Le multilatéralisme, l'organisation mondiale du commerce et l'Union européenne - article ; n°1 ; vol.226, pg 11-17

Jean-Marc Siroën

Description

Économie rurale - Année 1995 - Volume 226 - Numéro 1 - Pages 11-17
The function of GATT was to lay down rules for a co-operative order between countries. This task became more difficult to comply. Thus the Uruguay Round arrangement will be weakened by antidumping or countervailing measures and quantitative bilateral arrangements (even forbidden). The new World Trade Organization will not be able to work efficiently. It will not prevent the countries from discriminatory measures used by the most powerful members. The European Union will have to conduct a consistent strategy for convincing the other members to adopt a co-operative attitude which should be compatible with the respect of national sovereignties.
Cet article montre que le gatt avait pour fonction d'imposer des règles de coopération. Cette tâche est devenue de plus en plus difficile. Ainsi, l'accord de libéralisation des accords d'Uruguay sera affaibli par les mesures antidumping, anti subventions et (malgré leur interdiction) les accords quantitatifs bilatéraux. L'Organisation mondiale du commerce n'aura pas les moyens de fonctionner efficacement. Elle n'empêchera pas l'adoption de mesures discriminatoires par les membres les plus puissants. L'Europe devra mener une stratégie cohérente pour faire prévaloir une conception coopérative qui préserve la souveraineté des nations.
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: ECONOMIE_RURALE
• Publié le: 01 janvier 1995
• Nombre de lectures: 36
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Jean-Marc Siroën
Le multilatéralisme, l'organisation mondiale du commerce et
l'Union européenne
In: Économie rurale. N°226, 1995. pp. 11-17.
Abstract
The function of GATT was to lay down rules for a co-operative order between countries. This task became more difficult to
comply. Thus the Uruguay Round arrangement will be weakened by antidumping or countervailing measures and quantitative
bilateral arrangements (even forbidden). The new World Trade Organization will not be able to work efficiently. It will not prevent
the countries from discriminatory measures used by the most powerful members. The European Union will have to conduct a
consistent strategy for convincing the other members to adopt a co-operative attitude which should be compatible with the
respect of national sovereignties.
Résumé
Cet article montre que le gatt avait pour fonction d'imposer des règles de coopération. Cette tâche est devenue de plus en plus
difficile. Ainsi, l'accord de libéralisation des accords d'Uruguay sera affaibli par les mesures antidumping, anti subventions et
(malgré leur interdiction) les accords quantitatifs bilatéraux. L'Organisation mondiale du commerce n'aura pas les moyens de
fonctionner efficacement. Elle n'empêchera pas l'adoption de mesures discriminatoires par les membres les plus puissants.
L'Europe devra mener une stratégie cohérente pour faire prévaloir une conception coopérative qui préserve la souveraineté des
nations.
Citer ce document / Cite this document :
Siroën Jean-Marc. Le multilatéralisme, l'organisation mondiale du commerce et l'Union européenne. In: Économie rurale.
N°226, 1995. pp. 11-17.
doi : 10.3406/ecoru.1995.4716
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecoru_0013-0559_1995_num_226_1_4716Jean-Marc SIROËN
u
e multilatéralisme,
l'organisation mondiale
du commerce et l'Union européenne
1. La question du libre-échange Le multilatérale 15 décembre le 1993 plus long s'est de achevé l'histoire le cycle presque de négociation cinquanten
La défense du libre-échange n'a pas pour seule justification aire du gatt. Ce cycle d'Uruguay devrait être le dernier de théorique la théorie des avantages comparés, exposée par
ce type puisque l'Organisation mondiale du commerce, mise Ricardo en 1817 (1). Pour reprendre les expressions de Krug-
en place le 1er janvier 1995, devrait devenir un organe perma man (1993), le débat a donc été articulé autour des arguments
nent de négociation. « étroits » (narrow) plutôt qu' « élargis » (broad) aux effets
ignorés par Ricardo (comme l'imperfection des marchés et
Les phases finales de la négociation multilatérale d'Uruguay l'existence des rendements d'échelle croissants). Rappelons
ont donné lieu en France à des débats parfois acérés. Le gatt que l'argument « étroit » des avantages comparés repose sur
a été présenté par certains comme l'incarnation d'un libre- la démonstration que tous les pays peuvent participer et
échangisme « mondialiste » inadapté à la réalité économique gagner à l'échange, quel que soit leur niveau de développe
ment initial. Pour cela, les pays les plus efficaces se spécialimoderne (Allais, 1994). Pourtant, l'image de cette institution
bientôt disparue, ne reflète pas, dans ses fondements comme seraient dans les productions où, comparativement aux autres
pays, leur avantage serait plus élevé. En cas de plein emploi dans sa pratique, ce portrait. Toutefois, si le gatt a bien per
des ressources nationales, les gains liés à la spécialisation ne mis d'éviter le déclenchement de guerres commerciales, il n'a
peuvent être obtenus que par la réallocation des facteurs. Le pas su contenir certaines dérives néo-protectionnistes : usage
secteur à vocation importatrice libère des facteurs qui deviensystématique des actions antidumping à des fins protectionn
nent disponibles pour le secteur exportateur qui les utilise plus istes, développement de barrières quantitatives officieuses
efficacement. de type « restriction volontaire des exportations », généralisa
tion d'accords bilatéraux et d'actions unilatérales... Malgré les Le sous-emploi condamne-t-il pour autant le libre-échange? apparences rassurantes, les mesures adoptées ont peu de Dans une approche du commerce international, que l'on pourrchances d'éviter la persistance de ces dérives. ait qualifier de keynésienne, la croissance trouve moins son
origine dans l'exploitation plus efficace des ressources rares Certaines d'entre elles s'expliquent par la faiblesse institu disponibles que dans l'utilisation plus intensive de ressources
tionnelle du gatt. Sa transformation en véritable organisation sous-employées. Les exportations, composantes de la -l'Organisation mondiale du commerce- constitue de ce point demande effective, constituent alors un soutien à l'emploi au
de vue une réponse pertinente. Nous verrons que son statut même titre que, par exemple, les dépenses publiques. Dans
actuel ne lui permettra pourtant pas d'assumer efficacement cette conception plus mercantiliste, la libéralisation des
les fonctions qui lui ont été conférées. échanges sera alors appréciée par sa capacité à résorber le
chômage et à stimuler la croissance.
La position européenne est intermédiaire : première puissance
commerciale, elle se trouve parfois en position de faiblesse 2. Les fondements doctrinaux du gatt
vis-à-vis des États-Unis. Aussi a-t-elle tendance à adopter des
Les accords de Bretton Woods (1944) en général, et le gatt, positions peu cohérentes qui permettent aux États-Unis de
en particulier, avaient pour fonction de créer les institutions préserver leur prééminence dans la définition du mode d'or qui rendraient viables la perspective « keynésienne » du comganisation des relations économiques internationales. merce international, moteur de croissance. Eichengreen et
Kenen (1994) rappellent qu' « au cœur des thèses formulées
au cours des négociations [de Bretton Woods], résidait la
conviction que les institutions internationales de l'après- Le Gatt, « libre-échangisme mondial » guerre devaient permettre et faciliter véritablement la pours
ou mercantilisme éclairé? uite des politiques keynésiennes de stabilisation ainsi que des
objectifs sociaux fixés par V Etat-providence ».
A l'occasion des débats sur l'Uruguay Round, certains com
mentateurs ont développé un argumentaire contestable qui 1. L'édition de 1821 vient de faire l'objet d'une nouvelle traductassimile cette institution au libre-échangisme ricardien le plus ion aux Éditions Garnier-Flammarion.
doctrinal.
Économie Rurale 226 / Mars-Avril 1995 11 2. Les nations avaient la possibilité de faire jouer leurs préfé
rences sectorielles en libéralisant moins, ou pas du tout, cer
tains secteurs à condition d'en libéraliser d'autres.
Pour être opérationnelle, cette stratégie exigeait que les prisonnier ordre soit. donc Les libéraliser effet surenchères ouvrir intérêts La montré moins coopératif des conduirait libéralisation leur » débouchés où protectionnistes. pour que commerce, la qui protectionnistes défense les finalement fonction évite des aux nations, échanges, des rationnelle pays s'étaient, de situations à Le plutôt exportateurs. l'équilibre réallouer des gatt promue au par années que contraire, de visera chaque les le de type par plus ressources 1930 s'associer à « le nation mauvais livrées instituer dilemme gatt, avaient de avait à pour qu'à des qui ses un du en mesures de protection soient transparentes, quantifiables, et
donc comparables, d'où la préférence du gatt pour la tran
sformation des protections existantes en tarifs douaniers. Cette
dernière procédure a d'ailleurs été appliquée pour l'agricul
ture dans l'Uruguay Round.
Si le principe de réciprocité globale est toujours formellement Les critiques les plus virulentes du GATT commettent donc un
appliqué il a, de fait, été vidé de toute portée pratique. La contresens en assimilant cette institution au libre-échangisme
logique d'un instrument unilatéral, comme la Section 301 ricardien le plus doctrinaire. Non seulement, les textes ne font
américaine, réintroduit, en dehors du gatt, le principe d'une aucune référence, même implicite, à la théorie orthodoxe,
réciprocité en nivea