LE MONDE D’ARCHIBALD
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Description

Extrait de la publication brécart 22.12.08.qxp 22.12.2008 16:42 Page 1 LE MONDE D’ARCHIBALD Extrait de la publication brécart 22.12.08.qxp 22.12.2008 16:42 Page 2 DU MÊME AUTEUR Les Années de verre, 1997 Angle mort, 2002 (Prix Découverte de la Fondation Schiller) Extrait de la publication brécart 22.12.08.qxp 22.12.2008 16:42 Page 3 ANNE BRÉCART LE MONDE D’ARCHIBALD Extrait de la publication brécart 22.12.08.qxp 22.12.2008 16:42 Page 4 Nous remercions le Fonds de soutien à l’édition de la République et canton de Genève d’avoir accordé une aide à la publication de ce livre L’auteur remercie Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture © Éditions Zoé, 11 rue des Moraines CH – 1227 Carouge-Genève, 2009 www.editionszoe.ch Maquette de couverture : Evelyne Decroux Illustration : Gouache sur papier d’Henry Bischoff © Anne Lavanchy ISBN 978-2-88182-642-9 Extrait de la publication brécart 22.12.08.qxp 22.12.2008 16:42 Page 5 En souvenir de mon oncle Luc Bischoff Extrait de la publication brécart 22.12.08.qxp 22.12.2008 16:42 Page 6 Extrait de la publication brécart 22.12.08.qxp 22.12.2008 16:42 Page 7 PREMIÈRE PARTIE Chapitre premier Toutes choses sont tuées deux fois : une fois dans la fonction et une fois dans le signe, une fois dans ce à quoi elles servent et une fois dans ce qu’elles conti­ nuent à désirer à travers nous.

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Extrait

Extrait de la publication
LE MONDE D’ARCHIBALD
Extrait de la publication
DU MÊME AUTEUR
Les Années de verre, 1997
Angle mort, 2002 (Prix Découverte de la Fondation Schiller)
Extrait de la publication
ANNE BRÉCART
LE MONDE D’ARCHIBALD
Extrait de la publication
Nous remercions le Fonds de soutien à l’édition de la République et canton de Genève d’avoir accordé une aide à la publication de ce livre
L’auteur remercie Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture
© Éditions Zoé, 11 rue des Moraines CH  1227 Carouge-Genève, 2009  www.editionszoe.ch Maquette de couverture : Evelyne Decroux Illustration : Gouache sur papier d’Henry Bischoff © Anne Lavanchy ISBN 978-2-88182-642-9  
Extrait de la publication
En souvenir de mon oncle Luc Bischoff
Extrait de la publication
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PREMIÈRE PARTIE
Chapitre premier
Toutes choses sont tuées deux fois : une fois dans la fonction et une fois dans le signe, une fois dans ce à quoi elles servent et une fois dans ce qu’elles conti-nuent à désirer à travers nous. Julien Gracq,Le Rivage des Syrtes
Quand, enfant, je viens rejoindre la maison du lac pendant les vacances d’été pour faire connaissance avec la famille de mère, je suis déroutée. Maman appelle cela « garder le contact ». Pour moi il s’agit d’une expé-dition dans un pays exotique. La première fois que ma mère va rendre visite à oncle Archibald, « pour me présenter » comme elle dit, elle s’installe avec mon oncle et ma tante dans le salon puis, après quelques mots échangés, elle me permet d’aller jouer. Ce qui veut dire que j’ai le droit d’errer dans les couloirs maigrement éclairés de cette grande maison paysanne. Je suis surprise par le silence qui est doux comme un pelage d’animal. Je fais quelques pas. Sur une table, deux épées croisées. Un livre à la reliure en cuir. Plus loin un miroir, un vieux téléphone mural. Le sol est noir et froid. Les vitres fendues par endroits. Les murs sont du même gris clair que le ciel dehors et
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l’arbre devant les fenêtres du corridor mange la der-nière lumière du jour. J’ai l’impression de m’enfoncer dans une substance inconnue, dans toujours plus de silence, toujours plus d’obscurité. Ici c’est donc chez
moi, la maison de ma famille. Je n’en reviens pas. Jamais aucun lieu ne m’a paru aussi peu familier. Je me perds, monte des escaliers, en descends d’autres, n’ose pas pénétrer dans les chambres. Finalement je pousse une porte qui semble vivante, contrairement aux autres qui défendent le vide. Ici la lumière est verte à cause de la vigne qui tombe devant les fenêtres. Au-dessus de la grande table recouverte d’une nappe aux carreaux rouges et blancs, une lampe à suspension. Tout près du plafond brillent des bas-
sines, des casseroles en cuivre et en laiton comme un rappel de la lumière du jour. Madame Liliane s’occupe du repas. Elle est petite et ronde et paraît grosse d’un enfant avec son ventre rebondi serré dans un tablier. Au moment où j’entre à
la cuisine, elle lève la tête, me toise d’un rapide coup d’œil, dit : « Ah te voilà ! » comme si elle n’attendait que moi. Elle me désigne une chaise sur laquelle j’ai le droit de m’asseoir. Il ne faut plus que j’en bouge car je risque de me faire ébouillanter, de me brûler, de me couper ou de renverser quelque chose. Une fois assise, je peux lui raconter le voyage qui a été long, la ville où j’habite. Elle me parle du chien Barry qui tire la charrette. Ses petits-enfants « portent »
le lait tous les soirs à la laiterie. Il y a les vaches, les poules que l’on vient de tuer. Elle me donne des hari-cots à équeuter pour que je me rende utile. Ici règne une chaleur utérine. C’est aussi la pièce qui m’apparaît la plus claire de la maison. Mais c’est avant tout à cause du mouvement, des odeurs de nour-
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riture qui s’y répandent, car la clarté qui filtre à travers la vigne devant la fenêtre est celle dun sous-bois. 
J’allais revenir chaque fois que mes parents partaient en voyage pour des pays dont le climat m’aurait été néfaste. Il était clair que mes séjours à la maison du lac étaient pour mon bien.
Ce tout premier été que je passe seule à la maison du lac, Archibald et Olympe mettent beaucoup d’éner-gie à se débarrasser de moi. Il faut m’occuper, toute vacance est dangereuse, le vide doit être comblé, disent-ils. Je ne peux mempêcher de penser quils cherchent à écarter l’intruse. Ils m’envoient faire des promenades dans les forêts au-delà du village, là où aujourd’hui passe une autoroute. Madame Liliane est priée d’accompagner l’enfant à travers la campagne ; quant à l’heure de retour, rien n’a été fixé, elles mar-cheront aussi loin qu’elles pourront et reviendront avant la tombée de la nuit.
Au creux des combes, les villages réunissent plu-sieurs grandes maisons paysannes semblables à celle d’où nous venons ; les potagers sont des damiers plan-tés de salades, de carottes, de ciboulette. Sur la poutre principale, la date de construction, le nom du maître d’ouvrage. Et sur les maisons plus riches des sentences : Cette maison ne m’appartient pas ; elle ne sera pas à celui qui viendra après moi ; à qui est-elle ? Dans la forêt, les tas de bois parfaitement rangés, marqués du nom du proprié-taire. Il suffit de subtiliser une seule bûche pour que cela se voie, me fait remarquer Madame Liliane. Aucune faute ne doit passer inaperçue, aucun men-songe rester impuni, telle est la loi qui habite ce pays protestant.
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Une imprécation habite le paysage depuis longtemps. Personne ne peut se soustraire à l’œil scrutateur de Dieu qui nous poursuit et nous force à nous interroger sur ce mal en nous.
Plus tard je comprendrai qu’Archibald ne croit pas en Dieu. Ce qui reste de la foi des ancêtres est la crainte
de mal faire, de se tromper, de commettre ce qu’il appelle « une gaffe ». C’est pour cela, sans doute, qu’il a préféré ne rien changer aux meubles, ni à la décora-tion, qu’il s’est installé dans l’ancienne demeure fami-
liale comme s’il vivait chez autrui, n’utilisant pour lui que l’armoire de la salle de bains, ayant poussé un peu les piles des anciens draps pour pouvoir poser ses linges
de bain. Il n’a même pas jeté les provisions de guerre accumulées dans la chambre derrière la cuisine, de peur que Ferdinand ou Jacques, les deux vieux garçons – comme on disait pudiquement dans la région – vien-nent lui reprocher d’avoir liquidé leurs réserves.
Parfois, l’après-midi quand la maisonnée fait la sieste, je rejoins Madame Liliane penchée au-dessus d’un objet terne qui n’a guère été utilisé. Une théière ventrue en forme de citrouille qu’elle frotte avec appli-cation avant de faire briller les candélabres, les sou-pières, les louches et autres ustensiles qu’elle range ensuite soigneusement dans la grande armoire où l’argenterie dormira jusqu’à l’été prochain quand à nouveau elle sera sortie, nettoyée et frottée avant d’aller briller inutilement au fond de l’armoire. Ce sont des objets de culte. Des objets sacrés que l’on ne peut toucher car ils sont là pour être regardés de temps à autre et adorés comme preuve de la grandeur familiale passée.
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