DES ABUS SEXUELS PERPÉTRÉS PAR DES FEMMES ET DES ADOLESCENTES; L ...

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DES ABUS SEXUELS PERPÉTRÉS PAR DES FEMMES ET DES ADOLESCENTES; L ...

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Revue québécoise de psychologie, vol. 22, n° 3, 200 1            DES ABUS SEXUELS PERPÉTRÉS PAR DES FEMMES ET DES ADOLESCENTES; L’ULTIME TABOU         Monique TARDIF 1   Université du Québec à Montréal Institut Philippe Pinel de Montréal     Résumé   Notre propos vise à aborder la question des abus sexuels perpétrés par des femmes et des adolescentes. En premier lieu, il convient de saisir les difficultés associées à l’établissement des taux d’incidence et de prévalence. Par la suite, nous discutons la reconnaissance même du phénomène en raison des mythes et des préjugés. Puis quelques classifications aidant à structurer et à catégoriser les caractéristiques de ces femmes sont présentées. Depuis 1992, des données cliniques et évaluatives ont été recueillies auprès d’un échantillon de 9 femmes (9 femmes abuseures, Fa) et de 15 adolescentes (15 adolescentes, Ad) responsables d’abus sexuels. Celles-ci ont été évaluées et suivies à la clinique externe du Centre de Psychiatrie Légale de Montréal affilié à l’Institut Philippe Pinel de Montréal. L’âge moyen de l’échantillon est de 37,67 ans (ÉT = 7,21) pour les femmes et de 14,73 ans (ÉT = 1,39) pour les adolescentes. La taille restreinte de cet échantillon et une période de cueillette de données étalée sur 10 ans rendent peu accessible la réalisation d’une étude empirique. Toutefois, bien que les données descriptives de cet échantillon soient préliminaires, elles sont présentées et articulées à une proposition théorique selon laquelle les constats fréquents d’une perturbation de la relation mère-enfant chez ces sujets nous permettent d’avancer qu’il s’agirait d’un élément conflictuel déterminant dans le phénomène des abus sexuels perpétrés par des femmes et des adolescentes.     Mots clés : femmes abuseures sexuelles, adolescentes abuseures sexuelles, identité maternelle, identité sexuelle, relation mère-enfant       Dans le présent article, nous souhaitons aborder la délicate question des abus sexuels perpétrés non seulement par des femmes, mais aussi par des adolescentes. Délicate question, car nos connaissances scientifiques et cliniques de cette population demeurent peu développées si l’on considère les multiples facteurs liés au dévoilement de ces délits : la juste appréciation de la prévalence, des théories excluant les femmes du registre des perversions, la conception individuelle et sociale du rôle maternel, des connaissances cliniques et des données empiriques                                                            1. Adresse de correspondance : Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, C.P. 8888, succ. Centre-ville, Montréal (Québec), H3C 3P8. 111

 

s’appuyant sur un nombre limité de cas et des échantillons comportant des biais de sélection. Il apparaît donc important d’identifier les mythes et les préjugés qui interviennent lorsque nous sommes confrontés à cette problématique. Outre l’importance de discuter de ces aspects, il est aussi nécessaire de décrire les axes à la base des quelques typologies rapportées. Par la suite, une description de données sociodémographiques d’un échantillon de 9 femmes abuseures sexuelles (Fa) et de 15 adolescentes abuseures (Ad) responsables d’abus sexuels est effectuée à partir de résultats préliminaires. Ces sujets ont été évalués et suivis au Centre de psychiatrie légale de Montréal (CPLM affilié à l’Institut Philippe Pinel de Montréal 1  dehèots seuqseh pyno suqledéveloppt, nous nemelaniF . ) travail afin d’articuler davantage certains éléments cliniques et antécédents historiques rattachés aux abus sexuels perpétrés par des femmes et des adolescentes.   Notre conception emprunte la perspective développementale, ce qui permet de dégager des enjeux psychiques d’une autre nature que ceux retrouvés chez les abuseurs masculins. À ce titre, le processus identitaire, l’établissement de la relation d’objet, la formation de l’identité sexuelle et le développement précoce de la fonction maternelle serviront à poser des hypothèses cliniques susceptibles de donner un sens à la perpétration des abus sexuels commis par des femmes et des adolescentes. L’essentiel de notre élaboration vise à avancer que la femme et l’adolescente ne parviennent pas à intégrer les fonctions habituellement associées à la relation au conjoint et à celle à l’enfant, ces deux entités étant complètement clivées à cause de leur parcours développemental. Le passage à l’acte sexuel viendrait marquer et signer ce conflit en situant à un pôle, la version plus maternelle du conflit alors que l’autre pôle offrirait la version d’une identité sexuelle féminine du conflit lorsque le désir d’exclusivité avec un partenaire est réellement ou fantasmatiquement compromis.     INCIDENCE ET PRÉVALENCE   Plusieurs considérations nous laissent envisager une sous-estimation des taux d’incidence et de prévalence des abus sexuels perpétrés par des femmes et des adolescentes. Au premier chef, le non-dévoilement serait une des raisons à l’origine du manque de fiabilité des estimations de l’incidence (Condy, Templer, Brown et Veaco, 1987). Deschacht et Genuit (2000) ont rapporté que le Centre pénitentiaire de Rennes en France, ayant une population de 250 détenues en moyenne, a reçu 12 cas par année entre les années 1970-95 et 30 cas par année depuis. Une enquête en                                                            1. Les données ont été recueillies par une équipe multidisciplinaire de 2 ou 3 cliniciens (psychiatre, psychologue, criminologue, sexologue) qui font l’évaluation clinique à l’aide de grilles d’évaluation uniformisées et systématisées de cueillette des données (réf. Aubut, 1993, pour la grille des adultes). Ces professionnels sont tous rattachés au programme de traitement pour les délinquants sexuels adultes ou adolescents. 112RQP, 22(3)