Compte-rendu soirée-débat JR06 #1 : la dépénalisation du cannabis
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COMPTE-RENDU SOIRÉE DÉBAT #1 RÉFORME DE LA PÉNALISATION DU CANNABIS La France est l’un des pays d’Europe les plus concernés par la consommation de cannabis et notamment chez les plus jeunes. En 2014, 17,0 millions de personnes déclaraient avoir déjà pris du cannabis au cours de leur vie. 4,6 millions au cours de l’année, 1.4 millions au moins 10 fois au cours du mois et 700 000 quotidiennement. Le cannabis est une plante classée en France comme un produit stupéant. Il peut être trouvé sous 3 formes : l'herbe (feuilles, tiges et sommitéseuries séchées), la résine (le "haschisch") et l'huile (plus concentrée en principe actif). La consommation de cannabis agit sur le fonctionnement normal du cerveau à plusieurs moments, à court, moyen et long termes. Depuis 1970, notre actuel cadre juridique punit l’usage illicite de stupé ants par l’article L3421-1 du Code de la Santé publique, qui prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et 3750 euros d’amende. Depuis 1990 jusqu’à 2010, on assiste à un accroissement des interpellations pour usage de stupé ants. En e et, le nombre d’a aires liées aux stupé ants a été multiplié par 6 passant de 20 049 à 117 421. Pourtant, le nombre de sanctions n’a pas augmenté proportionnellement à ces chires.

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Publié le 01 mars 2018
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Langue Français
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COMPTE-RENDU
SOIRÉE DÉBAT #1
RÉFORME DE LA PÉNALISATION DU CANNABIS
La France est l’un des pays d’Europe les plus concernés par la consommation de cannabis et notamment chez les plus jeunes. En 2014, 17,0 millions de personnes déclaraient avoir déjà pris du cannabis au cours de leur vie. 4,6 millions au cours de l’année, 1.4 millions au moins 10 fois au cours du mois et 700 000 quotidiennement. Le cannabis est une plante classée en France comme un produit stupéant. Il peut être trouvé sous 3 formes : l'herbe (feuilles, tiges et sommitéseuries séchées), la résine (le "haschisch") et l'huile (plus concentrée en principe actif). La consommation de cannabis agit sur le fonctionnement normal du cerveau à plusieurs moments, à court, moyen et long termes. Depuis 1970, notre actuel cadre juridique punit l’usage illicite de stupéants par l’article L3421-1 du Code de la Santé publique, qui prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et 3750 euros d’amende. Depuis 1990 jusqu’à 2010, on assiste à un accroissement des interpellations pour usage de stupéants. En eet, le nombre d’aaires liées aux stupéants a été multiplié par 6 passant de 20 049 à 117 421. Pourtant, le nombre de sanctions n’a pas augmenté proportionnellement à ces chires. Se questionner sur la dépénalisation du cannabis nécessite une réexion structurée prenant en compte de nombreux aspects soulevés par le sujet : sécuritaires, sanitaires, judiciaires, sociales, économiques pour ne citer que ces grandes thématiques. Force est de constater que la politique pénale en matière de lutte contre les drogues est insatisfaisante, voire inadaptée. Notre système judiciaire s’est en grande partie focalisé sur l’aspect répressif en espérant que la force dissuasive surait à régler les problèmes liés à ces substances.
L’objectif de ce débat n’était pas de trancher sur le thème de la légalisation, ni de mettre tout le monde d’accord sur une idée commune, puisque toutes les sensibilités par rapport à la question étaient présentes et ont pu librement s’exprimer. L’objectif était de faire un état de la situation puis d’organiser une confrontation d’idées et ainsi faire émerger d’éventuelles propositions quant à la réforme voulue par le gouvernement.
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I - L’UTILITÉ DE RÉPRIMER L’USAGE DE STUPÉFIANTS
Comme indiqué plus haut,la consommation de cannabis à des eets néfastes sur la santé.À court terme d’abord, des eets sont déjà observables. D’abord, une altération de l’attention, avec une réduction de la vue et de l’audition, des mouvements ralentis au même titre que les réexes. Les conséquences sont donc très dangereuses au volant par exemple. Aussi, peut survenir ce qu’on nomme le «bad trip» (survient après avoir fumé ou en cas de consommation d’un produit avec un fort taux de THC) : tremblements, sueurs froides, nausées vomissements, sentiment d’angoisse et de persécution ou encore perte de connaissance.À moyen terme ensuite, avec des troubles du comportement ou encore de la mémoire et une
diminution de la capacité à apprendre et se souvenir.À long terme enn, avec une augmentation du risque de maladie mentale (notamment la schizophrénie) et du risque de cancer des poumons et de la gorge. En eet, le cannabis contient plus de substances cancérigènes que le tabac. L’Oce National des Drogues et de la Toxicomanie (OFDT) en collaboration avec l’Institut National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice (INHESJ) ont récemment présenté un rapport intituléCannalexproposant une étude menée suite à la légalisation du cannabis dans 3 États : Washington, Colorado et Uruguay. Le but est notamment de voir les conséquences de la légalisation dans des États ayant menés l’expérience, soit à desns économiques, soit à desns sécuritaires, pour faire diminuer la criminalité et la délinquance liées aux tracs. Pour précision, les États américains ont légalisé dans le but de générer des recettes économiques alors que l’Uruguay l’a fait dans le but de lutter contre la criminalité, sans donc réellement taxer
les produits puisque là n’était pas le but.
Contrairement aux idées avancées par les défenseurs de la légalisation, cette étude révèle des points surprenants. Concernant la santé publique d’abord, puisquela légalisation a bien entendu entrainé une hausse massive de la consommationde cette drogue, la légalisation entrainant une désinhibition quant à l’absorption de cannabis, donc une baisse de la perception de la dangerosité. Le résultat a été notamment une hausse spectaculaire des consultations aux urgences et hospitalisations en lien avec la consommation de cannabis ainsi que d’enfants exposés accidentellement. Ensuite,dans aucun des 3 États une baisse signicative de la criminalité et de la délinquance n’a été observée. En eet dans les 3 cas se
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maintenait un marché parallèle représentant entre 1/3 et 3/4 du marché total du cannabis dans l’État, ainsi qu’une réorientation dans le marché des délinquants. Concernant l’économie enn, si l’attrait touristique des États ayant légalisé la consommation récréative de cannabis a été certes renforcée, la part du cannabis demeure modeste dans le PIB des États américains observés (environ 1%). Le rapport pointe en revanche à juste titre que ces recettes doivent être contrebalancées par les dépenses des eets négatifs engendrés par la légalisation, à savoir le cout à long terme lié à l’accidentologie routière, aux hospitalisations ou à la baisse de la productivité.
Partant de ce constat, nous restons très réservés quant à l’ecacité de la légalisation et ses pseudos «vertus» positives.
II - UNE RÉPONSE PÉNALE INSATISFAISANTE AU REGARD DE LA SITUATION.
Les échanges ont mis en évidence le décalage entre la lettre du Code pénal qui est très sévère et les réponses trop peu dissuasives et qui n’ont pas permis d’enrayer la croissance de la consommation de cannabis, notamment chez les jeunes. Si une peine
est eectivement prévue à l’article L3421-1 du Code de la Santé publique pour ceux qui consomment des produits stupéants (1 an de prison et 3 750 euros d’amende), la sanction inigée par le juge n’est pas au rendez-vous (65 % des 68 681 mesures alternatives aux poursuites prononcées en 2016 ont été de simples rappels à la loi).
Cette non-sanction peut être mise sur le compte d’une lassitude des juges face à ce
type de comportement, et la volonté de ne pas engorger la machine judiciaire. Cet état conduit à une situation qui est aujourd’hui ubuesque puisqu’un automobiliste roulant à 56 km/h au lieu de 50 km/h (contravention) sera plus sanctionné qu’un consommateur de produits stupéants (délit) qui écopera pour la majorité des cas d’un rappel à la loi pour la première procédure voire pareil en état de récidive légale.
Comme évoqué plus haut, le temps de travail lié à ces infractions atteint des chires astronomiques, atteignant en 2016 un million d’heures. Cette masse horaire n’est pas suivie des eets que l’on pourrait escompter. Ce manque de répression pénale a en eet des eets néfastes. Le premier d’entre eux estla lassitude des policiers face à ces comportements. Un policier sait très bien qu’une intervention pour ce genre de
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délit ne se soldera que par des heures de paperasse administrative sans pour autant que la sanction pénale soit au rendez-vous, les rappels à la loi majoritairement distribués n’ayant absolument aucun eet sur les délinquants. Un autre eet néfaste est labanalisation de la consommation de cannabis. En eet, l’absence de véritable sanction par l’appareil judiciaire laisse supposer que ce type de comportement, s’il est pourtant réprimé selon le Code de la Santé publique et le Code pénal, n’est pas si néfaste, ou dangereux pour la société. Toutefois, cette banalisation n’est pas le seul fait de la non-répression de ces infractions, mais aussi de l’irresponsabilité des discours de certains Ministres, notamment sous le gouvernement de François Hollande, qui appelaient à la légalisation du cannabis.
La réforme annoncée en début d’année par le gouvernement propose l’ajout d’une amende forfaitaire comprise entre 150 et 200 euros sans pour autant toucher à la pénalisation déjà prévue par le corpus législatif.
Pour les personnes présentes opposées à la légalisation, la mise en place d’une amende forfaitaire permettraune meilleure sanction de ce comportement infractionnel. En eet, si aujourd’hui la plupart des cas qui passent devant la justice se soldent par un simple rappel à loi, le fait qu’une amende soit systématiquement
inigée renforcera très certainement la crainte de la répression étatique par les délinquants, ces derniers pouvant alors être plus dissuadés de commettre ces infractions. Les eets seront aussibénéques quant au nombre de personnes concernées par la sanction. L’idée que leurs interventions ne seront plus inutiles quant à l’issue qui leurs sera donnée encourageront très certainement les forces de l’ordre à intervenir plus souvent lors deagrant délit de ladite infraction.
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Un point tend toutefois à limiter l’intérêt de cette réforme : en cas de récidive, l’amende forfaitaire ne saurait être à nouveau appliquée. Si on. Ne veut pas se défausser que la qualication délictuelle, c’est parce qu’il faut armer que la consommation de stupéant reste prohibée, mais aussi que la qualication délictuelle permet aux enquêtes portant sur les tracs de stupéants de par les modalités qu’ouvrent cette qualication (GAV, prise d’empreintes, etc…) Réarmer notre volonté de peines planchers qui permettraient de contrevenir à ce défaut : une peine minimale en raison de la récidive.
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La question qui peut se poser est celle de la sanction inigée au consommateur mineur. En eet, s’il est possible de lui iniger une amende d’un montant maximal de 7 500 euros (l’amende prévue par la réforme entrant donc dans ce périmètre), cette dernière risque de n’avoir qu’un eet direct limité sur l’enfant. Il est évident que ce seront les responsables légaux qui seront les premiers impactés par la sanction. En conséquence, nous serions aussi favorables à la mise en place d’unstage de sensibilisation aux eets de la consommation de droguesautres substances et nocives pour le corps, permettant ainsi dedonner un caractère éducatif à la sanction inigée au mineur. En cas de récidive, la sanction pourrait être assortie de travaux d’intérêts générauxdurée à dé d’une nir dans des associations par exemple.
En eet, si nous encourageons toute initiative visant à renforcer la sanction face à la consommation de drogue,nous regrettons vivement que cette sanction ne soit pas accompagnée d’une politique de santé publique ambitieuse avec plus de prévention et donc un caractère plus pédagogique.
III - L’INUTILITÉ DE RÉPRIMER SANS UNE MEILLEURE PRÉVENTION
Aujourd’hui, l’idée semble être de simplement vouloir renforcer la sanction contre ce qui est un délit pénal. Toutefois, pour les raisons évoquées précédemment, il est évident que le caractère dangereux de l'absorption de cette drogue est aujourd’hui méconnu. Nous considérons quepour que la sanction soit réellement ecace, les raisons motivant l’interdiction doivent être totalement claires pour le contrevenant.
Nous soulignons le fait que la mesure, portée par le seul Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, renforce le côté répressif de la réforme sans pour autant apporter de véritable caractère pédagogique. Cette réforme est pourtant l’occasion parfaite d’allier une sanction plus ecace à une ambitieuse politique de santé publique. D’une même voix, nos échanges ont abouti à la conclusion suivante : pour lutter contre leéau des drogues, on ne peut se contenter du tout-répressif et poursuivre dans l’erreur faite jusqu’à maintenant d’une prévention quasiment inexistante, notamment auprès des jeunes. C’est pourquoi plus qu’une réforme proposée par le seul Ministère de l’Intérieur, nous trouvons plus adéquat que cette réforme soit portée parune mission
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interministériellecomprenant également les Ministères de l’Éducation nationale, de la Justice mais aussi et surtout de la Santé.
Nous nous sommes basés sur l’exemple suédois de prévention. Dans cet État qui est aujourd’hui un de ceux où la consommation de drogues est la plus faible au monde, la prévention apparaît à l’école dès le CM1 et porte sur les drogues dont le cannabis ainsi que sur le tabac ou encore l’alcool. Puis, chaque année cette prévention est reconduite pour les enfants.
En France, la prévention n’apparait dans la vie du jeune qu’au lycée, quand elle y apparait, ce qui est bien trop tard quand on sait que la première consommation chez les jeunes apparait bien souvent entre 13 et 15 ans. Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) dans son rapport précité sur l’évaluation de la lutte contre les substances illicites a constaté que les actions de prévention sont « dispersées » et « présentent une ecacité contestée » chez les jeunes. Aussi pour être ecace,il faut que la prévention des mineurs débute avant qu’ils ne risquent d’être exposé au phénomène, c'est-à-dire avant d’entrer au collège. C’est pourquoi sur le même modèle que celui évoqué précédemment, il serait souhaitable que les programmes de prévention en matière de stupéants doiventêtre généralisés dans les collèges, voire même avant dès le CM2 sur l’ensemble du territoire, puis devrait être reconduit annuellement. En eet, l’idée est que l’enfant soit averti des dangers liés à la consommation des drogues avant même qu’il puisse y être exposéce qui peut être le cas dès l’entrée au collège. Aussi, sur le même modèle que ce qui est fait aujourd’hui dans les collèges et lycées pour la prévention routière,il peut être pertinent de mettre en place une journée nationale de lutte contre les drogues, an de sensibiliser les jeunes aux dangers de la consommation de ces produits toxiques.
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