2007
L’éducation spécialisée, un chemin de vie, Paris, L’Harmattan, 2007.
(en collaboration avec Thierry Goguel d’Allondans)Le travail social comme initiation, une anthropologie buissonnière, préface de François Laplantine, Toulouse, Érès, coll. Éducation spécialisée au quotidien, 2011.
ISBN 978-2-36085-020-4 ISSN 1968-8547 © Téraèdre [2011] www.teraedre.fr
JEAN-FRANÇOISGOMEZ
Le temps des rites
handicaps et handicapés
Avant-propos de l’édition 2011
Ce travail, qui m’a ouvert le chemin de mes travaux ultérieurs sur les récits de vie, l’écriture et le journal, l’utilisation des histoires de vie en formation, fut un temps fort de mes recherches, d’autant qu’il me mit en relation avec des universitaires expérimentés, devenus depuis des amis et des compagnons de route. Grâce aux éditions Téraedre et à la vigilance amicale de Jean Ferreux – avec qui, nombreux, nous tissons par ailleurs la belle aventure de la revue Cultures & Sociétés–, il devient à nouveau disponible aisément en langue française chez un éditeur féru de sciences humaines et sociales, particulière-ment proche de l’éducation spécialisée. La première édition du livre fut publiée chez Desclée de Brouwer en 1999, et épuisée en un an. Elle eut la malchance d’appartenir à la collection Socio-logie du quotidien, supprimée par l’éditeur au cours de l’année 2000 ; ainsi le livre ne bénéficia-t-il pas, malgré mes demandes, d’une réimpression ni d’une nouvelle édition, et je regrettai alors les raisons de ce choix éditorial. À mon initiative, donc, le livre réapparut en 2005 aux Presses univer-sitaires de Laval, Québec, en langue française. Malheureusement, je pus constater maintes fois à quel point il n’était pas si simple de l’obtenir. Il ne circula donc pratiquement qu’au Québec, bien que bénéficiant de recensions nombreuses et très positives dans la presse française, suisse et belge, et fut rapidement épuisé. Pendant ce temps, il faisait l’objet d’une traduction en castillan aux éditions Mensajero à Bilbao, dans une version qui circule encore. Aujourd’hui, grâce aux éditions Téraèdre, cet ouvrage redevient acces-sible au public francophone. Avant de laisser la place au préfacier, anthropologue et éducateur qui fut le premier introducteur des rites de passages dans le domaine du travail social, compte tenu aussi du temps passé entre cette nouvelle version et la première publication, je souhaiterais souligner quelques points indispensables à sa lecture ou relecture.
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Le temps des rites
1 Ce travail eut pour origine une thèse présentée à l’université de Tours . Ce texte de plus de six cent cinquante pages fut par la suite entièrement réécrit pour devenir un livre – et même deux puisqu’une partie illustrative enrichie derécits de pratiquesde professionnels put nourrir en partie un ouvrage 2 paru en 2007. Comme on le verra, il s’agit ici de modifier le regard porté sur les per-sonnes qu’on dit aujourd’hui « en situation de handicap », en réintroduisant la notion de temporalité et de durée dans les processus d’éducation spécia-lisés. Le propos qui sera développé, comme dans d’autres de mes livres et de multiples façons, insiste prioritairement sur la culture et l’expérience que chacun de nous peut avoir dutemps, prenant comme hypothèse que le travail auprès de ce qu’on nommait « les Exclus » (Lenoir) ne serait ni un domaine particulier, ni clos, ni retiré de la vie, quand bien même il serait recouvert de techniques et de prescriptions dont la pesanteur devient aujourd’hui, comme chacun sait, considérable. De plus, on peut, en réfléchissant quelque peu, vérifier les hypothèses que je dégage. Elles me semblent aussi valables pour le monde des personnes qu’on dit handicapées que pour nos existences pré-tendument « normales », ce monde où nous sommes conviés, nous dit Fran-çois Laplantine, à un véritableautisme sociétaire, processus pathologique de désymbolisation. D’où, dans ce texte et en réaction, le recours à la littérature, au chant, au poème, à la philosophie, mais aussi au coutumier qui a plus d’un tour dans son sac. D’où encore la volonté de vivre notre travail comme notre vie : poétiquement.
Il me semble, à quelques détails près, que ces réflexions, même si je les ai approfondies depuis dans plusieurs ouvrages, sont plus actuelles que ja-mais. Elles devraient aider des équipes de travailleurs sociaux et d’éduca-teurs, mais aussi les aides à la vie sociale, les aides médico-psychologiques confrontés au handicap dans toutes ses expressions, « petites mains » si proches des « usagers », dont j’ai pu constater – oh, combien ! – l’immense et fréquente solitude. Partout où l’institution est invivable, présente des ratés et des ratages dont l’indice le plus sûr est untemps arrêté, quand l’institution ne se pense ni ne se rêve plus, lorsque s’enkystent et s’enlisent des habitudes sous forme de ritualisation obsessionnelle, d’effets subtils de chronicisation, quand sur-
1 Épreuves de vie et rites de passage à travers les histoires de vie des personnes handicapées, d’un savoir empirique à la conception d’une pratique éducative spécialisée, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1998. Soutenue en 1996 en présence de Michel Chauvière, Michel Maffesoli, Martine Lani-Bayle, Pierre Peyré, Gorges Lerbet, président. 2 Jean-François Gomez,Le travail social à l’épreuve du handicap, Raconter, apprendre, résister, Paris, Dunod, 2007.
Avant-propos
VII
gissent de toutes part les « à quoi bon ! »(« le démon de mon cœur s’appelle à quoi bon ! » disait Bernanos)… il y a lieu d’inventer unautre tempsqui, à l’inverse, devient facteur de créativité et de vie.
Il s’agit de rien moins, dans ce livre, pour ces travailleurs du quotidien que j’ai cités plus haut, que de donner du sens au travail de tous les jours. Réflexion qui propose d’éviter les applications fournies clés en main par des experts qui supposeraient aux soignants une incapacité de penser. Retour à des méthodes oubliées aujourd’hui comme la méthode Freinet, qui, dans d’autres domaines parfaitement applicables au nôtre et en d’autres temps, émettait de sérieux doutes sur la capacité des enfants à être enseignés à l’aide des manuels composés par d’autres, en dehors d’une situation vécue.
Le deuxième point concerne le concept d’inclusion, lequel a à voir avec les propos précédents. Ce mot, lorsque je l’emploie ici, n’a pas le même sens que celui qu’il prend aujourd’hui dans les grands textes concernant le droit des personnes handi-capés. Pour l’ONU, unenvironnement inclusifpour une personne handicapée va au-delà de l’intégration, et doit être « efficace, convivial, accueillant ». Dans tous les pays, toujours suivant l’organisation internationale, le système éducatif ordinaire a « le devoir d’éduquer tous les enfants sans exception, sans avoir recours à des structures ségrégatives » (Article 24 de la Conven-tion internationale relative aux droits des handicapés, adoptée en 2006). Lorsque je dis ici que la personne handicapéene fait pas partie des exclus mais des inclus, il ne s’agit pas d’un constat de satisfaction. J’entends par « inclusion » un enfermement idéologique, un système de représentation qui, précisément, met une catégorie d’humains à part, dans un univers aseptisé et médicalisé, où la technique (et l’expertise) peuvent aboutir à une surenchère mortifère, cachant ainsi les évidences premières. La forme du livre, dans sa logique systémique plutôt que linéaire (des chapitres qui sont une succession de visions sur un même objet et qui per-mettent de se déplacer et de déplacer la représentation) contribue à ce travail de remise en question personnelle que nous devons faire face au handicap.
Une autre remarque concerne la psychothérapie institutionnelle. Je pense aujourd’hui que la critique finalement peu éclairée faite à ce courant novateur de la psychiatrie, applicable parfaitement au secteur médico-social, porte trop souvent sur des incompréhensions. Je n’intitulerai pas aujourd’hui un chapitre :Pour en finir avec la psychothérapie institu-tionnelle… Cela pourrait donner à croire que je suis près de rejoindre une orthodoxie technique très actuelle qui transforme peu à peu le médico-social et l’éducatif en application pure et simple de procédés. Je pense au contraire
VIII
Le temps des rites
qu’il s’agit d’un mouvement qui, en connivence avec le mouvement dedésa-liénismeen psychiatrie et son apport considérable après la guerre, renvoie à une histoire passionnante, respectable infiniment et qu’il reste… à connaître. De même pour les hommes qui l’ont défendu, des Jean Oury, François Tos-quelles, Le Guillant, Roger Gentis, grands anciens pour lesquels j’ai une affection certaine qui s’ajoute à l’admiration. Que dit ce courant ? Il pose, dans les institutions psychiatriques ou so-ciales, et avec une certaine insistance, la question du politique (et donc d’une vraie démocratie, là où c’est le plus difficile) et par là il est à redécouvrir. Il mise sur la capacité des acteurs à penser leur propre situation pour mieux se tourner vers l’énigme de l’Autre. Loin d’être utopique, il tend à aborder la complexité sociale et humaine, remettant en jeu l’interdisciplinarité (sou-vent passée à la trappe), la dimension clinique (noyée dans les principes managériaux), la question de l’altérité et du tiers, autant de thématiques nécessaires pour contrer la situation de normalisation à l’œuvre dans toute institution. Ses méthodes, qui passent par laconscientisation(Paolo Freire) des acteurs, donnent des armes face à ce qu’Emmanuel Mounier, dans un autre temps de crise, et après une déflagration économique qui ressemblait à la nôtre, appelait déjà le « désordre établi ». Elles font appel à une prise de conscience radicale (aujourd’hui, Roland Gori évoquerait une « insurrection 3 des consciences » ) sans laquelle aucun soin n’est possible.
Dernier point : une bibliographie est toujours une prestation servie au lecteur. Nous avons pensé utile de réactualiser la bibliographie à l’occasion de cette troisième édition, en pensant aux étudiants chercheurs et profes-sionnels qui souhaiteraient approfondir la thématique des récits et histoires de vie. Autant de questions qui précisément peuvent aider, aujourd’hui plus que jamais, les travailleurs de l’aide et du soin dans leur quête.
Aigues-Mortes, février 2011
3 Roland Gori, Barbara Cassin, Christian Laval,L’appel des appels, Pour une insurrection des consciences,Paris, Mille et une nuit, 2009.
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