Des princes, des docteurs et des vicissitudes économiques en Europe et aux Amériques - article ; n°4 ; vol.3, pg 63-93
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Revue française d'économie - Année 1988 - Volume 3 - Numéro 4 - Pages 63-93
The last two decades have seen the triumph of « Economism », the integration of economic considerations into the political and social fields. Princes became pedagogue, and wanted to teach, through austerity, nomics to their people. This paper tells the very remarquable story of the evolution of economic theory, of its understanding by the Princes, of what they concluded from it and of what they said about it. It distinguishes clearly rethoric from action, which, as we know, coincide only by chance. It analyses the more recent theories which will lead perhaps to future rethorics. It shows the political understanding of economic theory differs deeply in America and in the European Kingdoms.
Les vingt dernières années ont été celles du triomphe de « l'économisme », de la pénétration de l'économie dans tous les domaines du politique et du social. Les princes se sont fait pédagogues et ont voulu enseigner par la rigueur l'économie à leur populations. Cet article raconte l'histoire très remarquable des évolutions théoriques, de ce que les princes en ont compris, de ce qu'ils en ont déduit et de ce qu'ils en ont dit. Il prend soin de distinguer la réthorique de l'action dont on sait que la coïncidence ne pourrait être que fortuite. Il analyse les avances théoriques les plus récentes qui préjugeront peut-être de la réthorique future. Il montre enfin que la lecture politique des théories économiques est profondément différente dans les royaumes d'Europe et aux Amériques.
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Paul Fitoussi
Pierre-Alain Muet
Des princes, des docteurs et des vicissitudes économiques en
Europe et aux Amériques
In: Revue française d'économie. Volume 3 N°4, 1988. pp. 63-93.
Abstract
The last two decades have seen the triumph of « Economism », the integration of economic considerations into the political and
social fields. Princes became pedagogue, and wanted to teach, through austerity, nomics to their people. This paper tells the very
remarquable story of the evolution of economic theory, of its understanding by the Princes, of what they concluded from it and of
what they said about it. It distinguishes clearly rethoric from action, which, as we know, coincide only by chance. It analyses the
more recent theories which will lead perhaps to future rethorics. It shows the political understanding of economic theory differs
deeply in America and in the European Kingdoms.
Résumé
Les vingt dernières années ont été celles du triomphe de « l'économisme », de la pénétration de l'économie dans tous les
domaines du politique et du social. Les princes se sont fait pédagogues et ont voulu enseigner par la rigueur l'économie à leur
populations. Cet article raconte l'histoire très remarquable des évolutions théoriques, de ce que les princes en ont compris, de ce
qu'ils en ont déduit et de ce qu'ils en ont dit. Il prend soin de distinguer la réthorique de l'action dont on sait que la coïncidence ne
pourrait être que fortuite. Il analyse les avances théoriques les plus récentes qui préjugeront peut-être de la réthorique future. Il
montre enfin que la lecture politique des théories économiques est profondément différente dans les royaumes d'Europe et aux
Amériques.
Citer ce document / Cite this document :
Fitoussi Jean-Paul, Muet Pierre-Alain. Des princes, des docteurs et des vicissitudes économiques en Europe et aux Amériques.
In: Revue française d'économie. Volume 3 N°4, 1988. pp. 63-93.
doi : 10.3406/rfeco.1988.1194
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1988_num_3_4_1194Jean-Paul
FITOUSSI
Pierre- Alain
MUET
Des princes, des
docteurs
et des vicissitudes
économiques
en Europe et aux
Amériques г
^^^^^^^^^ hacun avait l'explication, et cha
cune fut expérimentée en laboratoire. Les résultats furent
pourtant ambigus, car les conducteurs des expériences
tout à leur volonté de bien faire, oublièrent — Dieu merci
— de reproduire toutes les conditions de la théorie et les
princes qui nous gouvernent utilisèrent une réthorique
qui ne correspondait qu'exceptionnellement à leurs
actions. Nos puissants cousins d'Amérique annoncèrent
solennellement au monde entier qu'ils allaient désormais
laisser la main invisible accomplir son oeuvre bienfaisante,
faire cesser les interférences de l'administration dans les
affaires privées : au nom de quoi ils subventionnèrent
massivement la dépense de leurs concitoyens. Dans les
divers royaumes d'Europe l'événement fit grand bruit,
mais seul le discours fut entendu : il fallait libérer les
forces productives privées, réduire l'embonpoint des
Etats, inciter à l'effort en baissant les salaires et au dyna
misme en diminuant les subventions. La population
applaudit aux prouesses des grands argentiers, tira fierté
des grands équilibres retrouvés, s'enorgueillit de la bonne
tenue des monnaies, mais resta perplexe : le conseiller
Walras n'avait-il pas affirmé que le citoyen rationel était
celui qui maximisait son utilité, ou qui minimisait l'effort
pour atteindre un niveau d'utilité donné ? Les princes se
firent alors pédagogues les européens comprirent enfin Jean-Paul Fitoussi 65
l'économie. C'est une fonction d'utilité intertemporelle
qu'il s'agissait d'optimiser. Les sacrifices des uns aujour
d'hui feront la prospérité d'autres demain. Certains mauv
ais esprits pourtant, sans parler trop fort pour ne pas
rompre le consensus retrouvé ou par crainte d'être parmi
les rares à ne pas avoir compris, laissaient poindre leur
scepticisme : et pourquoi, Messieurs les Princes d'Eu
rope, accepte-t-on le désoeuvrement de tant de nos sem
blables qui souhaitent instamment se sacrifier en travail
lant pour les générations futures ? L'effort national ne
produirait-il pas davantage de fruits si tous y partici
paient ? Et pourquoi la monnaie serait-elle plus faible si
l'on travaillait plus ? Enfin, pourquoi ne fait-on pas
comme nos cousins d'Amérique ?
Bien que légitimes ces questions étaient évidem
ment naïves. Il fallait se rendre à l'évidence et continuer
d'enseigner. Les princes firent venir les Grands Econo-
mètres et les Grands Théoriciens, avec mission d'expli
quer l'évolution des vingt dernières années. Le concilia
bule dura longtemps et notre propos est ici d'en rendre
compte.
Prologue
La fin des années soixante vit la réconciliation, sur l'es
sentiel, des docteurs keynésiens et néoclassiques. Il y eut
bien sûr quelques voix discordantes, et certains même se
préparaient dans l'ombre à organiser une sécession ; mais
il est illusoire d'attendre l'unanimité d'une société de
savants. L'acte de réconciliation portait le nom de syn
thèse néoclassique et confiait aux Grands Economètres le
soin de mesurer les élasticités des relations qui décrivaient
l'équilibre des différents marchés considérés dans la syn- Jean-Paul Fitoussi 66
thèse. Ainsi la quantification objective allait finir d'apaiser
les querelles doctrinales. Dans l'ordre des événements,
tout allait pour le mieux. La France prospérait et son
rythme de croissance n'était dépassé que par celui du
Japon. Certes les étudiants s'étaient agités et la grande
grève des ouvriers avait pendant un temps suscité des
inquiétudes. Mais très vite tout rentra dans l'ordre et le
choc d'offre (augmentation exogène de la rémunération
des serfs), parce qu'il fut aussi un choc positif de demande
et qu'il fut suivi d'une dévaluation, produisit ou accom
pagna une prospérité sans égale qui dura jusqu'en 1973,
date où les royaumes d'Arabie prirent conscience de leur
pouvoir et décidèrent de l'utiliser rationnellement.
Commença alors le grand chambardement dont nous
avons déjà dit qu'il fut l'occasion pour les princes d'ex
périmenter les théories.
Il ne serait pas exact de penser cependant que la
communauté des savants assistait béatement au triomphe
de la synthèse néoclassique. Deux docteurs réputés
(Friedman et Phelps) avaient émis, pour des raisons dif
férentes, une grande prédiction : n'importe quel taux
d'inflation était à l'équilibre compatible avec un taux de
chômage donné. Cette allait être vérifiée par
la suite, mais pour des raisons différentes, donnant aux
disciples des deux savants la certitude que leur vision était
juste. Cet épisode eût d'étranges conséquences. L'une
d'entre elles fut que les hérauts néoclassiques des années
cinquante et soixante (Modigliani, Samuelson, Solow,
Hicks pour ne citer que ceux qui furent distingués par le
roi de Suède), prirent le nom de néokeynésiens. Une autre
fut la convocation d'urgence d'un colloque de jeunes
savants pour déterminer le programme de recherche de
la macroéconomie. Il fut unaniment décidé que deux
questions essentielles devaient faire l'objet des recherches
futures : Jean-Paul Fitoussi 67
— peut-on réconcilier la rationalité des comportements
et l'existence du chômage involontaire ?
— peut-on la des
et de fluctuations macroéconomiques ?
Une division du travail fut même décrétée : les
Français (associés aux Belges) devaient prendre la re
sponsabilité des recherches portant sur la première ques
tion et les Américains devaient conduire les travaux sur
la seconde. Pour se comprendre, les savants étaient invités
à utiliser le même langage, le seul qui fût compatible avec
la rationalité, à savoir la microéconomie.
Concurremment d'autres savants s'occupèrent de
politique : la multiplication des échanges, pas seulement
diplomatiques, entre les royaumes avait affaibli le pouvoir
d

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