l empreinte du lezard
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Extrait de la publication Extrait de la publication L’empreinte du Lézard Extrait de la publication Le Doryphore, coopérative éditoriale 4 bis rue Alfred de Vigny – 56100 Lorient www.doryphore.net ISBN : 978-2-9538602-0-7 Philippe Assié L’empreinte du Lézard Le doryphore Extrait de la publication Extrait de la publication À Myriam, juste par amour. Puissions-nous aller jusqu’au bout comme des chevaux sauvages. Pour bien comprendre l’afaire, il faut que l’œil descende au ras des cailloux. Ton œil. D’abord, cette toufe d’herbe grise avec quelques épis vides qui grelottent de fèvre et du cri des insectes, puis d’autres herbes brûlantes et la chamanique répétition de tant de crissements si secs qu’on les sent racler, aux coutures de l’embrasement. Le jour n’en fnit pas de vouloir s’achever. Il fait mauvais. Pas de cœur battant. Les lézards restent en dessous et c’est leur terre à écailles. Le ciel se décline du violet au jaune, du jaune au violet, d’un infni à l’autre. Lumière rasante et ombres longues. Ensuite, ce point blanc à l’horizon, difcile à localiser – c’est que l’air tremble comme au-dessus d’un lac d’essence, l’air est comme de l’essence prête à te sauter à la gueule... Ce point blanc, qui balance comme un pendule, c’est la tête d’un cheval. Il s’appelle Charko et c’est mon dernier cheval, du pur Camargue avec son crin de sorcière, de la barbe et de la volonté.

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Extrait de la publication
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L’empreinte du Lézard
Extrait de la publication
Le Doryphore, coopérative éditoriale  bis rue Alfred de Vigny –  Lorient www.doryphore.net
ISBN :----
Philippe Assié
L’empreinte du Lézard
Le doryphore
Extrait de la publication
Extrait de la publication
À Myriam, juste par amour. Puissions-nous aller jusqu’au boutcomme des chevaux sauvages.
Pour bien comprendre l’affaire, il faut que l’œil descende au ras des cailloux.Ton œil. D’abord, cette touffe d’herbe grise avec quelques épis vides qui grelottent de fièvre et du cri des insectes, puis d’autres herbes brûlantes et la chamanique répétition de tant de crissements si secs qu’on les sent racler, aux coutures de l’embrasement. Le jour n’en finit pas de vouloir s’achever. Il fait mauvais. Pas de cœur battant. Les lézards restent en dessous et c’est leur terre à écailles. Le ciel se décline du violet au jaune, du jaune au violet, d’un infini à l’autre. Lumière rasante et ombres longues. Ensuite, ce point blanc à l’horizon, difficile à localiser – c’est que l’air tremble comme au-dessus d’un lac d’essence, l’air est comme de l’essence prête à te sauter à la gueule... Ce point blanc, qui balance comme un pendule, c’est la tête d’un cheval. Il s’appelle Charko et c’est mon dernier cheval, du pur Camargue avec son crin de sorcière, de la barbe et de la volonté. Il va d’un bon pas et le mec dessus, c’est moi… dans un drôle d’état c’est vrai, mais putain ça n’a pas été de la tarte et à dire vrai, ça va pas fort. Mes jambes sont écorchées mille fois, noircies au noir de feu ; et ces coulures noires, des mains jusqu’aux avant-bras, c’est sûrement le sang du chien ou peut-être le mien… Ma bonne vieille tunique de guerre a bien morflé,
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Extrait de la publication
craquée de partout, trouée comme une poêle à châtaignes et elle pendouille d’un côté. Je l’avais achetée à Ibiza cette tunique, il me semble qu’il y a cent ans ; une tunique blanche parce que quand t’es bronzé, y a finalement rien de mieux. En plus, celle-là est ourlée d’épaisses broderies. Ça a de la tenue, du poids, j’aime bien. Les filles posent leurs yeux dessus, ça je l’ai remarqué. Tant j’ai porté et aimé cette fringue, il aurait été d’ailleurs juste voire simplement correct qu’un jour je puisse rencontrer celle qui, en Inde, l’avait cousue pour lui dire quatre mots sympas sur son boulot, ce qu’elle m’avait apporté, ce que j’avais vécu avec et lui payer un soda, au minimum. J’ai noué entre eux mes cheveux sur le haut de ma tête, il me semble que c’est là qu’ils me gênaient le moins. Mais du coup ma nuque flambait, c’était insupportable. Voilà pour-quoi je me balade à cheval avec ce rameau de câprier pendu à l’arrière du crâne. Autour les formes tanguent, les insectes du sol s’accrochent et deviennent fous, leurs cris s’agrippent aux tremblements du monde et chevauchent l’air dans des assauts démembrés ; l’air chavire et vient autour balader ses menaces. Putain, au-delà du plateau hurlant comme une arène, des col-lines de cendres, ces éperons de roche crue qui griffent le ciel jusqu’à se fourrer dedans, cette fumée noire, dure, pailletée de fer, fongoïde. C’était chez moi… Putain, c’était chez moi.
« Montrez-vous petits frères. Dites-moi si je dois continuer vers le Sud. » Ça va pas fort. J’ai dû monter à quarante de fièvre.
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Extrait de la publication
Éblouissant. Ébloui. Éblouissement. J’avance dans la réso-nance du gong.
J’ai mis longtemps à trouver la rivière, cette rivière dont j’ignore le nom et dont la gorge partage le plateau de part en part. La localiser ne me posait pas de problème, il me semblait même reconnaître l’endroit. Peut-être y étais-je venu faire une livraison au temps de la « Lélia’s Messenger Service LTD ». Plus difficile à débusquer, cet éboulis entre les à-pics pour atteindre le fond et l’ombre de ce cordon de peupliers, de frênes et de charmes qui accompagne son cours sur mille courbes ; une eau claire, quasi immobile de vingt centimètres d’épaisseur sur un fond de galets moussus vieil or, les arbres en parasol au-dessus, l’air tiède et la chanson fragile du courant dans un étranglement de roche. Dessellé, Charko s’était plié autour de ses genoux en grondant d’aise pour se rouler dans le sable, s’était relevé, ébroué, roulé à nouveau avant de boire à la frange de l’eau, le roux de la plage plaqué à sa sueur et des feuilles sèches plein le crin. Moi je me suis assis à poil au milieu de la rivière sans nom pour finir allongé sur le dos et c’était presque un acte sexuel. Au-dessus de moi trente mètres de falaises, pigments cuits et rouille, une tranche assassine de ciel gris et blanc et des musiques d’insectes. Au centre de l’ogive, l’astre est un œil plein de sang. Le canyon s’ouvre au nord sur une prairie semée de rochers ronds où les herbes fines se penchent ensemble ; des ruisseaux de fumée s’y diluent lentement comme de l’encre. Un moment mes amis sont apparus, transparents et bleus sur leurs petits 11
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