Violences et agressivités au sein du couple (Volume 1)
197 pages
Français

Violences et agressivités au sein du couple (Volume 1) , livre ebook

197 pages
Français

Description

L'agressivité et les violences au sein du couple sont très répandues. Elles semblent même habiter les couples comme leur ombre, malgré les tentatives renouvelées de les traquer et de les déraciner. Il est donc nécessaire que l'on approfondisse la compréhension du phénomène. L'ambition de cette publication est double : d'une part développer des tentatives d'explications, et d'autre part rendre compte de certaines approches cliniques psychothérapeutiques et psychanalytiques.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2012
Nombre de lectures 5
EAN13 9782806107381
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

VIOLENCESETAGRESSIVITÉSAUSEINDUCOUPLE
VOLUME1
Mieux comprendre par le croisement des disciplines
Nathalie Frogneux et Patrick De Neuter (dir.)
VIOLENCESETAGRESSIVITÉSAUSEINDUCOUPLE
VOLUME1
Mieux comprendre par le croisement des disciplines
Avec les contributions de Marina Braconnier, Patrick De Neuter, Natalie Frogneux, Maryse Jaspard, Dan Kaminski, Marie-Cristine Laznik, Jacques Marquet, Francis Martens, Micela Marzano, Jacinte Mazzoccetti, hierry Moreau, Cristiane Van Vaerenberg et Francisco Viola
Cet ouvrage a bénéficié du soutien du Fond national de la recerce scientifique et de l’Institut pour l’égalité des femmes et des ommes.
D/2009/4910/2
© Bruylant-Academia s.a.  Grand’Place, 29  B-1348 LOUVAIN-LA-NEUVE
ISBN 13 : 978-2-87209-912-2
Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit. Imprimé en Belgique.
www.academiabruylant.be
SOMMAIRE
Volume 1 : Mieux comprendre par le croisement des disciplines
Liminaire  Natalie Frogneux et Patrick De Neuter Amour et violence : les avatars du désir  Micela Marzano Définir et mesurer les violences conjugales : enjeux sociopolitiques  Maryse Jaspard Lorsque cesse le conflit surgit la violence  Natalie Frogneux Comment se construit l’« évidence » de la violence conjugale ?  Jacques Marquet De quelques racines de l’agressivité masculine Ce qu’en disent les psychanalystes et les artistes  Patrick De Neuter Un regard juridique sur les violences conjugales  hierry Moreau Le cas Penthésilée Fantasme extrême de l’érotisme féminin ou « solution » d’un délire par le passage à l’acte  Marie-Cristine Laznik Rapports de force et régulation de la jalousie au sein des jeunes couples scolarisés ouagalais  Jacinte Mazzoccetti Douce violence, derniers outrages...  Francis Martens Trois notules sur la violence  Dan Kaminski Les jeux sexuels consentis… de bonne guerre en mauvaise foi  Francisco Viola, Marina Braconnier, Cristiane Van Vaerenberg Postface  Natalie Frogneux Envoi  Patrick de Neuter Bibliographie
Auteurs
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Volume 2 : Pour mieux intervenir dans la clinique
Liminaire  Natalie Frogneux et Patrick De Neuter Violence et création Le couple Pablo Picasso et Dora Maar  Robert Steicen La boucle de la perversion amoureuse  Silvia Lippi « Fais de moi ce que tu veux à condition que j’existe pour toi, par toi »  Danielle Bastien Pourquoi les hommes sont-ils si souvent agressifs au sein de leur couple ?  Patrick De Neuter « C’était le bonheur ! » La cruauté de l’idéal  Martine Lerude
Le vaginisme primaire Un refus de l’agressivité conjugale ?  Armand Lequeux Pour une prévention des violences conjugales  Odette Simon et Marie-Cristine Corvisier Quelques subtiles violences au sein du couple  Maggy Siméon et Camille Labaki La place de l’enfant au cœur de la violence conjugale  Anne Courtois Avatars actuels du lien amoureux adolescentaire  Marie-Hélène Mansart La fragilisation de l’intime Enquête auprès de prostituées indépendantes  Pascale Jamoulle Postface  Natalie Frogneux Envoi  Patrick De Neuter Bibliographie
Auteurs
LIMINAIRE
Nathalie Frogneux et Patrick De Neuter
L’agressivité et les violences au sein du couple sont très répandues. Elles sem-blent même abiter les couples comme leur ombre, malgré les tentatives re-nouvelées de les traquer et de les déraciner. Ainsi, 16 % des femmes déclarent 1 avoir été victimes de violences conjugales au cours des douze derniers mois . 2 D’après Ignacio Ramonet , pour les Européennes de 16 à 44 ans, ces violences constituent la première cause d’invalidité et de mortalité avant même les accidents de la route ou le cancer. Plus de 600 femmes meurent caque année sous les brutalités sexistes au sein du cercle familial. En France, six femmes mouraient caque mois : un tiers d’entre elles étaient poignardées, un autre tiers abattues par armes à feu, 20 % sont étranglées et 10 % rouées de 3 coups jusqu’à la mort . Mais les coses semblent s’être aggravées depuis. Ainsi en France, en 2006, six femmes mouraient tous les trois jours sous les coups de 4 son conjoint, un omme mourait tous les treize jours du fait de sa conjointe . Néanmoins, la violence n’est pas absente cez les femmes : si une femme meurt tous les quatre jours suite aux violences de son conjoint, un omme trépasse 5 tous les seize jours, victime de sa compagne ou de son épouse . Tout cela sans compter les agressivités et les violences verbales, psycologiques et subtiles que subissent les ommes comme les femmes. C’est à partir du constat de l’ampleur et de la complexité du pénomène que nous avons voulu nous pencer sur la question des rapports à la violence qu’entretiennent les couples. Une perspective interdisciplinaire, conjuguant les apports des cerceurs et des cliniciens semblait requise pour approcer cette nébuleuse, apparemment insaisissable, qui revient éternellement com-me un pénomène toujours prétendument contemporain. Il importe donc de se pencer à nouveau sur la violence éprouvée si durement dans les couples aujourd’ui. Faut-il établir une simple gradation entre l’agressivité et la violence ? Le résultat de notre recerce semble aller plutôt dans le sens d’un seuil qualitatif
1 Voir Jaspard M.,Les violences envers les femmes en France. Une enquête nationale, Paris, La Documentation française, 2002. 2 Voir Ramonet I., « Violences mâles », inLe Monde diplomatique,juillet 2004. 3 Voir Henrion R. (dir.),Les femmes victimes de violences conjugales, le rôle des professionnels de santé, Rapport au ministre cargé de la Santé réalisé par un groupe d’experts, février 2001. 4 Ministère de l’Intérieur et l’Aménagement du Territoire de la République française,Étude nationale des décès au sein du couple, 2006. Voir aussi Mercaser P.et al.,À la vie, à la mort. Psycologie du crime passionnel, Paris, PUF, 2008. 5Idem.
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franci lorsque l’agressivité que connaissent tous les partenaires et dès lors tous les couples, n’est plus canalisée et bascule dans la violence destructrice de l’un ou l’autre partenaire et en tous cas de l’amour qui les unissait initialement. Sur la base de cette distinction, une première question se pose : celle du mé-canisme par lequel ce basculement s’opère. Vient ensuite une énigme mise en évidence par les psycotérapeutes, qui décrivent des systèmes conjugaux qui entretiennent l’agressivité et la violence sans se détruire sous ses butées. Com-ment l’agresseur et l’agressé peuvent-ils s’entendre pour maintenir leur couple au cœur même de la souffrance ? Autrement dit, comment comprendre que la violence ne soit pas toujours un facteur destructeur du couple alors qu’elle semble être ce que tout le monde refuse de vivre ? Soulignons toutefois que la séparation n’est pas toujours le moyen de réduire la violence. En effet, des enquêtes montrent que les violences sont deux fois plus fréquentes en cas de rupture. Comment comprendre que certaines personnes préfèrent sauver leur couple même si le prix en est une violence quotidienne plus ou moins subtile et plus ou moins larvée ? Le arcèlement psycologique est la violence la plus souvent déclarée (8 %). Viennent ensuite les insultes (4,5 %) ; les agressions pysiques (2,5 %) et enfin les viols et les pratiques sexuelles imposées (1 %). Il est certainement possible de repérer des milieux favorisant l’éclosion et le maintien de la violence. Ainsi, par exemple, est-elle davantage le lot des jeunes (de 20 à 24 ans) et des couples dont les partenaires présentent une grande différence d’âge. Elle est aussi plus importante dans les couples confrontés au cômage. En revance, et contrairement à ce que l’on croit parfois, la violence à l’égard de la conjointe n’est pas plus développée dans les milieux à faibles revenus qu’à revenus élevés. Ainsi, les auteurs de violence sont en grande partie des cadres (67 %) et des professionnels de la santé (25 %). Aussi, aucun milieu ne peut s’en déclarer épargné.
Face à une telle complexité, tout indique qu’il faut lutter contre la violence par d’autres moyens que des injonctions explicites mobilisant la volonté et jouant la stratégie des interdits moraux ou légaux. Si la réplique judiciaire à la violence semble évidemment essentielle et efficace dans une large mesure, elle laisse pourtant de côté des formes plus complexes du pénomène que rencon-trent les psycotérapeutes. C’est donc pour pouvoir mieux traiter l’agressivité et la violence que nous avons tenté de la comprendre dans ses méandres téné-breux.
Les traitements répressifs, préventifs et éducatifs qui, au-delà de leur grande efficacité, demeurent maleureusement impuissants dans certains cas, trop nombreux, nous semblent devoir être complétés par une approce psy-cotérapeutique. L’ambition de cette publication est donc double : poser un diagnostic et tenter de soulager cliniquement, c’est pourquoi notre ouvrage se déploie en deux volets : le premier volume, plus téorique,Mieux comprendre par le croisement des disciplines, et le second davantage attacé aux cas cliniques, Pour mieux intervenir dans la clinique.
VIOLENCEETCRÉATION AMOURETVIOLENCE:LESAVATARSDUDÉSIR
1 Michela Marzano
Émotions, pulsions, fantasmes, désirs, raisons, identifications, refoulements… tout se mêle lorsqu’on parle de l’amour. « L’amour d’un être umain pour un autre, c’est peut-être l’épreuve la plus difficile pour cacun d’entre nous, écrit à ce propos R.M. Rilke. L’amour c’est l’occasion de mûrir, de prendre forme, 2 de devenir soi-même un monde pour l’amour de l’être aimé » . Une épreuve difficile, nous explique donc le poète, mais surtout paradoxale. Car comment peut-on à la fois mûrir et se soumettre aux attentes parfois excessives de l’être aimé ? Comment être à la fois « sujet » de son amour et « objet » de l’amour de l’autre ?
L’un des problèmes majeurs que pose l’amour est que la rencontre amou-reuse risque parfois d’être tout sauf une rencontre, cacun voyant l’autre à tra-vers les lunettes déformantes de la passion, écartelé entre un désir pysique qui ne demande qu’à être assouvi, un désir sublimé qui pare l’être aimé de toutes les propriétés, et un désir inconscient qui cerce à faire rentrer l’autre à l’intérieur de son propre fantasme. C’est peut-être à cause de ces paradoxes que, dans l’istoire de la pensée, on a souvent eu tendance à tracer une sorte de ligne de partage entre le désir sexuel et l’amour, le désir étant lié à l’instant, aux pulsions et à la satisfaction immédiate, l’amour, lui, renvoyant au contraire à la durée, à la raison, au bien de l’être aimé. C’est un peu comme si, face à la violence du désir, on avait voulu envisager la possibilité d’une relation amou-reuse à l’abri de toute forme d’agressivité et de violence. Et pourtant, peut-on réellement séparer le désir de l’amour ? Peut-on envisager un amour capable de sublimer toutes sortes d’agressivités sans par là même le vider de sens et de contenu ?
Comme nous le rappelle Freud, lorsqu’on est face à une dissociation ra-dicale, cez l’omme, entre « le courant tendre » et le « courant sensuel », on est confronté à quelque cose qui relève plus de la patologie que de l’équili-bre. Dans l’un de ses articles les plus fameux, « Sur le plus général des rabais-sements de la vie amoureuse », Freud explique que certains ommes aiment des femmes qu’ils ne désirent pas et désirent des femmes qu’ils n’aiment pas. « Deux courants ici ne se sont pas rejoints, dont la réunion seule assure un comportement amoureux parfaitement normal. Ces deux courants, nous pou-
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Micela Marzano, cargée de recerce au CNRS, Paris. Rilke R.M.,Lettres à un jeune poète, Paris, Grasset, 1990, p. 59.
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vons les distinguer comme étant l’un, le courant tendre et l’autre, le courant sensuel. […] La vie amoureuse de tels ommes reste clivée selon deux direc-tions que l’art personnifie en amour céleste et amour terrestre (ou animal). Là, 3 où ils aiment, ils ne désirent pas et là où ils désirent, ils ne peuvent aimer » . En effet, la femme qui suscite le désir est en général perçue comme « légère » et « frivole » : « L’omme ne parvient à une pleine jouissance sexuelle que lorsqu’il peut s’abandonner sans réserve à la satisfaction, ce qu’il n’ose faire par exemple avec son épouse pudique. De là, provient son besoin d’un objet sexuel rabaissé, d’une femme moralement inférieure à laquelle il n’ait pas à prêter des scrupules estétiques, qui ne le connaisse pas dans sa vie et ne puisse pas le ju-4 ger » . C’est à une telle femme que, pour Freud, l’omme consacre sa puissance sexuelle. Et cela, même si sa tendresse va tout entière à une femme de plus aut niveau, la « madone ». Désir et amour ne peuvent se diriger vers une seule et même femme et restent ainsi dissociés. Ce qui empêce cependant l’omme de vivre une relation d’amour pleine et satisfaisante, l’état amoureux « normal » 5 étant celui qui « réunit tendresse et sexualité » .
Mais comment réunir « tendresse » et « sexualité » ? Comment intégrer la dimension agressive qui émerge au cours des relations sexuelles, lorsqu’on est tiraillé entre l’envie de posséder l’autre et le besoin de lâcer prise pour que l’autre nous possède ?
La diabolisation du désir
La séparation entre le désir sexuel et l’amour remonte loin dans le temps et a revêtu, à caque fois, des significations différentes. Selon Platon, par exemple, le désir sexuel est inscrit dans la nature animale de l’omme et n’a rien en commun avec l’amour qui, lui, serait au contraire lié à sa nature rationnelle. C’est ainsi que, dansLe Banquet, la définition de l’amour comme désir et du désir comme manque et comme envie de possession, n’est qu’une étape d’un raisonnement plus complexe visant à montrer que le véritable amour est en 6 réalité un désir « d’enfantement dans la beauté selon le corps et selon l’esprit » . C’est d’ailleurs par la modération du désir sexuel que l’on peut arriver au désir-plénitude qui déclence une dynamique productrice de beauté et bonté : la personne aimée n’est pas un objet de désir à posséder, mais une occasion d’amour en vue de la connaissance. C’est pourquoi le véritable amour est « pilosope » et permet l’émergence du bien dans l’âme : il est une attirance
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Freud S., « Sur le plus général des rabaissement de la vie amoureuse » (1912), inLa Vie sexuelle, Paris, PUF, 1977, p. 47. Ibid., p. 61. Ibid., p. 65. Platon,Le Banquet, 206b.
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