Abrégé de l’origine de tous les cultes
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Abrégé de l’origine de tous les cultesCharles-François Dupuis1798Plusieurs personnes ayant paru désirer que je donnasse au public l’abrégé de mongrand ouvrage sur l’origine des cultes, j’ai cru ne devoir pas différer plus longtempsà remplir leur attente. Je l’ai analysé de manière à présenter le précis des principessur lesquels ma théorie est établie, et à donner un extrait de ses plus importantsrésultats, sans m’appesantir sur les détails, que l’on trouvera toujours dans le grandouvrage. Ce second ne sera point inutile à ceux qui ont déjà le premier, puisqu’il lesdirigera dans la lecture de plusieurs volumes qui, par la nature même du travail,placent le commun des lecteurs au-delà du cercle des connaissancesordinairement requises, pour lire avec fruit et sans trop d’effort un ouvraged’érudition. Ils y trouveront un résultat succinct de leur lecture, et précisément ce quidoit rester dans la mémoire de ceux qui ne veulent pas se jeter dans l’étudeapprofondie de l’antiquité, et qui désirent néanmoins connaître son esprit religieux.Quant à ceux qui n’ont pas acquis la grande édition, ils auront dans cet abrégé unextrait des principes du nouveau système d’explications, et un tableau assezdétaillé des découvertes auxquelles il a conduit, et une idée de celles auxquelles ilpeut mener encore ceux qui suivront la route nouvellement ouverte à l’étude del’antiquité. Il offrira aux uns et aux autres des morceaux neufs qui ne sont point dansle grand ouvrage. Je ...

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Extrait

Abrégé de l’origine de tous les cultes Charles-François Dupuis 1798
Plusieurs personnes ayant paru désirer que je donnasse au public l’abrégé de mon grand ouvrage sur l’origine des cultes, j’ai cru ne devoir pas différer plus longtemps à remplir leur attente. Je l’ai analysé de manière à présenter le précis des principes sur lesquels ma théorie est établie, et à donner un extrait de ses plus importants résultats, sans m’appesantir sur les détails, que l’on trouvera toujours dans le grand ouvrage. Ce second ne sera point inutile à ceux qui ont déjà le premier, puisqu’il les dirigera dans la lecture de plusieurs volumes qui, par la nature même du travail, placent le commun des lecteurs au-delà du cercle des connaissances ordinairement requises, pour lire avec fruit et sans trop d’effort un ouvrage d’érudition. Ils y trouveront un résultat succinct de leur lecture, et précisément ce qui doit rester dans la mémoire de ceux qui ne veulent pas se jeter dans l’étude approfondie de l’antiquité, et qui désirent néanmoins connaître son esprit religieux. Quant à ceux qui n’ont pas acquis la grande édition, ils auront dans cet abrégé un extrait des principes du nouveau système d’explications, et un tableau assez détaillé des découvertes auxquelles il a conduit, et une idée de celles auxquelles il peut mener encore ceux qui suivront la route nouvellement ouverte à l’étude de l’antiquité. Il offrira aux uns et aux autres des morceaux neufs qui ne sont point dans le grand ouvrage. Je l’ai dépouillé, autant que la matière l’a permis, de la haute érudition, afin de le mettre à la portée du plus grand nombre d’hommes qu’il serait possible ; car l’instruction et le bonheur de mes semblables ont été et seront toujours le but de mes travaux.
Chapitre premier — De l’Univers-Dieu et de son culte. Chapitre II — Universalité du culte rendu à la nature, prouvée par l’histoire et par les monuments politiques et religieux. Chapitre III — De l’univers animé et intelligent. Chapitre IV — Des grandes divisions de la nature en causes active et passive, et en principes, lumière et ténèbres. Chapitre V — Explication de l’héracléide ou du poème sacré, sur les douze mois et sur le soleil, honoré sous le nom d’Hercule. Chapitre VI — Explication des voyages d’Isis ou de la lune, honorée sous ce nom en Égypte. Chapitre VII — Explication des Dionysiaques, ou du poème de Nonnus sur le soleil, adoré sous le nom de Bacchus. Chapitre VIII Chapitre IX — Explication de la fable faite sur le Soleil, adoré sous le nom de Christ. Chapitre X — Du culte et des opinions religieuses, considérés dans leurs rapports avec les devoirs de l’homme et avec ses besoins. Chapitre XI — Des mystères. Chapitre XII — Explication abrégée d’un ouvrage apocalyptique des initiés aux mystères de la Lumière, et du Soleil, adoré sous le symbole de l’Agneau du printemps ou du Bélier céleste. Abrégé de l’origine de tous les cultes : I
Le mot Dieu paraît destiné à exprimer l’idée de la force universelle et éternellement active, qui imprime le mouvement à tout dans la nature, suivant les lois d’une harmonie constante et admirable, qui se développe dans les diverses formes que prend la matière organisée, qui se mêle à tout, anime tout, et qui semble être une dans ses modifications infiniment variées, et n’appartenir qu’à elle-même. Telle est la force vive que renferme en lui l’univers ou cet assemblage régulier de tous les corps, qu’une chaîne éternelle lie entre eux, et qu’un mouvement perpétuel roule majestueusement au sein de l’espace et du temps sans bornes. C’est dans ce vaste et merveilleux ensemble que l’homme, du moment qu’il a voulu raisonner sur les causes de son existence et de sa conservation, ainsi que sur celles des effets variés qui naissent et se détruisent autour de lui, a dû placer d’abord cette cause souverainement puissante qui fait tout éclore, et dans le sein de laquelle tout rentre pour en sortir encore par une succession de générations nouvelles et sous
des formes différentes. Cette force étant celle du Monde lui-même, le Monde fut regardé comme Dieu ou comme cause suprême et universelle de tous les effets qu’il produit, et dont l’homme fait partie. Voilà le grand dieu, le premier ou plutôt l’unique dieu, qui s’est manifesté à l’homme à travers le voile de la matière qu’il anime, et qui forme l’immense corps de la Divinité. Tel est le sens de la sublime inscription du temple de Saïs [1] : Je  suis  tout  ce  qui  a  été , tout  ce  qui  est , tout  ce  qui  sera , et  nul  mortel  n’a  encore  levé  le voile  qui  me  couvre  [2] . Quoique ce dieu fût partout, et fût tout ce qui porte un caractère de grandeur et de perpétuité dans ce Monde éternel, l’homme le chercha de préférence dans ces régions élevées, où semble voyager l’astre puissant et radieux qui inonde l’univers des flots de sa lumière, et par lequel s’exerce sur la terre, la plus belle comme la plus bienfaisante action de la Divinité. C’est sur la voûte azurée, semée de feux brillants, que le Très-Haut paraissait avoir établi son trône ; c’était du sommet des cieux qu’il tenait les rênes du Monde, qu’il dirigeait les mouvements de son vaste corps, et qu’il se contemplait lui-même dans les formes aussi variées qu’admirables sous lesquelles il se modifiait sans cesse. Le  Monde , dit Pline [3] , ou  ce  que  nous  appelons  autrement  le  Ciel , qui dans  ses  vastes  flancs  embrasse  tous  les  êtres , est  un  Dieu  éternel , immense , qui  n’a  jamais  été  produit  et  ne  sera  jamais  détruit . Chercher  quelque  chose  au -delà  est  un  travail  inutile  à  l’homme  et  hors  de  sa  portée . Voilà  l’Être  véritablement  sacré , l’Être éternel , immense , qui  renferme  tout  en  lui ; il  est  tout  en  tout , ou  plutôt  il  est  lui -même  tout . Il  est  l’ouvrage  de  la  Nature  et  la  Nature elle -même . Ainsi parle le plus philosophe comme le plus savant des naturalistes anciens. Il croit devoir donner au Monde et au ciel le nom de cause suprême et de Dieu. Suivant lui, le Monde travaille éternellement en lui-même et sur lui-même ; il est en même temps, et l’ouvrier, et l’ouvrage. Il est la cause universelle de tous les effets qu’il renferme. Rien n’existe hors de lui : il est tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera, c’est-à-dire, la nature elle-même ou Dieu ; car par Dieu nous entendons l’être éternel, immense et sacré, qui, comme cause, contient en lui tout ce qui est produit. Tel est le caractère que Pline donne au Monde, qu’il appelle le grand dieu, hors duquel on ne doit pas en chercher d’autre. Cette doctrine remonte à la plus haute antiquité chez les Égyptiens et chez les indiens. Les premiers avaient leur grand Pan, qui réunissait tous les caractères de la nature universelle, et qui originairement n’était qu’une expression symbolique de sa force féconde. Les seconds ont leur dieu Vishnou, qu’ils confondent souvent avec le Monde lui-même, quoique quelquefois ils n’en fassent qu’une fraction de la triple force dont se compose la force universelle. Ils disent que l’univers n’est autre chose que la forme de Vishnou ; qu’il le porte dans son sein ; que tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera, est en lui ; qu’il est le principe et la fin de toutes choses, qu’il est tout, qu’il est un être unique et suprême, qui se produit à nos yeux sous mille formes. C’est un être infini, ajoute le Bagawadam, qui ne doit pas être séparé de l’univers, qui est essentiellement un avec lui. Car, disent les Indiens, Vishnou est tout, et tout est en lui ; expression parfaitement semblable à celle dont Pline se sert pour caractériser l’Univers-Dieu ou le Monde, cause suprême de tous les effets produits. Dans l’opinion des Brahmes, comme dans celle de Pline, l’ouvrier ou le grand Demiourgos n’est pas séparé ni distingué de son ouvrage. Le Monde n’est pas une machine étrangère à la Divinité, créée et mue par elle et hors d’elle ; c’est le développement de la substance divine ; c’est une des formes sous laquelle Dieu se produit à nos regards. L’essence du Monde est une et indivisible avec celle de Brama qui l’organise. Qui voit le Monde voit Dieu, autant que l’homme peut le voir ; comme celui qui voit le corps de l’homme et ses mouvements, voit l’homme autant qu’il peut être vu, quoique le principe de ses mouvements, de sa vie et de son intelligence reste caché sous l’enveloppe que la main touche et que l’œil aperçoit. Il en est e même du corps sacré de la Divinité ou de l’Univers-Dieu. Rien n’existe qu’en lui et que par lui : hors de lui tout est néant ou abstraction. Sa force est celle de la Divinité même. Ses mouvements sont ceux du Grand-Être, principe de tous les autres ; et son ordre admirable, l’organisation de sa substance visible, et de la partie de lui-même que Dieu montre à l’homme. C’est dans ce magnifique spectacle que la Divinité nous donne d’elle-même, que nous avons puisé les premières idées de Dieu ou de la cause suprême ; c’est sur lui que se sont attachés les regards de tous ceux qui ont cherché les sources de la vie de tous les êtres. Ce sont les membres divers de ce corps sacré du Monde qu’ont adoré les premiers hommes ; et non pas de faibles mortels que le torrent des siècles emporte dans son courant. Et quel homme en effet eût jamais pu soutenir le parallèle qu’on eût voulu établir entre lui et la nature ? Si l’on prétend que c’est à la force que l’on a élevé d’abord des autels, quel est le mortel dont la force ait pu être comparée à cette force incalculable répandue dans toutes les parties du Monde, qui s’y développe sous tant de formes et par tant de degrés variés ; qui produit tant d’effets merveilleux, qui tient en équilibre le soleil au centre du système planétaire, qui pousse les planètes et les retient dans leurs orbites, qui déchaîne les vents, soulève les mers ou calme les tempêtes, lance la foudre, déplace et bouleverse les montagnes par les explosions volcaniques, et tient dans une activité éternelle tout l’univers ? Croyons-nous que l’admiration que cette force produit aujourd’hui sur nous ait pas également saisi les premiers mortels qui contemplèrent en silence le spectacle du Monde, et qui cherchèrent à deviner la cause puissante qui faisait jouer tant de ressorts ? Que le fils d’Alcmène ait remplacé l’Univers-Dieu et l’ait fait oublier, n’est-il pas plus simple de croire que l’homme, ne pouvant peindre la force de la nature que par des images aussi faibles que lui, a cherché dans celle du lion ou dans celle d’un homme robuste l’expression figurée, qu’il destinait à réveiller l’idée de la force du Monde ? Ce n’est point l’homme ou Hercule qui s’est élevé à la hauteur de la Divinité ; c’est la Divinité qui a été abaissée au niveau de l’homme, qui manquait de moyens pour la peindre. Ce ne fut donc point l’apothéose des hommes, mais la dégradation de la Divinité par les symboles et les images, qui a semblé déplacer tout dans le culte rendu à la cause suprême et à ses parties, et dans les fêtes destinées à chanter ses plus grandes opérations. Si c’est à la reconnaissance des hommes pour les bienfaits qu’ils avaient reçus, que l’on croit devoir attribuer l’institution des cérémonies religieuses et des mystères les plus augustes de l’antiquité, peut-on penser que des mortels, soit Cérès, soit Bacchus, aient mieux mérité de l’homme, que cette terre qui de son sein fécond fait éclore les moissons et les fruits que le ciel alimente de ses eaux, et que le soleil échauffe et mûri de ses feux ? Que la nature qui nous prodigue ses biens, ait été oubliée, et qu’on ne se soit souvenu que de quelques mortels qui auraient enseigné à en faire usage ? Penser ainsi, c’est bien peu connaître l’empire que la nature a toujours exercé sur l’homme, dont elle tient sans cesse les regards tournés vers elle, par l’effet du sentiment de sa dépendance et de ses besoins. Il est vrai que quelquefois des mortels audacieux ont voulu disputer aux vrais dieux leur encens, et le partager avec eux ; mais ce culte
forcé ne dura qu’autant de temps que la flatterie ou la crainte eut intérêt de le perpétuer. Domitien n’était déjà plus qu’un monstre sous Trajan ; Auguste lui-même fut bientôt oublié ; mais Jupiter resta en possession du capitole. Le vieux Saturne fut toujours respecté des descendants des antiques peuplades d’Italie, qui révéraient en lui le dieu du temps, ainsi que Janus ou le génie qui lui ouvre la carrière des saisons ; Pomone et Flore conservèrent leurs autels ; et les différents astres continuèrent d’annoncer les fêtes du calendrier sacré, parce qu’elles étaient celles de la nature. La raison des obstacles qu’a toujours trouvés le culte d’un homme à s’établir et à se soutenir parmi ses semblables, est tirée de l’homme même, comparé au Grand-Être que nous appelons l’univers. Tout est faiblesse dans l’homme ; dans l’univers, tout est grandeur, tout est force, tout est puissance. L’homme naît, croît et meurt, et partage à peine un instant la durée éternelle du Monde, dont il occupe un point infiniment petit. Sorti de la poussière, il y rentre aussitôt tout entier, tandis que la nature seule reste avec ses formes et sa puissance, et des débris des êtres mortels elle recompose de nouveaux êtres. Elle ne connaît point de vieillesse ni d’altération dans ses forces. Nos pères ne l’ont point vue naître ; nos arrières neveux ne la verront point finir. En descendant au tombeau, nous la laisserons aussi jeune qu’elle l’était lorsque nous sommes sortis de son sein. La postérité la plus reculée verra le soleil se lever aussi brillant que nous le voyons, et que l’ont vu nos pères. Naître, croître, vieillir et mourir expriment des idées qui sont étrangères à la nature universelle, et qui n’appartiennent qu’à l’homme et aux autres effets qu’elle produit. L’Univers , dit Ocellus de Lucanie (c. 1, § 6), considéré  dans  sa  totalité , ne  nous  annonce  rien  qui  décèle  une  origine  ou  présage  une  destruction : on  ne  l’a pas  vu  naître , ni  croître , ni  s’améliorer ; il  est  toujours  le  même , de  la  même  manière , toujours  égal  et  semblable  à  lui -même . Ainsi parlait un des plus anciens philosophes dont les écrits soient parvenus jusqu’à nous, et depuis lui nos observations ne nous en ont pas appris davantage. L’Univers nous paraît tel encore qu’il lui paraissait être alors. Ce caractère de perpétuité sans altération, n’est-il pas celui de la Divinité ou de la cause suprême ? Que serait donc Dieu, s’il n’était pas tout ce que nous paraissent être la nature et la force interne qui la meut ? Irons-nous chercher hors du Monde cet être éternel et improduit, dont rien ne nous atteste l’existence ? Placerons-nous dans la classe des effets produits cette immense cause au-delà de laquelle nous ne voyons rien que les fantômes qu’il plaît à notre imagination de créer ? Je sais que l’esprit de l’homme, que rien n’arrête dans ses écarts, s’est élancé au-delà de ce que son œil voit, et a franchi la barrière sacrée que la Nature avait posée devant son sanctuaire. Il a substitué à la cause qu’il voyait agir, une cause qu’il ne voyait pas hors d’elle et supérieure à elle, sans s’inquiéter des moyens d’en prouver la réalité. Il a demandé qui a fait le Monde, comme s’il eût été prouvé que le Monde eût été fait, et il n’a pas demandé qui a fait son dieu, étranger au Monde, bien persuadé qu’on pouvait exister sans avoir été fait ; ce que les philosophes ont pensé effectivement du Monde ou de la cause universelle et visible. L’homme, parce qu’il n’est qu’un effet, a voulu que le Monde en fût aussi un, et dans le délire de sa métaphysique il a imaginé un être abstrait appelé Dieu, séparé du Monde et cause du Monde, placé au dessus de la sphère immense qui circonscrit le système de l’univers, et lui seul s’est trouvé garant de l’existence de cette nouvelle cause ; c’est ainsi que l’homme a créé Dieu. Mais cette conjecture audacieuse n’est point le premier pas qu’il a fait. L’empire qu’exerce sur lui la cause visible, est trop fort pour qu’il ait songé sitôt à s’y soustraire. Il a cru longtemps au témoignage de ses yeux avant de se livrer aux illusions de son imagination, et de se perdre dans les routes inconnues d’un Monde invisible. Il a vu Dieu ou la grande cause dans l’univers, avant de le chercher au-delà, et il a circonscrit son culte dans la sphère du Monde qu’il voyait, avant d’imaginer un dieu abstrait dans un Monde qu’il ne voyait pas. Cet abus de l’esprit, ce raffinement de la métaphysique est d’une date très récente dans l’histoire des opinions religieuses, et peut être regardé comme une exception à la religion universelle, qui a eu pour objet la nature visible et a pour objet la nature visible et la force active et intelligente qui paraît répandue dans toutes ses parties, comme il nous est facile de nous en assurer par le témoignage des historiens et par les monuments politiques et religieux de tous les peuples anciens.
Notes 1. ↑ De  Iside , 2. ↑ Platon, in Tim., p. 31, parlant de l’unité du monde, appelle le Ciel : Cet Être unique qui  a  été , qui  est  et  qui  sera . 3. ↑ Histoires  naturelles , II, 1.
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Abrégé de l’origine de tous les cultes : II
Ce n’est plus par des raisonnements que nous chercherons à prouver que l’Univers et ses parties, considérés comme autant de portions de la grande cause ou du Grand-Être, ont dû attirer les regards et les hommages des mortels. C’est par des faits et par un précis de l’histoire religieuse de tous les peuples, que nous pouvons démontrer que ce qui a dû être a été effectivement, et que tous les hommes de tous les pays, dès la plus haute antiquité, n’ont eu d’autres dieux que les dieux naturels, c’est-à-dire, le Monde et ses parties les plus actives et les plus brillantes, le ciel, la terre, le soleil, la lune, les planètes, les astres fixes, les éléments, et en général tout ce qui porte le caractère de cause et de perpétuité dans la nature. Peindre et chanter le Monde et ses opérations, c’était autrefois peindre et chanter la divinité. De quelque côté que nous jetions nos regards (dans l’ancien comme dans le nouveau continent), partout la nature et ses principaux agents ont eu des autels. C’est son corps auguste, ce sont ses membres sacrés qui ont été l’objet de la vénération des peuples. Chérémon et les plus savants prêtres de l’Égypte étaient persuadés, comme Pline, qu’on ne devait admettre rien hors le Monde, ou hors la cause visible, et ils appuyaient leur opinion de celle des plus anciens Égyptiens, qui  ne  reconnaissaient , disent-ils, pour
dieux , que  le  soleil , la  lune , les  planètes , les  astres  qui  composent  le  zodiaque , et  tous  ceux  qui , par  leur  lever  ou  leur  coucher , marquent  les  divisions  des  signes , leurs  sous  divisions  en  décans , l’horoscope  et  les  astres  qui  y  président , et  que  l’on  nomme chefs  puissants  du  ciel . Ils  assuraient  que  les  Égyptiens , regardant  le  soleil  comme  un  grand  dieu , architecte  et  modérateur  de l’Univers , expliquaient  non  seulement  la  fable  d’Osiris , mais  encore  toutes  leurs  fables  religieuses  généralement  par  les  astres  et par  le  jeu  de  leurs  mouvements , par  leur  apparition , leur  disparition , par  les  phases  de  la  lune , par  les  accroissements  ou  la diminution  de  sa  lumière , par  la  marche  progressive  du  soleil , par  les  divisions  du  ciel  et  du  temps  dans  leurs  deux  grandes parties , l’une  affectée  au  jour  et  l’autre  à  la  nuit ; par  le  Nil ; enfin , par  l’action  des  causes  physiques . Ce  sont  , disaient-ils, les dieux  arbitres  souverains  de  la  fatalité  que  nos  pères  ont  honorés  par  des  sacrifices , et  à  qui  ils  ont  élevé  des  images . Effectivement, nous avons fait voir dans notre grand ouvrage, que les animaux mêmes, consacrés dans les temples de l’Égypte, et honorés par un culte, représentaient les diverses fonctions de la grande cause, et se rapportaient au ciel, au soleil, à la lune et aux différentes constellations, comme l’a très bien aperçu Lucien. Ainsi la belle étoile Sirius ou la canicule fut honorée sous le nom d’Anubis, et sous la forme d’un chien sacré, nourri dans les temples. L’épervier représenta le soleil, l’ibis la lune, et l’astronomie fut l’âme de tout le système religieux des Égyptiens. C’est au soleil et à la lune, adorés sous les noms d’Osiris et d’Isis, qu’ils attribuaient le gouvernement du Monde, comme à deux divinités premières et éternelles, dont dépendait tout le grand ouvrage de la génération et de la végétation dans notre Monde sublunaire. Ils bâtirent, en l’honneur de l’astre qui nous distribue la lumière, la ville du soleil ou d’Héliopolis, et un temple dans lequel ils placèrent la statue de ce dieu. Elle était dorée, et représentait un jeune homme sans barbe, dont le bras était élevé, et qui tenait en main un fouet, dans l’attitude d’un conducteur de chars ; dans sa main gauche était la foudre et un faisceau d’épis. C’est ainsi qu’ils désignèrent la puissance et tout ensemble la bienfaisance du dieu qui allume les feux de la foudre, et qui verse ceux qui font croître et mûrir les moissons. Le fleuve du Nil, dont le débordement périodique vient tous les ans féconder par son limon les campagnes de l’Égypte, fut aussi honoré comme dieu ou comme une des causes bienfaisantes de la nature. Il eut des autels et des temples à Nilopolis ou dans la ville du Nil. Près des cataractes, au dessus d’éléphantine, il y avait un collège de prêtres attachés à son culte. On célébrait les fêtes les plus pompeuses en son honneur, au moment surtout où il allait épancher dans la plaine les eaux qui tous les ans venaient la fertiliser. On promenait dans les campagnes sa statue en grande cérémonie ; on se rendait ensuite au théâtre ; on assistait à des repas publics ; on célébrait des danses et l’on entonnait des hymnes semblables à celles qu’on adressait à Jupiter, dont le Nil faisait la fonction sur le sol d’Égypte. Toutes les autres parties actives de la nature reçurent les hommages des Égyptiens. On lisait sur une ancienne colonne une inscription en l’honneur des dieux immortels, et les dieux qui y sont nommés, sont le Souffle ou l’Air, le Ciel, la Terre, le Soleil, la Lune, la Nuit et le Jour. Enfin le monde, dans le système égyptien, était regardé comme une grande divinité, composé de l’assemblage d’une foule de dieux ou de causes partielles, qui n’étaient autre chose que les divers membres du grand corps appelé Monde ou de l’Univers-Dieu. Les Phéniciens, qui avec les Égyptiens ont le plus influé sur la religion des autres peuples, et qui ont répondu dans l’Univers leurs théogonies, attribuaient la divinité au soleil, à la lune, aux étoiles, et ils les regardaient comme les seules causes de la production et de la destruction de tous les êtres. Le soleil, sous le nom d’Hercule, était leur grande divinité. Les Éthiopiens, pères des Égyptiens, placés sous un climat brûlant, n’en adoraient pas moins la divinité du soleil, et surtout celle de la lune, qui présidait aux nuits, dont la douce fraîcheur faisait oublier les ardeurs du jour. Tous les africains sacrifiaient à ces deux grandes divinités. C’est en Éthiopie que l’on trouvait la fameuse table du soleil. Ceux des Éthiopiens qui habitaient au dessus de Méroë, admettaient des dieux éternels et d’une nature incorruptible, nous dit Diodore, tels que le soleil, la lune, et tout l’Univers ou le Monde. Semblables aux Incas du Pérou, ils se disaient enfants du soleil, qu’ils regardaient comme leur premier père ; Persina était prêtresse de la lune, et le roi son époux, prêtre du Soleil. Les Troglodytes avaient dédié une fontaine à l’astre du jour : près du temple d’Ammon on voyait un rocher consacré au vent du midi, et une fontaine du Soleil. Les Blemmyes, situés sur les confins de l’Égypte et de l’Éthiopie, immolaient des victimes humaines au soleil ; la roche Bagia et l’île Nasala, situées au-delà du territoire des Ichthyophages, étaient consacrées à cet astre. Aucun homme n’osait approcher de cette île, et des récits effrayants en écartaient le mortel assez hardi pour y porter un pied profane. C’est ainsi que, dans l’ancienne Cyrénaïque, il y avait un rocher, sur lequel personne ne pouvait sans crime porter la main ; il était consacré auvent d’Orient. Les divinités invoquées comme témoins, dans le traité des Carthaginois avec Philippe, fils de Démétrius, sont le Soleil, la Lune, la Terre, les Rivières, les Prairies et les Eaux. Massinissa, remerciant les dieux de l’arrivée de Scipion dans son empire, s’adresse au soleil. Encore aujourd’hui, les habitants de l’île Socotora et les hottentots conservent l’ancien respect que les africains eurent toujours pour la lune, qu’ils regardaient comme le principe de la végétation sublunaire ; ils s’adressent à elle pour obtenir de la pluie, du beau temps et de bonnes récoltes. Elle est pour eux une divinité bienfaisante, telle que l’était Isis chez les Égyptiens. Tous les Africains qui habitent la côte d’Angola et du Congo, révéraient le soleil et la lune. Les insulaires de l’île de Ténériffe les adoraient aussi, ainsi que les planètes et les autres astres, lorsque les espagnols y arrivèrent. La Lune était la grande divinité des Arabes. Les sarrasins lui donnaient l’épithète de Cabar ou de Grande ; son croissant orne encore les monuments religieux des turcs. Son exaltation sous le signe du taureau, fut une des principales fêtes des sarrasins et des Arabes sabéens. Chacune des tribus Arabes était sous l’invocation d’un astre ; la tribu Hamyaz était consacrée au soleil. La tribu Cennah l’était à la lune ; la tribu Misa était sous la protection de l’étoile Aldebaran ; la tribu Taï sous celle de Canopus ; la tribu Kaïs, sous celle de Sirius ; les tribus Lachamus et Idamus honoraient la planète de Jupiter ; la tribu Asad celle de Mercure, et ainsi des autres. Chacune révérait un des corps célestes, comme son génie tutélaire. Atra, ville d’Arabie, était consacrée au soleil, et renfermait de riches offrandes déposées dans son temple. Les anciens Arabes donnaient souvent à leurs enfants le titre de serviteurs du Soleil.
La Caabah des Arabes, avant Mahomet, était un temple consacré à la Lune ; la pierre noire que les musulmans baisent avec tant de dévotion aujourd’hui, est, à ce qu’on prétend, une ancienne statue de Saturne. Les murailles de la grande mosquée de Koufah, bâtie sur les fondements d’un ancien Pyrée ou temple du feu, sont chargées de figures de planète artistement sculptées. Le culte ancien des Arabes était le sabisme, religion universellement répandue en Orient ; le ciel et les astres en étaient le premier objet. Cette religion était celle des anciens Chaldéens, et les orientaux prétendent que leur Ibrahim ou Abraham fut élevé dans cette doctrine. On trouve encore à Hellé, sur les ruines de l’ancienne Babylone, une mosquée appelée Mesced Eschams ou mosquée du Soleil. C’est dans cette ville qu’était l’ancien temple de Bel ou du Soleil, la grande divinité des Babyloniens ; c’est le même dieu auquel les Perses élevèrent des temples et consacrèrent des images sous le nom de Mithra. Ils honoraient aussi le Ciel sous le nom de Jupiter, la Lune et Vénus, le Feu, la Terre, l’Air ou le Vent, l’Eau, et ne reconnaissaient pas d’autres dieux dès la plus haute antiquité. En lisant les livres sacrés des anciens Perses, contenus dans la collection des livres zends, on trouve à chaque page des invocations adressées à Mithra, à la lune, aux astres, aux éléments, aux montagnes, aux arbres et à toutes les parties de la nature. Le feu éther, qui circule dans tout l’Univers, et dont le soleil est le foyer le plus apparent, était représenté dans les Pyrées, par le feu sacré et perpétuel entretenu par les mages. Chaque planète, qui en contient une portion, avait son Pyrée ou son temple particulier, où l’on brûlait de l’encens en son honneur : on allait dans la chapelle du Soleil rendre des hommages à cet astre et y célébrer sa fête ; dans celle de Mars et de Jupiter, etc. Honorer Mars et Jupiter, et ainsi des autres planètes. Avant d’en venir aux mains avec Alexandre, Darius, roi de Perse, invoque le soleil, Mars et le feu sacré éternel. Sur le haut de sa tente était une image de cet astre, renfermée dans le cristal, et qui réfléchissait au loin des rayons. Parmi les ruines de Persépolis, on distingue la figure d’un roi à genoux devant l’image du soleil ; tout près est le feu sacré conservé par les mages, et que Persée, dit-on, avait fait autrefois descendre sur la terre. Les Parsis, ou les descendants des anciens disciples de Zoroastre, adressent encore leurs prières au soleil, à la lune, aux étoiles, et principalement au feu, comme au plus subtil et au plus pur des éléments. On conservait surtout ce feu dans l’Aderbighian, où était le grand Pyrée des Perses, et à Asaac , dans le pays des Parthes. Les Guèbres établis à Surate conservent précieusement dans un temple, remarquable par sa simplicité, le feu sacré dont Zoroastre enseigna le culte à leurs pères. Niebuhr vit un de ces foyers, où l’on prétend que le feu se conserve depuis plus de deux cents ans sans jamais s’éteindre. Valarsacès éleva un temple à Armavir dans l’ancienne Phasiane, sur les bords de l’Araxe, et il y consacra la statue du Soleil et de la Lune, divinités adorées autrefois par les Ibériens, par les Albaniens et les Colchidiens. Cette dernière planète surtout était révérée dans toute cette partie de l’Asie, dans l’Arménie et dans la Cappadoce, ainsi que le dieu Mois , que la Lune engendre par sa révolution. Toute l’Asie Mineure, la Phrygie, l’Ionie étaient couvertes de temples élevés aux deux grands flambeaux de la nature. La Lune, sous le nom de Diane, avait un magnifique temple à Éphèse. Le dieu Mois avait le sien près Laodicée, et en Phrygie ; le Soleil était adoré à Thymbrée dans la Troade, sous le nom d’Apollon. L’île de Rhodes était consacrée au soleil, auquel on avait élevé une statue colossale, connue sous le nom de colosse de Rhodes. Au nord de l’Asie, les Turcs établis près du Caucase, avaient un grand respect pour le feu, pour l’eau, pour la terre, qu’ils célébraient dans leurs hymnes sacrés. Les Abasges, relégués au fond de la mer Noire, révéraient encore, du temps de Justinien, les bois, les forêts, et faisaient des arbres leurs principales divinités. Toutes les nations scythiques, qui erraient dans les immenses contrées qui sont au nord de l’Europe et de l’Asie, avaient pour principale divinité la terre, d’où ils tiraient leur subsistance, eux et leurs troupeaux ; ils la faisaient femme de Jupiter ou du ciel, qui verse en elle les pluies qui la fécondent. Les tarares qui habitent à l’Orient de l’Imaüs, adorent le soleil, la lumière, le feu, la terre, et offrent à ces divinités les prémices de leur nourriture, principalement le matin. Les anciens Massagètes avaient pour divinité unique le soleil, à qui ils immolaient des chevaux. Les Derbices, peuples d’Hyrcanie, rendaient un culte à la terre. Tous les Tartares en général ont le plus grand respect pour le soleil ; ils le regardent comme le père de la lune, qui emprunte de lui sa lumière ; ils font des libations en l’honneur des éléments, et surtout en l’honneur du feu et de l’eau. Les Votiaks du gouvernement d’Orenbourg adorent la divinité de la terre, qu’ils appellent Mon-Kalzin ; le dieu des eaux, qu’ils nomment Vou-Imnar ; ils adorent aussi le Soleil, comme le siége de leur grande divinité. Les Tatars, montagnards du territoire d’Oudiusk, adorent le Ciel et le Soleil. Les Moskaniens sacrifiaient à un être suprême qu’ils appelaient Schkai ; c’est le nom qu’ils donnaient au ciel. Lorsqu’ils faisaient leurs prières, ils regardaient l’Orient, ainsi que tous les peuples d’origine tchoude. Les Tchouvasches mettaient le soleil et la lune au nombre de leurs divinités ; ils sacrifiaient au soleil au commencement du printemps, au temps des semailles, et à la lune à chaque renouvellement. Les Toungouses adorent le soleil, et ils en font leur principale divinité ; ils le représentent par l’emblème du feu. Les Huns adoraient le Ciel et la Terre, et leur chef prenait le titre de Tanjaou ou de fils du Ciel. Les Chinois, placés à l’extrémité orientale de l’Asie, révèrent le ciel sous le nom u grand Tien, et ce nom désigne, suivant les uns, l’esprit du ciel ; suivant d’autres, le ciel matériel. C’est l’Uranus des Phéniciens, des Atlantes et des Grecs. L’être suprême, dans le chou King, est désigné par le nom de Tien ou de Ciel, et de Chang-Tien, Ciel suprême. Les Chinois disent de ce ciel, qu’il pénètre tout et comprend tout.
On trouve à la Chine les temples du Soleil et de la Lune, et celui des étoiles du nord. On voit Thait-Tçoum aller au Miao offrir un holocauste au Ciel et à la Terre. On trouve pareillement des sacrifices faits aux dieux des montagnes et des fleuves. Agoustha fait des libations à l’auguste Ciel et à la Terre reine. Les Chinois ont élevé un temple au Grand-Être résultant de l’assemblage du ciel, de la terre et des éléments ; être qui répond à notre mode, et qu’ils nomment Tay-Ki : c’est aux deux solstices que les Chinois vont rendre un culte au Ciel. Les peuples du Japon adorent les astres, et les supposent animés par des intelligences ou par des dieux. Ils ont leur temple de la splendeur du soleil ; ils célèbrent la fête de la Lune le 7 de septembre. Le peuple passe la nuit à se réjouir à la lumière de cet astre. Les habitants de la terre d’Yeço adorent le Ciel. Il n’y a pas encore neuf cents ans que les habitants de l’île Formose ne connaissaient point d’autres dieux que le soleil et la lune, qu’ils regardaient comme deux divinités ou causes suprêmes ; idée absolument semblable à celle que les Égyptiens et les Phéniciens avaient de ces deux astres. Les Arrakanois ont élevé dans l’île de Munay un temple à la lumière, sous le nom de temple des atomes du Soleil. Les habitants du Tunquin révèrent sept idoles célestes, qui représentent les sept planètes, et cinq terrestres consacrées aux éléments. Le Soleil et la Lune ont leurs adorateurs dans l’île de Ceylan, la Tapobrane des anciens : on y rend aussi un culte aux autres planètes. Ces deux premiers astres sont les seules divinités des naturels de l’île de Sumatra ; ce sont les mêmes dieux que l’on honore dans l’île de Java, dans l’île Cébèles, aux îles de la Sonde, aux Moluques, aux îles Philippines. Les Talapoins ou les religieux de Siam ont la plus grande vénération pour tous les éléments, et pour toutes les parties du corps sacré de la nature. Les Indiens ont un respect superstitieux pour les eaux du fleuve du Gange ; ils croient à sa divinité, comme les Égyptiens à celle du Nil. Le Soleil a été une des grandes divinités des Indiens, si l’on en croit Clément D’Alexandrie. Les Indiens, même les spiritualistes, révèrent ces deux grands flambeaux de la nature, le soleil et la lune, qu’ils appellent les deux yeux de la divinité. Ils célèbrent tous les ans une fête en honneur du Soleil, le 9 janvier. Ils admettent cinq éléments, auxquels ils ont élevé cinq pagodes. Les sept planètes sont encore adorées aujourd’hui sous différents noms dans le royaume de Népal : on leur sacrifie chaque jour. Lucien prétend que les Indiens, en rendant leurs hommages au soleil, se tournaient vers l’Orient, et que, gardant un profond silence, ils formaient une espèce de danse imitative du mouvement de cet astre. Dans un de leurs temples on avait représenté le dieu de la lumière monté sur un quadrige ou sur un char attelé de quatre chevaux. Les anciens Indiens avaient aussi leur feu sacré, qu’ils tiraient des rayons du soleil, sur le sommet d’une très haute montagne, qu’ils regardaient comme le point central de l’Inde. Les Brahmes entretiennent encore aujourd’hui, sur la montagne de Tirounamaly, un feu pour lequel ils ont la plus grande vénération. Ils vont au lever du soleil puiser de l’eau dans un étang, et ils en jettent vers cet astre, pour lui témoigner leur respect et leur reconnaissance, de ce qu’il a voulu reparaître et dissiper les ténèbres de la nuit. C’est sur l’autel du soleil qu’ils allumèrent les flambeaux qu’ils devaient porter devant Phaotès leur nouveau roi, qu’ils voulaient recevoir. L’auteur du Bagawadam reconnaît que plusieurs Indiens adressent des prières aux étoiles fixes et aux planètes. Ainsi le culte du Soleil, des Astres et des Éléments a formé le fonds de la religion de toute l’Asie, c’est-à-dire, des contrées habitées par les plus grandes, par les plus anciennes comme les plus savantes nations, par celles qui ont le plus influé sur la religion des peuples d’occident, et en général sur celle de l’Europe. Aussi, lorsque nous reportons nos regards sur cette dernière partie de l’ancien Monde, y trouvons-nous le sabisme ou le culte du Soleil, de la Lune et des Astres également répandus, quoique souvent déguisé sous d’autres noms, et sous des formes savantes qui les ont fait méconnaître quelquefois de leurs adorateurs. Les anciens Grecs, si l’on en croit Platon, n’avaient d’autres dieux que ceux qu’adoraient les Barbares, du temps où vivait ce philosophe, et ces dieux étaient le soleil, la lune, les astres, le ciel et la terre. Epicharmis, disciple de Pythagore, appelle dieux le soleil, la lune, les astres, la terre, l’eau et le feu. Orphée regardait le soleil comme le plus grand des dieux, et montant avant le jour sur un lieu élevé, il y attendait l’apparition de cet astre pour lui rendre des hommages. Agamemnon dans Homère, sacrifie au Soleil et à la Terre. Le chœur, dans l’Œdipe de Sophocle, invoque le Soleil, comme étant le premier de tous les dieux et leur chef. La Terre était adorée dans l’île de Cos : elle avait un temple à Athènes et à Sparte ; son autel et son oracle à Olympie. Celui de Delphes lui fut originairement consacré. En lisant Pausanias, qui nous a donné la description de la Grèce et de ses monuments religieux, on retrouve partout des traces du culte de la nature : on y voit des autels, des temples, des statues consacrées au Soleil, à la Lune, à la Terre, aux Pléiades, au Cocher céleste, à la Chèvre, à l’Ourse ou à Callisto, à la Nuit, aux Fleuves, etc. On voyait en Laconie, sept colonnes élevées aux sept planètes. Le Soleil avait sa statue, et la Lune sa fontaine sacrée à Thalma, dans ce même pays.
Les habitants de Mégalopolis sacrifiaient au vent Borée, et lui avaient fait planter un bois sacré. Les Macédoniens adoraient Estia ou le Feu, et adressaient des prières à Bedy ou à l’élément de l’eau ; Alexandre, roi de Macédoine, sacrifie au Soleil, à la Lune et à la Terre. L’oracle de Dodone, dans toutes ses réponses, exige que l’on sacrifie au fleuve Achéloüs ; Homère donne l’épithète de sacrées aux eaux de l’Alphée, Nestor et les Pyliens sacrifient un taureau à ce fleuve. Achille laisse croître ses cheveux en honneur du Spherchius ; il invoque aussi le vent Borée et le Zéphyr. Les fleuves étaient réputés sacrés et divins, tant à cause de la perpétuité de leurs cours, que parce qu’ils entretenaient la végétation, abreuvaient les plantes et les animaux, et parce que l’eau est un des premiers principes de la nature, et un des plus puissants agents de la force universelle du grand être. En Thessalie, on nourrissait des corbeaux sacrés en l’honneur du soleil. On trouve cet oiseau sur les monuments du Mithra en Perse. Les temples de l’ancienne Byzance étaient consacrés au Soleil, à la Lune et à Vénus. Ces trois astres, ainsi que l’Arcture ou la belle étoile du Bouvier, les douze signes du zodiaque, y avaient leurs idoles. Rome et l’Italie conservaient aussi une foule de monuments du culte rendu à la nature et à ses agents principaux. Tatius venant à Rome partager le sceptre de Romulus, élevé des temples au Soleil, à la Lune, à Saturne, à la Lumière et au Feu. Le feu éternel ou Vesta était le plus ancien objet du culte des romains ; des vierges étaient chargées de l’entretenir dans le temple de cette déesse, comme les mages en Asie dans leurs Pyrées ; car c’était le même culte que celui des Perses. C’était, dit Jornandès, une image des feux éternels qui brillent au ciel. Tout le Monde connaît le fameux temple de Tellus ou de la Terre, qui servit souvent aux assemblées du sénat. La Terre prenait le nom de mère, et était regardée comme une Divinité avec les mânes. On trouvait dans le Latium une fontaine du Soleil, auprès de laquelle étaient élevés deux autels, sur lesquels Énée arrivant en Italie sacrifia. Romulus institua les jeux du cirque en l’honneur de l’astre qui mesure l’année dans son cour, et des quatre éléments qu’il modifie par son action puissante. Aurélien fit bâtir à Rome le temple de l’astre du jour, qu’il enrichit d’or et de pierreries. Auguste, avant lui, y avait fait apporter d’Égypte les images du Soleil et de la Lune, qui ornèrent son triomphe sur Antoine et sur Cléopâtre. La Lune avait son temple sur le Mont-Aventin. Si nous passons en Sicile, nous y voyons des bœufs consacrés au Soleil. Cette île elle-même porta le nom d’île du Soleil. Les bœufs que mangèrent les compagnons d’Ulysse en y arrivant, étaient consacrés à cet astre. Les habitants d’Assora adoraient le fleuve Chrysas, qui coulait sous leurs murs, et qui les abreuvait de ses eaux. Ils lui avaient élevé un temple et une statue ; à Enguyum on adorait les déesses-mères, les mêmes divinités qui étaient honorées en Crète, c’est-à-dire, la grande et la petite Ourse. En Espagne, les peuples de la Bétique avaient bâti un temple en honneur de l’étoile du matin et du crépuscule. Les Accitains avaient élevé au dieu Soleil, sous le nom de Mars, une statue dont la tête rayonnante exprimait la nature de cette divinité. À Cadix ce même dieu était honoré, sous le nom d’Hercule, dès la plus haute antiquité. Toutes les nations du nord de l’Europe, connues sous la dénomination générale de nations celtiques, rendaient un culte religieux au Feu, à l’Eau, à l’Air, à la Terre, au Soleil, à la Lune, aux Astres, à la Voûte des cieux, aux Arbres, aux Rivières, aux Fontaines, etc. Le vainqueur des Gaules, Jules César, assure que les anciens germains n’adoraient que la cause visible et ses principaux agents, que les dieux qu’ils voyaient et dont ils éprouvaient l’influence, le Soleil, la Lune, le Feu ou Vulcain, la Terre sous le nom d’Herta. On trouvait dans la Gaule narbonnaise un temple élevé au vent Circus, qui purifiait l’air. On voyait un temple du Soleil à Toulouse ; il y avait dans le Gévaudan le lac Helanus, auquel on rendait des honneurs religieux. Charlemagne, dans ses capitulaires, proscrit l’usage ancien où l’on était de placer des chandelles allumées auprès des arbres et des fontaines pour leur rendre un culte superstitieux. Canut, roi d’Angleterre, défend dans ses états le culte que l’on rendait au Soleil, à la Lune, au Feu, à l’Eau courante, aux Fontaines, aux Forêts, etc. Les Francs qui passent en Italie sous la conduite de Theudibert, immolent les femmes et les enfants des Goths, et en font offrande au fleuve du Pô, comme étant les prémices de la guerre. Ainsi les Allemands, au rapport d’Agathias, immolaient des chevaux aux fleuves ; et les troyens au Scamandre, en précipitant ces animaux tout vivants dans leurs eaux. Les habitants de l’île de Thulé, et tous les Scandinaves, plaçaient leurs divinités dans le Firmament, dans la Terre, dans la Mer, dans les Eaux courantes, etc. On voit par ce tableau abrégé de l’histoire religieuse de l’ancien continent, qu’il n’y a pas un point des trois parties de l’ancien monde où l’on ne trouve établi le culte de la Nature et de ses agents principaux ; et que les nations civilisées, comme celles qui ne l’étaient pas, ont toutes reconnu l’empire qu’exerçait sur l’homme la cause universelle visible, ou le Monde et ses parties les plus actives. Si nous passons dans l’Amérique, tout nous présente sur la terre une scène nouvelle, tant dans l’ordre physique, que dans l’ordre moral et politique. Tout y est nouveau : plantes, quadrupèdes, arbres, fruits, reptiles, oiseaux, mœurs, usages ; la religion seule est
encore la même que dans l’ancien monde ; c’est toujours le Soleil, la Lune, le Ciel, les Astres, la Terre et les Éléments qu’on y adore.
Les Incas du Pérou se disaient fils du Soleil ; ils élevaient des temples et des autels à cet astre, et avaient institué des fêtes en son honneur : il y était regardé, ainsi qu’en Égypte et en Phénicie, comme la source de tous les biens de la Nature. La Lune, associée à son culte, y passait pour la mère de toutes les productions sublunaires ; elle était honorée comme la femme et la sœur du Soleil. Vénus, la planète la plus brillante après le soleil, y avait aussi ses autels, ainsi que les météores, les éclairs, le tonnerre, et surtout la brillante Iris ou l’arc-en-ciel. Des vierges étaient chargées, comme les vestales à Rome, du soin d’entretenir le feu sacré perpétuel.
Le même culte était établi au Mexique, avec toute la pompe que donne à sa religion un peuple instruit. Les Mexicains contemplaient le ciel, et lui donnaient le nom de créateur et d’admirable : il n’y avait point de partie un peu apparente dans l’Univers, qui n’eût chez eux ses autels et ses adorateurs.
Les habitants de l’isthme de Panama, et de tout ce qu’on appelle terre-ferme, croyaient qu’il y a un Dieu au Ciel, et que ce Dieu était le Soleil, mari de la Lune ; ils adoraient ces deux astres comme les deux causes suprêmes qui régissent le Monde. Il en était de même des peuples du Brésil, des Caraïbes, des Floridiens, des Indiens de la côte de Cumana, des sauvages de la Virginie, et de ceux du Canada et de la baie d’Hudson.
Les Iroquois appellent le ciel Garonthia ; les Hurons, Sironhiata, et les uns et les autres l’adorent comme le grand génie, le bon maître, le père de la vie ; ils donnent aussi au soleil le titre d’être suprême.
Les sauvages de l’Amérique septentrionale ne font point de traité sans prendre pour témoin et pour garant le Soleil, comme nous voyons que fait Agamemnon dans Homère, et les Carthaginois dans Polybe. Ils font fumer leurs alliés dans le calumet, et en poussent la fumée vers cet astre. C’est aux Panis, qui habitent les bords du Missouri, que le Soleil a donné le calumet, suivant la tradition de ces sauvages. Les naturels de l’île de Cayenne adoraient aussi le Soleil, le Ciel et les Astres : en un mot, partout où l’on a trouvé des traces d’un culte en Amérique, on a aussi reconnu qu’il se dirigeait vers quelques-unes des parties du grand tout ou du Monde. Le culte de la Nature doit donc être regardé comme la religion primitive et universelle des deux Mondes. À ces preuves tirées de l’histoire des peuples des deux continents, s’en joignent d’autres tirées de leurs monuments religieux et politiques, des divisions et des distributions de l’ordre sacré et de l’ordre social, de leurs fêtes, de leurs hymnes et de leurs chants religieux, des opinions de leurs philosophes.
Dès que les hommes eurent cessé de se rassembler sur le sommet des hautes montagnes pour y contempler et y adorer le Ciel, le Soleil, la Lune et les autres astres leurs premières divinités, et qu’ils se furent réunis dans les temples, ils voulurent retrouver dans cette enceinte étroite les images de leurs dieux, et un tableau régulier de cet ensemble admirable, connu sous le nom de Monde ou du grand tout qu’ils admiraient. Ainsi le fameux labyrinthe d’Égypte représentait les douze maisons du soleil, auquel il était consacré par douze palais, qui communiquaient entre eux, et qui formaient la masse du temple de l’astre qui engendre l’année et les saisons, en circulant dans les douze signes du Zodiaque. On trouvait dans le temple d’Héliopolis ou de la ville du Soleil, douze colonnes chargées de symboles relatifs aux douze signes et aux éléments. Ces énormes masses de pierres consacrées à l’astre du jour avaient la figure pyramidale, comme la plus propre à représenter les rayons du soleil, et la forme sous laquelle s’élève la flamme.
La statue d’Apollon Agyeus était une colonne terminée en pointe, et Apollon était le soleil. Le soin de figurer les images et les statues des dieux en Égypte n’était point abandonné aux artistes ordinaires. Les prêtres en donnaient les dessins, et c’était sur des sphères, c’est-à-dire, d’après l’inspection du ciel et de ses images astronomiques, qu’ils en déterminaient les formes. Aussi voyons-nous que dans toutes les religions les nombres sept et douze, dont l’un rappelle celui des planètes et l’autre celui des signes, sont des nombres sacrés, et qui se reproduisent sous toutes sortes de formes. Tels sont les douze grands dieux ; les douze apôtres ; les douze fils de Jacob ou les douze tribus ; les douze autels de Janus ; les douze travaux d’Hercule ou du soleil ; les douze boucliers de Mars ; les douze frères Arvaux ; les douze dieux Consentes ; les douze membres de la lumière ; les douze gouverneurs dans le système manichéen ; les douze adeetyas des Indiens ; les douze azes des Scandinaves ; la ville aux douze portes de l’Apocalypse ; les douze quartiers de la ville, dont Platon conçoit le plan ; les quatre tribus d’Athènes, sous-divisées en trois fratries, suivant la division faite par Cécrops ; les douze coussins sacrés, sur lesquels est assis le créateur dans la cosmogonie des Japonais ; les douze pierres du rational du grand-prêtre des Juifs, rangées trois par trois, comme les saisons ; les douze cantons de la ligue étrusque, et leurs douze lucumons ou chefs de canton ; la confédération des douze villes d’Ionie ; celle des douze villes d’Eolie ; les douze Tcheou, dans lesquels Chun divise la Chine ; les douze contrées entre lesquelles les habitants de la Corée partagent le Monde ; les douze officiers chargés de traîner le sarcophage dans les funérailles du roi de Tunquin ; les douze chevaux de main ; les douze éléphants, etc., conduits dans cette cérémonie.
Il en fut de même du nombre sept. Tel le chandelier à sept branches, qui représentait le système planétaire dans le temple de Jérusalem ; les sept enceintes du temple ; celles de la ville d’Ecbatane, également au nombre de sept, et teintes de couleurs affectées aux planètes ; les sept portes de l’antre de Mithra ou du soleil ; les sept étages de la tour de Babylone, surmontés d’un huitième qui représentait le ciel, et qui servait de temple à Jupiter ; les sept portes de la ville de Thèbes, portant chacune le nom d’une planète ; la flûte aux sept tuyaux, mise entre les mains du Dieu qui représente le grand tout ou la nature, Pan ; la lyre aux sept cordes, touchée par Apollon ou par le dieu du Soleil ; le livre des Destins, composé de sept tablettes ; les sept anneaux prophétiques des Brachmanes, où était gravé le nom d’une planète ; les sept pierres consacrées aux mêmes planètes en Laconie ; la division en sept castes, adoptée par les Égyptiens et les Indiens dès la plus haute antiquité ; les sept idoles que les bonzes portent tous les ans en pompe dans sept temples différents ; les sept voyelles mystiques qui formaient la formule sacrée, proférée dans les temples des planètes ; les sept Pyrées ou autels du monument de Mithra ; les sept Amchaspands ou grands génies invoqués par les Perses ; les
sept archanges des Chaldéens et des Juifs ; les sept tours résonantes de l’ancienne Byzance ; la semaine chez tous les peuples, ou la période de sept jours consacrés chacun à une planète ; la période de sept fois sept ans chez les Juifs ; les sept sacrements chez les chrétiens, etc. C’est surtout dans le livre astrologique et cabalistique, connu sous le nom d’Apocalypse de Jean, qu’on retrouve les nombres douze et sept répétés à chaque page. Le premier l’est quatorze fois, et le second vingt-quatre. Le nombre trois cent soixante, qui est celui des jours de l’année, sans y comprendre les épagomènes, fut aussi retracé par les trois cent soixante dieux qu’admettait la théologie d’Orphée ; par les trois cent soixante coupes d’eau du Nil, que les prêtres Égyptiens versaient, une chaque jour, dans un tonneau sacré qui était dans la ville d’Achante ; par les trois cent soixante Éons ou génies des gnostiques ; par les trois cent soixante idoles placées dans le palais du Daïri au Japon ; par les trois cent soixante petites statues qui entouraient celle d’Hobal ou du dieu Soleil (Bel), adoré par les anciens Arabes ; par les trois cent soixante chapelles bâties autour de la superbe mosquée de Balk, élevée par les soins du chef de la famille de Barmécide ; par les trois cent soixante génies qui saisissent l’âme à la mort, suivant la doctrine des chrétiens de saint Jean ; par les trois cent soixante temples bâtis sur la montagne Lowham à la Chine ; par le mur de trois cent soixante stades, dont Sémiramis environna la ville de Belus ou du Soleil, la fameuse Babylone. Tous ces monuments nous retracent la même division du Monde, et du cercle divisé en degrés que parcourt le soleil. Enfin la division du zodiaque en vingt-sept parties, qui exprime les stations de la lune, et en trente-six, qui est celle des décans, furent pareillement l’objet des distributions politiques et religieuses. Non seulement les divisions du Ciel, mais les constellations elles-mêmes, furent représentées dans les temples, et leurs images consacrées parmi les monuments du culte et sur les médailles des villes. La belle étoile de la Chèvre, placée aux cieux dans la constellation du Cocher, avait sa statue en bronze doré dans la place publique des Phliassiens. Le Cocher lui-même avait ses temples, ses statues, ses tombeaux, ses mystères en Grèce, et il y était honoré sous les noms de Myrtie, d’Hippolite, de Sphérœus, de Cillas, d’Érecthée, etc. On y voyait aussi les statues et les tombeaux des Atlantides ou des Pléiades, Steropé, Phœdra, etc. On montrait près d’Argos, le tertre qui couvrait la tête de la fameuse Méduse, dont le type est aux cieux, sous les pieds de Persée. La Lune ou la Diane d’Éphèse orna sa poitrine de la figure du cancer, qui est un des douze signes, et le domicile de cette planète. L’Ourse céleste, adorée sous le nom de Callisto, et le Bouvier sous celui d’Arcas, avaient leurs tombeaux en Arcadie, près des autels du Soleil. Ce même Bouvier avait son idole dans l’ancienneByzance, ainsi qu’Orion, le fameux Nembrod des assyriens ; ce dernier avait son tombeau à Tanagre en Béotie. Les Syriens avaient consacré dans leurs temples les images des poissons, un des signes célestes. Les constellations Nesra ou l’Aigle, Aiyûk ou la Chèvre, Yagutho ou les Pléiades, et Suwaha ou Alhauwaa, le Serpentaire, eurent leurs idoles chez les anciens sabéens. On trouve encore ces noms dans le commentaire de Hyde sur Ulug-Beigh. Le système religieux des Égyptiens était tout entier calqué sur le ciel, si nous en croyons Lucien, et comme il est aisé de le démontrer. En général, on peut dire que tout le ciel étoilé était descendu sur le sol de la Grèce et de l’Égypte pour s’y peindre, et y prendre un corps dans les images des dieux, soit vivantes soit inanimées. La plupart des villes étaient bâties sous l’inspection et sus la protection d’un signe céleste. On tirait leur horoscope : de là les images des astres empreintes sur leurs médailles. Celles d’Antioche sur l’Oronte, représentent le Bélier avec le croissant de la Lune ; celle des Mamertins, l’image du Taureau ; celle des rois de Commagène, le type du Scorpion ; celles de Zeugma et d’Anazorbe, l’image du Capricorne. Presque tous les signes célestes se trouvent sur les médailles d’Antonin ; l’étoile Hesperus était le sceau public des Locriens, Ozoles et Opuntiens. Nous remarquons pareillement que les fêtes anciennes sont liées aux grandes époques de la nature et au système céleste. Partout on retrouve les fêtes solsticiales et équinoxiales. On y distingue surtout celle du solstice d’hiver ; c’est alors que le soleil commence à renaître, et reprend sa route vers nos climats ; et celle de l’équinoxe du printemps ; c’est alors qu’il reporte dans notre hémisphère les longs jours, et la chaleur active et bienfaisante qui met en mouvement la végétation, qui en développe tous les germes, et qui mûrit toutes les productions de la terre. Noël et Pâques chez les chrétiens, adorateurs du soleil sous le nom de Christ, substitué à celui de Mithra, quelqu’illusion que l’ignorance ou la mauvaise foi cherche à se faire, en sont encore une preuve subsistante parmi nous. Tous les peuples ont eu leurs fêtes des quatre temps ou des quatre saisons. On les retrouve jusques chez les Chinois. Un de leurs plus anciens empereurs, Fohi, établit des sacrifices, dont la célébration était fixée aux deux équinoxes et aux deux solstices. On éleva quatre pavillons aux lunes des quatre saisons. Les anciens Chinois, dit Confucius, établirent un sacrifice solennel en honneur du Chang-Ty, au solstice d’hiver, parce que c’est alors que le soleil, après avoir parcouru les douze palais, recommence de nouveau sa carrière pour nous distribuer sa bienfaisante lumière. Ils instituèrent un second sacrifice dans la saison du printemps, pour le remercier en particulier des dons qu’il fait aux hommes par le moyen de la terre. Ces deux sacrifices ne peuvent être offerts que par l’empereur de la Chine, fils du ciel. Les Grecs et les Romains en firent autant, à peu près pour les mêmes raisons. Les Perses ont leur Neurouz, ou fête du soleil dans son passage sous le bélier ou sous le signe de l’équinoxe du printemps, et les Juifs leur fête du passage sous l’agneau. Le Neurouz est une des plus grandes fêtes de la Perse. Les Perses célébraient autrefois l’entrée du soleil dans chaque signe, au bruit des instruments de musique.
Les anciens Égyptiens promenaient la vache sacrée, sept fois autour du temple, au solstice d’hiver. À l’équinoxe du printemps, ils célébraient l’époque heureuse où le feu céleste venait tous les ans embraser la nature. Cette fête du feu et de la lumière triomphante, dont notre feu sacré du samedi saint et notre cierge pascal retracent encore l’image, existait dans la ville du soleil, en Assyrie, sous le nom de fête des bûchers. Les fêtes célébrées par les anciens Sabéens en honneur des planètes, étaient fixées sous le signe de leur exaltation ; quelquefois sous celui de leur domicile, comme celle de Saturne chez les Romains l’était en décembre sous le capricorne, domicile de cette planète. Toutes les fêtes de l’ancien calendrier des pontifes sont liées au lever ou au coucher de quelque constellation ou de quelque étoile, comme on peut s’en assurer par la lecture des fastes d’Ovide. C’est surtout dans les jeux du cirque, institués en l’honneur du Dieu qui distribue la lumière, que le génie religieux des Romains, et les rapports de leurs fêtes avec la nature se manifestent. Le Soleil, la Lune, les Planètes, les Éléments, l’Univers et ses parties les plus apparentes, tout y était représenté par des emblèmes analogues à leur nature. Le soleil avait ses chevaux, qui, dans l’hippodrome, imitaient les courses de cet astre dans les cieux. Les champs de l’Olympe étaient représentés par une vaste arène consacrée au Soleil. Ce dieu y avait au milieu son temple, surmonté de son image. Les limites de la course du soleil, l’Orient et l’occident, y étaient tracées et marquées par des bornes placées vers les extrémités du cirque. Les courses se faisaient d’Orient en occident, jusqu’à sept tours, à cause des sept planètes. Le Soleil et la Lune avaient leurs chars, ainsi que Jupiter et Vénus ; les conducteurs des chars étaient vêtus d’habits de couleur analogue à la teinte des divers éléments. Le char du Soleil était attelé de quatre chevaux, et celui de la Lune de deux. On avait figuré dans le cirque le zodiaque par douze portes : on y retraça aussi le mouvement des étoiles circumpolaires ou des deux Ourses. Dans ces fêtes tout était personnifié ; la Mer ou Neptune, la Terre ou Cérès, ainsi que les autres éléments. Ils y étaient représentés par des acteurs qui y disputaient le prix. Ces combats furent, dit-on, inventés pour retracer l’harmonie de l’Univers, du Ciel, de la Terre et de la Mer. On attribue à Romulus l’institution de ces jeux chez les Romains, et je crois qu’ils étaient une imitation des courses de l’hippodrome des Arcadiens et des jeux de l’Élide. Les phases de la Lune furent aussi l’objet de fêtes, et surtout la Néoménie ou la lumière nouvelle dont se revêt cette planète au commencement de chaque mois ; car le dieu Mois eut ses temples, ses images et ses mystères. Tout le cérémonial de la procession d’Isis, décrite dans Apulée, se rapporte à la Nature, et en retrace les diverses parties. Les hymnes sacrés des Anciens ont le même objet, si nous en jugeons par ceux qui nous sont restés, et qu’on attribue à Orphée. Quel qu’en soit l’auteur, il est évident qu’il n’a chanté que la Nature. Un des plus anciens empereurs de la Chine, Chun, fait composer un grand nombre d’hymnes qui s’adressent au Ciel, au Soleil, à la Lune, aux Astres, etc. Il en est de même de presque toutes les prières des Perses, contenues dans les livres zends. Les chants poétiques des anciens auteurs, de qui nous tenons les théogonies, connues sous le nom d’Orphée, de Linus, d’Hésiode, etc., se rapportent à la Nature et à ses agents. Chantez , dit Hésiode aux muses, les  dieux  immortels , enfants  de  la  Terre  et  du  Ciel  étoilé , dieux  nés  du  sein  de  la  Nuit  et  qu’a  nourris  l’Océan , les  Astres  brillants , l’immense  voûte  des  cieux , et  les  dieux  qui  en  sont  nés , la Mer , les  Fleuves , etc. Les chants d’Iopas, dans le repas que Didon donne aux Troyens, contiennent les sublimes leçons du savant Atlas, sur la course de la Lune et du Soleil, sur l’origine des hommes, des animaux, etc. Dans les pastorales de Virgile, le vieux Silène chante le chaos et l’organisation du Monde. Orphée en fait autant dans les argonautiques d’Apollonius ; la cosmogonie de Sanchoniaton ou celle des Phéniciens cache sous le voile de l’allégorie les grands secrets de la Nature, que l’on enseignait aux initiés. Les philosophes qui ont succédé aux poètes qui les précédèrent dans la carrière de la philosophie, divinisèrent toutes les parties de l’Univers, et ne cherchèrent guère les dieux que dans les membres du grand Dieu ou du grand tout appelé Monde, tant l’idée de sa divinité a frappé tous ceux qui ont voulu raisonner sur les causes de notre organisation et de nos destinées. Pythagore pensait que les corps célestes étaient immortels et divin ; que le soleil, la lune et tous les astres étaient autant de dieux qui renfermaient avec surabondance la chaleur, qui  est  le  principe  de  la  vie . Il plaçait la substance de la divinité dans ce feu Éther, dont le Soleil est le principal foyer. Parménide imaginait une couronne de lumière qui enveloppait le Monde, et il en faisait aussi la substance de la divinité, dont les astres partageaient la nature. Alcmeon De Crotone faisait résider les dieux dans le Soleil, dans la Lune et dans les autres Astres. Antisthène ne reconnaissait qu’une seule divinité, la Nature. Platon attribue la divinité au Monde, au Ciel, aux Astres et à la Terre. Xénocrate admettait huit grands dieux, le Ciel des fixes et les sept planètes : Héraclide de Pont professa la même doctrine. Théophraste donne le titre de causes premières aux astres et aux signes célestes. Zénon appelait aussi dieux l’Éther, les Astres, le temps et ses parties. Cléanthe admettait le dogme de la divinité de l’Univers, et surtout du feu Éther, qui enveloppe les sphères et les pénètre. A divinité toute entière, suivant ce philosophe, se distribuait dans les astres, dépositaires d’autant de portions de ce feu divin. Diogène le babylonien rapportait toute la mythologie à la nature ou à la physiologie. Chrysippe reconnaissait le Monde pour dieu. Il faisait résider la substance divine dans le feu Éther, dans le Soleil, dans la Lune et dans les Astres, enfin dans la Nature et ses principales parties. Anaximandre regardait les Astres comme autant de dieux ; Anaximène donnait ce nom à l’Éther et à l’Air ; Zénon, au Monde en
général, et au Ciel en particulier. Nous ne pousserons pas plus loin nos recherches sur les dogmes des anciens philosophes pour prouver qu’ils ont été d’accord avec les plus anciens poètes, avec les théologiens qui composèrent les premières théogonies, avec les législateurs qui réglèrent l’ordre religieux et politique, et avec les artistes qui élevèrent les premiers des temples et des statues aux dieux. Il reste donc démontré, d’après tout ce que nous venons de dire, que l’Univers et ses parties, c’est-à-dire, la Nature et ses agents principaux, ont non seulement dû être adorés comme dieux, mais qu’ils l’ont été effectivement : d’où il résulte une conséquence nécessaire ; savoir : que c’est par la Nature et ses parties, et par le jeu des causes physiques, que l’on doit expliquer le système théologique de tous les anciens peuples ; que c’est sur le Ciel, sur le Soleil, sur la Lune, sur les Astres, sur la Terre et sur les Éléments, que nous devons porter nos yeux si nous voulons retrouver les dieux de tous les peuples, et les découvrir sous le voile que l’allégorie et la mysticité ont souvent jeté sur eux, soit pour piquer notre curiosité, soit pour nous inspirer plus de respect. Ce culte ayant été le premier et le plus universellement répandu, il s’ensuit que la méthode d’explication qui doit être employée la première et le plus universellement, est celle qui porte toute entière sur le jeu des causes physiques et sur le mécanisme de l’organisation du Monde. Tout ce qui recevra un sens raisonnable, considéré sous ce point de vue ; tout ce qui, dans les poèmes anciens sur les dieux et dans les légendes sacrées des différents peuples, contiendra un tableau ingénieux de la nature et de ses opérations, est censé appartenir à cette religion que j’appelle la religion universelle. Tout ce qui pourra s’expliquer sans effort par le système physique et astronomique, doit être regardé comme faisant partie des aventures factices que l’allégorie a introduites dans les chants sur la Nature. C’est sur cette base que repose tout le système d’explication que nous adoptons dans notre ouvrage. On n’adora, avons-nous dit, on ne chanta que la Nature ; on ne peignit qu’elle ; donc c’est par elle qu’il faut tout expliquer : la conséquence est nécessaire.
Abrégé de l’origine de tous les cultes : III
Avant de passer aux applications de notre système et aux résultats qu’il doit donner, il est bon de considérer dans l’Univers, tous les rapports sous lesquels les anciens l’ont envisagé. Il s’en faut de beaucoup qu’ils n’aient vu dans le Monde, qu’une machine sans vie et sans intelligence, mue par une force aveugle et nécessaire. La plus grande et la plus saine partie des philosophes ont pensé que l’Univers renfermait éminemment le principe de vie et de mouvement que la nature avait mis en eux, et qui n’était en eux que parce qu’il existait éternellement en elle, comme dans une source abondante et féconde, dont les ruisseaux vivifiaient et animaient tout ce qui à vie et intelligence. L’homme n’avait pas encore la vanité de se croire plus parfait que le Monde, et d’admettre dans une portion infiniment petite du grand tout, ce qu’il refusait au grand Tout lui-même ; et dans l’être passager, ce qu’il n’accordait pas à l’être toujours subsistant. Le Monde paraissant animé par un principe de vie qui circulait dans toutes ses parties, et qui le tenait dans une activité éternelle, on crut donc que l’Univers vivait comme l’homme et comme les autres animaux, ou plutôt que ceux-ci ne vivaient que parce que l’Univers essentiellement animé, leur communiquait, pour quelques instants, une infiniment petite portion de sa vie immortelle, qu’il versait dans la matière inerte et grossière des corps sublunaires. Venait-il à la retirer à lui ? L’homme et l’animal mouraient, et l’Univers seul, toujours vivant, circulait autour des débris de leurs corps par son mouvement perpétuel, et organisait de nouveaux êtres. Le feu actif ou la substance subtile qui le vivifiait lui-même, en s’incorporant à sa masse immense, en était l’âme universelle. C’est cette doctrine qui est renfermée dans le système des Chinois, sur l’Yang et sur l’Yn, dont l’un est la matière céleste, mobile et lumineuse, et l’autre la matière terrestre, inerte et ténébreuse, dont tous les corps se composent. C’est le dogme de Pythagore, contenu dans ces beaux vers du sixième livre de l’Énéide, où Anchise révèle à son fils l’origine des âmes, et le sort qui les attend après la mort. Il  faut  que  vous  sachiez , lui dit-il, ô  mon  fils , que  le  ciel  et  la  terre , la  mer , le  globe  brillant  de  la  lune , et  tous  les  astres , sont  mus par  un  principe  de  vie  interne , qui  perpétue  leur  existence ; qu’il  est  une  grande  âme  intelligente , répandue  dans  toutes  les  parties du  vaste  corps  de  l’Univers , qui  se  mêlant  à  tout , l’agite  d’un  mouvement  éternel . C’est  cette  âme  qui  est  le  source  de  la  vie  de l’homme , de  celle  des  troupeaux , de  celles  des  oiseaux  et  de  tous  les  monstres  qui  respirent  au  sein  des  mers . La  force  vive  qui les  anime , émane  de  ce  feu  éternel  qui  brille  dans  les  cieux  et  qui , captif  dans  la  matière  grossière  des  corps  ne  s’y  développe qu’autant  que  le  permettent  les  diverses  organisations  mortelles  qui  émoussent  sa  force  et  son  activité . A  la  mort  de  chaque animal , ces  germes  de  vie  particulière , ces  portions  du  souffle  universel , retournent  à  leur  principe  et  à  leur  source  de  vie  qui circule  dans  la  sphère  étoilée . Timée de Locres, et après lui Platon et Proclus, ont fait un traité sur cette âme universelle, appelée âme du Monde, qui, sous le nom de Jupiter, subit tant de métamorphoses dans la mythologie ancienne, et qui est représentée sous tant de formes empruntées des animaux et des plantes, dans le système des Égyptiens. L’Univers fut donc regardé comme un animal vivant qui communique sa vie à tous les êtres qu’il engendre par sa fécondité éternelle. Non seulement il fut réputé vivant, mais encore souverainement intelligent, et peuplé d’une foule d’intelligences partielles répandues
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