CHANTIER SUR LA LUTTE CONTRE LE RACISME ET L ANTISEMITISME
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CHANTIER SUR LA LUTTE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME

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CHANTIER SUR LA LUTTE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME
Rapport présenté par Jean-Christophe RUFIN, Ecrivain, médecin et responsable de nombreuses associations d'aide humanitaire Remis à Monsieur le Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés Locales le 19 octobre 2004 Suite à une lettre de mission en date du 29 juin 2004 EMBARGO MARDI 19 OCTOBRE 2004 A 10 H 30
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Remarques préliminaires
Avant dexposer le résultat de ces quelques mois de réflexion et denquête, il est nécessaire de rappeler le cadre et les limites de lexercice qui ma été confié. Les « chantiers » ouverts par Dominique de Villepin pour approfondir un certain nombre de sujets gravement préoccupants pour la nation ont été volontairement définis « en creux ». Il ne devait sagir ni de commissions regroupant plusieurs membres, encore moins dun organe représentatif de toutes les sensibilités et tendances, ni dun audit de consultant sur le fonctionnement dun ministère. Il nétait pas question non plus de rédiger un volumineux rapport denquête administrative. Tout reposait en somme sur une seule personne, choisie pour sa sensibilité à un sujet, sans en être nécessairement expert. Charge à elle de questionner ceux qui, dans lappareil dEtat ou hors de lui, pouvaient contribuer à léclairer sur le sujet. Le résultat nest pas un catalogue de mesures mais plutôt une réflexion sur le discours et laction publique, ainsi que des propositions concrètes qui nengagent évidemment que leur auteur. Par sa nature même, la question de lantisémitisme et du racisme plonge ses racines dans tous les secteurs de lactivité gouvernementale (justice, éducation, emploi, affaires étrangères, etc.). Limportance des enjeux rend évidemment dérisoire les questions de prérogatives administratives. On verra que jai abordé certains aspects du sujet qui, stricto sensu, dépassent le cadre des compétences du seul ministère de lIntérieur. Dans la mesure du possible, cependant, jai essayé de ne pas être redondant par rapport à dautres initiatives lancées en ce moment sur le même champ, quil sagisse des autres chantiers détude sur le terrorisme, la cybercriminalité ou légalité des chances, de la mission confiée à Jean-Philippe Moinet dans le cadre du ministère de la Cohésion Sociale ou des travaux constitutifs de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, Nous avons fait en sorte, autant quil était possible, quune information circule entre ces différentes structures de réflexion. Il est clair, toutefois, que cet édifice doit être articulé et quun chantier des chantiers sera nécessaire pour en faire la synthèse et en tirer une cohérence. Cependant, opérer sur la base dun seul ministère a constitué aussi un avantage : cela ma permis de gagner en profondeur ce que je perdais peut-être en surface. Jai pu, avec la collaboration loyale des fonctionnaires de cet immense appareil quest lIntérieur, procéder à
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une passionnante plongée en son sein, du terrain le plus concret (commissariats, patrouilles, services de proximité) jusquà son sommet. Jai pu mesurer également limportance des liens qui existent entre les organes de décision publics et le monde associatif. Dans le domaine de lhumanitaire international doù je viens, les dirigeants des grandes associations ont déjà un accès relativement facile à la haute administration et au pouvoir politique. Mais ce nest rien encore par rapport aux associations de lutte contre lantisémitisme et le racisme. Les présidents des principales associations sont accoutumés à traiter directement avec le Président de la République, le Premier ministre et son gouvernement. On peut sen réjouir et y voir déjà le signe dune priorité donnée à ces questions par lEtat à son sommet. Mais cela ne facilite pas la tâche à lhumble responsable de chantier, choisi hors du sérail, sans titres ni pouvoirs et opérant de surcroît au sein dun seul champ ministériel. Je suis dautant plus reconnaissant à ceux qui ont bien voulu accepter malgré tout de jouer le jeu, de répondre à des questions parfois naïves et de remettre sur le métier en compagnie dun nouveau venu louvrage quils tissent quotidiennement et depuis si longtemps. Promenant sur toutes ces réalités un « regard éloigné » inspiré de celui que Claude Levi-Strauss définissait pour lethnologue, jai dautant plus appris que javais accepté davouer, dès le départ, que jen savais peu. Je souhaite conserver cette humilité à lheure où je présente les idées et propositions qui se sont imposées à moi pendant cette enquête. Sur des sujets aussi vastes, aussi profondément inscrits dans lhistoire que lantisémitisme et le racisme sur lesquels tant a été écrit, il serait présomptueux de prétendre apporter des solutions nouvelles. Cette évidence mavait incité, dans un premier mouvement, à refuser la proposition qui métait faite de diriger ce chantier. Dans des domaines où les passions sont vives et les blessures profondes, il me semblait quil ny avait guère dindulgence à attendre de quiconque. Cependant, en y réfléchissant, il mest apparu quune telle démission aurait été indigne. Signataire de la première pétition en 2002 qui dénonçait les actes antisémites graves perpétrés à cette époque, observateur engagé dans de nombreuses guerres civiles où des pays entiers ont sombré dans la haine intercommunautaire, auteur de romans qui mettent tous en scène les questions du « vivre ensemble » et des rapports interculturels, jaurais fait preuve dune grande lâcheté à refuser de « penser du côté du pouvoir », selon la formule de Raymond Aron et à essayer de comprendre ce qui pouvait changer et comment.
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Il me semble dailleurs que cest là le premier message de ce chantier et peut être le principal : quun Français « de souche » nappartenant à aucune « communauté sensible » se saisisse de ces questions, cest affirmer haut et fort que nul ne peut prétendre sy soustraire. Lantisémitisme et le racisme ne sont pas laffaire de ceux qui en sont victimes. Cela nous regarde tous et cest le cur même de notre vie nationale que ces agressions blessent et menacent. La France, dans le passé, a connu bien des dangers mais elle a su les combattre. Sagissant de lantisémitisme, elle na pas été épargnée. Mais comme le rappelle Michel Winock, à une tradition raciste et antisémite en répond une autre, qui a déjà su triompher : celle qui a fait de la France non seulement le pays qui a condamné Dreyfus mais aussi celui qui, affrontant ses propres démons, la réhabilité.
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Principes généraux
La première évidence qui frappe lobservateur, en matière de lutte contre les actes antisémites et racistes est limportance considérable de ce qui existe déjà : dispositifs de coordination interministérielle (qui culmine avec le comité mensuel présidé par le Premier ministre en personne) ; dispositifs de lien entre administrations et associations (le plus fréquent  hebdomadaire  étant celui qui réunit le CRIF et le ministère de lIntérieur) ; dispositifs policiers de surveillance spécifique (lieux de culte, centres culturels communautaires, etc.) ; dispositifs législatifs répressifs (loi de 1972, loi Gayssot, loi Lellouche, etc) ; dispositifs de sensibilisation et de formation (à destination des fonctionnaires de police, des rectorats, etc.). La simple énumération de toutes ces actions montre clairement que nous ne sommes pas en terrain vierge. Dans quel sens faut-il faire évoluer ces dispositifs pour répondre au défi posé par laccroissement des violences constaté ces dernières années ? Faut-il les faire évoluer dans le sens dun regroupement, comme certains le proposent, en faisant de la lutte contre lantisémitisme une simple catégorie de la lutte contre le racisme et de celle-ci un des aspects de la lutte générale contre les discriminations ? Faut-il au contraire continuer de les séparer mais, de même que lon distingue lantisémitisme du cadre général du racisme, est-il légitime dénumérer plus spécifiquement les différentes communautés quil convient de protéger, jusquà faire fusionner ce dispositif avec celui qui vise à protéger par exemple les homosexuels, les handicapés ou dautres groupes minoritaires ? Quelle priorité donner à la lutte contre lantisémitisme et le racisme par rapport à certains droits fondamentaux, comme la liberté dexpression et de publication ? Ces questions ne peuvent être tranchées que par un ferme rappel des principes.
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